La mort avec qui j'ai connu très tôt un rapport singulier. Elle était au centre de chacuns de mes jeux d'enfant. Absolument tout mes personnages, qu'ils soient peluches ou en plastique, articulés, humanoïdes, ou rien de tout ça, ils devaient tous terminer le jeu aussi logiquement que l'on termine sa vie, et de façon tragique et violente s'il vous plaît. Mon frère alors, avec sa franchise d'enfant, me renvoyait en plein visage la cruauté de mes jeux. "Plus tard" me disait-il "tu tueras quelqu'un et t'iras en prison".
J'ai perdu jeune, des personnes âgées de ma famille auxquelles j'étais très attachées. J'ai ressenti une vive tristesse mais un vif intérêt. Je voulais savoir, je voulais voir, je voulais toucher, je voulais trop et ce ne fut plus convenable. Des remontrances parentales me l'ont faites savoir.
Les cahiers de l'école devaient être décorés de dessins. Parfait ! j'adorais dessiner et mettais beaucoup de zèle à représenter une ville ruinée par un séisme ou un volcan qui éclate, recouvrant de son gribouillis gris toute forme de vie autour de lui. Un dessin récurent et qui m' a beaucoup troublé par la suite était celui d'un avion qui venait s'encastrer et exploser dans un gratte-ciel... Mais les institutrices étaient hermétiques à mon art et j'étais souvent sommé de faire des dessins plus gais.
Au collège, à l'âge ou mes potes commençaient à parler des filles, moi je leur parlais de la mort comme si je sortais avec elle. J'ai rapidement été catalogué le schizo, le psycho le gothok et je passe les autres. Mais à force de me faire traîter de fou alors que je ne l'étais pas plus qu'un autre, j'ai fini par comprendre, et il était temps. La mort est un sujet profondément tabou.