Le journal de M

Un journal de Journal Intime.com

Archive du journal au 27/12/2014.

Sommaire

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26 avril 2008 à 11h54

Je suis née en Ontario, près de la frontière québécoise. J’ai grandi en Abitibi, dans un petit village d’environ 1000 habitants, où je suis arrivée à l’âge de 22 mois. J’ai vécu une enfance heureuse avec ma mère et mon père. À 4 ans, mon petit frère est arrivé. À 5 ans, alors que je fête mon anniversaire, je reçois une boîte par la poste d’une personne que je ne connaissais pas. J’apprends alors que mon père, l’homme de ma vie pour une fillette de cet âge là, n’est pas mon vrai père et qu’en réalité, mon vrai nom n’est pas celui que je crois avoir mais bien celui d’un homme dont je n’ai jamais connu l’existence avant cette journée, qui était supposé en être une joyeuse.

Je ne me souviens pas de grand chose de cette journée, mais je me souviens d’avoir frapper ma mère en lui disant que ce n’était pas vrai et qu’elle était méchante de me dire ça. Je me souviens d’avoir pris la carte de fête que je venais de recevoir et de l’avoir déchiré en deux.

Au cours des années, ma mère me racontera au compte gouttes des choses sur mon vrai père. J’apprendrai entre autre qu’il ne voulait rien savoir de moi étant petite, que ses parents étaient alcooliques, que ma mère et lui ont fait de la prison quand j’avais quelques mois parce qu’il a obligé ma mère à voler, qu’il a accoté ma mère dans le mur et l’a serré assez fort pour qu’elle est des bleus dans le cou. J’ai donc grandi avec l’image d’un homme alcoolique et violent, qui ne travaillait pas et qui se foutait complètement de moi.

Mon enfance s’est assez bien passée, jusqu’à l’âge de 12 ans, où j’ai commencé un peu à me rebeller contre ma mère. Du plus loin que je me souvienne, je ne me suis jamais bien entendu avec ma mère. Je ne pourrais pas vraiment l’expliquer, c’était comme viscéral. Ma mère a un tempérament assez particulier, très manipulatrice et qui aime beaucoup jouer avec les émotions.

J’ai commencé à me rebeller parce que je voyais plein d’injustices face à moi et je ne comprenais pas pourquoi. Mon frère jouait au hockey depuis l’âge de 5 ans mais moi, je ne pouvais pas pratiquer aucun sport. J’ai fait du patinage artistique pendant 2 ans, entre 5 et 7 ans et j’ai du arrêter, je ne sais pas trop pourquoi. J’ai toujours voulu suivre des cours de danse, mes parents n’ont jamais voulu. Petite, j’ai voulu jouer au hockey mais selon mon père, ce n’était pas un sport pour les filles. Le prétexte que j’avais toujours était qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour m’inscrire à un sport. Pourtant… y a-t-il un sport qui coûte plus cher que le hockey, d’autant plus que mon frère était gardien de but ?

À quelques reprises durant mon enfance, ma mère recevait des lettres de mon père biologique parce qu’il voulait me rencontrer. Ma mère n’a jamais voulu qu’il me voit et n’a jamais rien fait qui puisse me donner envie de rencontrer un jour mon vrai père. Je ne voulais rien savoir de lui et de toute façon, mon vrai père pour moi, c’était celui qui avait toujours été là pour moi. J’avais tout ce que j’avais besoin avec lui et il m’aimait comme sa propre fille.

Mon père travaillait dans un moulin à scie et il travaillait beaucoup. Je me souviens qu’il n’était pas souvent à la maison, qu’il faisait beaucoup d’over time pour subvenir aux besoins de notre famille. Ma mère, elle, n’a jamais gardé d’emploi très très longtemps. Je me souviens qu’elle a déjà travaillé dans un pizzéria, qu’elle a planté des arbres pendant 1 ou 2 étés, qu’elle a gardé des enfants, qu’elle a donné des cours d’anglais au secondaire. Mais je me souviens surtout qu’en général, elle était à la maison. Et je me souviens aussi que je ne voulais jamais y être quand elle y était…

Comme j’ai dit plus haut, ma mère est très manipulatrice et elle est très douée pour faire pitié. Combien de fois dans ma vie je l’ai entendu dire qu’elle se suiciderait, qu’elle se tuerait, que personne ne l’aimait… je ne peux même pas les compter tellement c’est arrivé souvent. Assez que je me souviens d’une fois où en me disant qu’elle voulait se jeter en bas d’un pont, je l’ai coupé en plein milieu de sa phrase en lui disant que j’irais avec elle et que je la pousserais moi-même en bas du pont. J’en avais plus qu’assez de ses manipulations et je savais très bien qu’elle ne le ferait jamais.

Je me souviens qu’elle nous obligeait mon frère et moi à lui « prêter » l’argent qu’on avait gagné, moi en gardant des enfants, mon frère en distribuant les publisacs ou en faisant des gazons ici et là. Évidement, ces prêts se transformaient toujours en dons puisqu’elle ne nous remettait jamais notre argent. Je me souviens aussi d’une fois où mon frère, alors âgée de 9 ou 10 ans, lui avait dit non alors qu’elle venait de lui demander s’il voulait lui prêter de l’argent et qu’elle lui a répondu que s’il ne lui prêtait pas d’argent, il ne sortirait pas pendant une semaine.

