La première fois que j'ai rencontré Bachir, j'étais soûle. Joli préambule. Il s'est occupé de moi dans ma chambre en compagnie d'un de ses camarades, Jésus, et d'une amie à moi, elle-même bien alcoolisée. J'ai un long moment tint sa main entre la mienne ; je n'étais pas bien. C'était le soir du 17 novembre, et c'est à compter de ce jour là que nous avons commencé à nous saluer et à échanger quelques bribes, lorsque nous nous croisions au lycée. Je l'avais trouvé gentil. Je ne le connaissais pas, ni même Jésus, et ils avaient pris soin de moi quelques heures, au lieu de profiter de la soirée et me laisser seule (ce qui aurait été normal).
Le 15 décembre, il y a eu une autre soirée, où je suis sortie avec Jésus, une nouvelle fois bien alcoolisée. Lorsque je me suis réveillée, vers 3h du matin, Bachir était debout dans ma chambre en train de vomir. Les quelques heures de sommeil que j'avais pu engranger m'ayant remise d'aplomb, c'est moi qui à mon tour ait pu prendre soin de lui. Je l'ai d'abord assis sur une chaise, où je lui ai retiré ses chaussures, puis je l'ai couché dans mon lit, lui caressant la main et le dos, comme on voudrait rassurer un enfant.
A partir de là, je me suis enfin sentie « quitte » avec lui, comme si nous étions désormais sur un pied d'égalité : nous nous étions tous les deux vus dans une situation pathétique.
Je suis restée trois ou quatre jours avec Jésus, puis j'ai préféré arrêter cette relation, je n'étais ni motivée ni d'ailleurs réellement volontaire à poursuivre quoi que ce soit avec lui après la soirée, mais il avait quelque peu insisté et j'avais suivi le mouvement.
Les vacances de Noël sont passées, et le week-end de la fin de la première semaine après la rentrée, alors que j'étais au cybercafé, juste à côté de la résidence, j'ai vu passer Bachir. Du coup, je suis sortie pour le retrouver, me disant qu'il aurait sûrement besoin d'entrer. C'était le dimanche 13 janvier après-midi. Je lui ai ouvert, il attendait un pote qui n'est finalement jamais arrivé. Il m'avait apporté une chicha, car nous avions eu à ce sujet une discussion, où je lui avais dit vouloir essayer. Nous avons profité d'être seuls pour nous en faire une. Lors de cette séance, nous avons discuté de nos relations amoureuses, et du fait qu'ici, il est difficile d'avoir une intimité, tout se sachant très vite et les gens amplifiant souvent la moindre (pseudo) nouvelle.
Lorsqu'il m'a annoncé qu'il devait partir pour aller au lavomatic, je l'ai accompagné, devant également m'y rendre. Depuis ce jour, un désir s'était de mon côté formé. En rentrant à la résidence, je me suis faite charrier par les autres, qui me faisaient des sous-entendus… que je démentais, naturellement.
Je savais qu'il y aurait une nouvelle soirée le vendredi suivant, et j'ai toute la semaine espéré qu'une approche puisse se présenter.
Je passais par des moments de doute où je me demandais comment je pouvais imaginer une seule seconde pouvoir lui plaire, etc, à d'autres où je me disais avoir toutes mes chances.
Je crois que le plus dur n'est finalement pas de provoquer une approche, mais plutôt de conserver ce lien précis avec la dite personne… Nouer une relation d'un soir, c'est accessible, mais lier une relation durable englobe bien plus de facteurs qu'une simple attirance d'un soir, surtout sous l'emprise de l'alcool, donc d'une désinhibition aiguisée.
Le vendredi soir, 18 janvier, j'ai eu ce que je voulais. Sur le coup, j'ai trouvé ça… facile. Je m'étais attendue à plus de difficultés, à un jeu plus long. Nous avons terminé la soirée dans ma chambre. Je serais incapable de me rappeler du fil exact de la soirée. Je nous revois appuyés à un mur en train de nous embrasser, je tenais dans mon dos une bouteille, nous étions tous les deux très alcoolisés, et nous avons gagné ma chambre ainsi.
La porte était fermée à clef, et lorsque des gens ont commencé à toquer, nous n'avons pas bougé. Comme nous ne répondions pas, ils frappaient de plus en plus fort et ont fini par casser la porte afin d'entrer. J'étais nue sous les draps, j'avais à la fois honte et envie de rire.
J'ai passé le week-end avec Bachir, dans une ambiance étrange. A aucun moment nous n'avons abordé le sujet de notre relation (ou pas ?), rien ne laissait entrevoir le fait que nous étions ensemble par ailleurs, mis à part le fait que nous partagions l'intimité de la chambre pour le week-end… Lorsque nous sortions en ville, nous restions distants, et même chez moi, nous n'avions aucun geste tendre, mis à part quelques baisers.
