Je suis née en Ontario, près de la frontière québécoise. J’ai grandi en Abitibi, dans un petit village d’environ 1000 habitants, où je suis arrivée à l’âge de 22 mois. J’ai vécu une enfance heureuse avec ma mère et mon père. À 4 ans, mon petit frère est arrivé. À 5 ans, alors que je fête mon anniversaire, je reçois une boîte par la poste d’une personne que je ne connaissais pas. J’apprends alors que mon père, l’homme de ma vie pour une fillette de cet âge là, n’est pas mon vrai père et qu’en réalité, mon vrai nom n’est pas celui que je crois avoir mais bien celui d’un homme dont je n’ai jamais connu l’existence avant cette journée, qui était supposé en être une joyeuse.
Je ne me souviens pas de grand chose de cette journée, mais je me souviens d’avoir frapper ma mère en lui disant que ce n’était pas vrai et qu’elle était méchante de me dire ça. Je me souviens d’avoir pris la carte de fête que je venais de recevoir et de l’avoir déchiré en deux.
Au cours des années, ma mère me racontera au compte gouttes des choses sur mon vrai père. J’apprendrai entre autre qu’il ne voulait rien savoir de moi étant petite, que ses parents étaient alcooliques, que ma mère et lui ont fait de la prison quand j’avais quelques mois parce qu’il a obligé ma mère à voler, qu’il a accoté ma mère dans le mur et l’a serré assez fort pour qu’elle est des bleus dans le cou. J’ai donc grandi avec l’image d’un homme alcoolique et violent, qui ne travaillait pas et qui se foutait complètement de moi.
Mon enfance s’est assez bien passée, jusqu’à l’âge de 12 ans, où j’ai commencé un peu à me rebeller contre ma mère. Du plus loin que je me souvienne, je ne me suis jamais bien entendu avec ma mère. Je ne pourrais pas vraiment l’expliquer, c’était comme viscéral. Ma mère a un tempérament assez particulier, très manipulatrice et qui aime beaucoup jouer avec les émotions.
J’ai commencé à me rebeller parce que je voyais plein d’injustices face à moi et je ne comprenais pas pourquoi. Mon frère jouait au hockey depuis l’âge de 5 ans mais moi, je ne pouvais pas pratiquer aucun sport. J’ai fait du patinage artistique pendant 2 ans, entre 5 et 7 ans et j’ai du arrêter, je ne sais pas trop pourquoi. J’ai toujours voulu suivre des cours de danse, mes parents n’ont jamais voulu. Petite, j’ai voulu jouer au hockey mais selon mon père, ce n’était pas un sport pour les filles. Le prétexte que j’avais toujours était qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour m’inscrire à un sport. Pourtant… y a-t-il un sport qui coûte plus cher que le hockey, d’autant plus que mon frère était gardien de but ?
À quelques reprises durant mon enfance, ma mère recevait des lettres de mon père biologique parce qu’il voulait me rencontrer. Ma mère n’a jamais voulu qu’il me voit et n’a jamais rien fait qui puisse me donner envie de rencontrer un jour mon vrai père. Je ne voulais rien savoir de lui et de toute façon, mon vrai père pour moi, c’était celui qui avait toujours été là pour moi. J’avais tout ce que j’avais besoin avec lui et il m’aimait comme sa propre fille.
Mon père travaillait dans un moulin à scie et il travaillait beaucoup. Je me souviens qu’il n’était pas souvent à la maison, qu’il faisait beaucoup d’over time pour subvenir aux besoins de notre famille. Ma mère, elle, n’a jamais gardé d’emploi très très longtemps. Je me souviens qu’elle a déjà travaillé dans un pizzéria, qu’elle a planté des arbres pendant 1 ou 2 étés, qu’elle a gardé des enfants, qu’elle a donné des cours d’anglais au secondaire. Mais je me souviens surtout qu’en général, elle était à la maison. Et je me souviens aussi que je ne voulais jamais y être quand elle y était…
Comme j’ai dit plus haut, ma mère est très manipulatrice et elle est très douée pour faire pitié. Combien de fois dans ma vie je l’ai entendu dire qu’elle se suiciderait, qu’elle se tuerait, que personne ne l’aimait… je ne peux même pas les compter tellement c’est arrivé souvent. Assez que je me souviens d’une fois où en me disant qu’elle voulait se jeter en bas d’un pont, je l’ai coupé en plein milieu de sa phrase en lui disant que j’irais avec elle et que je la pousserais moi-même en bas du pont. J’en avais plus qu’assez de ses manipulations et je savais très bien qu’elle ne le ferait jamais.