Avec mon frère, ça toujours été comme chien et chat entre lui et moi. J’étais le genre de petite fille à sa place, surdouée à l’école et très tranquille. À 5 ans, je passais des soirées à faire des mots mystères sur la galerie. Mon frère lui, ça été complètement le contraire. Hyperactif, nul à l’école, il n’écoutait jamais ce qu’on lui disait et un mauvais coup n’attendait pas l’autre. Il passait son temps dans le bureau du directeur et s’est fait suspendre de l’école plusieurs fois.

Avec l’ambiance qu’on avait à la maison, je m’arrangeais pour ne jamais y être, ou presque. Malgré le fait que je sois une fille très sage et à mon affaire, je ne pouvais pas sortir tard le soir. À 15 ans, je devais rentrer chez moi à 10h lors du party mensuel à l’école secondaire où j’allais, malgré le fait que la polyvalente soit à 10 minutes de marche de chez moi. Pourtant, depuis l’âge de 12 ans je gardais des enfants et j’ai même eu mon premier contrat de gardiennage pour un poupon de 6 mois, que je gardais des journées et des nuits complètes. J’étais assez mature pour avoir la garde d’un enfant de 6 mois, mais pas assez pour pouvoir rentrer à minuit d’un party occasionnel qui se terminait lui aussi à minuit !

J’ai vécu la majorité de mon adolescence chez mes 2 meilleures amies. En grande partie parce que c’était l’enfer chez nous. Ma mère criait tout le temps, elle était incapable de demander quelque chose, elle gueulait. Pour moi, le choix n’était pas très difficile à faire, quand j’étais à la maison, il y avait mon frère avec qui je ne m’entendais pas du tout et ma mère qui gueulait à tue tête.

Ce qui fait que j’étais toujours chez mes 2 amies, presqu’en permanence. Je soupais là et je revenais pour coucher. Et très souvent, je réussissais à avoir la permission de dormir là. J’étais jamais chez moi, je mangeais pratiquement jamais chez moi non plus mais si j’avais le malheur de demander si une amie pouvait souper chez nous, je me faisais sermonner et on me disait qu’on avait pas d’argent pour nourrir le village. Pour la quantité de fois où j’ai mangé ailleurs, il n’y avait pas assez de bouffe pour nourrir une personne de plus ?

J’avais tellement hâte de partir de chez mes parents et enfin avoir une place paisible que lorsque j’ai fini mon secondaire pour aller au cégep, j’ai décidé de partir en appartement, même si c’était à 45 minutes en auto de chez mes parents. J’aurais pu choisir de m’acheter une petite voiture et voyager soir et matin. Mais je voulais me retrouver seule, dans mes affaires, être autonome et ne plus avoir des comptes à rendre à personne. J’ai donc loué mon premier appartement, à 16 ans, que je payais avec mes prêts et bourses. Ça été le début pour moi de ma liberté…

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27 avril 2008 à 9h53

Me voilà donc dans mon premier appartement, à quelques mois d’avoir 17 ans. Mes parents m’ont aidé pour ma première épicerie, m’ont donné quelques trucs comme de la vaisselle, un micro-onde. Comme je partais avec une coloc et qu’une partie des meubles étaient fournis avec l’appart, je n’avais pas besoin d’énormément de choses. Je suis restée un an à cet endroit, pour ensuite déménager dans plus grand l’année d’ensuite, avec une amie que j’avais connue dans mes cours.

Je m’étais inscrite en soins infirmiers et j’adorais mes cours. Dès la 1ère session, on a eu des stages à l’hôpital et j’aimais vraiment beaucoup ça. C’était la première fois de ma vie que j’avais autant de liberté et que je pouvais choisir par moi-même tout ce que je voulais faire. J’ai donc fait comme bien du monde et je suis sortie plus qu’à mon tour, parfois 3 à 4 fois par semaine. Ça été les plus belles années de ma vie et j’en garde un excellent souvenir ! Par contre, sortir souvent s’est résumé aussi à manquer des cours, dormir en classe, abandonner des cours que je ne considérais pas important, comme la philosophie par exemple.

En 1996, à ma deuxième année de Cégep, alors que des infirmières ont été forcé de prendre leur retraite et qu’on nous annonçait aux nouvelles qu’il y avait trop d’infirmières et que le taux de placement ne serait pas très élevé, j’ai décidé de me réorienter. D’autant plus que mes parents étaient retourné dans leur région natale, pour se rapprocher de leur famille. J’ai décidé de venir étudier à Montréal pour me rapprocher moi aussi de ma famille. N’ayant pas de parenté rapprochée en Abitibi, je ne voulais pas faire ma vie seule là bas, loin de tous mes proches.

Un déménagement s’impose donc à la fin de mon année scolaire 96, et je me retrouve à Montréal, cette grande ville que je ne connais pas du tout et où je ne connais personne non plus. Je ne me souviens pas qui m’a déménagé, sans doute mes parents, avec probablement un seul camion puisque je n’avais pas grand-chose à apporter, à part mes bureaux et mes effets personnels. Je déménagerai avec ma cousine, que je considère comme ma meilleure amie, ma grande sœur et ma confidente. On habitera ensemble un an, dans l’est de Montréal et je déménagerai dans le quartier Rosemont, près du collège du même nom, où j’étudierai pendant près de 7 ans et où j’ai eu bien du plaisir là aussi.

