A un moment donné dans mon trou noir, j'ai pensé qu'il pourrait y avoir une réunion hebdomadaire sur le même modèle que les A.A : Les "D.A." pour Dépressifs Anonymes.
Mais cette idée fut bien vite balayée devant la somme d'objections qui se sont élevées en moi.
D'abord il y a une différence entre déprimé et dépressif, faire une dépression, et se sentir mal toute sa vie durant. Pour moi une dépression a un début et une fin. Traverser un mal être toute sa vie durant c'est différent.
Je donne cet exemple car j'ai lu sur un forum " ça fait 30 ans et je commence à m'habiller autrement, à faire attention à moi etc.." où quelqu'un répondait "moi ça fait 20 ans etc..."
Pour en revenir à mon idée (mauvaise) de ce genre de réunion, la première objection qui m'est venue c'est que quand on est on fond du trou la dernière chose que l'on peut faire c'est sortir!
Et puis écouter les malheurs des autres et ben on peut plus puisqu'on est noyé dans les siens. Et il y aurait un sentiment d'échec encore plus grand si on pense ne pas progresser assez vite, qui renforcerait de façon magistrale notre dégoût de nous-même.
Et puis aussi, rien ne soulage, le seul sauveur possible c'est nous et que nous. Toutes les bonnes volontés du monde n'y arrivent pas, que ça soit le conjoint, les enfants, la famille, les amis.
C'est un vice de plus de cette maladie, rien ne nous rattache à la vie. On est tombé dans un trou sans fond aux parois si lisses que rien ne nous permet de nous raccrocher, il fait noir, on a peur, et on se voit tomber, tomber.......
La dépression est une sournoise, une vicieuse qui attend tapie dans un coin du cerveau, qui attend le moment où elle triomphera.
Parfois on la sent bien avant, on la repousse, elle s'éloigne, on pense avoir vaincu mais c'est sans compter sur sa ténacité qui fera qu'un jour on se retrouve KO debout.
Pourquoi ce jour, pourquoi, pourquoi, pas de réponses ou alors plein de réponses..... Mais enfin j'ai bien tenu jusqu'à aujourd'hui, non? et ce jour n'est pas pire qu'hier!
Et voir l'évolution de cette acharnée de Mme D., c'est comme ça que je la nommais quand j'écrivais à certains moments.
Un mal qui grandissait en moi, mais dont je n'osais pas me plaindre, puisque j'étais en bonne santé!
L'ironie c'est que je voyais bien dans quels travers je tombais mais j'avais beau le savoir rien n'y faisait!
Je me trouvais tellement ridicule, tellement stupides ces incapicités, tellement douloureuses aussi.
Ne plus pouvoir sortir de chez soi, emmener son enfant à l'école, avoir peur de tout et de tous, ne pas comprendre ce qui se passait dans ma tête pour que je sois comme cela.
Ne plus avoir de goût, de désir, d'envie, de plaisir. Ca c'est terrible, rien ne vaut la peine, rien ne donne le sourire.
La honte, la culpabilité quand on vous serine que votre enfant est en bonne santé que c'est le principal ou alors pire que tout : "tu dois te sortir de là pour lui". Mais je voudrais bien bon sang!!! Je ne peux pas!!!!!!!!!
Et cette phrase aussi que j'ai détesté entendre "bouge-toi", qui te renvoit directement à ta faiblesse, au fait que là aussi tu ne peux pas!
Les cachets que tu es amené à prendre, bien que tu détestes ça, qui te font dormir, ça c'est le bonheur total, qui te font grossir, qui te font perdre pied aussi avec la réalité dans toute sa simplicité (faire à manger).
Et un beau jour, tu vois des spots télé "la dépression est une maladie", ça passe en radio aussi. Et je me dis "tient on parle de nous", nous parce que je pense à tous les autres gens qui sont comme moi.
Peut-être certaines personnes ont-elles mieux compris ce que quelqu'un de proche vivait.
D'autres non, comme mon compagnon de l'époque, pas du tout réceptif à la psychologie de quelque façon que ça soit.
Mais je ne l'accable pas, c' est difficile pour le partenaire de vivre aux côtés de quelqu'un tombé dans le gouffre de Mme D.
Et pour ses propres enfants........et quelle culpabilité ça engendre même après..........
Aujourd'hui je ne prends plus de médicaments depuis 6 mois, j'arrive à sortir mais j'ai du mal seule (c'est bête je le suis !), j'ai mis un mouchoir sur mes angoisses, et je dois rééduquer mon cerveau vers une autre façon de penser, pour ne pas qu'il retombe dans le chemin traçé par Mme D.
Je me sens fragile, je me suis différente d'avant, je suis encore pleine de peurs mais je me retrouve parfois, j'ai des espoirs parfois, j'y crois parfois.
Et c'est ce "parfois" qui fait toute la différence...