« Il existe une différence fondamentale entre soigner et guérir, la même qu’entre soi-nier et gai-rire.
Soigner, c’est tenter de toucher à la cause et aux conséquences de la cause, c’est vouloir réparer, atténuer, voire supprimer le symptôme, c’est essayer d’enrayer la douleur, diminuer la souffrance, alors que guérir suppose d’accéder au sens de la maladie. De permettre à la personne malade d’entendre ce qu’elle crie (avec des maux). La guérison, au-delà des soins médicamenteux, chirurgicaux, médicaux, supposera donc des soins relationnels qui passe par une écoute de la maladie entendue comme un langage métaphorique, symbolique, avec lequel nous tentons de dire et de cacher l’indicible. Guérir suppose de permettre au malade de retrouver la blessure originelle qui s’exprime avec un mal-à-dire qu’on appelle une maladie et parfois même une affection.
Affection, terme utilisé à la fois pour dire un ensemble de sentiments envers une personne aimée, recherchée, choisie, et pour qualifier un trouble, un dysfonctionnement. Le double sens de ce mot devrait d’ailleurs nous inviter à être vigilant, pour tenter d’entendre le sens profond (lié à l’affectivité maltraitée) de certaines maladies.
Guérir au-delà des soins apportés pour réduire la souffrance ou supprimer le symptôme, atténuer le dysfonctionnement, supposerait de permettre au malade d’entendre enfin ce qu’il ne peut dire avec des mots et exprime avec des maux, en relation avec une blessure ou une violence reçue dans son enfance ou à une période cruciale de son développement.La médecine d’aujourd’hui, malgré les progrès considérables qu’elle a faits, sait soigner et parfois même avec une efficacité redoutable.
On vous enlève un kyste sans même vous ouvrir le ventre, mais on n’aura pas entendu que ce kyste, par exemple, tente de « parler » d’un enfant dont vous avez avorté et dont vous n’avez jamais parlé à personne.
La médecine devient de plus en plus opérationnelle et fonctionnelle et de moins en moins relationnelle et intimiste, c’est pour cela qu’elle a beaucoup de mal à guérir. Car guérir serait une tentative pour réconcilier un être humain avec les situations inachevées de son histoire, pour le libérer des violences engrangées autour des pertes et séparations anciennes ou récentes, pour le libérer des missions de réparation ou de fidélité qu’il a pu engranger dans son enfance, l’inviter à un lâcher-prise sur les conflits intra-personnels qu’il entretient, bref pour l’aider à ne pas cultiver en lui, dans son histoire ancienne ou récente, tout ce qui est à l’origine des somatisations ou des mises en maux. »
Interview de Jacques Salomé extraite du livre de Marie-lise Labonté : Le déclic