J’ai fait mon DEC en bureautique, en alternance travail-études. Au cours de mon DEC, j’ai eu un cours de comptabilité et j’ai vraiment adoré ce cours. À la fin de mon DEC, alors que j’avais trouvé un emploi à temps partiel, pour lequel je me suis retrouvé à temps plein quand j’ai eu mon diplôme, j’ai donc décidé de faire un DEC en administration, option finance. Comme je travaillais à temps plein le jour, je l’ai fait de soir, en moins de 3 ans. Et c’est là que j’ai eu la piqûre pour la comptabilité. J’avais vraiment trouvé ma branche.

Après l’obtention des mes 2 diplômes, j’ai décidé de m’inscrire à un certificat en comptabilité générale à l’UQAM. Comme j’avais eu d’excellentes notes au collège, ma cote R était assez élevée pour qu’on me crédite 3 cours sur 10 au certificat. J’ai fait 4 cours et j’ai finalement laissé tomber, j’en avais assez de l’école. Je pense parfois à y retourner, qui sait ce qui arrivera dans l’avenir…

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28 avril 2008 à 9h04

Je suis arrivée à Montréal en mai 1996 et j’ai rencontré l’amour de ma vie quelques jours plus tard, j’avais 18 ans. On était toujours ensemble et c’était comme si on s’était connu depuis toujours. Il m’a fait visiter Montréal, sous à peu près tous ses angles. Tout le monde nous enviait et disait de nous qu’on était le couple parfait, qu’on avait l’air tellement heureux.

Il allait à l’université, moi au collège et il avait toujours tout plein de petites attentions envers moi. J’arrivais à l’école, j’ouvrais mon casier et je trouvais un petit mot qu’il m’avait laissé pendant mes cours. J’étais avec des amis, entre deux cours et tout à coup je l’apercevais, alors qu’il n’était pas supposé venir me voir à ce moment là. Il était toujours de bonne humeur, souriant, à faire des blagues et me faire rire… et moi j’étais heureuse, je me sentais importante, appréciée, aimée.

Avec lui dans ma vie, j’étais le bonheur incarné. J’ai toujours été de nature très positive, une fille souriante et toujours de bonne humeur mais le jour où il est entré dans ma vie, je resplendissais de bonheur, c’était écrit dans mon front que j’étais en amour et que j’étais heureuse. N’importe qui sur la rue aurait pu le deviner, j’avais l’impression de voler, de flotter.

On s’est fréquenté pendant quelques mois, jusqu’au jour où il m’annonce qu’on doit se quitter parce que sa famille lui a trouvé une fiancée. Il était d’origine asiatique et dans plusieurs cas, les enfants sont promis dès leur naissance à quelqu’un d’autre. La terre venait de s’arrêter de tourner pour moi, ma vie n’avait plus aucun sens sans lui… J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps et je n’ai jamais eu autant de peine de toute ma vie.

Malgré cette nouvelle, on a continué à se voir pendant quelques mois. Rien n’avait changé entre nous, à part le fait qu’il finirait par aller s’installer aux Etats-Unis pour se marier avec elle, et continuer sa vie là bas. Il continuait à venir me voir à l’école, à me faire des surprises, comme avant… jusqu’au jour où il a fait un voyage pour aller la rencontrer. Après ce moment, on a préféré ne plus se voir, pour ne plus souffrir, j’imagine.

On s’est revu à quelques reprises pendant les 5 ans qu’il a été ici avant de quitter pour s’installer définitivement là bas et chaque fois, on ne pouvait s’empêcher de se sauter dans les bras, c’était plus fort que nous, comme 2 aimants qu’on approche l’un de l’autre et qui soudain se colle l’un à l’autre. Et chaque fois, c’était un calvaire pour moi parce que je me rendais compte que mes sentiments étaient toujours les mêmes envers lui, même après tout ce temps. Et je sentais que c’était la même chose de son côté.

Douze ans plus tard, il est marié, il a un petit garçon et on est toujours resté en contact. La dernière fois que je l’ai vu, c’était quelques temps avant qu’il quitte pour les Etats-Unis, ça devait être en 2001 je crois. Il s’informe encore de moi, de ma famille, de ce que je deviens et me demande régulièrement si je suis heureuse, si tout va bien pour moi.

On a reparlé quelques fois de ce qui nous était arrivé, comment on voyait les choses, mais il n’est pas capable d’en parler, il évite volontairement de répondre à certaines de mes questions. Quand je lui demande s’il est heureux, il ne me répond jamais clairement, mais plutôt en parabole, ce qui me fait penser qu’il a des regrets et que c’est trop douloureux pour lui d’en parler.
Je me demande quelle serait ma réaction si je le voyais demain. Je me suis souvent posé la question et je n’ai toujours pas trouvé de réponse. Aux dernières nouvelles, il n’avait toujours pas son visa de travail aux Etats-Unis, ce qui fait qu’il n’est pas revenu à Montréal depuis qu’il s’est installé là bas. Quand il est question de sa future visite en ville, il me demande toujours si on aura l’occasion de se revoir. Probablement qu’un jour j’aurai la réponse à ma question…

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29 avril 2008 à 7h32

Il m’a fallu un long moment, voir un peu plus de 4 ans, avant d’être capable d’accepter la situation et de pouvoir m’investir vraiment dans une relation. En janvier 2001, j’ai rencontré S, avec qui j’ai partagé de très bons moments. J’étais certaine d’avoir trouvé le bon gars, celui qui allait devenir le père de mes enfants.

