Comment ce soir, je vais enfin balancer un évènement de ma vie que je n'ai raconté a personne. J'ai pas envie de dire comment c'est arrivé, c'est juste....
Tranche de vie, acte 1.
La solitude
ce lit dans lequel je ne peux pas trouver le sommeil
et cet écran vide qui me nargue. avec son clavier qui permet tant d'évasions... Qui fait qu'on se sent encore plus seul des fois...
et là
ce soir, j'ai envie de me confesser. J'ai besoin de lacher.
Oui oui, ce soir je crache le morceau.
Je vais faire fonctionner dans ma tête, cette petite machine à remonter le temps qu'est ma mémoire. Je vais retrouver ces images, ces sons, ces sentiments. Ceux que j'aime le moins. Je vais ouvrir la porte. Je vais l'ouvrir en grand.
Nous sommes en avril 2004.
1 mois.
C'est pas la première fois que j'ai un mois de retard. En général mes cycles sont très irréguliers. En plus j'ai été très prudente. Il n'y a aucun espèce de doute dans mon esprit. De plus, il y a quelques semaines, à l'hopital, pour controler des douleurs abdominales, ils m'ont fait un test de grossesse. Négatif m'ont-ils dit.
Alors je ne m'en fait pas.
Je ne m'en fait pas.
Je vais au boulot. le temps de trajet est long. Très long. D'abord le bus, puis le métro, puis à nouveau le bus. 1h30 en tout. Le temps d'écouter de la musique à me rendre sourde.
Là je le sens. J'ai grossi. Ca ne m'est pas arrivé depuis des années.
Je me sens mal dans ma peau tout d'un coup. J'ai grossi.... Ca veut dire que je ne suis plus désirable ? Que je suis laide ? Que de questions futiles, mais qui restent incroyablement présentes pour la jeune fille élevée au culte de l'apparence physique que je suis.
Fin du boulot. Bus, métro, bus à nouveau. La même chose, mais dans l'autre sens. Encore le même paysage qui défile.
Je rentre.
Là, mon meilleur ami me met au pied du mur. Faire un test. On ne sait jamais. Il n'y a rien entre lui et moi. Mais il ne veut pas que j'ai des ennuis. Direction la pharmacie la plus proche à pied. Test de grossesse. Je rentre. Je suis épuisée. Il y a ce test que je pourrai faire demain. Mais j'ai l'impression qu'il m'attend. Dans son emballage bleu. Il me nargue. Il me met mal à l'aise. Je n'aime pas ça. Je le prends, et je le fais, sur le champ. C'est facile un test de grossesse. C'est ou un plus ou un moins. Passage aux toilettes. Et attente. Et là, ça devait me le faire à moi : j'ai ni un plus ni un moins, mais une barre verticale bâtarde. Merde.
Moi, je ne m'inquiète toujours pas. Je suis malchanceuse, mais jamais de façon trop gravissime. Mon meilleur ami me met à nouveau au pied du mur. Un test sanguin dit-il. Je n'ai plus un sou en poche. Et le salaire tombe dans deux semaines. Il m'avance.
Je me sens misérable en allant le lendemain matin faire mon test au laboratoire du bas de la rue, avec cet argent avancé par mon meilleur ami. J'aurais au moins voulu me le payer moi même...
Prise de sang, la tête qui tourne. Moi qui mange ou trop ou pas assez...
Retour au boulot.
Même chemin. Trois fois trop long. Même musique, trois fois trop forte. Ce boulot que je fais cette année pour me payer mes études de l'an prochain... J'en ai rêvé de ces études. J'en ai rêvé toute ma scolarité. C'est ça que je veux faire. C'est pour ça que j'ai déjà tant payé.
Rebelote. Tous les jours.
Ce quotidien lassant. Cette solitude presque palpable. Cet ennui qui ne me quitte pas. Mais j'ai ce rêve de l'an prochain qui me tient éveillée. Et bien éveillée.
Aujourd'hui, c'est le jour des résultats des tests. Mais je finis le boulot trop tard. J'envoie mon meilleur ami les chercher. A 18h, je l'appelle.
Tu as mes tests ? Oui ? Ok nickel. Bon je regarderai ça à la maison.
Et soudain.... je suis là au téléphone.... je ne dis plus rien. La panique me saisit.
