Un chien dans la tête...

Un journal de Journal Intime.com

Archive du journal au 11/10/2018.

Sommaire

"Substine et Abstine"

16 mars 2014 à 0h55

23 heures passées. J'ai passé un peu plus d'une heure dans un bar à relire "Pensées pour moi-même", de Marc-Aurèle. Un whisky-coca longuement ingurgité, comme pour boire symboliquement sans un seul instant avoir la volonté de boire. Je ne bois presque jamais, du moins jamais seul. L'alcool n'est jamais un remède à l'affliction, fut-il temporaire; jamais une solution, seulement un potentiel problème qu'il convient de ne pas ajouter à la liste de ceux déjà existants.

Et un de ceux-là, celui qui me pousse à extraire de mes pensées les mots qui les hantent et la tourmentent porte un prénom. Alex (c'est une contraction, elle n'aime pas qu'on l'appelle comme ça, mais j'ai besoin de la personnifier, plutôt que de lui affubler un surnom qui n'est pas elle...).

"Moi je ne t'aime plus...", m'a t'elle annoncé hier soir par message, alors que je sollicitais son attention pour lui faire part de mes remords et de ma peine. "Moi je ne t'aime plus...". Bon sang, quelle sentence plus catégorique peut-il exister? Y'a t'il quelque chose de plus absolu, de plus définitif, de plus irréversible que de ne plus aimer? La mort? Entre autres.

Et était-ce surtout l'expression de sa propre souffrance, qu'elle me renvoyait à la figure avec une violence à sa mesure ou était-elle sincère avec elle-même? Je lui ai demandé si elle ne ressentait vraiment plus rien pour moi, sa réponse a été aussi courte le laps de temps qu'il m'a fallu pour réaliser à quel point j'allais en souffrir. Le reste de notre bref échange ne fût que hargne et rancœur, agressivité et haine. Il s'est terminé sur un "va au diable!" auquel je n'ai pas répondu, m'étant engagé dans le message précédent à ne plus lui écrire, à la laisser tranquille, à ne plus lui faire savoir que j'existe, l'aime, souffre de la faire souffrir, souffre de mes erreurs, de mes errances, de mes manquements, des manquements à mes propres lois, à ma propre morale. Lui faire savoir que tout mon être n'exprime plus que de la douleur, physique et morale, que si j'ai mal agi ça n'a jamais été contre elle, mais envers elle. Et envers moi-même.

A vrai dire, j'ai passé la journée à lire Marc-Aurèle et Henri Laborit, "L'éloge de la fuite". J'ai passé mon temps à trouver dans ces ouvrages la sagesse qui m'a manqué à certains moment durant notre relation. Je crois que j'ai besoin de m'y raccrocher, de me raccrocher à ce que je sais être constructif pour moi, parce que révélateur.

J'ai noté quelques maximes de Marc-Aurèle, celles qui devront dès maintenant, pour mon propre salut et mon aspiration à devenir qui je suis, être des lois. Mes lois, de celles que je sais être bonnes et justes pour moi. Ces principes directeurs que j'ai renié par impulsivité, manque de retenue et immodération et qui maintenant me condamne à perdre celle que j'aime...

"Tu as subsisté comme partie du Tout. Tu disparaîtras dans ce qui t'a produit, ou plutôt, tu seras repris, par transformation, dans sa raison génératrice."

"N'agis point comme si tu devais vivre des milliers d'années. L'inévitable est sur toi suspendu. Tant que tu vis, tant que cela t'est possible, deviens homme de bien."

"Tu as vu cela? Vois ceci encore. Ne te trouble pas; fais toi une âme simple. Quelqu'un pèche t-il? Il pèche contre lui-même. Quelque chose t'est-il arrivé? C'est bien, tout ce qui arrive t'était destiné dès l'origine, par ordre de l'ensemble, et y était tissé. En somme, la vie est courte. Il faut tirer profit du présent, mais judicieusement et selon la justice. Sois sobre à te donner relâche."