Notre relation était tellement facile au début, on parlait de tout, très ouvertement, sans aucun préjugé. On se comprenait sans se parler, c’était un gars doux, compréhensif et surtout, très émotif. Sa première relation avec une fille avait duré 5 ans et il l’a laissé parce qu’elle l’avait trompé avec son frère. Pour lui, ce fût la pire trahison de sa vie et ça l’avait marqué à tout jamais. On avait souvent parlé d’infidélité et de son côté, aucun argument possible ne pourrait excuser un écart de la sorte. J’avais la certitude qu’il pourrait m’arriver n’importe quoi, mais que parce qu’il avait vécu une trahison pareille, je n’aurais jamais à m’inquiéter d’une infidélité de sa part.

Tout s’est déroulé très vite avec S, on s’est rencontré un samedi soir, alors qu’il allait participer à un événement de sport automobile qui se déroulait de nuit. Il m’a demandé pour les accompagner, son copilote et lui et nous avons terminé cette course aux petites heures du matin. Nous sommes allés déjeuner et j’ai mis ma tête sur son épaule, pendant quelques secondes. À cet instant précis, je n’avais aucune idée derrière la tête, j’étais simplement épuisé de notre nuit blanche et je me serais endormi à l’instant même. Quand j’ai relevé la tête, il s’est à son tour appuyé sur mon épaule.

Nous sommes rentrés chacun de notre côté, moi à Montréal, lui sur la rive sud. En arrivant à la maison, j’ai eu l’idée de me brancher sur internet avant d’aller dormir et quelques minutes plus tard, je l’ai vu apparaître en ligne. On a bavardé quelques instants et au cours de la conversation, il me glisse un "c’est dommage que tu sois si loin, j’aurais pu appuyer me tête sur ton épaule, c’était confortable" et je lui ai répondu que s’il avait le courage de venir me rejoindre, mon épaule était disponible.

Il est arrivé à la maison environ 30 minutes plus tard, avec son sac à dos. Comme on avait passé une nuit blanche, il était clair qu’on allait dormir une bonne partie de la journée. Lorsqu’il a ouvert son sac, il a sorti son pyjama… j’ai tout simplement craqué ! N’importe quel autre gars aurait sauté dans le lit en se déshabillant, en espérant sûrement qu’il se passe quelque chose.

On s’est couché, on a essayé de jaser un peu et on s’est finalement endormi dans les bras l’un de l’autre. On s’est réveillé à quelques reprises pendant la journée, on jasait un peu et on retombait endormi. À la fin de la soirée, il est retourné chez lui, on travaillait tous les deux le lendemain matin. Lundi soir, j’ai été dormir chez lui et dès ce jour là, j’étais définitivement installé chez lui et on ne s’est plus lâché d’une semelle.

J’avais mon appartement, mais j’étais toujours chez lui et plus les semaines avançaient, moins il me restait d’effets personnels chez moi. En juillet, on a donc décidé de se louer un plus petit appartement avec comme projet de s’acheter une maison. J’habitais un grand 4½ à Montréal et lui un grand condo 5½ sur la rive sud. On s’est trouvé un minuscule 4½, toujours sur la rive sud où on a habité pendant 3 ans. On payait seulement 350$ de loyer par mois et heureusement, parce que S travaillait pour Videotron et ils ont été en grève pendant un an.

Ma meilleure amie P est venue habiter avec nous pendant un an, dans notre appartement déjà trop petit pour deux. Déjà à ce moment là, la relation de couple entre S et moi battait de l’aile. J’étais du genre très soupe au lait et S était du genre à mettre de l’huile sur le feu, ce qui ne faisait qu’envenimer la situation. Je ne suis pas rancunière et quand quelque chose se produit, j’ai besoin d’air, besoin d’être seule et de faire le vide et après, tout est oublié et je peux ensuite discuter calmement. S de son côté, voulait tout régler tout de suite. J’avais beau lui expliquer que je n’avais pas envie de discuter, rien n’y faisait. Ce qui fait qu’avec les années, rien ne s’est amélioré et on a jamais réussi à se parler calmement.

La situation était devenue insupportable, on était absolument incapable de communiquer. Lui se sentait attaquée et moi j’avais l’impression qu’il se foutait de moi. J’ai tenté l’écriture mais sans succès, même sans expression et sans ton de voix, il voyait des reproches dans tout ce que je disais ou faisais. J’étais découragée, je ne voyais pas comment on pourrait s’en sortir. J’aurais voulu le quitter, mais je n’avais pas le courage. Je l’aimais, mais je sentais qu’on ne serait jamais capable de communiquer. J’avais un caractère explosif et de son côté, il ne faisait rien qui puisse me calmer, au contraire, il alimentait mes colères.

À un certain moment, S me propose qu’on aille voir ensemble une psychologue en me disant que si je n’accepte pas, ce sera la fin de notre relation, qu’il n’est plus capable de continuer comme ça. J’accepte donc à contrecoeur d’aller consulter. On trouve une psychologue pas très loin de chez nous, sur la rive sud. Ce fut un des pires cauchemars de ma vie. On allait là pour essayer de régler nos problèmes et je sortais de là plus frustrée et plus enragée que jamais. Après quelques séances, j’ai dit à S que ça ne nous aidait pas du tout et qu’au contraire, je me sentais de plus en plus agressive. J’attendais du support, de l’aide et tout ce qu’elle faisait, c’était de nous écouter et nos conversations finissaient toujours par des engueulades.

