6331 kilomètres

Je verifie encore une fois que je suis bien hors-ligne sur Facebook, je ne veux pas que Clemence voit que je suis toujours la. Je lui ai dit que j'allais faire mes devoirs, et puis me coucher. Foutaises, je voulais juste raccrocher Skype et etre un peu seule. Je me sens un peu coupable, elle a eu une mauvaise journee, elle ne supporte plus ou elle est. Je peux comprendre, en quelque sorte, qu'apres trois mois tu puisses ne plus supporter d'etre plonge dans un milieu des plus religieux quand tu n'as aucune croyance. D'autant plus qu'ils font apparemment dans l'extreme chez elles, entre les prieres de deux heures et les crises de larme quand on apprend qu'elle n'est pas croyante...

Mais tu vas aller en Enfer!, bah ecoute, si tu le dis.

Mais je compatis a ce qu'elle vit, vraiment. Je suis la parfaite meilleure amie : je l'ecoute pendant des heures, meme quand elle ne fait que repeter la meme chose en boucle. Je lui donne des conseils ( toujours les memes aussi etant donne que d'une heure a l'autre, la situation ne change pas ). Je ne vois pas quoi faire de plus, apres. Qu'est-ce qu'on peut faire de plus quand on est dans deux Etats differents, d'ailleurs?

Je suis dans l'Ohio, ma famille d'accueil est geniale - d'ailleurs Amy, ma host mum m'a paye l'inscription pour le ski club comme cadeau de Noel, mon compte en banque et moi-meme l'en remercions -, je n'ai pas affaire a des gens qui m'offrent des Bibles en esperant me convertir a leur religion. Mais je m'egare, tout ca pour dire que j'ai mentis a ma meilleur amie, voila.

Mon portable vibre, c'est Mitch. Je suis contente de me rendre compte que malgre le fait qu'il me text tous les soirs - or so -, je ne m'y attends pas. Pas dans le sens que ca me surprend, juste que j'ai finalement compris, apres trois mois a vivre ici, que ca m'epargnerait bien des coups de gueule si j'arretais d'attendre a ce que les gens viennent vers moi ( merci Jack merci Guillaume, vous m'avez donne une lecon a ce niveau la ).

J'ouvre Youtube, j'ai rien d'autre a faire, et automatiquement, je tape The Fray. La premiere proposition a s'afficher est la bonne...

Step one you say we need to talk
He walks you say sit down it's just a talk...

Les premieres notes resonnent dans mon casque pour lequel seul un bout de scotch maintient les fils en places. La premiere chose qui me vient a l'esprit est le souvenir de quelques jours plus tot, sans aucun doute l'un des pires. Je vous jure, quand le homesick vous prend... it hurts.

How to save a life...

C'etait ce que je me demandais ce jour-la. Comment je peux survivre ici? Vous voyez ce que je veux dire... Enfin non, je ne pense meme pas que vous puissiez. A moins que vous aussi, vous ayez decide de partir 10 mois a 6337 kilometres de tout ce que vous avez toujours connu pour une famille qui n'est pas la votre, un language que vous ne parlez pas, et une culture et ses notions qui sont parfois dures a tolerer.

Oh et j'oublis, imaginez qu'a ce moment-la, vous avez quinze ans.

J'ai les yeux defonces. Le cerveau qui sature. Je suis obsessionelle.
J'y pensais deja depuis un moment a vrai dire, les etudes, l'avenir et tout ce qui s'ensuit. J'ai absolument pas envie de vivre normalement. Je ne veux pas me lever tous les matins a me dire un jour de plus qui ne se demarquera pas des autres.

Enfin, il suffit de me situer sur une carte pour comprendre que moi et la normalite tranquille et rassurante du quotidien... ne fait pas totalement partie de mon quotidien. Bref, je vous expose la situation.

4th period, meme heure, cinq jours sur sept. Je m'assois tranquillement dans le fond de la classe, comme tous les jours depuis trois mois adoptant l'attitude de la parfaite blasee de la vie qui n'attend qu'une chose : CES PUTAINS DE VACANCES. Ms. D. entre dans la classe, leger sourire aux levres et hoche la tete pour saluer la classe: rien de bien inhabituel. D. est grand, maigre, n'a plus beaucoup de cheveux, un visage etroit, une voix monotone ayant pour pouvoir de vous endormir en un temps record et un humour que seul lui-meme arrive a comprendre; bref, il est le parfait stereotype du prof de maths. Et qui dit maths, dit perte totale de mon attention.

J'etais donc assise dans le fond de la classe, regardant le tableau sur lequel apparaissent au fil du temps des x, des y, des carres, racines carrees, roots & quadratric equation, mais sans vraiment le voir. Ce que je vois, c'est ce grand vide apres mon Bac S. J'irais ou? Pour faire quoi? La premiere reponse qui me vient me semble evidente: a l'etranger. United Kingdom, Londres si possible. ( O original! )

Je suis allee a Londres l'annee derniere, c'etait magique. Mais une semaine, c'est pas assez. En touriste, ca ne me convient pas. Je veux y vivre, y etudier. De plus les universites, bien qu'elitistes et excessivement cheres, sont mondialement reputees. Bref, y'a toute la partie financiere a eclaircir un peu plus, mais mis a part ca, c'est un projet realisable.

Pour etudier quoi? Une vie de surprise, de mysteres, sans routine ou presque, faisant reflechir... Psychology criminelle. Non, je n'ai pas regarde NCIS a trop haute dose ( j'ai d'ailleurs jamais vraiment regarde NCIS ). J'ai toujours ete fascinee par le comportement humain, les emotions, les attitudes, la schizophrenie, et tout ce qui peut pousser a la folie, le crime. Bref, plus c'est tordu et plus j'aime. De plus, j'aime observer, deviner ( et juste ). Ma mere l'a compris qu'il ne faut jamais regarder la serie 24 avec moi, je trouve ca plutot previsible d'ailleurs. Enfin, entre series et realite, y'a un grand pas. Et je voudrais le faire...

Apres qui sait, je finirais peut-etre Journaliste. ( ca me plairait pas mal aussi d'ailleurs, tant qu'on me scotch pas a un bureau a un ordinateur 24/7.

Bref, j'etais en maths.