Oh Putain, dites-donc, j'en ai laissé filer du temps ...
Alors voilà, pour les rares qui suivent mes aventures, je tenais à m'excuser : J'ai même pas eu envie de m'attarder sur le net, avachie sur mon canapé et sans soutif, comme je le faisais avant .
L'été a un poil bouleversé tout ça .
Y a d'abord eu juillet et ses doutes, l'Autre qui me filait entre les doigts, ma vie qui partait en sucette et blablabla . Bref, un matin, j'ai rempli un sac de fringues et pris mon chat sous le bras pour rejoindre ma famille à la campagne . Ma famille se résumant à ma mère et à Greg, le seul de mes frères en âge de me parler et qui le fasse .
Pas une seconde, j'ai eu la jugeotte de penser que si Grégoire l'amoureux de l'océan prévoyait de rester plus d'un mois dans un bled qui ne possède même pas un ruisseau, c'est que ça cachait quelque chose . Quelque chose de louche .
Non, le 6 août, Haslee avait la mèche dans l'oeil, un mini short et le visage fermé .
Mon dernier client en juillet m'avait rappelé que " escort" signifie bel et bien "pute ", et j'étais rentrée chez moi en pleurant de colère et de fatigue . Depuis plus un rond dans les poches, je trainais ma vingtaine entre le bureau de tabac du quartier et mon lit .
Bref, Greg et ses soucis avec le premier mari de Maman
( accessoirement, son père, j'ai des problèmes de compréhension avec la multitude des liens de sang dans ma famille ... ), Maman et ses soucis naturels, moi et mon impression que tout m'avait explosé au visage, honnêtement, je ne cacherais à personne que c'était loin d'être l'ambiance d'un bal musette .
Alors un soir, Haslee, petite Princesse qu'elle a toujours été, qu'elle s'est toujours cru, celle qui ne sort jamais sans maquillage et qui a toujours dans son sac un mouchoir en dentelle parfumé pour traverser les endroits malodorants en continuant à croire qu'elle est dans son palais , a avalé le tube de Lexomil qui, lui aussi est toujours rangé dans une petite poche secrète de son sac .
Alors, là, faut que je vous raconte, parce que ça avait quelque chose de romanesque . J'avais mis ma plus belle robe, le matin même, une grande robe longe colorée, avec de grandes fleurs qui semblent dessinées à l'aquarelle . De la dentelle blanche sur le décolleté et un simple ruban qui la tient attachée autour du cou . Magnifique, je vous dis . Je l'avais mise pour aller faire les courses et montrer aux paysans du cru que j'étais ... Pas comme eux .
Alors, voilà, j'ai mis de la poudre sur mon visage, et je me trouvais vraiment belle et tragique devant le miroir : plus rien d'autre qu'un teint parfait . J'ai tiré mes cheveux ( trop longs ) en chignon serré et j'ai pris les cachets . Deux par deux Sauf le dernier parce qu'ils étaient en nombre impair .
Et je suis redescendue sur la terrasse, dehors, là où tout le monde prenait l'apéritif . J'ai bu deux verres de blanc, je revois mes doigts sur le verre, va savoir pourquoi, ongles peints en rosé sur l'or du liquide . Fantastique . Ma tête tournait, Greg a demandé ce qui n'allait pas et je l'ai regardé en disant : " Je me suicide " .
Après, il parait que ça a été la panique, mais je m'en souviens plus, Greg m'empêchait de m'endormir mais j'étais quand même plus là .Maman a voulu appeler une ambulance puis a finalement décidé qu'on irait plus vite à l'hôpital en voiture . Elle me parlait pendant que j'essayais de partir en regardant par la fenêtre. C'était vert, la campagne, j'aimais ça . Je voulais pas mourir dans mon studio minable dans une grande ville. La campagne, c'était magique pour un départ .