On a essayé de régler nos affaires par nous même pour arriver au même constat que précédemment, on en était tout simplement incapable. S me demande donc une dernière fois d’aller consulter une autre psychologue, qu’il avait déjà consultée auparavant et qu’il aimait bien. Celle-ci est à Montréal et j’accepte donc, encore une fois à contrecoeur, d’aller la voir. J’appréhendais tellement cette visite et à ma grande surprise, cette rencontre fut l’un des tournants majeurs de ma vie…

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30 avril 2008 à 7h17

Temps réel


Mon grand-papa nous a quitté hier après-midi, avec 89 belles années de vécu et d’histoires derrière lui.

Mon grand-papa tout plein d’amour, que je n’ai pas vu beaucoup, toute petite, étant donné que mes parents et moi sommes venus nous installer en Abitibi alors que je n’avais pas encore 2 ans. Je me souviens qu’on descendait une à deux fois par année, visiter mes grands-parents, en Outaouais.

Un bon 6 à 7 heures de route à faire et on était à peine parti qu’on demandait déjà, mon frère et moi "Quand est-ce qu’on arrive ?". Je me souviens aussi que lorsqu’on atteignait un certain village sur notre trajet, on commençait à renifler l’air en disant "Ohh, ça s’en pépère pis mémère !". On était tellement content d’arriver, je me revois encore sortir de la voiture en courant pour sauter dans les bras de mon grand-père, mon pépère !

Je garderai toujours de très bons souvenirs de lui… Nos balades dans le bois derrière chez lui pour trouver des noisettes, les fois où on est allé dans le petit bois d’en face chercher des framboises, cueillir de l’ail des bois. La fois où en voiture, 3 guêpes étaient entrées à l’intérieur. Je revois encore mon grand-père essayer de les tuer à grand coup de claque sur les cuisses pour éviter que je me fasse piquer, mais c’était déjà trop tard.

Je me souviens des fois où mes grands-parents étaient venus nous visiter en Abitibi, pour aller aux bleuets, à la chasse ou comme ça à l’improviste, pour nous faire une surprise. Du temps des fêtes où on faisait toute la route, souvent de nuit pour éviter que mon frère et moi on s’engueule tout le long pour être avec toute la famille pour ta fête, la veille de Noël. Les partys de Noël ne seront plus jamais les mêmes sans toi et n’auront plus la même signification pour personne…

Mon grand-papou si fort et si robuste. Depuis quelques années, il était devenu si maigre, son cœur était faible et ça faisait déjà un bon moment que les médecins nous avaient dit qu’il allait partir. Comme à Noël 2005, où avec ma cousine on était resté à son chevet pour le veiller parce que les médecins pensaient qu’il n’allait pas passer la semaine. Il était têtu mon grand-père… il avait décidé de se battre et de faire à sa tête, c’était pas le temps de partir pour lui à ce moment là.

Je t’ai vu lundi mon pépère, tu avais l’air bien, tu souriais et tu avais les yeux pétillants, tu étais content de me voir, moi qui ne vous vois pas très souvent à cause de mon travail à l’autre bout du monde. Tu m’as fait un gros sourire, tu m’as taquiné et je t’ai laissé te reposer, tu venais à l’instant d’aller t’étendre pour dormir un peu. C’est ce visage là que je garde en mémoire et que j’aurai en souvenir toutes les fois que je vais penser à toi.

Prends soin de toi et profite maintenant du temps que tu vas passer avec ceux que tu rejoins là haut. Salues mon oncle Paul pour moi et si tu croises Carmen, dis-lui que je l’aime et qu’elle me manque terriblement. Repose en paix mon pépère… je t’aime et je ne t’oublierai jamais. Tu vas me manquer

Ta petite fille qui t’aime xx

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7 mai 2008 à 7h18

De retour à la psy… Dès que j’ai ouvert la porte et que j’ai vu la psy, je l’ai tout de suite aimé. Elle ressemblait étrangement beaucoup à une de mes tantes et ce qu’elle dégageait me plaisait bien, tout le contraire de celle qu’on avait vu avant. Elle avait l’air calme et nous a expliqué de quelle façon elle procédait. Notre première rencontre a été assez relaxe, on a parlé de nous, expliqué quelles démarches on avait fait avant, ce qu’on aimerait arriver à faire.

Dès la première rencontre, elle a constaté que j’avais un tempérament explosif. À force de rencontres et de discussions, elle a mis le doigt sur un bobo que je n’avais alors jamais vraiment réalisé. Je réagissais toujours à l’extrême, un rien me faisait poigner les nerfs et je n’étais jamais satisfaite de rien. Je vivais avec une rage à l’intérieur de moi et après avoir fait ce constat, j’ai réalisé que je vivais avec depuis toujours. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours été comme ça.

J’étais toujours en maudit, même quand j’étais de bonne humeur. Je me couchais le soir, j’étais enragée, je me levais le matin, j’étais enragée et je passais la journée comme ça. Je me suis mise à analyser mes comportements, à essayer de trouver pourquoi j’étais comme ça mais en vain. J’avais 28 ans et je venais de réaliser que toute ma vie, j’avais vécu enragée comme un taureau dans un rodéo, mais je ne m’en étais jamais rendu compte avant. Comment ai-je pu passer autant d’années sans même avoir un doute sur quelque chose qui était relativement assez évident ?

J’étais pourtant entourée d’amis et on a toujours dit de moi que j’étais souriante, toujours de bonne humeur, toujours prête à aider. Comment peut-on à la fois être si positive et si enragée ? Comment suis-je parvenu à cacher ce côté de moi à ce point ? On m’a souvent dit par contre que j’avais la mèche courte, que je ne passais pas par 4 chemins que j’avais quelque chose à dire, que j’étais trop directe et que je blessais parfois les gens par mes propos.