Vite. Donne moi le résultat. Oui ouvre l'enveloppe. Oui, je suis sure, oui. Dépêche toi.
Le silence. L'attente.
Et là, ce que j'entends dans le combiné, je sais que c'est une deuxième mort pour moi.
Je lâche le téléphone qui tombe par terre. La batterie s'est démontée.
Moi aussi.
Je tombe à genoux, les yeux grands ouverts. Ma bouche ne parvient à formuler aucun mot ou type de son connu.
Le test est positif.
Je suis enceinte.
A ce moment là, tous les clients du magasin on entendu mon hurlement dans l'arrière boutique. Il n'y avait plus de temps. Il n'y avait plus rien. C'était blanc devant mes yeux. C'est resté blanc un certain temps. J'émerge. Des larmes sur mes joues. Je suis toujours seule dans l'arrière boutique. Mes collègues ont eu la descence de me laisser pleurer seule.
"Tu ne tueras point"
Pardonnez moi seigneur, mais il n'y a aucune espèce de choix à partir de maintenant.
Et là, à ce moment là je ne savais pas encore.
Je ne savais pas que je venais de franchir la porte des enfers.
Aujourd'hui... J'y suis toujours.
Je rentre. Tout s'enchaîne. Je dois savoir exactement à combien de semaines j'en suis. Mais l'hopital m'avait bien dit que je n'étais pas enceinte il n'ya pas un mois : je dois donc en être au début de ma grossesse. je bute encore sur le mot. J'ai du mal à réaliser. A saisir. Je dois rêver. Là commence le marathon. Le pire de ma vie. Je prends un jour de congé maladie. Je file dans le centre hospitalier le plus proche pour faire un contrôle en échographie sans rendez-vous. C'est ça d'être jeune et pauvre.
Salle d'attente. Il y a là, de tout. Dont un couple en train de lire, de la joie plein les yeux, un petit livret sur une naissance prochaine. Ma gorge se noue. Je secoue la tête. je refuse de me laisser aller.
La gynécologue. Echographie. Question fatidique : Vous allez le garder ? Non.
Fin de la conversation avec le médecin. Déshabillez vous. Table de consultation, étriers, machin qui entre en moi pour voir à quel point je me sens nulle à chier.
Je tourne la tête. Mais la gynécologue a été la plus rapide : elle avait déjà tourné l'écran. Je ne vois pas mon bébé. Je tourne plusieurs fois la tête. Est-ce que mon regard fera se tourner cet écran ? Non. Je ne mérite pas de voir mon enfant. Le silence. Je me résigne. Je baisse la tête. je retiens mes larmes et mes hurlements en moi. Et là, dans ce silence qui devait peser des tonnes, j'entends tout d'un coup un battement cardiaque qui perce ce silence tellement fort qu'il va me percer les tympans. Le médecin à fait une fausse manip avec sa machine. Ces battements, c'est les miens. C'est les miens hein ? C'est bien les miens ??
Mes yeux s'agrandissent de façon démesurée. ma bouche reste entreouverte. Dans cette pièce sombre, où je ne vois que l'ombre de mon médecin. J'entends le coeur de mon bébé qui bat.
Rhabillez vous mademoiselle, c'est terminé.
Oui, j'en ai bien peur.
Mais le pire, c'est même pas ça.
Je sors. Choquée. Avec un dossier souvenir sous le bras. Maintenant, je dois aller manger quelquechose, et regarder là dedans, non seulement pour savoir à quel point je suis nulle à chier, mais aussi pour décider de l'emploi du temps des prochaines semaines. Je dois rester lucide. Je suis à gare Saint Lazare. J'ai du mal à penser malgré mes efforts. Je me pose au quick peu convaincue devant un menu quelconque : j'ai inéxorablement faim. Maintenant je sais pourquoi. J'avale rapidement ce que j'ai devant moi. Je prends l'enveloppe bleue, cadeau souvenir de ma visite chez ctte gynéco que je ne verrai probablement plus jamais. J'ouvre. Superbe dossier blanc à mon nom. Soudain, haut le coeur. Je suis sur le point de faire une crise de nerfs.
Des photos. Moi qui n'ai pu en parler à personne, qui suis seule devant l'évidence, qui suis seule devant ça, je ne m'attendais pas à avoir un album souvenir de ma déchirure. Je déglutis. Il y a un rapport avec. Et là, c'est une sentence. Je suis enceinte depuis 10 semaines. La date légale est de 12 semaines.
