Livrogne

Un journal de Journal Intime.com

Archive du journal au 23/10/2012.

Sommaire

Et de un!

20 février 2007 à 3h30

Je suis sobre depuis plus de deux ans, déjà. Je suis sobre et heureux de l'être. Je suis sobre et amoureux. Je suis sobre et amoureux de l'être aussi. Ce sera le journal d'un ivrogne qui ne boit plus. Ce sera le fond de ma pensée. Ce sera sans aucun détour ni raccourci. Ce sera sans polir ni même ficeler. Ce sera comme les choses se présentent, quand c'est le bonheur comme des paradis ou des soifs comme des enfers. Ce sera pour partager et qui sait, pour donner envie à d'autres de choisir libéré de l'alcoolisme et de la toxicomanie.

Je vous raconterai demain, ou plus tard, quelques autres bout de ce chemin.

Réparer

21 février 2007 à 3h57

Je pense qu'on demeure un ivrogne. Je suis un ivrogne qui ne boit plus. Plus de deux ans sans faire ce qu'un ivrogne sait faire le mieux, c'est quand même pas si mal même si c'est presque contre nature. Je suis un ivrogne heureux cependant, allez pas croire le contraire. Juste parfois un peu surpris de me rendre compte que les comportements demandent souvent à ressortir, on dit qu'il faut abattre le chien qui a mordu, celui qui a bu boira. Pourtant.

Pourtant je suis convaincu aujourd'hui plus que jamais que je ne remettrai pas la main sur la bouteille. Convaincu surtout que ce bonheur qui m'entoure dans les yeux de cette celle que j'aime, de sa fille qui fait des sourires de 7 ans et de drôles de dents, ben voilà, convaincu que ce bonheur enivre autrement.

Pour y arriver cependant, il se pointe toutes les sortes d'urgences. La plus fréquente c'est celle d'agir, de bouger, de réaliser. Les 20 années de beuveries et de coke ont fait avancer trop vite puis reculer autrement. Alors voilà, il y a les accrochages aussi, les gens qui ont souffert autour. Des actes manqués et d'autres qu'on a pas voulu, des mots et des coups de gueules dont on veut plus parler.

J'ai un ami un jour qui a préféré mourir que de dire son passé. Je suis pas de ceux-là. Je l'ai raconté une fois. Maintenant j'ai plus la force, plus le temps, plus envie, j'aimerais juste avoir un peu de temps encore pour réparer, parce que ça me répare, aussi.

Bourreau et victime chez l'ivrogne

23 février 2007 à 1h58

Si vous avez pas encore votre ivrogne, je vous recommande de vous en trouvez un au plus tôt! C'est utile un ivrogne. C'est celui qui tousse quand les gens ont la grippe, c'est celui qui dérape dans la famille dysfonctionnelle, c'est celui qu'on appelle le symptôme alors qu'il est la manifestation de maux profonds. C'est celui qui est utile, aussi, qui tient tout le monde occupé, centré sur son problème et sa déficience et donc un peu en dehors de soi. C'est déjà moins souffrant.

Prenez ma mère. Voilà deux ans que je ne bois plus et elle continue de raccoler les groupes d'entraide. C'est important, c'est le seul moyen de survivre quand on se retrouve face à soi. Entretenir l'illusion de problème, c'est garder l'illusion d'exister pour un autre.

C'est pareil pour mon ex-femme, une victime dans ce que l'on peut trouver de mieux. Si elle se réjouie que j'ai finalement cessé de boire, il n'en demeure pas moins qu'elle aime à se rappeler que je suis d'abord et avant tout alcolo, ivrogne, c'est générateur de pouvoir et ça vous attire pas mal de compassion.

