Le Mal a Dit

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Sommaire

Jetter l'ancre

24 janvier 2013 à 21h17

Sur cette route qu'on appelle la vie, j'ai rencontré nombre de paradoxes et d'ambivalences. Si je les ai cultivé, à bien des égards, leur moisson ne m'en a pas été toujours profitable.
J'ai traversé des paradis peuplés de démons et me suis reposé dans des enfers ou regnait une quiétude d'église. Entre enfers déchus et paradis naisant, je n'ai jamais su trancher; si bien que je continue mon errance.
Professionnellement, je batie la vie des gens; en privé, je détruie celle de ceux que j'aime. Malheureusement, dans les deux cas, il semblerait que j'ai developpé un sens aigu du travail bien fait mais surtout, une faculté intuitive de ne pas le faire exprès ce qui vous en conviendrez, est encore plus facheux...
Il m'aurait été aise de continuer mon petit bonhomme de chien si nous ne nous étions pas rencontré. Depuis elle habite en moi et lui, il me parle par son intermédiaire.
Elle, c'est la maladie. Lui, c'est le mal.
Si Elle a ses maux qui me font du mal, Le Mal a des mots qui me font du bien. Parce qu'il m'oblige à revisiter ma conception des choses, a me reinventer, à vivre avec un nouveau moi.

Le Mal a dit: "Tout commence peut être ici... Allez, jet d'encre!"

Plus de peur que le Mal

26 janvier 2013 à 19h23

Qu'en est il de ces quantiques jetés aux yeux de minuit quand seul, dans ma chambre d'hopital, je laissais croitre l'inéfable et m'y noyais, à coeur perdu?
Ruminations et désirs amenaient à tort la raison et y dissipaient les doutes.
De la Lune, je ne voyais que la farce cachée.
"Chienne! Est ce là le sort que tu reserves à ma fidélité? Ma loyauté se paie donc à ce prix?"
Nous sommes mi-juin 2011, je suis hospitalisé depuis plus d'une semaine. On m'a attribué une grande chambre propre et blanche, équipée d'une salle de bain privative. Cette chambre, on l'attribut aux patients en fin de vie.
Putain, je vais creuver!
Le Mal s'est manifesté pour la première fois le cinq juin. Le onze, il m'amenait aux urgences.
A mon chevet, un ballet de blouses blanches: Docteurs, spécialistes, psychiatres, infirmières.
Prises de sang, scanners, IRM, ponctions lombaire, éléctrocardiogramme, perfusions... Chacun y va de son pronostic, chacun emet un avis.
Les examens s'enchainent, le verdict ne tombe pas.
Il ne tombera jamais.
Trois jours d'injections de cortisone et on me fout dehors, un épais dossier médical sous le bras, une angoisse qui croit dans les vicères et les explications troubles des neurologues.
On m'a bredouillé les mots myelite, méningo radiculite, maladie virale.
On m'a insinué que c'était psychologique.
On m'a chuchoté qu'on ne sait pas.
On n'a jamais articulé ma douleur, on ne m'a jamais dit, on ne m'a jamais rassuré, on ne m'a jamais proposé un soin, quelqu'en soit sa nature.
Mon écorchure intérieur va se refermer seule, d'ici quatre à six mois.
Tels ont été les mots de ces êtres déshumanisés en blouse blanche.

Les mois défilent, je reprends mon activité professionnelle. Le Mal ne reviendra que trois fois, fugitivement, au cours des dix-huit mois qui se sont écoulés.

En ce temps là le Mal ne me parlait pas encore. Ses mots sont sourds, les maux timides. Mais las de ne pas se faire entendre, le voilà qu'il s'invite pour les fêtes de Nöel.
Il a trouvé sa dinde, et il la bourre de marrons.
Plus d'un mois que je souffre de ses maux. Nouvelle batterie d'examens en vu...
Les blouses blanches disent que la maladie pourrait être une sclérose en plaques.
LUI pense que ce serait plutôt une renaissance.

Le Mal a dit:

" Si enfin tu m'écoutes et que tu commences à envisager les biens faits de ma présence, alors pour moi, il y a plus de peur que de mal."