Je me souviens qu’elle nous obligeait mon frère et moi à lui « prêter » l’argent qu’on avait gagné, moi en gardant des enfants, mon frère en distribuant les publisacs ou en faisant des gazons ici et là. Évidement, ces prêts se transformaient toujours en dons puisqu’elle ne nous remettait jamais notre argent. Je me souviens aussi d’une fois où mon frère, alors âgée de 9 ou 10 ans, lui avait dit non alors qu’elle venait de lui demander s’il voulait lui prêter de l’argent et qu’elle lui a répondu que s’il ne lui prêtait pas d’argent, il ne sortirait pas pendant une semaine.
Avec mon frère, ça toujours été comme chien et chat entre lui et moi. J’étais le genre de petite fille à sa place, surdouée à l’école et très tranquille. À 5 ans, je passais des soirées à faire des mots mystères sur la galerie. Mon frère lui, ça été complètement le contraire. Hyperactif, nul à l’école, il n’écoutait jamais ce qu’on lui disait et un mauvais coup n’attendait pas l’autre. Il passait son temps dans le bureau du directeur et s’est fait suspendre de l’école plusieurs fois.
Avec l’ambiance qu’on avait à la maison, je m’arrangeais pour ne jamais y être, ou presque. Malgré le fait que je sois une fille très sage et à mon affaire, je ne pouvais pas sortir tard le soir. À 15 ans, je devais rentrer chez moi à 10h lors du party mensuel à l’école secondaire où j’allais, malgré le fait que la polyvalente soit à 10 minutes de marche de chez moi. Pourtant, depuis l’âge de 12 ans je gardais des enfants et j’ai même eu mon premier contrat de gardiennage pour un poupon de 6 mois, que je gardais des journées et des nuits complètes. J’étais assez mature pour avoir la garde d’un enfant de 6 mois, mais pas assez pour pouvoir rentrer à minuit d’un party occasionnel qui se terminait lui aussi à minuit !
J’ai vécu la majorité de mon adolescence chez mes 2 meilleures amies. En grande partie parce que c’était l’enfer chez nous. Ma mère criait tout le temps, elle était incapable de demander quelque chose, elle gueulait. Pour moi, le choix n’était pas très difficile à faire, quand j’étais à la maison, il y avait mon frère avec qui je ne m’entendais pas du tout et ma mère qui gueulait à tue tête.
Ce qui fait que j’étais toujours chez mes 2 amies, presqu’en permanence. Je soupais là et je revenais pour coucher. Et très souvent, je réussissais à avoir la permission de dormir là. J’étais jamais chez moi, je mangeais pratiquement jamais chez moi non plus mais si j’avais le malheur de demander si une amie pouvait souper chez nous, je me faisais sermonner et on me disait qu’on avait pas d’argent pour nourrir le village. Pour la quantité de fois où j’ai mangé ailleurs, il n’y avait pas assez de bouffe pour nourrir une personne de plus ?
J’avais tellement hâte de partir de chez mes parents et enfin avoir une place paisible que lorsque j’ai fini mon secondaire pour aller au cégep, j’ai décidé de partir en appartement, même si c’était à 45 minutes en auto de chez mes parents. J’aurais pu choisir de m’acheter une petite voiture et voyager soir et matin. Mais je voulais me retrouver seule, dans mes affaires, être autonome et ne plus avoir des comptes à rendre à personne. J’ai donc loué mon premier appartement, à 16 ans, que je payais avec mes prêts et bourses. Ça été le début pour moi de ma liberté…