Puzzle de la nuit

Un journal de Journal Intime.com

Archive du journal au 10/11/2018.

Sommaire

LE PUZZLE DE JOSY

7 novembre 2018 à 14h40

Bientôt trente ans, demain matin. À huit heures trente-cinq pour être précis.
J'aimerais faire le bilan des vingt-neuf première année de mon existence qui viennent de s'écouler.Le condensé des événements essentiels, fondamentaux. Un bilan. Je trouve chouette de dresser le bilan d'une période donnée de sa vie. Une liste en quelque sorte. Une liste pour moi, ça donne un côté rassurant à sa vie, un peu comme une carte Michelin, elle ordonne les lieux et les événements, elle les recadre, les rend accessibles. On s'y repère au poil. Il est plus aisé de retrouver son chemin dans une ville étrangère dont on foule la terre pour la première fois avec une carte Michelin qu'à l'aide du guide d'un Guide Routard. Enfin je trouve. J’adore les cartes Michelin. J’adore le fait de me repérer sur cette carte, d'élaborer mon itinéraire, d’affronter comme par magie, ensuite, la réalité de cet itinéraire. Il est certain que ce système de cartes est magique, avec cette projection visuelle, mentale, de ce qu'on croit dur comme fer être la vraie vie. Ça débouche finalement par l'atterrissage abrupt, douloureux, dans la vie vraie. Avec une liste, c’est le contraire, on passe de la vraie vie à la vie vraie, à sa retranscription écrite, condensée, cadrée, rassurante. En fait, une liste ressemble à une carte à l’envers. Voici cette carte à l’envers. À l'aube de mes 30 ans j’ai quitté mon travail. J'ai démissionné. Quitté ce monde autoritaire de l’entreprise. Quitté cette soumission volontaire à une hiérarchie illégitime et aliénante. Déambulé dans Barcelone avec ma douce Fanny, puis à Florence, ce vieux rêve d’adolescente, seule, avec mon Reflex. Quel régal ! Ensuite au Costa Rica, comme échovolontaire, au contact de la nature, des animaux sauvages. J'ai présenté Papillon à mon papa. Une réussite. Je suis heureuse que papa apprécie autant Papillon. Découvert l’Ayurvéda, cette médecine traditionnelle Indienne, qui me faisait de l’œil depuis longtemps. J’ai appris le massage Abhyanga, issue de cette médecine et j'ai adoptée un lapin noir au sale caractère que j’ai baptisé Laura. Je me suis fait une nouvelle amie grâce à un site internet d’entraide. Un site de garde d'animaux divers. J'ai refusé quatre propositions d'entreprises qui me tendaient les bras pour rester fidèle à moi-même, et surtout pour suivre mes vrais désirs. J'ai mûri un projet, je me suis donné les moyens d’y arriver. J’y ai cru. J'ai créé ma microentreprise de Praticienne en massage Bien-Être, sous le statut d'une auto-entrepreneuse. Et je m’éclate, je me sens créative, malgré le peu de travail pour l’instant, des moments de doute, des choix à faire, des compromis à accepter et que j'accepte. J'ai signé deux contrats avec deux sociétés pour lesquelles je suis prestataire de service free-lance. J'ai rencontré des chefs d'entreprise. Et puisqu’il faut des événements tristes, j'ai assisté aux funérailles du papa de Papillon, mon mec, après une longue maladie. J'ai peut-être cassé définitivement avec mon petit frère. Puisqu’il faut des épreuves assumées, j'ai avorté le 20 mars, précisément. Une grossesse non désirée. Une crise terrible avec Papillon. Comme