Ermite, je suis un ermite. Qui a peur des humains. Des femmes. Des serpents. Du monde que je parcours de long en large et de haut en bas.
Enfermé. Seul avec moi-même. Je suis bien. Mais perdu. Solitaire avec mes pensées. Mes angoisses, mes attentes et mes espérances.
Mais il y a toi.
Toi.
Une ambulance passe. La sirène chante la douleur d’un blessé. Moi, je hurle.
Silencieux.
……………………………………..
Qu’est-ce que le progrès ?
Le café fume. Calumet de la paix. Toi, chocolat. Colacao. Ou thé. Je ne sais déjà plus. Peu importe au fond.
Tout ce qui compte ce sont ces quelques instants, heures que je passerai avec toi.
Je ne veux pas que tu voies mes larmes. Je te regarde écrire. Me demande ce que tu écris. Quels mots surgissent de ta plume et de ton cœur.
Tes mots résonnent si doux.
……………………………………
Tu as le sourire. J’ai enfin réussi à t’envoyer un mail. Il était temps après trois tentatives… Je ne suis pas très doué pour les nouvelles technologies…
Habla con Ella….nous sommes tous les deux l’un à côté de l’autre. Je voudrais te prendre la main.
Je pleure. A l’intérieur. Ce film fait jaillir de l’inconscient des images en noir et blanc… Je me sens pommé. Marmelade de vieux démons.
L’odeur, les draps blancs rêches. L’aiguille. Le goutte à goutte. Et puis ce vide infini. Ne plus rien faire. Ne plus rien sentir. Ne plus rien dire. Impuissant. Douleur.
Taire à tout jamais.
Nous avons vécu les mêmes choses.
Tu en parles avec une facilité désarmante.
En quelques mots, gestes, regards, silences.
A force d’être ermite, me coupe de mes contemporains. Je n’arrive plus à communiquer. Un mur.
Je suis une éponge. J’aspire tout ce qui bouge. Chaque brin d’émotion.
Tous les deux à la fenêtre, nous regardons les petits camions faire leurs allers-retours. Remplis de terre. La pelleteuse creuse des trous de mémoire. Et la grue porte des bouffées de bonheur. Pur.
Etre en vie simplement. Tu me rappelles la chance que j’ai. D’être. Vivant.
Et puis dans quelques jours, cet examen.
Je le fais car tu le fais. Tu m’as donné le courage de le passer. Toi, tu le prends cool. On verra bien… Je t’admire. Comment fais-tu ? Cette nonchalance. Feinte ? Peut-être…
Tu pleures…. Je le vois….
Elle t’a envoyée sur les roses, méchamment. Tu quittes la table précipitamment. Le soleil est à peine levé. Je te trouve assise sur un banc. Ton lieu de prédilection. La tête dans les mains. Abattue. Je m’assois à côté de toi. Te prendre dans mes bras. Te consoler. Te dire que des gens comme cela, il ne faut pas s’en occuper. Mais tu as le cœur d’or. Tu ne comprends pas.
Tu te blottis contre moi.
Moi non plus d’ailleurs…. A quoi bon chercher une explication aux réactions humaines ?
Elles sont si étranges parfois. Mais je suis là. Ne t’en fais pas. Je ne te laisserai pas tomber, moi.
Tu es si silencieuse. Parfois on a du mal à se rappeler que tu es là. Mais tu prends de la place dans la vie. Tu as déjà une place dans la mienne. Et dans mon âme.
Ton point d’encrage est ce banc. Bois brun. Sous les arbres. Je t’y retrouve chaque jour. Tu y dors, y lis, y écris. Lieu enchanteur, magique.
J’aime m’asseoir à côté de toi. Tu m’entoures les épaules de ta tendresse. Nous ne disons rien. La seule joie de sentir son cœur battre. Respirer l’air marin. Sentir les rayons de soleil sur la peau.
Je me sens triste même si je n’en montre rien. Tu as retrouvé ton livre sur Dalí…. Et moi qui voulais te faire une surprise… Je me sens désabusé. Tu as l’air si heureuse, tu le serres contre ton cœur comme si …. Peu importe.
Je te le donnerai quand même. Vendredi. De moi à toi. De toi à moi.
Nos regards se croisent, poignée de main. Go. C’est parti.
J’ai tout bon même si j’ai tout faux. L’examen est terminé. Tu es sortie bien avant moi.
Je suis épuisé. Dormir.
Sortie. Petit déjeuner tous ensemble. Tu es là. Pleine de vie. Blaguant. Je crois que je déteins sur toi. On s’échange nos mails. Tout le monde. Les papiers circulent. On se régale. Et puis une idée soudaine. Je me lève. Personne ne semble surpris. Quand je reviens, tu me regardes avec, dans les yeux, cette petite étincelle que je voudrais capturer avec mes doigts.
Au moment de partir, le serveur arrive. Petit déjeuner offert. Qui ? Surprise ! Mais…. Tu te tournes la première vers moi. Oui… c’est mon cadeau d’adieu.
Tu t’approches de moi. Me glisse quelques mots à l’oreille. Je ne réponds rien. Je suis trop ému. Sensible… à fleurs de peau. « Tu es un ange. »
Tu as compris. Tu t’éloignes. Mais jamais très loin. Tu veilles. Petite vigile d’humanité.