Le reste de mon coeur s'évapore comme ether à l'air libre.
Mon bébé à déjà des bras, des yeux, un coeur et une bonne partie de ses organes qui commencent à prendre sens. Il est petit, mais il s'est fait une bonne place dans mon corps, et il grandit. Et là, en regardant ses bras qui font à peine 1 cm, je suis envahie par la plus grand sentiment d'amour et d'horreur que j'ai jamais connu.
Je rentre. métro. Temps de trajet à pied. J'ai l'impression d'être un robot. Je ne voit plus les gens autour de moi. Il n'y a rien autour de moi. Ni temps ni gens. je suis là, devant chez moi, la clef dans la main : mes pas m'ont menée jusque là, sans même que je sache pourquoi.
La nuit. Seule. Seule. Incroyablement seule. Sans sommeil. Sans un mot. Moi, dans ce lit, en regardant le plafond comme une possédée, les yeux vides, avec une main sur mon enfant. J'ai deux semaines devant moi.
Et le lendemain, le marathon qui reprend.
J'appelle tous les hopitaux de Paris. J'ai pas le temps. Pas le temps de réfléchir. Pas le temps d'avoir mal. Pas le temps de peser le pour et le contre. Je me fais jeter de partout. Des délais d'attente interminables. Des infirmières qui me traitent d'assassin au téléphone. D'autres qui me disent que l'avortement me rendra stérile. Pas une seule place. Nulle part. Pas même en banlieue. J'appelle le père. Il sait depuis le premier jour. Il le vit bien mieux que moi d'ailleurs. Je vais dormir chez lui. Exorciser la solitude.
Et là, le coup de poignard : il me demande de le garder. Mon amour, moi aussi ça me fait mal à en crever. C'est mon enfant, je l'aime à un point inimaginable, et je vais le tuer. Parceque je n'ai rien à lui offrir... à ce petit bout de rien du tout qui se bat comme un lion pour grandir dans mon corps, et que j'aime désespérément... Je m'endors. Je ne pleure toujours pas. Je me l'interdis.
Le matin. J'entends une voix. J'ouvre un oeil. Deuxième coup de poignard en plein coeur. Il est là, l'oreille contre mon ventre à parler. Et il ne me parle pas à moi. Mes yeux se crispent dans un spasme de douleur que je ressens physiquement tellement je sens que je me brise.
Je me lève comme un zombie. je suis incapable de prononcer un seul mot. Je pars rapidement. Direction le planning familial demander à l'aide au secours, quelqu'un. N'importe qui. Et là-bas, j'arrive et je prends un ticket. Comme chez le boucher. mais en plus macabre. J'attends une heure, sans dire un mot. Quand ma machoire fait l'effort de s'ouvrir pour demander à l'aide, on me donne une feuille avec une liste de médecins privés. Bonne chance mademoiselle. Apelez les tous.
Je reste là comme une idiote devant ma feuille pleine de noms avec des numéros de téléphone. Je dois dire quelque chose. Au moins "merci" ou "aurevoir". Rien ne sort. Je sens mes pas qui me mènent dehors.
Téléphone.
J'appelle comme un zombie. Je dégote rendez vous chez un médecin hors de prix dans la semaine. Je le sais. Tout mon salaire va y passer. Mais à ce moment là, il n'y a plus rien qui compte. En fait.... Il n'y a plus rien. je me balade sans but. Je ne veux pas rentrer. A travers la poche de mon manteau, ma main est sur mon ventre. Je m'assois sur un banc. Je lui parle. dans ma tête.
Je lui dis qu'il fait froid. Qu'il fait gris à Paris aujourd'hui.Toujours les mêmes choses. Je ne pleure toujours pas.
Rendez vous avec le médecin privé. Coquet cabinet qui fait 20 fois chez mon appartement boulevard Saint Germain. Consultation. Dossier. Moi, toujours à moitié muette. Je trouve encore la force de répondre aux questions. Et de supplier. De supplier qu'il me prenne dans sa clinique avant la date limite. Il me dégote un rendez-vous. Il se plaint du système qui n'aide pas assez les femmes qui doivent avorter. N'oubliez pas mon chèque mademoiselle. Bien sur docteur.