Marie-Ange, je me suis bien gardée de lui dire que j'étais enceinte de de son enfant. Pour quelle raison absurde, presque sadique, a-t-il fallu ensuite que j'aille tout lui balancer en pleine gueule ? L’épreuve sans doute la plus douloureuse de ma vie à aujourd’hui. La plus solitaire aussi. Un avortement affligeant, avec lequel je vis depuis, avec lequel je devrais vivre toute ma vie. J'en parlerai, qui sait, lorsque je serai prête, et que ça ne sera plus aussi triste et culpabilisant. Cet avortement. Mon avortement. Je n’aurais jamais cru que ça puisse m’arriver. Pas à moi. Aux autres oui, mais pas moi. Étrangement, je peine à réaliser que j’ai été enceinte, que je le suis plus. Je n'arrive pas à réaliser qu’aujourd’hui mon ventre devrait être rond. Ça révèle presque du surnaturel. Une souffrance avec laquelle il faut vivre. Un chagrin, une casserole de plus à traîner. La mort de maman est venue s'ajouter à la démence de mon jeune frère. La culpabilité en plus. Cette liste, cette carte à l’envers, elle n’est pas exhaustive. Je sais qu’il y a eu d’autres faits importants, mais je ne les ai pas en tête. Sans doute qu'ils ont probablement peu d'importance. Ou peut-être que je préfère me persuader que leur importance est insignifiante, même si c'est inexact. Les faits relatés dans cette liste ne sont pas dans l'ordre. Par exemple, j'ai créé ma microentreprise lorsque je suis tombée enceinte. J'ai décidé d'avorter, et seule, quand j'ai commencé de finaliser ce projet. J'ai changé, je me suis affirmée, j'ai pris la décision d'avorter sans rien dire à Papillon, puisque finalement j'avais pas besoin de son avis, C'est pas uniquement de ce fœtus innocent dont j'avortais, ce 20 mars. J'ai davantage ressenti le besoin d’avorter d’une période de ma vie pour en commencer une autre, en sacrifiant par nécessité un être indésirable à mes yeux. Je ne le remercierai jamais assez de m'avoir fait sortir de cet abysse où je sombrais. Corps et âme. D'y penser j'ai improvisé gaiement ces quelques vers : Mourir entre deux vie, mourir pour le plaisir / Pour la joie infinie d'être à l'aube de soi / Mourir sans penser au passé, au lendemain / Mourir très simplement, se réveiller la nuit / Dans les bras d'une extase au masque de Venise.
On toque. Trois coups brefs. Un quatrième. Comme le début de la cinquième de Beethoven. Mais plus insistant celui-là. Ne rien dire, ne rien faire, si ce n'est le mort. Si je fais le mort, on me fichera sûrement la paix. J'ai plus le goût de participer à la réalité de cette vie. J'ai plus envie prendre de mascarader. Qu'on me fiche en paix. Qu'on me permette de m’absenter. De disparaître. J’ai pas entrouvert les paupières. Pas la force de remuer ce corps de plomb. La porte de ma chambre s’ouvre lentement, peu à peu, une ombre. Silencieuse. Preste. J’entends qu'on murmure mon prénom. Instinctivement, je m'imagine feindre la pleine forme comme je sais le faire, mais je suis incapable d’articuler un mot. Je sens vaguement ces vagues de honte me traversent. Je m'en moque éperdument. Ça se saurait si j’étais capable de ressentir quoi que ce soit lorsque rechute. Émerger, rattraper la réalité. Ça tourne, c’est loin.Je tente de grimacer un sourire de circonstance afin de faire bonne figure. Un relent de politesse, c'est ça, un reste de courtoisie, ce fatras de bonnes manières que maman m'a fourré dans le crâne dès mon plus jeune âge. Faire ci et faire ça. Ne lamais faire, etc., ad libitum.
