Ce matin j'ai travaillé à la maison. Je ne sais plus trop ce que j'avais à faire, mais ce dont je suis sûre, c'est que l'agenda était rempli, que j'ai travaillé dur et intensément, et que lorsque midi trente est arrivé, j'étais contente de moi. C'est tellement rare... C'était la première fois depuis longtemps que j'avais ce sentiment d'utilité, du travail bien fait, du temps optimisé, des choses prévues réalisées, voire au-delà. Alors je me suis accordé une heure de détente et le droit de manger. Je me suis donné du temps à moi, en m'autorisant à couper les téléphones portables : j'ai eu un moment le coeur serré d'un brin de culpabilité, mais je me suis bravement forcée et me suis convaincue que j'en avais le droit. Après manger, j'ai éprouvé le besoin de m'allonger, et après une hésitation, je me suis aussi accordé ce droit : après tout il n'était que treize heures, or j'avais décidé de ne rien faire pendant une heure... La sieste n'était donc censée durer qu'une demi-heure, mais au fond de moi, je savais bien que quand je dors vraiment, une heure est un minimum. Alors j'ai resquillé jusqu'à quatorze heures, et je ne m'en suis pas trop voulue, car cela me menait jusqu'à l'heure de la reprise pour les gens qui travaillent, n'est-ce pas ? Je me suis forcée à ouvrir les yeux et à me lever à quatorze heures, et traînant les pieds, je me suis fait violence, pour m'activer et m'apprêter à partir : je devais être pour quinze heures trente à Paris, ce qui signifiait théoriquement un départ à quatorze heures trente. Je suis partie à quatorze heures quarante cinq, en me flagellant en pensée, moi, la Non-conforme, la Mollassonne, encore et toujours en retard ! Voilà : j'allais de nouveau me faire honte et ne pas être à l'heure...C'est une petite mort à chaque fois, une souffrance répétée quotidienne. Je suis arrivée à Paris à quinze heures trente : quelle chance ! Mais quel stress !...Et quelle idiote d'avoir autant souffert : mon banquier était en retard. De trois quart d'heure ! Alors j'ai fait ce que je devais et que j'avais eu peur de n'avoir pas le temps de faire après mon rendez-vous : envoyer de l'argent à l'étranger. Quel stress, ça aussi : se promener dans Paris avec deux-mille euros sur soi, suer et craindre de se faire agresser, comme par hasard à ce moment-là ! Pourquoi ? Parce que je suis aussi la Malchanceuse, et que je dois secrètement attirer le mal, puisque je suis mauvaise. Mais finalement, pas d'agression, j'ai réussi à trouver La Poste malgré l'inquiétude, mais il y avait la queue, et je voyais l'heure tourner avec un début de panique : j'allais finalement être en retard au rendez-vous repoussé... Une part de moi me soufflait que j'en avais bien le droit, puisque j'étais arrivée dans un premier temps à l'heure et que l'autre n'était pas là ! Mais l'autre part de moi arguait que j'étais vraiment mesquine de me venger de la sorte, et que si j'étais quelqu'un de bien, j'aurais dû être là à l'arrivée de l'autre ! La tension a recommencé a monter, et je ne me suis autorisée à faire rien d'autre que d'envoyer l'argent, bien que j'avais prévu de faire autre chose à La Poste. J'étais de toute façon trop tendue pour ne pas être harassée par cette démarche administrative : toujours la crainte de mal faire, de me tromper, de perdre de l'argent, qu'il ne soit pas reçu à temps... J'ai essayé de me détendre en passant des coups de fil pendant l'attente, mais je crois que j'ai finalement atteint l'inverse du résultat recherché. Comme d'habitude, de toute façon. J'ai ensuite couru jusqu'à la voiture, j'ai eu peur d'avoir une contravention, puisque je n'avais pas pris le temps d'aller jusqu'à l'horodateur : je l'aurais bien méritée ! Mais non, encore de la chance, sauf que cette fois, peut-être que je n'arriverais pas à temps avant la fermeture de la banque. Tension et stress, de nouveau, mais finalement, j'ai eu mon rendez-vous, et finalement je n'ai pas eu d'embouteillages (quelle chance, encore !) et j'ai réussi à récupérer ma fille à temps. Puis je me suis de nouveau accordée du temps, cette fois avec la puce : j'ai coupé les téléphones portables, en culpabilisant moins que le midi. J'ai couché la belle et rallumé les portables, mais j'étais fatiguée. Et j'étais étonnée de l'être : qu'avais-je fait de la journée, pour devoir me coucher à vingt-et-une heures ? Oui, d'accord, j'avais eu rarement cette sensation d'une journée bien remplie, mais de là à m'autoriser à ne plus rien faire... Alors j'ai décidé de me lever à trois heures du matin, je me suis abattue sur le lit, et j'ai comaté.