Je me suis mise à réfléchir à tout ça et je me suis rendu compte que j’avais souvent blessé les gens, volontairement, pour me défendre. J’analysais les gens, sous toutes leurs coutures et si jamais on me blessait, je me défendais avec des mots. Mais souvent les mots sont plus blessants que des gestes physiques. Et le plus terrible, c’est que souvent je ne me souvenais pas de ce que j’avais dit. Le seul moyen de défense que je connaissais, c’était celui là. Je savais où frapper pour vraiment faire mal et je n’hésitais pas une seconde.

Je n’ai pourtant jamais été méchante de nature, au contraire, j’ai toujours aidé les autres. J’étais bonne à l’école alors j’aidais ceux en difficulté. Je me souviens d’avoir ramassé des fonds, chaque année, pour le Téléthon de la paralysie cérébrale, d’avoir été visiter les personnes âgées au foyer, simplement pour leur tenir compagnie. Je suis grande sœur pour l’association des Grands Frères et Grandes Sœurs de Montréal. Bref, j’ai toujours aimé aider les gens et on appréciait ma présence.

Je n’ai jamais blessé les gens "gratuitement", il y avait toujours une situation pour que je finisse par insulter quelqu’un. Mais n’empêche que parfois, ce que je disais pouvait être dévastateur, pire que n’importe quel coup physique que j’aurais pu donner à quelqu’un.

Une amie d’enfance qui a un surplus de poids important m’a un jour raconté que je lui ai déjà dit "si un jour je suis grosse comme toi, je vais me suicider". Je ne me souviens pas du tout de lui avoir dit ça mais je n’ai jamais douté de la véracité de ses dires. Une remarque comme celle là, on oublie jamais ça. Comment ai-je pu dire une telle chose ? D’une amie en plus, que j’adore et qui m’est très chère.

Ce n’est que quelques années plus tard qu’elle m’en a parlé, je ne me souviens pas quand ni pourquoi exactement mais je n’oublierai jamais le jour où elle m’a dit tout ça. Et depuis ce jour, je pense à ça régulièrement et chaque fois, je n’arrive pas à croire que j’aie pu dire une telle affaire. Sache ma belle K que j’en suis profondément désolée et que si je pouvais revenir en arrière, jamais une telle horreur ne serait sortie de ma bouche !

Avec la psy, on a tenté de voir pourquoi j’avais ce comportement, pourquoi je n’avais aucun autre moyen de défense que celui de détruire quand on me blessait. Pourquoi j’étais incapable de dialoguer quand j’avais un problème à régler avec quelqu’un. Pourquoi j’étais si agressive à l’intérieur.

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8 mai 2008 à 7h28

Je commençais à régler des problèmes avec moi-même, mais avec S ça ne s’améliorait pas du tout. La psy nous donnait des devoirs à faire pour cerner où était le vrai problème et essayer de trouver une solution, avec nous. Je me faisais un devoir de faire ce qu’elle nous demandait et je prenais cela très au sérieux, je voulais vraiment que les choses aillent mieux entre nous.

On s’était acheté une maison l’année d’avant et je rêvais donc d’être heureuse dans notre nouvelle demeure, que tout soit en harmonie et qu’on soit enfin capable de discuter lui et moi, sans que ça vire inévitablement en chicane. Puisque j’étais à l’aise avec la psy, j’avais espoir que ça revienne.

Mais du côté de S, je ne pouvais pas en dire autant. Il ne faisait pas les devoirs demandés par la psy, ou quand il les faisait, c’était en 5 minutes, juste avant d’aller la voir. Je me souviens d’un devoir qu’on avait eu à faire en commun. On avait un rendez-vous par semaine, toujours le même jour, et il m’a demandé le soir même du rendez-vous si je voulais faire le devoir en question. J’ai dit non ce soir là et rendu chez la psy, il lui a expliqué que le devoir n’était pas fait parce que je n’avais pas voulu. Et j’ai expliqué à mon tour les raisons pour lesquelles je n’avais pas voulu le faire, qu’on avait eu une semaine entière pour le faire et réfléchir vraiment à ce qu’elle nous demandait, qu’il n’avait pas été disponible avant et que c’était seulement avant de partir de la maison qu’il voulait maintenant bien m’accorder du temps pour ça.

On se chicanait pour des riens et maintenant on se chicanait encore plus parce qu’il ne faisait pas ses devoirs. Je ne comprenais plus rien… C’était pourtant lui qui m’avait donné un ultimatum, c’était pourtant lui qui m’avait demandé d’aller consulter ensemble pour régler nos problèmes une bonne fois pour toute mais il ne faisait rien de ce que la psy nous demandait.

À plusieurs reprises on s’est chicané parce que je lui disais qu’il se foutait bien de moi, de notre relation. Mais chaque fois il me jurait que ce n’était pas le cas, qu’il voulait que ça marche. Alors je continuais à espérer et à aller chaque semaine voir la psy. Mon cœur espérait que ça fonctionne mais ma tête me disait depuis longtemps que jamais rien ne changerait.

J’ai hésité longtemps avant de prendre la décision de le quitter. Je l’aimais encore et surtout, j’étais tellement endetté depuis que j’étais avec lui que j’étais certaine de me retrouver à la rue. Avant S, j’habitais seule à Montréal dans un 4½, je venais de m’acheter une voiture depuis quelques mois et la seule dette que j’avais, c’était mon prêt étudiant. J’arrivais, malgré mon salaire de 13$/h et le fait que j’habite seule. J’ai toujours été très raisonnable sur les dépenses et je me suis toujours débrouillée toute seule, sans l’aide de personne.