- Qu’est-ce que t'as ? Ta proprio m’a laissée entrer. Tu répondais plus. 
Un vague simulacre de sourire aux lèvres, je secoue insensiblement la tête.
- Mais ça va… t’inquiète.
Je me foutrais de sa gueule si j’avais toute ma tête. Elle me rejoint sur le lit, elle s’installe en tailleur. J'arrive à bouger mon bras pour faire disparaître deux plaquettes de médicaments. Pousser sous un bouquin et faire tomber le tout par terre, quoi. Discrétion et adresse. Un silence.
- Que t’arrive-t-il ?
Je hausse les épaules. Ça semble être la seule réponse qui vaille. Pertinente.  Le silence s’étire. Mon corps pèse. Une enclume.Je crois que je murmure finalement des mots qu'elle ne peut pas entendre.
- Je ne peux pas.
Elle se penche doucement vers moi, elle me prend tendrement dans ses bras.
- Je ne savais pas, je ne savais pas que…je suis désolée.
Réconfort, et fragilité. Tant de fragilité. Et de tristesse à la fois. Après un moment, je réussis à animer mes bras pour répondre à son étreinte. Sa main caresse doucement mes cheveux, ma nuque, elle ramène le calme.Et brusquement je déborde. Déchirement, tumulte. Murmure. Faut que ça cesse. Qu'elle cesse. Il faut que ça s’arrête. Faut… que ça s’arrête.
- Tu arrives à te lever ?
- Je me suis douchée. Mais...
Rien de précis. Simplement une indicible panique à la simple idée de quitter ma position fœtale, de déplier mes cuisses, elles protègent le vide abyssal de mon ventre. Bouger lentement. Bouger ma carcasse, le geste le plus insurmontable qui puisse être. Ça demande beaucoup d’énergie. J'en suis simplement incapable. Pas maintenant. Je ne peux pas me lever. Je peux pas. C’est trop demander. Ça requiert trop d'effort. Et à nouveau mes yeux sont prêts à déborder. Je déborde. Je chavire dans le vide de cette souffrance infinie.
- Je reste, murmure la voix. D’accord ?
Elle retire vivement son jean, se glisse sous la couette. Les bras toujours en cocon autour de mon pauvre corps, je me décale de deux centimètres. Un contact humain, c'est encore trop.
- On met une musique ?
- Je te laisse choisir, ai-je répondu avec amertume.
Ses mains en contact avec mes bras, elles les effleurent avant de les caresser légèrement comme pour prendre la température. Aquilons contraires dans ma caboche. Ses doigts dérivent vers mon T-shirt, le relèvent un peu. Y tracer un passage. Je me raidis. Mais que fais-elle, non, pas là, non, surtout pas là. Pas maintenant. Elle va pas quand même... non, ah non, pas ça. Mais que fais-tu, sacré bon dieu ? Affolement à la simple pensée de m'apercevoir que je suis de nouveau incapable de résister. Non. Mille fois non. Pas une nouvelle fois. Pas comme hier soir. Ses doigts remontent lentement, progressivement, le long de mon dos, ils esquissent un léger massage. Rien de plus. Rien de moins. Ma respiration reprend. Merde, j’étais en apnée. Mes muscles se détendent un peu, ils se relâchent tout à fait. Je redeviens un petit chaton prêt à ronronner. Au bout d’un certains moment, nos jambes finissent par s’entrelacer. Mes doigts suivent lentement les courbes de son corps. Ces lignes si belles à dessiner sur l'imaginaire d'un désir naissant.