Le samedi soir, j'ai un peu paniqué, pensant que ce n'était qu'un « plan », et imaginant la honte de retourner au lycée le lundi, étant donné que 4 ou 5 personnes m'avaient surprise avec Bachir. Je passe les détails.
Ni lui ni moi ne savions au final où nous en étions. Le lundi, je ne l'ai pas croisé, mais il est passé me voir le soir et m'a embrassée pour me dire bonjour. A partir de là j'ai supposé que nous étions ensemble (quelle communication !), mais ça n'était pas clair, à ceux qui me posaient des questions je répondais ne pas savoir, et lui de même de son côté. Le jeudi, il m'a envoyé un texto pour me dire qu'il préférait arrêter, le vendredi nous avons discuté de tout ceci une heure et demi, il m'a embrassée pour me dire au revoir, il partait en week-end avec des amis.
Moi, je ne savais que penser. Le fait d'être dans l'expectative (donne la salive ?) a un côté excitant, mais également frustrant si rien ne vient. Je ne savais pas à quoi m'en tenir, et plus j'y pensais, plus mon désir d'être avec lui croissait.
Le dimanche soir, vers 22h, il m'a envoyé un message pour me dire qu'il était à 2h de la ville et qu'il passerait me voir, et que « dans tous les cas », il dormirait à la résidence (il y a une autre relation).
A ce moment là, je me suis dit qu'il fallait absolument que quelque chose se concrétise, je commençais à devenir folle d'attendre.
Il est arrivé, nous avons discuté un moment, puis il m'a dit qu'il allait me « laisser tranquille » pour aller prendre une douche chez son pote, deux étages au dessus, puis dormir. Je lui ai proposé de rester. Quand j'y repense, je me fais pitié, j'ai l'impression de l'avoir supplié… Au moment de se coucher, il m'a demandé mon tapis de sol.
J'étais désespérée, je me disais que vu la façon dont cela partait, il était évident que rien ne se (re)passerait entre nous, qu'il était tout bonnement venu en tant qu'ami et que notre relation évoluerait ainsi.
Et puis… et puis j'ai sciemment laissé pendre mon bras (le lit était surélevé par rapport au tapis) dans le vide, et nous nous tenions les mains, je lui touchais le dos, j'arrêtais, j'ôtais ma main pour voir si c'était seulement moi qui insistait, mais il la reprenait. Je tremblais de froid, il s'est agenouillé pour me remettre les couvertures et me réchauffer, et, de là, il m'a rejointe dans le lit.
Nous sommes restés au lit jusque onze heures le lendemain, et tant pis pour les cours. En arrivant au lycée passé midi, nous avons croisé du monde de sa classe, chacun se doutait de ce qui avait pu se passer, et les allusions fusaient.
Malgré cela, la relation en était toujours au même point : le trouble.
Il a fallu du temps pour que petit à petit se forme entre nous ce côté « officiel ». Encore aujourd'hui, je crains toujours qu'il ne rompe, j'ai du mal à me projeter parce que je sens que l'édifice est encore fragile.
Le 15 février, il m'a encore dit vouloir arrêter (ou plutôt sous-entendu), car il y avait une soirée le soir même et qu'il ne me faisait pas confiance, car lors de la soirée où nous sommes sortis ensemble, je suis également sortie avec trois autres gars… ajouté à cela que je suis sortie avec pas mal de gars en soirée depuis que je suis là, il a du mal à se fier à moi.
J'étais déçue qu'il n'ait pas compris que c'était lui et pas un autre, et que tout ce que j'avais pu faire auparavant (car nous en avions déjà parlé, c'était un sujet rebattu qu'il abordait souvent, par exemple lorsqu'il me demandait si je pensais que notre histoire allait durer, il ne me laissait même pas l'occasion de lui répondre, disant que « de toute façon, ce sera fini à la prochaine soirée, parce que tu choperas quoi… trois, quatre gars ? ») n'avait plus de sens dans la mesure où j'étais avec lui, que je le respectais et souhaitais être sérieuse…
« N'insiste pas » est tout ce que j'ai pu récolter.
Quand j'y repense, ce qu'il m'a dit était affreux… « tu peux finir avec qui tu veux dans ton lit, ça m'est égal »… comme je lui disais que je me moquais de cette soirée, que pour moi elle n'avait strictement aucune importance, que tout ce qui m'importait était d'être avec lui, et que je n'irais pas à cette soirée, que je monterais au troisième étage le voir (car, même si soi-disant il se fichait de tout, il passait quand même la soirée à la résidence, certes au dernier étage, mais puisqu'il se moquait de ce que je pouvais faire, pourquoi ne pas rester à l'internat dans ce cas ?), il m'a répondu que ça n'était même pas la peine, qu'il était « inutile que j'aille le voir ».