En 5 ans, je me suis endetté de 8 000$. Il a toujours payé plus que moi mais comme il gagnait plus de 2 fois mon salaire, je payais quand même plus que ce que mon budget me permettait. Et chaque fois que j’ai abordé le sujet avec lui, en lui proposant de payer nos dépenses au prorata de nos salaires, j’obtenais comme réponse que si je n’étais pas contente, on avait juste à payer 50/50. Alors j’ai continué comme ça et plus ça allait, plus je m’endettais. Mes dépenses personnelles n’avaient pourtant pas augmenté et j’avais beau essayer de lui faire comprendre que mon endettement avec un lien direct avec lui, y’avait rien à faire.

J’avais beau lui montrer des chiffres, lui expliquer qu’avant lui mon salaire était moins élevé que ce que je gagnais dans le moment, que je payais tout et toute seule et que je n’avais jamais accumulé de dettes, c’est comme si je parlais dans le vide. Si au moins j’avais été le genre à dépenser sans rien compter, j’aurais compris pourquoi il ne voulait pas payer au prorata, il aurait eu l’impression que je gaspillais son argent pour des cochonneries et des affaires pas utiles…

Alors à cause de cette situation, j’ai reporté longtemps ma décision de le quitter. En octobre 2005, j’ai craqué et j’avais décidé que je le quittais, je n’en pouvais plus d’endurer tout ça. Il s’est même mis à genou devant moi et me suppliant de ne pas partir. Il pleurait et il avait l’air tellement sincère que j’ai décidé de rester encore, pour nous donner une autre chance…

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10 mai 2008 à 7h47

Quelques mois après qu’on ait acheté notre maison, S s’est retrouvé de nuit au travail. Au début, ça nous a rapproché puisqu’on se voyait moins souvent et que lorsqu’on se voyait, on essayait de faire des trucs ensembles. Moi je travaillais tôt le matin, je quittais la maison vers 6h30 et lui arrivait vers 8h. Je revenais à la maison vers 16h, je le laissais dormir, je préparais le souper et je le réveillais vers 17h30. On soupait ensemble et on passait notre soirée ensemble, jusqu’à ce qu’il parte travailler vers 21h30.

Après quelques semaines, j’ai commencé à me réveiller la nuit et angoisser. Je ne comprenais pas trop ce qui m’arrivais, j’ai habité seule longtemps et je n’ai jamais eu peur la nuit. Mais plus ça allait, et plus mes crises d’angoisse se sont aggravées. Je n’arrivais plus à dormir, j’entendais des bruits dans la maison et dehors et je m’imaginais toutes sortes d’histoires. À certains moments, j’étais tellement apeurée que j’appelais S en plein milieu de la nuit au travail en lui disant qu’il y avait quelqu’un dans la maison, que j’avais peur et que j’entendais marcher au sous-sol.

S essayait de me raisonner et de me calmer mais ça prenait parfois un bon 15-20 minutes avant que je réussisse à me calmer et raccrocher pour essayer de me rendormir. Je dormais maintenant avec mon bâton de baseball à côté de moi et le téléphone sans-fil sur mon oreiller au cas où quelqu’un entrerait dans la maison.

Je ne me comprenais plus… Quand j’habitais en Abitibi, je ne barrais même pas ma porte chez moi. À Montréal, j’habitais un 2e étage très facile d’accès pour un cascadeur plus ou moins habile, mes fenêtres étaient toujours ouvertes, n’importe qui aurait pu entrer chez mois sans que je m’en rende compte et je n’avais jamais eu peur avant. Pourquoi tout à coup cette peur incontrôlable qui s’emparait de moi ?

Je n’avais aucun contrôle sur mes crises, j’avais beau me parler, me dire qu’il n’y avait personne, que j’étais en sécurité, que mon imagination me jouait des tours, j’angoissais au plus haut point. J’étais comme dans un état second. Et quand je finissais par sortir de ma torpeur, je me trouvais tellement innocente d’avoir capoté pour rien… j’avais honte de moi et je ne voulais pas parler de ça à personne de peur de faire rire de moi.

Un jour, j’en ai discuté avec la psy. Je dormais mal et de moins en moins, j’étais fatiguée, épuisée et j’avais besoin d’aide. Elle me posait des questions et ensemble on essayait de trouver l’élément déclencheur de mes crises de panique. Je n’avais encore jamais abordé le sujet de mon vrai père avec elle et au courant d’une conversation, j’ai raconté quelque chose et je lui ai dit que mon père n’était pas mon vrai père, que je ne l’avais jamais connu et que pour moi, mon vrai père c’était M.

Elle m’a posé toutes sortes de questions et m’a demandé pourquoi je ne l’avais jamais rencontré. Je lui ai expliqué que M était dans ma vie depuis que j’avais 11 mois et pour moi, c’était lui mon père et que comme j’avais un père, je n’en avais pas besoin d’un 2e. De toute façon, je voulais rien savoir de l’autre. Ma mère m’avait dit qu’il ne voulait rien savoir de moi, qu’il n’avait jamais été là pour moi et pour moi, cette personne ne valait pas le titre de père.

