Sur le boulevard de Courcelles, par un bel après-midi ensoleillé, se promène une vieille dame digne à l’allure fière et imposante. A la vue de cette dame, mon regard ne peut que succomber au charme d’une nature aussi imposante, voir impériale ! Il émane comme une auréole, un fond d’histoire au passé glorieux ou l’ordre et le désordre faisaient encore beau ménage. Fière, car son visage ne se détourne pas des autres, le regard vif et l’œil perçant, tel un corbeau régnant, du haut de son perchoir montagneux, un espace imaginaire. Elle domine le trottoir comme étant sa propriété. Impassible, je ne l’a quitte pas des yeux afin, de m’en souvenir comme d’un trophée jalousement acquis à un concours de beauté. Malgré son grand âge, son dos ne se courbe point, même si aidée d’une cane d’un bois précieux qui prend appuie sur une pointe de métal, et gare à celui ou à celle qui oserait voler son sac Hermès !
De l’autre côté du boulevard, le parc Monceau rayonne, de sa verdoyante nature, et vit aux cries des enfants sagement habillés et bien élevés, tandis que les pigeons squattent impertubablement, les arbres plus que centenaires. C’est tout un monde à part et protégé qui baigne dans une atmosphère de tranquillité, comme nul part ailleurs, dans cette capitale aux quartiers si différents. Les statuettes hétéroclites contrastent avec la bonne moralité des promeneurs embourgeoisés du parc, mais les pelouses offertes gracieusement aux parisiens, en mal de vivre, sont une aubaine pour se réconcilier avec la nature. Quant à moi, j’habite dans une modeste chambre de bonne, à l’écart des grands appartements Haussmannien, loin de ce monde, dans une sorte de tour d’ivoire, où j’aime à passer mes moments de petit vert solitaire, sans être pour autant, plongé dans une solitude pesante. Cette vieille dame semble s’oublier, et terminer ses jours dans une sorte de misère métaphysique que je ne saurais imaginer. Autour de son joli cou, scintille de tout son éclat, un collier fait de diamants et de perles, dont la valeur inestimable ferait le bonheur des voyous et des gens sans scrupules. Ce joyau pensais-je, m’interloque comme la soudaine et agressive piqûre d’une abeille égarée, éveillant en ma modeste personne, un lointain passé qui n’a plus de raison d’être. Etait-ce en 1900 ? Avant la première guerre mondiale ou après ? Un mariage fait d’or et de raison ? Un héritage ? A t-elle fait fortune dans les bas fonds d’un bordel ? Ou bien, était-ce au temps de la splendeur du colonialisme, en Indochine ou en Afrique noire ? Tout ceci m’était bien égale... Elle a certainement dû vivre dans une aisance et confort matériel inimaginable, que seul, mon arrière-grand-père, serait capable de m’en relater les origines… Et je devine que, son appartement devenu trop imposant pour son petit corps, ne ressemble désormais, à un musée des souvenirs, une nostalgie qu’elle ne peut malheureusement pas partager, parce que veuve depuis si longtemps, elle s’épuise aux tic-tac de sa montre Cartier. Seule dans sa misère de riche, abandonnée et reléguée dans les pages d’histoires, la vieille dame ne dit mot à personne, et sans que je sache le pourquoi, s’arrête brusquement comme paralysée et plongée dans des souvenirs jalousement gardés. Elle se met à contempler le ciel et sans doute, implorer le bon Dieu, de mettre fin à cette plaisanterie, d’une vie certes bien méritée, mais qui à certainement assez durée. Oui ! Je n’ai plus personne à qui me confier et, Mon Dieu ! Que le monde a changé ! . A ce moment précis, le ciel se mit à gronder comme pour répondre aux incantations de la dame, et un violent orage s’abattit sur la ville. Est-ce une misère de riche ou tout simplement, la misère du temps, à laquelle nous sommes tous confrontés ?