L'araignée écrasée.

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12 mars 2014

12 mars 2014 à 14h59

Hier soir j'ai dîné avec mon futur ex mari. Voilà un an que nous nous sommes séparés, une rupture baignée dans la haine et la jalousie, l'ombre de maîtresses et d'amants qui n'ont étés que les instruments d'une passion ingérable et d'un manque de communication. Comment peut-on tellement aimer l'autre et se faire autant de mal ? Nous sommes les cancres de l'amour, victimes de nos propres sottises, et incapables d'avancer tant le passé et la douleur nous hantent. Je n'ai jamais travaillé, élevé avec conviction nos trois enfants, et je survis grâce à une pension assez confortable qu'il me doit. Je vis désormais dans un très grand appartement que j'ai décoré avec goût. J'ai tout. Une vie agréable, des amis très présents, quelques prétendants. J'évite de croiser mon mari, car la passion est toujours trop forte. Je lui en veux, je le déteste, enfin je déteste ce qu'il a fait avec cette femme, cette traînée. Lui demande depuis longtemps à se retrouver autour d'un dîner, au restaurant par exemple, pour rediscuter de nous, nos bons souvenirs, nos enfants. On ne peut, selon lui, pas effacer quinze ans de vie commune comme ça. J'accepte enfin. Mais par soucis de lui en mettre plein la vue, et surtout les papilles, je l'invite chez moi, et je cuisine un de ses plats préférés.
Je dresse une table des plus romantiques. Quelques fleurs, les deux chandelles qui ont déjà éclairé tant de nos moments précieux dans notre passé. Je porte un haut rouge à paillettes décolleté pour mettre en valeur ce qu'il me reste de plus beau. J'ai pris vingt kilos en une année, la rupture évidemment, une grande leçon d'humilité. Me voilà à être obligée d'apprendre à séduire sans mon physique jadis avantageux. Je suis sur l'année de mes trente six ans, mais je ne les ai pas encore.
Monsieur, quant à lui, approche les quarante quatre ans. Tout aussi touché par le divorce, il a perdu tous ses cheveux, son visage s'est ridé. Triste tableau de notre histoire ratée. Mais dans son regard pétillant et expressif, je devine que je lui plais encore. C'est sans doute le seul homme qui m'aimera toujours, belle, moche, mince ou grosse, jeune ou vieille. Il y a un lien sacré entre nous qui relit nos esprits au delà de l'enveloppe charnelle.
Il ouvre une très bonne bouteille de vin blanc dont nous sommes amateurs. L'alcool devrait dissoudre notre gène. Je me suis promise de ne plus évoquer les sujets fâcheux, de ne pas gâcher ce moment avec ma jalousie.
La lueur des bougies fait briller les verres de cristal offerts lors de notre mariage. Nous parlons de nos enfants, notre passion commune. Jamais nous pensions en arriver là, leur faire subir cela. Les commérages fusent et nous rappellent à quel point les familles peuvent être détruites par des situations similaires. Le ton monte, des reproches s'échangent et les sujets tabous que nous nous étions interdits rebondissent méchamment. J'ai honte d'avoir laisser échapper quelques phrases en plein dîner. Nous quittons la table et nos assiettes à moitié pleines. Tant d'heures de préparation pour en arriver là.
Il veut partir, le dialogue entre nous est décidément impossible. Devant la porte, en lui disant « Au revoir », je fonds en larme, et il me serre contre lui. Je réalise que je l'aime, que seul lui me procure de telles émotions. Je désire l'embrasser, j'ai oublié le goût de sa bouche. Il refuse obstinément. Tout est encore trop désordonné selon lui et il serait maladroit de se rapprocher si vite. Je trouve cela ridicule et ne supporte pas que l'on me résiste. Il se met à pleurer lui aussi mais m'offre ce baiser si beau, si bon, si émouvant.
« Viens dans ma chambre ! » « Ah non, pas ça, je ne veux pas baiser la femme de ma vie. Laissons les choses se reconstruire petit à petit. »
Je repense immédiatement à notre passé, ses blocages face à la maternité, son refus de jouer avec mon corps sous prétexte que j'étais la mère de ses enfants. Tellement d'années de frustration qui m'ont poussé au bout de dix ans dans les bras d'un autre et la culpabilité qui s'en suit. A partir de là, Monsieur a changé la vision qu'il portait sur moi et est devenu un amant exquis, mais rongé par la jalousie.
« Tu es trop compliqué, lui dis-je. Pourquoi ne profites-tu pas tout simplement du moment présent, de cette intimité qui nous est offerte après tout ce temps ?
-Mais quelle place tu me laisses ? Depuis que tu es partie, je n'ai rêvé que de te reconquérir et tu m'as oublié dans les bras d'un autre. Voilà une semaine que c'est fini avec lui, et tu acceptes enfin de me revoir. Suis-je un jouet de consolation ?
-Si je suis partie, c'est parce que tu en aimais une autre.
-Elle étais un échappatoire. Je me noyais dans notre amour, dans l'idée qu'un autre avait pu et pourrait encore te toucher. J'étais mal, si mal.....facile pour une autre à ce moment là de me faire tourner la tête. »
C'est lui qui m'attire maintenant dans mon lit. Nous nous embrassons. Ses gestes sont hésitants. Il a du mal à se concentrer sur la chose. Je suis experte et parviens à réveiller son désir. Il réussit à me faire jouir et se retire aussitôt. Il refuse de jouir à son tour en moi. Il n'était pas venu pour cela. Il se retire. Je lui propose de s'endormir dans mes bras, mais passer la nuit ici n'est aussi pas possible pour lui. Pourtant, les enfants dorment chez sa mère, et il est rare de pouvoir se retrouver seuls. Pourquoi ne profite t'il pas de cette opportunité ? Ce sujet l'exaspère, il me trouve capricieuse, me dit que je ne peux pas toujours obtenir ce que je veux. Vexée, je l'invite à s'en aller tout de suite, plus le cœur à lui servir le dessert. Il pleure une dernière fois et s'en va.