Le soir, je sortais manger avec une amie dans une pizzeria. Nous avons longtemps erré avant de retourner à la résidence, vers 22h passé. Je n'avais absolument pas la tête à faire la fête, je n'avais d'ailleurs pas envie d'être là, mais comme j'y habite, je n'avais pas vraiment le choix…
Mes amies m'ont dit que Bachir m'avait cherchée et avait demandé où je me trouvais (car il était finalement descendu un peu à la soirée). J'étais contente de savoir cela, du coup je suis montée le voir. Il bossait. L'ambiance était tendue. Il m'a dit d'aller profiter de la soirée, je n'ai pas bougé.
Nous sommes sortis de la chambre pour pouvoir fumer dans le couloir. Nous ne disions pas grand chose. Il m'a dit qu'il descendait boire un verre, je l'ai accompagné jusqu'en bas.
Quelques personnes dansaient, la musique allait fort, nous étions face à face sur les chaises, devant le bar. J'ai tenté un sourire timide, lui ai posé une main sur le bras. Il m'a pris la main et m'a entraînée dans le couloir jouxtant ma chambre. Nous nous sommes embrassés. J'étais heureuse et soulagée.
La soirée a passé tranquillement par la suite, j'avais retrouvé le moral et ai pu m'amuser avec mes amies.
Lorsque la salle s'est vidée quelques heures plus tard, nous nous sommes retrouvés, il m'a dit : « tu comptes pour moi Marionnette, tu m'es chère »… j'ai souri, lui ai répondu un petit « moi aussi », sans plus m'étendre.
Il m'a répété son attachement dans la nuit, après l'amour.
Ce n'est que le dimanche que je lui ai à mon tour et pour la première fois manifesté ce que je ressentais, lui disant combien il était important pour moi, et combien je lui étais attachée, après qu'il m'ait demandé, en terrasse d'un petit café, si je n'avais rien à lui dire, quant à moi…
Il n'y a plus eu de heurts jusqu'aux vacances, où il m'a accompagnée jusqu'à la gare pour me dire au revoir. C'est un cliché, pourtant j'ai toujours rêvé de retrouvailles sur un quai de gare. J'ai du trop voir de film ou lire de romans à l'eau de rose…
Depuis, il est rentré chez lui et j'ai peu de nouvelles de lui, du fait que nous ne pouvons pas nous appeler (ça ne passe pas) et qu'il n'a pas de crédit.
Du coup, je recommence à avoir peur.
Est-ce que nous nous retrouverons, est-ce qu'il va m'annoncer vouloir « en rester là » à la rentrée, est-ce qu'il est réellement attaché à moi…
Et moi ? Je crois que le fait que je sois systématiquement en « stand by », dans l'incertitude, attise mon amour. Ne pas savoir laisse libre court aux fantasmes, mais aussi aux craintes, ce qui excite l'amour. Je crois l'aimer, mais je ne sais pas dans quelle mesure. Je ne suis tombée amoureuse qu'une fois, et cet amour était passionnel. Ici, je ne sens pas cette destruction. Je l'aime, (mais ?) d'un amour calme, posé. En même temps, je dis cela, mais on ne peut pas dire que cette relation soit des plus paisibles. Au contraire, je passe par des moments de grande joie à d'autres mêlés d'indécision, d'appréhension totales.
Nous passons parfois des moments que je trouve magiques, mais ces hauts sont parfois salis de bas…
A vrai dire, j'ai du mal à faire le point. La seule chose dont je sois sûre, c'est que je veux que cette histoire se prolonge. Je ne veux pas le perdre.
Je ne peux pas imaginer la douleur que me ferait son « départ ». Je sais que je souffrirais, et j'ai tellement peur que cela arrive…
Surtout là, loin de lui, je suis incapable d'être confiante.
Si notre relation perdure, je ne sais pas si je parviendrais un jour à la quiétude, si je ne me sentirais pas continuellement « sur la sellette ».
J'ai hâte de le revoir, cela fait une semaine que nous nous sommes quittés, et il me manque. Je pense tous les jours à lui, je décompte les jours, j'essaie d'imaginer nos retrouvailles…
Je viens de relire tout ce que j'ai écrit, et je pense qu'objectivement, si je n'étais pas la protagoniste de cette histoire, je me dirais que cette relation ne tient pas la route, qu'elle est trop fragile et qu'à la moindre complication, elle cessera.
Malgré tout, la volonté peut vaincre bien des difficultés… Mais il faudrait que deux volontés se conjuguent, et je ne suis finalement pas sûre que la sienne s'accorde à la mienne.
Je ne sais pas quoi penser. Je suis incapable de le quitter, je veux que cette histoire aille d'elle même à son terme, je ne veux pas tout arrêter sous prétexte que j'ai peur ou que JE SUPPUTE qu'elle n'a pas de devenir. Serait-il plus sage de nous séparer avant de souffrir davantage ?
Jusqu'où puis-je aller pour lui ? Y a-t-il plus de positif que de négatif ?
De toute façon, il est déjà trop tard, je suis tombée amoureuse…