Si vous avez pas encore votre ivrogne, je vous recommande de vous en trouvez un au plus tôt! C'est utile un ivrogne. C'est celui qui tousse quand les gens ont la grippe, c'est celui qui dérape dans la famille dysfonctionnelle, c'est celui qu'on appelle le symptôme alors qu'il est la manifestation de maux profonds. C'est celui qui est utile, aussi, qui tient tout le monde occupé, centré sur son problème et sa déficience et donc un peu en dehors de soi. C'est déjà moins souffrant.
Prenez ma mère. Voilà deux ans que je ne bois plus et elle continue de raccoler les groupes d'entraide. C'est important, c'est le seul moyen de survivre quand on se retrouve face à soi. Entretenir l'illusion de problème, c'est garder l'illusion d'exister pour un autre.
C'est pareil pour mon ex-femme, une victime dans ce que l'on peut trouver de mieux. Si elle se réjouie que j'ai finalement cessé de boire, il n'en demeure pas moins qu'elle aime à se rappeler que je suis d'abord et avant tout alcolo, ivrogne, c'est générateur de pouvoir et ça vous attire pas mal de compassion.
Au Québec, on parle de plus en plus de famille alcoolique, tout en disant que c'est l'ivrogne qui boit, qui assume la maladie de toute une cellule familiale. On retrouve souvent dans la famille de l'alcoolique tout un tas de comportements qui nous donnent parfois envie de dire de l'un des membres "Ouin! Il devrait boire lui, il serait moins fou me semble!" Et puisque selon lui, c'est l'alcoolique qui le rend fou, on a un cycle de dysfonction assez pervers.
Pour cesser de boire, l'alcoolique a besoin d'un violent bas-fond. Le moment? Imprévisible. Peut-on le provoquer? On peut y arriver en lui coupant quelques liens... Mais au fond, la réalité, c'est qu'au moment de la prise en charge de son rétablissement, le reste de la famille est rarement prêt, lui, pour se retrouver sans les conséquences de l'alcoolisme. La famille alors se retrouve à devoir se remettre en place, se retrouver face à face avec elle-même, l'alcoolique ne boit plus, il n'est plus le centre d'attention, il n'est plus non plus la cause de tous les maux.
Si l'alcoolique parvient à passer ce choc, celui de ne pas comprendre que l'on ne se réjouie pas autant de son rétablissement chez sa famille, alors il s'assure une sobriété plus heureuse. Les victimes? Comme on dit souvent, pour avoir un bourreau, il a fallut de bonnes victimes. L'inverse étant tout aussi vrai, on trouve parfois des victimes qui soit souhaite voir revenir l'instinct du tueur chez le bourreau ou du moins, demeurer victime de choix.
Rarement les familles sont préparées au succès d'un rétablissement. Je souhaite à tous les alcooliques et toxicomanes désireux de se rétablir de le faire pour eux, et non d'attendre ensuite que les gens eux aussi, essaient d'aller mieux.