(S)ombre

Un journal de Journal Intime.com

Archive du journal au 25/02/2017.

Sommaire

(Pén)ombre

28 octobre 2016 à 14h51

La pénombre enveloppe la pièce. Seul dans son lit, le visage éclairé par la faible lumière de son téléphone portable, habillé légèrement afin d'être à son aise pour la nuit qui s'annonce, l'homme pense à sa vie. Il revoit dans sa tête les instants passés avec des gens qui ne lui ont apporté que du bonheur, ceux qui n'ont apporté que du malheur, ceux qu'il a juste aperçus, croisés ou simplement ignorés. Il se demande quelle aurait sa vie si il avait fait d'autres choix. Serait-il le même si ses parents n'avaient pas divorcés ? Et si il avait choisi de vivre avec sa mère ? Et si il avait travaillé à l'école ? Il se pose toutes ces questions et ne sait pas où cela l'aurait mené. Il sait qu'il a parcouru un chemin bien précis, parmi des milliards de chemins possibles il a emprunté celui-là. Il a craint son père et est resté avec lui jusqu'à ce que la peur de l'abandon prenne le dessus et soit plus douloureuse que les coups donnés afin de réprimander le petit garçon turbulent qu'il était. Il a préféré choisir d'étudier la chimie, de vouloir améliorer le futur à la recherche d'une ressource écologique. Il est tombé pour la première fois de sa vie sur une jolie demoiselle qui s'est intéressé à lui. Pourquoi lui ? Qu'avait il de spécial ? Il a voulu savoir si c'était juste elle ou si il plaidait vraiment. Et il a charmé des filles, abusé de ses talents pour vérifier... Et il a fait du mal... Et c'est ce mal qu'il a infligé à sa famille, à ses amis, à ses conquêtes, à ses petites amies... Ce mal qui le ronge, qui consomme petit à petit sa joie de vivre, l'oblige à vivre au travers du regard des autres, ne le fait se sentir vivant qu'en étant apprécié, aimé, désiré par les autres. Ce processus d'autodestruction c'est activé il y a des années et personne ne pourra l'arrêter. Au mieux le retarder. Et doucement la pénombre qui entoure son lit se rapproche de lui. La culpabilité, le remord, la haine envers lui même et le dégoût le consument doucement. L'ombre commence à envahir ses draps. La solitude le caresse de ses longs doigts crochus et soudain les ténèbres prennent possession de cet homme, éclairé par la faible lueur de son téléphone portable qui ne diffuse plus sa douce lumière que sur une coquille vide à l'aspect humain.

(Noct)urne

27 décembre 2016 à 20h35

Il fait froid. Emmitouflé sous mon bonnet, mes gants, ma doudoune mon gilet, afin de me protéger de cette nuit glaciale. L'air est humide, il gèle le peu de peau exposé que mes vêtements ne couvrent pas.

De ma main je retiens le doux colosse aux plis caractéristiques qui s'acharne à poursuivre une odeur que le vent hivernal pousse plus loin. Je lui résiste tant bien que mal. L'animal a cette puissance en lui que je connais bien, mais il ne grogne pas lorsque je le réprimande sur son obsessante manie à vouloir me faire aller à son rythme.

Et nous avançons dans cette nuit si sombre, dans ce village peu éclairé, sur ce chemin au bout duquel trône un massif château, imposant de par son implantation au milieu de ce terrain rempli de rien. Ce chemin entouré de plein d'arbres, dépourvus de feuilles pour la plupart, laissant passer entre leurs branches les phares des voitures de ces conducteurs nocturnes qui rentrent dans leurs maisons après une journée certainement harassante.

Seul le bruit de la truffe du canidé sombre, presque invisible dans la pénombre, reniflant la moindre feuille en espérant trouver l'endroit parfait où y déposer son modeste cadeau et ainsi indiquer à tout autre être vivant que ce petit bout de terrain est sien, sans se douter qu'il se fera capturer au petit matin par l'un des siens qui ne manquera pas de lui rappeler qu'il était là avant, couvre le bruit du silence.

Je me laisse guider, aveuglément, ne pouvant déceler la différence de couleur entre le goudron du chemin et l'herbe l'entourant. Mes pensées s'emmêlent, mon coeur s'emballent, mes yeux s'humidifient et mes mains tremblent... Cette femme occupe toute la place dans mon corps. Tant d'inconscience, tant d'innocence, de naïveté, de pureté. Et pourtant elle a déchiré mon coeur... Je lui ai confié, pendant qu'elle serait la seule à pouvoir le réparer. Me serais-je trompé ?

Et la balade nocturne continue, mes yeux s'habituent, mon compagnon canin ne perd pas en intensité, les lumières se font remarquées par leur intense absence. Je freine la course effrénée de mon camarade aux pattes à coussinets et fais demi-tour. Contrarié, l'animal rechigne mais cède en pensant à son panier bien plus chaud que cette air frigorifique.

La promenade prend fin, mon esprit reste embrumé, mon nez congelé, mon coeur émietté et le chien fatigué.

Me voilà rentré, alité, dénudé. Sous cette couette bien chaude. Et pourtant... dans mon corps, il fait froid.