"Tu n'es qu'une âme chétive qui soulève un cadavre" (Epictète)

"Regarde au fond des choses. Que la qualité particulière et la valeur d'aucune ne passent pas inaperçues pour toi."

"Si quelqu'un peut me convaincre et me prouver que je pense ou j'agis mal, je serai heureux de me corriger. Car je cherche la vérité, qui n'a jamais porté dommage à personne. Mais il se nuit, celui qui persiste en son erreur et son ignorance."

"Habitue-toi à être attentif à ce qu'un autre dit, et, autant que possible, entre dans l'âme de celui qui parle."

"Que les choses à venir ne te tourmentent point. Tu les affronteras, s'il le faut, muni de la même raison dont maintenant tu te sers dans les choses présentes."

"Il est ridicule de ne point échapper à sa propre malignité, ce qui est possible, et de vouloir échapper à celle des autres, ce qui est impossible."

"Voir ce que sont les choses en elles-mêmes, les distinguer en leur matière, en leur cause, en leur finalité."

"Si ce n'est pas convenable, ne le fais pas ; si ce n'est pas vrai, ne le dis pas. Que la décision provienne de toi."

"Que la mort, l'exil et tout ce qui te paraît effrayant soient sous tes yeux chaque jour ; mais plus que tout, la mort. Jamais alors tu ne diras rien de vil, et tu ne désireras rien outre mesure."

"Fixe toi dès à présent un modèle et un type que tu suivras, lorsque tu seras seul avec toi-même, et que parmi les hommes tu te trouveras."

"Quand une idée de plaisir se présente à ton esprit, garde-toi, comme pour les autres idées, de ne te point laisser par elle emporter. Mais diffère d'agir et obtiens de toi quelque délai. Compare ensuite les deux moments : celui où tu jouiras du plaisir, et celui où, ayant joui, tu te repentiras et te blâmeras. Oppose à ces pensées la joie que tu éprouveras à t'abstenir et les félicitations que tu t'adresseras. Et, si les circonstances exigent que tu agisses, prends garde à ne pas te laisser vaincre par ce que la chose offre de doux, d'agréable et d'attrayant. Mais récompense-toi en pensant combien il est préférable d'avoir conscience que tu as remporté cette victoire."

La dernière...

Elle me rappelle douloureusement ce qui sépare un homme juste, aimant et bon d'un traître. Ce que je suis.

Peu importe combien j'ai aimé, aime et aimerai Alex, peu importe que mes actes, graves ou non, aient dépassé ma conscience, qu'involontairement je n'en ai pas estimé les conséquences pour elle et pour moi, j'ai trahi sa confiance, mis à mal un bien-être qui chez elle est ténu, et nous ai finalement conduit tous les deux à la déchéance et à séparation. Dieu que je m'en veux ! Que je m'accable de n'être qu'un homme, parfois dépassé par ses pulsions, parfois éconduit par sa biologie, parfois aveugle à la raison et au bon sens...

Elle est la seule à avoir jamais compté pour moi, du fond du cœur, pour chaque parcelle de mon être. Elle est la seule à m'avoir apporté ce que nulle autre n'aurait pu ou ne pourrait m'apporter. Et je n'ai pas su ou pu lui rendre grâce de sa présence dans ma vie, de son importance, de l'impérieuse nécessité de l'avoir auprès de moi, dans l'espace de mon intimité.

Il m'appartient maintenant d'accepter la réalité, d'être lucide, d'assumer mes actes et de ne plus me mentir. Je ne mettrai pas mes sentiments pour elle entre quatre murs pour m'en préserver, quand bien même ils n'aient à présent plus d'objet, qu'ils ne soient à présent plus réciproques. J'assume les conséquences de mes actes, pour maintenant et à jamais. Parce que mes erreurs me constitueront et feront de moi la personne que j'aspire à être. Elle feront ma droiture, ma promptitude à me maîtriser, à respecter individualité de l'autre au lieu de la contraindre à épouser la mienne.

Elle me manque terriblement, éperdument.

Et ça ne fait que commencer...