Je gâche tout, toujours tout. Comme si souffrire me rendait heureuse au fond de moi. Comme si m'apitoyer sur mon sort et voir les gens me plaindre me plaisait. Quand tout va bien je me sens obliger de tout gâcher. Je me sens obligé de faire souffrire les gens pour être sur que je ne suis pas la seule là-dedans. Mais est-ce que j'ai vraiment de bonne raison de me plaindre ? Non, aucune. Il y a toujours pire que nous, il suffit simplement de prendre le temps de regarder autour de nous. Je dors pas à la rue comme ce pauvre SDF que je croise chaque soir avant de rentrer chez moi, dans mon lit bien chaud. Je ne suis pas orpheline comme ce garçon que je connaissais qui vivait en foyer, et qui a finit drogué en psychiatrie car le manque d'amour la détruit. Je ne suis pas ces jeunes africains avec qui je traîne qui ont fuis la misère et la famine de leurs pays, dont l'espoir de vivre une vie meilleure en Europe. Les rêves pleins la tête, ils se sont vite rendu compte que personne ne les aiderait. Je ne suis pas non plus comme mon ami qui est considéré comme un drogué perdu, alors que personne ne sait qu'en fait il s'est fait battre toute son enfance. Je ne suis pas mes grands-parents qui ont perdu leur raison de vivre, la chair de leur chaire, leur fils qui a à peine 11 ans doit déjà quitter ce monde. Non, moi je n'ai rien vécu de tout ça. "T'as de la chance toi". Ils me le disent tous. Et c'est vrai, j'ai une famille qui ferait tout pour moi et qui m'aime. Un copain qui décrocherai la lune pour moi si il le pouvait. Je n'ai jamais manqué d'amour, ni d'attention. Du moins pas de mes parents. Alors pourquoi ne suis-je pas satisfaite ? Sûrement cette mentalité européenne qui nous pousse à ne jamais être content. Quand je vois des amis dormir dans la rue avec le sourire j'ai tellement honte. Ma vie n'a rien de terrible non, pourtant j'ai comme l'impression de manquer cruellement d'amour. C'est peut être ce manque de solidarité entre être humain qui me fait penser ça. Au final on est tous un peu triste, car tous forcé de vivre sur une terre qui se rapproche plus de l'enfer que du paradis. Comment être pleinement heureux quand chaque soir le journal nous annonce encore des morts, des enfants tués par leur parent, des viols, des guerres. Comment ne pas vivre dans la peur dans un monde de tarrés ? Les gens me font peur, vraiment. Quand je vois tous ces massacres, toutes ces personnes qui n'ont rien à perdre ça me fait vraiment peur. Alors on s'enferme à double tour dans nos maisons, et on ignore notre prochain. La peur de l'autre est encré en nous. On n'aide pas celui qui va mal car de toute façon c'est pas notre problème. On vit chacun pour soi et on mourra chacun pour soi. Parfois, quand le chaos est trop profond et que les choses devienne horrible on tend la main à son prochain. Mais seulement le temps d'un enterrement. Ensuite on retourne à notre petite vie, oubliant les autres. On court tous après l'argent, et pour cela on est prêt à détruire notre propre frère pour réussir. Oui, je crois que c'est ce manque d'humanité, de fraternité et de solidarité qui me rend aussi mal. Cette totale ignorance quand je suis la rue qui me fait mal. J'aime tant parler aux gens, car c'est ce qui fait la richesse. Les rencontres m'apprennent tellement. Mais on ne se regarde même pas, et il n'y a pas pire que l'ignorance.