LE PUZZLE DE JOSY

7 novembre 2018 à 14h40

Bientôt trente ans, demain matin. À huit heures trente-cinq pour être précis.
J'aimerais faire le bilan des vingt-neuf première année de mon existence qui viennent de s'écouler.Le condensé des événements essentiels, fondamentaux. Un bilan. Je trouve chouette de dresser le bilan d'une période donnée de sa vie. Une liste en quelque sorte. Une liste pour moi, ça donne un côté rassurant à sa vie, un peu comme une carte Michelin, elle ordonne les lieux et les événements, elle les recadre, les rend accessibles. On s'y repère au poil. Il est plus aisé de retrouver son chemin dans une ville étrangère dont on foule la terre pour la première fois avec une carte Michelin qu'à l'aide du guide d'un Guide Routard. Enfin je trouve. J’adore les cartes Michelin. J’adore le fait de me repérer sur cette carte, d'élaborer mon itinéraire, d’affronter comme par magie, ensuite, la réalité de cet itinéraire. Il est certain que ce système de cartes est magique, avec cette projection visuelle, mentale, de ce qu'on croit dur comme fer être la vraie vie. Ça débouche finalement par l'atterrissage abrupt, douloureux, dans la vie vraie. Avec une liste, c’est le contraire, on passe de la vraie vie à la vie vraie, à sa retranscription écrite, condensée, cadrée, rassurante. En fait, une liste ressemble à une carte à l’envers. Voici cette carte à l’envers. À l'aube de mes 30 ans j’ai quitté mon travail. J'ai démissionné. Quitté ce monde autoritaire de l’entreprise. Quitté cette soumission volontaire à une hiérarchie illégitime et aliénante. Déambulé dans Barcelone avec ma douce Fanny, puis à Florence, ce vieux rêve d’adolescente, seule, avec mon Reflex. Quel régal ! Ensuite au Costa Rica, comme échovolontaire, au contact de la nature, des animaux sauvages. J'ai présenté Papillon à mon papa. Une réussite. Je suis heureuse que papa apprécie autant Papillon. Découvert l’Ayurvéda, cette médecine traditionnelle Indienne, qui me faisait de l’œil depuis longtemps. J’ai appris le massage Abhyanga, issue de cette médecine et j'ai adoptée un lapin noir au sale caractère que j’ai baptisé Laura. Je me suis fait une nouvelle amie grâce à un site internet d’entraide. Un site de garde d'animaux divers. J'ai refusé quatre propositions d'entreprises qui me tendaient les bras pour rester fidèle à moi-même, et surtout pour suivre mes vrais désirs. J'ai mûri un projet, je me suis donné les moyens d’y arriver. J’y ai cru. J'ai créé ma microentreprise de Praticienne en massage Bien-Être, sous le statut d'une auto-entrepreneuse. Et je m’éclate, je me sens créative, malgré le peu de travail pour l’instant, des moments de doute, des choix à faire, des compromis à accepter et que j'accepte. J'ai signé deux contrats avec deux sociétés pour lesquelles je suis prestataire de service free-lance. J'ai rencontré des chefs d'entreprise. Et puisqu’il faut des événements tristes, j'ai assisté aux funérailles du papa de Papillon, mon mec, après une longue maladie. J'ai peut-être cassé définitivement avec mon petit frère. Puisqu’il faut des épreuves assumées, j'ai avorté le 20 mars, précisément. Une grossesse non désirée. Une crise terrible avec Papillon. Comme Marie-Ange, je me suis bien gardée de lui dire que j'étais enceinte de de son enfant. Pour quelle raison absurde, presque sadique, a-t-il fallu ensuite que j'aille tout lui balancer en pleine gueule ? L’épreuve sans doute la plus douloureuse de ma vie à aujourd’hui. La plus solitaire aussi. Un avortement affligeant, avec lequel je vis depuis, avec lequel je devrais vivre toute ma vie. J'en parlerai, qui sait, lorsque je serai prête, et que ça ne sera plus aussi triste et culpabilisant. Cet avortement. Mon avortement. Je n’aurais jamais cru que ça puisse m’arriver. Pas à moi. Aux autres oui, mais pas moi. Étrangement, je peine à réaliser que j’ai été enceinte, que je le suis plus. Je n'arrive pas à réaliser qu’aujourd’hui mon ventre devrait être rond. Ça révèle presque du surnaturel. Une souffrance avec laquelle il faut vivre. Un chagrin, une casserole de plus à traîner. La mort de maman est venue s'ajouter à la démence de mon jeune frère. La culpabilité en plus. Cette liste, cette carte à l’envers, elle n’est pas exhaustive. Je sais qu’il y a eu d’autres faits importants, mais je ne les ai pas en tête. Sans doute qu'ils ont probablement peu d'importance. Ou peut-être que je préfère me persuader que leur importance est insignifiante, même si c'est inexact. Les faits relatés dans cette liste ne sont pas dans l'ordre. Par exemple, j'ai créé ma microentreprise lorsque je suis tombée enceinte. J'ai décidé d'avorter, et seule, quand j'ai commencé de finaliser ce projet. J'ai changé, je me suis affirmée, j'ai pris la décision d'avorter sans rien dire à Papillon, puisque finalement j'avais pas besoin de son avis, C'est pas uniquement de ce fœtus innocent dont j'avortais, ce 20 mars. J'ai davantage ressenti le besoin d’avorter d’une période de ma vie pour en commencer une autre, en sacrifiant par nécessité un être indésirable à mes yeux. Je ne le remercierai jamais assez de m'avoir fait sortir de cet abysse où je sombrais. Corps et âme. D'y penser j'ai improvisé gaiement ces quelques vers : Mourir entre deux vie, mourir pour le plaisir / Pour la joie infinie d'être à l'aube de soi / Mourir sans penser au passé, au lendemain / Mourir très simplement, se réveiller la nuit / Dans les bras d'une extase au masque de Venise.