La tempête fait rage. Une mini tornade s’est abattue sur la ville. Il pleut averse. Déluge. Je reste à l’intérieur. Ferme les fenêtres partout où je peux. Me sens vider. De tout. Lessivé par la tourmente. Par la fatigue accumulée. Vieil ermite rabougris, je me sens si faible, désemparé.
L’eau dégouline sur les vitres. Comme des dizaines de larmes de joie et de tristesse. De rage aussi.
Le vent se rebelle. Les arbres ploient. Comme je ploie sous l’angoisse du retour. De l’avenir. J’ai peur. A force de fuir, j’ai peur de revenir. De devoir prendre ma vie en main. Mais je te saurais près de moi par la pensée…petit ange gardien.
Merci…Comment te dire ? Tu as l’art de faire de merveilleuses surprises. Merci…. Nous avons réussi. J’ai du mal à y croire. Sur ton mot, en plus des notes : « En plus d’être un ange, c’est un génie. »
Un bon génie ?
Quel beau cadeau… Ca me touche. Ton petit mot à table. Tu es une jeune fille…. Quoi ? Je ne saurais dire…. Je pourrais être ton père…….ton papa de cœur.
Dernier jour.
Je te sens morose. Ne t’en fais pas petite fée, nous nous reverrons. Tu continueras à m’écrire. Je le veux. A tout prix.
Mon cœur aussi est gros. Lourd. Un poids. Tu n’es pas la seule à t’être attachée. Quand pendant un mois, on a quelqu’un comme toi à côté de soi, pas évident de s’en passer….
Je ne trouve pas les mots pour dire ce qui se passa lorsque je lus tes mails…. Tu…. Je…. Emu aux larmes.
Tu m’as fait le plus présent au monde. Tu t’es ouverte à moi…. Tu es un écrivain. Un vrai. Un poète. Je voudrais déguster tes mots tous les jours et toutes les nuits. Ne pas m’arrêter.
Et te prendre avec moi.
Ou plutôt t’accompagner sur ta planète. Dans ton univers.
Etoile d’une nuit.
Continue petite étoile, continue d’enchanter le monde de ta vie, de ton sourire, de tes mots et de tes silences.
Je te vois. Assise, recroquevillée sur le banc. Les yeux fermés. Tu respires doucement. Je t’appelle. Tu lèves la tête lentement. En un éclair, tu comprends. Tu ne dis rien. Souris simplement. Je ne sais que dire… alors je ne dis rien. Te demande simplement de rester là où tu es.
Je pars chercher mon présent. C’est le bon moment. J’en suis certain. Je vois ton air interloqué me voyant arriver avec mon sac.
Je te le tends, tu le prends lentement. Je m’assois à côté de toi. Tu sors du sac le livre. Tu me regardes. Oh, ce regard. A jamais restera gravé dans ma mémoire. Et puis, tu l’ouvres. Tu découvres, à ton tour, mon écriture et mon mot. Tes yeux parcourent les lignes. Et les images. Dalí. Rien que pour toi. Ton peintre préféré et un peu de moi.
Quand il rencontre le mien, le bleu de tes yeux brille de mille étincelles. Tu ne dis rien. Mais j’ai compris. Tu te penches doucement, me fais un bisou sur la joue. Pose ta tête sur mon épaule. J’essaye de plaisanter mais …. Ce n’est pas nécessaire.
Silence…. Complice.
Et puis, la parole retrouve son chemin. Lentement. Tu ris. Je t’explique tout. Tu me dis que je suis un cas. Oui, tu as sans doute raison…
Tu te lèves et pose ta main sur mon ventre… nous plongeons l’un dans l’autre… et comme je suis un homme très sensible, je me tais.
Je sais que tu sais.
Tu sais que je sais.
Le soleil se couche tranquillement. Instants de grâce. Tu m’enlaces de ton bras. J’aimerais tant mettre ma tête, à mon tour, sur ton épaule. M’endormir. Dans l’herbe. Toi à côté de moi.
Tu me prends la main.
Ma gorge est nouée. Aucun son ne sort. Seulement les battements de cœur. A l’unisson.
…………………………………….
Et puis finalement… Une nuit, un jour, le temps virevolte au rythme des au revoir, remises des diplômes. Comme d’habitude, je ne peux m’empêcher d’amuser la galerie. Et toi… Toi tu reçois un bisou de ton prof…Au septième ciel…
Mais il ne reste plus beaucoup d’heures. Dernière photo.
Je vais chercher le journal. Prendre l’air. Me défouler. Faire mon sac. Essayer de penser à autre chose.
Dernier repas.
Une fois dehors….
L’un en face de l’autre. Je me penche vers toi. Te serre contre moi. Ta tête contre mon torse. Tu l’enfouis au plus profond. Tu rentres en moi. Ma main sur tes cheveux. Ne pas te quitter petite lune. Tu fus mon soleil. Tu vas me manquer. Je sens ta main sur ma nuque. Tu restes amarrée.
Nos mains restent accrochées l’une à l’autre. Comme une chaîne. Bouée de sauvetage à notre chagrin.
Ultime adieu.
J’ai peur. Peur de pleurer devant toi. Tout en sachant qu’une fois dans nos chambres. Nous nous effondrerons chacun de notre côté.
N’osant nous retourner.
Je sens ton regard qui me suit jusqu’à la seconde où je disparaîtrais de ta vue. Et là, dans la solitude de nos pensées.
Nous chercherons le sommeil.
Epuisés. Le marchand de sable passera. Et toutes nos larmes s’évaporeront.
Mon petit ange. Merci. Et tu sais tout ce qu’il signifie…