Je signe, je note le rendez-vous avec l'adresse de la clinique. Oui, à la semaine prochaine.
Retour au boulot.
Le trajet m'a paru deux fois plus long. Pas de musique. Je suis sourde de toutes façons. Je lui parle encore. Je sens que je suis sur le point de craquer. Mais je ne me l'autorise pas.
J'arrive au boulot. Je fais de mon mieux pour rester pro. Fin de la journée. Mademoiselle, plan social, vous êtes virée. Merci bien. Aurevoir. Merci à tous.
Dernier retour. Je ne parle plus à personne. Ma main s'est machinalement posée sur mon ventre.
Je rentre. Celui qui ne sera jamais papa m'attends. Je reste la semaine avec lui. C'est à en crever tellement je ressemble plus à rien. A en crever. Chérie, gardons le. Mon amour, tu as 18 ans. Dis pas de conneries.
Je hurle. Je hurle. Sans un son. Je t'en prie, pourquoi tu ne m'aides pas ? Coup de poignard. tous les matins. Le même cirque. Il lui parle en riant. Moi je ne dis rien. Les jours passent, et j'en dis de moins en moins. Pas une larme.
Les tests médicaux. Des frais. Le salaire y passe. Plus aucune importance. Qu'est ce qui a de l'importance ? Rien n'a d'importance.
Mon enfant va mourir. Il est destiné à ne jamais venir au monde. Il va mourir. Je continue de me casser.
Le jour arrive.
Départ à la clinique. RER. Encore trop long. Pas un mot. Celui qui ne sera pas papa ne dit pour une fois rien. Ma main dans la sienne. Il regarde mon regard vide. A quel point il peut se refléter dedans. Arrivée à la clinique. Papiers. Signature. Premier chèque.
Allez en salle d'attente mademoiselle. Oui, j'y vais.
Deuxième salle. Je dois me changer pour l'opération. On me donne de quoi m'assomer une première fois. Lui lit tranquillement un bouquin. Un cauchemar, mais sans réveil. L'enfer, c'est maintenant. Maintenant que l'infirmière pousse mon lit. La main est sur mon ventre. Aurevoir être aimé. Aimé par-dessus tout. Aimé plus que quiconque. Aimé plus que ma vie elle-même. On m'installe sur cette table d'opération tellement étroite que je risque de tomber. Perfusion. Douleur. Je m'en fout. Soudain je vois. Et là, c'est pire que tout. Je vois les étriers. Je vois coment il mettront mes jambes quand je serai endormie. Là je remercie Dieu de subir une anesthésie générale. Le médicament arrive dans mon corps à travers la perfusion.
Adieu.
Je me suis réveillée. Quelques heures plus tard.
Il dort à côté de moi dans cette pièce. Il dort comme un enfant. Je ne pleure pas. Je ne prononce pas un mot.
Je peux marcher dit l'infirmière. Alors je marche. Signature. Deuxième chèque. Merci bien mademoiselle. A bientôt. C'est ça.
Taxi.
Chemin du retour sans un mot.
Je n'ai pas parlé pendant quelques jours.
Je ne suis pas sortie pendant deux semaines.
Je n'ai pu en parler à quasiement personne. Seule jusqu'au bout.
Je devait prendre un médicament parceque le rhésus du bébé n'était pas compatible avec le mien, pour éviter d'avoir un caillot de sang dans le cerveau. Aujourd'hui encore, le médicament meurt de rire dans le frigo. Je devais prendre un autre rendez-vous pour vérifier que tout allait bien. Je ne l'ai jamais pris.
Je n'ai pas été suivie. Je suis restée seule.
Je suis toujours en enfer.
A me dire que je mérite d'être au même endroit que lui.
Dans une poubelle avec écrit "Bio Hazard" dessus. C'est là qu'a fini l'être que j'aimais le plus en ce monde.
Je suis toujours nulle à chier.
J'ai maigri, mais je suis toujours laide.
Je me sens toujours indésirable.
Aujourd'hui, je paye toujours ce que je dois, tellement ça m'a mis sur la paille. Mars c'est la dernière traite.
Combien le psy pour sortir de l'enfer ?
Je ris jaune.
Il me manque.
Je survis. Pas lui. Il auarit du avoir un mois.
Je survis.
Maintenant....
Je dois vivre pour deux.
Roulez jeunesse.