On toque. Trois coups brefs. Un quatrième. Comme le début de la cinquième de Beethoven. Mais plus insistant celui-là. Ne rien dire, ne rien faire, si ce n'est le mort. Si je fais le mort, on me fichera sûrement la paix. J'ai plus le goût de participer à la réalité de cette vie. J'ai plus envie prendre de mascarader. Qu'on me fiche en paix. Qu'on me permette de m’absenter. De disparaître. J’ai pas entrouvert les paupières. Pas la force de remuer ce corps de plomb. La porte de ma chambre s’ouvre lentement, peu à peu, une ombre. Silencieuse. Preste. J’entends qu'on murmure mon prénom. Instinctivement, je m'imagine feindre la pleine forme comme je sais le faire, mais je suis incapable d’articuler un mot. Je sens vaguement ces vagues de honte me traversent. Je m'en moque éperdument. Ça se saurait si j’étais capable de ressentir quoi que ce soit lorsque rechute. Émerger, rattraper la réalité. Ça tourne, c’est loin.Je tente de grimacer un sourire de circonstance afin de faire bonne figure. Un relent de politesse, c'est ça, un reste de courtoisie, ce fatras de bonnes manières que maman m'a fourré dans le crâne dès mon plus jeune âge. Faire ci et faire ça. Ne lamais faire, etc., ad libitum.
- Qu’est-ce que t'as ? Ta proprio m’a laissée entrer. Tu répondais plus. 
Un vague simulacre de sourire aux lèvres, je secoue insensiblement la tête.
- Mais ça va… t’inquiète.
Je me foutrais de sa gueule si j’avais toute ma tête. Elle me rejoint sur le lit, elle s’installe en tailleur. J'arrive à bouger mon bras pour faire disparaître deux plaquettes de médicaments. Pousser sous un bouquin et faire tomber le tout par terre, quoi. Discrétion et adresse. Un silence.
- Que t’arrive-t-il ?
Je hausse les épaules. Ça semble être la seule réponse qui vaille. Pertinente.  Le silence s’étire. Mon corps pèse. Une enclume.Je crois que je murmure finalement des mots qu'elle ne peut pas entendre.
- Je ne peux pas.
Elle se penche doucement vers moi, elle me prend tendrement dans ses bras.
- Je ne savais pas, je ne savais pas que…je suis désolée.
Réconfort, et fragilité. Tant de fragilité. Et de tristesse à la fois. Après un moment, je réussis à animer mes bras pour répondre à son étreinte. Sa main caresse doucement mes cheveux, ma nuque, elle ramène le calme.Et brusquement je déborde. Déchirement, tumulte. Murmure. Faut que ça cesse. Qu'elle cesse. Il faut que ça s’arrête. Faut… que ça s’arrête.
- Tu arrives à te lever ?
- Je me suis douchée. Mais...
Rien de précis. Simplement une indicible panique à la simple idée de quitter ma position fœtale, de déplier mes cuisses, elles protègent le vide abyssal de mon ventre. Bouger lentement. Bouger ma carcasse, le geste le plus insurmontable qui puisse être. Ça demande beaucoup d’énergie. J'en suis simplement incapable. Pas maintenant. Je ne peux pas me lever. Je peux pas. C’est trop demander. Ça requiert trop d'effort. Et à nouveau mes yeux sont prêts à déborder. Je déborde. Je chavire dans le vide de cette souffrance infinie.
- Je reste, murmure la voix. D’accord ?
Elle retire vivement son jean, se glisse sous la couette. Les bras toujours en cocon autour de mon pauvre corps, je me décale de deux centimètres. Un contact humain, c'est encore trop.
- On met une musique ?
- Je te laisse choisir, ai-je répondu avec amertume.
Ses mains en contact avec mes bras, elles les effleurent avant de les caresser légèrement comme pour prendre la température. Aquilons contraires dans ma caboche. Ses doigts dérivent vers mon T-shirt, le relèvent un peu. Y tracer un passage. Je me raidis. Mais que fais-elle, non, pas là, non, surtout pas là. Pas maintenant. Elle va pas quand même... non, ah non, pas ça. Mais que fais-tu, sacré bon dieu ? Affolement à la simple pensée de m'apercevoir que je suis de nouveau incapable de résister. Non. Mille fois non. Pas une nouvelle fois. Pas comme hier soir. Ses doigts remontent lentement, progressivement, le long de mon dos, ils esquissent un léger massage. Rien de plus. Rien de moins. Ma respiration reprend. Merde, j’étais en apnée. Mes muscles se détendent un peu, ils se relâchent tout à fait. Je redeviens un petit chaton prêt à ronronner. Au bout d’un certains moment, nos jambes finissent par s’entrelacer. Mes doigts suivent lentement les courbes de son corps. Ces lignes si belles à dessiner sur l'imaginaire d'un désir naissant.