Au Québec, on parle de plus en plus de famille alcoolique, tout en disant que c'est l'ivrogne qui boit, qui assume la maladie de toute une cellule familiale. On retrouve souvent dans la famille de l'alcoolique tout un tas de comportements qui nous donnent parfois envie de dire de l'un des membres "Ouin! Il devrait boire lui, il serait moins fou me semble!" Et puisque selon lui, c'est l'alcoolique qui le rend fou, on a un cycle de dysfonction assez pervers.

Pour cesser de boire, l'alcoolique a besoin d'un violent bas-fond. Le moment? Imprévisible. Peut-on le provoquer? On peut y arriver en lui coupant quelques liens... Mais au fond, la réalité, c'est qu'au moment de la prise en charge de son rétablissement, le reste de la famille est rarement prêt, lui, pour se retrouver sans les conséquences de l'alcoolisme. La famille alors se retrouve à devoir se remettre en place, se retrouver face à face avec elle-même, l'alcoolique ne boit plus, il n'est plus le centre d'attention, il n'est plus non plus la cause de tous les maux.

Si l'alcoolique parvient à passer ce choc, celui de ne pas comprendre que l'on ne se réjouie pas autant de son rétablissement chez sa famille, alors il s'assure une sobriété plus heureuse. Les victimes? Comme on dit souvent, pour avoir un bourreau, il a fallut de bonnes victimes. L'inverse étant tout aussi vrai, on trouve parfois des victimes qui soit souhaite voir revenir l'instinct du tueur chez le bourreau ou du moins, demeurer victime de choix.

Rarement les familles sont préparées au succès d'un rétablissement. Je souhaite à tous les alcooliques et toxicomanes désireux de se rétablir de le faire pour eux, et non d'attendre ensuite que les gens eux aussi, essaient d'aller mieux.

Revenir dans l'inconfort confortable...

26 février 2007 à 1h11

La femme de ma vie c'est Candide. C'est le nom qu'on lui donne parce qu'elle fait tout un tas de trucs sans trop savoir comment elle y arrive, comme rendre quelqu'un heureux ou tout simplement donner très envie qu'on l'aime toute la vie. Elle fait plein d'autres choses aussi, sans trop savoir comment, comme donner aux gens qui lui parlent le sentiment profond d'être mieux de fermer tout simplement leur gueule.

C'est qu'on a une vie franchement tournée vers le bonheur. Une vie axée sur le temps de vivre, de sentir, de goûter, de ne plus laisser passer, de ne pas dire l'important. Quand la vie nous met au chômage, on en profite pour la respirer. Quand la vie me redonne du boulôt, on en profite pour se payer plus de temps avec nos enfants. Quand la vie arrive on la prend, on la force presque pas sinon si peu, et c'est ce bonheur qu'on ressent qui donne parfois de drôles d'airs aux gens.

C'est qu'ils ont plein de questions. "Oui mais quand ton boulôt va-t'il te rappeler?" - "Toi Candide? de dire son frère" Puis voilà qu'ils partent en pensées, se demandant comment on y arrive, qu'est-ce qui fait que nous ne semblons pas animés de cette inquiétude qui bouleverse la vie, leur vie.

Il y a de celà quelques mois, on leur expliquait, on prenait même le temps de sincèrement leur parler de notre façon de budgeter, de ne pas s'endetter inutilement, de voir à vivre selon nos moyens, d'être créatif dans le bonheur, puis ils retournent dans leur pick up géant toutes roues motrices, remorquant leur méga-roulotte, et ils se demandent qu'est-ce qu'on pouvait bien vouloir dire.

C'est que je devrais travailler, au moins autant qu'eux. Que je bosse 8 à 9 mois par année, seulement 40 heures semaines, pour me reposer 3 mois, c'est injuste. Voilà 40 ans qu'ils travaillent et ils peuvent même pas se le permettre! "Il va pas nous commencer ça!" qu'ils se disent. C'est que voyez-vous, on a pas tout ces trucs à payer, on a que l'amour et les enfants à entretenir. Alors je les laisse à leur très confortable inconfort et dans le jugement.