A l'hôpital, Maman a appelé des gens qui m'ont sortie de la voiture ( à partir de là, c'est ce qu'on m'a raconté, tout est brouillé dans mon esprit, un peu comme Canal + quand c'est pas décrypté ), on m'a allongée sur une sorte de lit et je voulais pas lâcher mon portable. Laura m'a appelée, comme un soir sur deux à 20h30, et je me rappelle avoir pris l'appel et avoir dit très calmement, " Lo, je peux pas te parler maintenant, je suis avec du monde " . Une infirmière m'a dit qu'elle trouvait ma robe très jolie, je crois que c'était pour que je reste éveillée et Maman m'a dit plus tard que j'avais répondu " Oui, je la trouve très belle aussi " .
Plus triste, j'ai appelé l'Autre pour lui dire au revoir, mais il a pas répondu . Je crois qu'on attendait que le médecin vienne m'examiner, je me suis endormie pour de bon, j'étais tellement bien ...
Le réveil a été douloureux, j'étais seule, une aiguille plantée dans la main dans une salle qui sentait la mémé et j'avais mal, tellement mal à la main, cette putain de perfusion me faisait un mal de chien . Deux infirmiers ont remarquée que j'étais réveillée, ils ont voulu m'aider à enfiler une chemise qui cachait autre chose que mon nombril, mais je leur ai demandé de se retourner pendant que je le faisais . Ils on rigolé, mais ils m'ont laissée m'emmitoufler comme je pouvais avant de me coller sous une douche chaude .
Maman était là quand je suis sortie, ses yeux étaient tellement cernés que pour la première fois j'ai eu mal pour ceux que j'avais voulu laisser . J'étais assise sur mon lit en fer avec ma perfusion qui foutait le camp et me faisait de plus en plus mal, et elle n'a rien dit, n'a pas posé de questions, elle m'avait juste apporté des affaires propres et mon flacon de parfum . Elle m'a aidée à m'habiller, j'étais entrée princesse, je ressortais nana normale, avec un jean et un t-shirt avec un passage chez le psychiatre dont je ne me souviens plus . Je me rappelle avoir refusé de faire une cure d'un mois à l'hôpital, j'ai dit que j'avais du travail mais j'ai pas voulu dire quoi . Ensuite, on est parties, il tombait des cordes et je me suis endormie dans la voiture . Maman pleurait . Moi j'avais les yeux secs et je sais maintenant que j'osais pas me dire " Ce n'est que partie remise " .
Le soir, on m'a mis un Effexor et un Imovane dans la bouche, Greg m'a bordée et Maman a caché le Lexo .
J'ai perdu 10 kilos, pris régulièrement mes antidépresseurs mais à la fin de la plaquette d'Imovane, j'ai recommencé à plus pouvoir dormir . Maman me faisait boire du tilleul, je faisais pipi 5 fois par nuit .
L'été est passé, ça va faire quatre mois, bientôt que j'ai essayé de prendre la fuite comme je pouvais . Ma jolie robe de princesse morte est trop grande, beaucoup trop grande, je pèse 49 kg au lieu de 58 et personne de mon entourage amical ne sait ce qu'il s'est passé . Maintenant, je m'enroule dans mon nouveau manteau en laine beige, je serre mon foulard en soie et je me raccroche à ses putains de babioles en provenance de mon carnet de chèques qui ne veulent rien dire mais qui me rassurent . Romain m'a tourné autour, j'ai cédé, ça fait même pas deux semaines, déjà il s'éloigne, mais avec deux Xanax et le Lexo qu'on m'a re-préscrit ( c'est con, un médecin, n'est ce pas ? ) j'y pense même pas . Je lis " Le Spleen de Paris" en ce moment, hier soir, j'étais si bien, avec Baudelaire, une Lucky et Cat Stevens dans les oreilles .
C'est la fin de l'automne, et comme toutes les feuilles mortes, je commence à pourrir . Qu'on me juge ! Amusez vous bien, y a du boulot .