L'apprenti Sage du Mal

27 janvier 2013 à 10h22

L'attente est douloureuse.
Etre malade l'est moins.
Dans les premiers temps, ma souffrance était centrée sur ma personne. Mes symptômes, mon éventuel futur handicap, les regrets de ne pas avoir accompli ce dont je rêvais pendant que je le pouvais...
Ce trop plein d'angoisse, d'interrogations, d'incompréhension, de colère est mon quotidien, que je déverse à toutes heures de la journée, à petites doses, inoculant à la P'tite ce poison maladif .
L'ignoble égoïste que je suis!
Depuis le debut de cette nouvelle crise, le monde, son monde, gravite autour de moi.
Nos échanges s'articulent sur la maladie. Notre vocabulaire se compose des mots médecins, neurologues, IRM, champs visuel, symptôme, traitements, protéinorachie, rendez-vous, myéline, lésions, neuropathie, ponction lombaire...
Sa patience est Homerique, son soutien épique et mon attention pour elle, catastrophique.
Elle me porte a bout de bras et il est certain que sans elle, j'aurai laché prise. Paradis artificiels et autres débauches auraient précipités ma chute.
Je sens que ses forces s'amenuisent, je sais que je vais l'emmener avec moi.
Je me dois d'y remedier, je ne dois plus parler de la maladie avec elle.
N'est ce pas l'une des raisons de ma présence ici?

Le Mal a dit:

"Votre union, pour le meilleur et pour le pire... Je vous ai offert et vous offre le pire. Que lui as-tu offert, toi? Elle a déjà les heures sombres, offre lui ce qu'elle n'a pas!"

Une pour Papa, une pour maman, une pour ...

28 janvier 2013 à 10h46

Hier, tout au long de la journée, je me suis évertué à m'activer, faisant abstraction de la fatigue, ignorant les maux de la maladie.
Comme il m'est graduellement difficile de supporter cette situation, j'ai poussé mon corps dans ces derniers retranchements. Cette débauche d'énergie m'aura terrassé peu avant dix-neuf heures.
Aujourd'hui, j'en paie encore les conséquences.
Douleurs et fatigue sont au rendez-vous, ça "ruisselle" en moi.

L'incertitude est ce qui m'éreinte le plus.

Quelle est cette maladie?

Quand va-t-on me prendre en charge?

Pourquoi Dr R. tarde à me contacter?

Vais je devenir dépendant de la P'tite pour tout?

Vais-je l'enchainer à moi sans le vouloir?

A quelle vitesse les maux vont-ils évoluer?

Mais surtout, suis-je, psychologiquement, suffisamment fort pour entendre les réponses de toutes mes interrogations?
Serai-je suffisamment fort pour me battre?

Je suis dans l'attente d'une confirmation d'une hospitalisation de jour pour un traitement à base de cortisone, d'une nouvelle ponction lombaire. Mercredi je passe l'IRM... Ce ne sera que la troisième du mois...
Je devine qu'une fois de plus, on ne descellera rien.

Grosse fatigue et moral en berne...
Morose et mots bleus...
Je meurs d'envie de vie.

Le Mal a dit:

"Tu sais que tout est éphemère, mais l'as-tu appris? Maintenant que tu manges de la merde à la petite cuiller, chaque jour, quand d'autres saveurs se presenteront à toi, sauras-tu les apprecier?"

Mettre mon coeur à Mal

28 janvier 2013 à 20h57

Trouver la force...

Etre un homme...

Mais trouverai-je vraiment "la force" en étant un homme?

En admettant que ce soit le cas, qu'est ce qu'un homme?

Après vingt minutes de réflexion, et en évinçant les divers stéréotypes du membre virile, je peux aisément affirmer qu'un homme, comme nombre d'autres choses, relève du concept.
C'est conceptuel.
En partant du principe que le ou les Dieux ont créé l'homme à son image, il n'en reste pas moins que l'homme n'est pas un Dieu.
Il en resulte donc que l'homme est un être imparfait.
Il possède des qualités et défauts, des sentiments, un vécu... ce qui lui donne toute sa singularité.
Et avant même d'être un "homme", il est avant tout un mari, un fils, un frère, un ami... qui évolu dans un environnement qui lui est propre ou il y commet succès et erreurs.

Par définition, on peut en déduire qu'un homme est un être vivant.

Un être vivant...

Il me plait à penser que nous sommes des puits sans fond aux ressources insoupçonnées.
Je ne ferai pas ici l'étalage de mes turpitudes passées, encore moins des couronnes de laurier reçues, mais je fonde mon idée sur du vécu.
J'ai parcouru des milliers de kilomètres par amour, traversé des pays étrangers avec détermination, accompli des acts démesurés par stupidité, affronté la folie des hommes avec rage... et tout cela, je l'ai fait avec le coeur sans jamais, au grand jamais, mesurer la difficulté de mon entreprise.
Tout ce que j'ai accompli de "grand" dans ma vie, je ne l'ai jamais pensé, prémédité, réfléchi.
Je l'ai VECU de tout mon être, sans me poser de questions, sans jamais rebrousser chemin.

Le Mal a dit:

"Maintenant que tu te souviens, que tu sais que pour être un homme il faut être vivant, il ne te reste plus qu'a trouver comment vivre. Et alors, seulement à ce moment là, tu trouveras la force d'être un homme."