Au fil des discussions, je me suis souvenue de quelque chose qui s’était passé lorsque j’avais 4 ou 5 ans. J’étais seule à la maison avec ma mère et mon frère et le téléphone a sonné. Ma mère a répondu et soudain, elle s’est mise à crier et a raccroché le téléphone. Elle a ensuite barré la porte, fermé tous les stores et m’a pris par la main pour descendre au sous-sol à toute vitesse. Nous étions tous les 3 dans sa chambre, la porte fermée et elle pleurait à fendre l’âme en disant qu’il allait venir me prendre et qu’elle ne le laisserait pas faire.

Je ne me souvenais plus de cette histoire mais dans ma tête de petite enfant, j’ai eu peur qu’on vienne me kidnapper. Je me souviens qu’étant jeune, j’avais une peur bleue qu’on me kidnappe et que je ne puisse plus jamais revoir mes parents. J’avais peur aussi des voitures de couleur rouge vin parce que ma mère m’avait dit que mon vrai père avait une voiture de cette couleur là.

Je me souviens d’une fois où je jouais dehors avec une amie et qu’une voiture rouge était passé tranquillement dans le rang. C’était l’hiver, tout était blanc. C’est A qui a remarqué la voiture et qui m’a dit en criant "Attention M, il y a une voiture rouge qui s’en vient et je ne la connais pas". On a sauté dans le fossé rempli de neige et on est resté là plusieurs minutes pour être certaine que la voiture était partie.

Je me suis rappelé aussi que souvent quand je marchais dans la rue, je regardais autour de moi pour m’assurer que personne ne me suivait. Mais à la différence des autres, je ne regardais pas parce que j’avais peur qu’on m’attaque… je regardais en gardant en tête qu’on pouvait me kidnapper et quand je pensais à ça, c’est à mon vrai père que je pensais. Je n’avais aucune idée à quoi il pouvait ressembler alors pour moi, ça pouvait être n’importe qui que je ne connaissais pas.

Tout ça m’est revenu à la mémoire en discutant. Plus je réfléchissais et plus il y avait de détails qui me revenaient en tête. Et d’un seul coup j’ai compris d’où venait mes crises d’angoisse. Inconsciemment, dans mon cœur et ma tête de petite fille, j’avais peur de me faire kidnapper. J’avais enfoui ça loin dans ma tête et ça m’a rattrapé à l’âge adulte.

Ce soir là, et tous les autres d’après, j’ai bien dormi et je n’ai plus jamais fait de crises d’angoisse par la suite. En mettant le doigt sur le bobo et en trouvant l’origine de mes crises, tout est disparu comme par magie…

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11 mai 2008 à 14h53

Après avoir parlé de mon vrai père pour la première fois avec ma psy, elle a tenté d’en savoir plus sur cette histoire et je lui ai raconté mon histoire. Ça faisait quelque temps que j’allais la voir et je n’avais jamais abordé le sujet avec elle, avant que je me rappelle la fois où ma mère m’avait enfermé avec elle dans sa chambre suite à un appel téléphonique.

Je venais d’avoir 28 ans et j’étais au courant de son existence depuis que j’avais 5 ans. Mon grand-père maternel est décédé quand j’avais 14 ans et évidement, nous avons quitté l’Abitibi pour assister aux funérailles. À l’église, alors que mon père nous a déposé, ma mère et moi, et qu’il allait stationner la voiture, j’ai aperçu un homme dans le stationnement avec une caméra et il regardait vers nous. J’ai tout de suite su que c’était mon vrai père et j’ai paniqué instantanément. Je me suis mise à crier et je ne me souviens plus de grand chose, à part qu’on est entré dans l’église à toute vitesse.

Après la messe, je me souviens d’avoir mis le manteau de ma tante, la sœur de ma mère, et qu’elle a mis le mien. Je suis sortie avec le mari de ma tante en me faisant passer pour elle, et elle est sortie avec mes parents, en faisant passer pour moi. Je n’ai pas été au cimetière avec la famille, je suis plutôt allé chez une tante, du côté de mon père, en attendant que la cérémonie soit passée. Mes parents sont revenus me chercher ensuite pour aller au repas une fois que tout était terminé.

J’en revenais pas que ce monstre ait pu faire une chose pareille ! Se présenter la face pendant que nous étions en deuil, pour prendre des photos de moi… J’en ai toujours voulu à cette personne que je ne connaissais pas et que je ne voulais pas connaître non plus. Pour moi, c’était un manque de savoir vivre total et un grand manque de respect envers ma famille.

À la fin de mon secondaire 5, à quelques jours des examens de fin d’année, ma meilleure amie P avait reçu un appel d’une personne qui voulait lui remettre quelque chose pour me remettre à moi. Elle n’a pas accepté et a trouvé ça très louche. Elle en a parlé à sa mère et toutes les deux sont venus à la maison pour nous en parler. On a tout de suite compris que ç’avait rapport avec mon vrai père… Depuis quelques temps, ma mère disait que quelqu’un nous espionnait et qu’elle avait vu quelqu’un se stationner devant la maison et prenait des notes en regardant vers la maison.

Le lendemain où P est venu nous aviser avec sa mère, j’avais une partie de balle molle au terrain. Lorsque je suis arrivée, une dame avec qui je jouais me dit qu’elle a quelque chose pour moi dans la porte de son auto. Elle me donne ses clés, je vais à l’auto et je prends le paquet. Sur le paquet, il y avait mon nom d’écrit. J’ouvre le paquet et mon nom est écrit mais avec le nom de famille de mon vrai père.

On m’a toujours appelé par le nom de famille de mon père, même si officiellement, je portais le nom de famille de mon vrai père. On habitait dans un petit village et ça n’a pas été difficile pour ma mère de faire en sorte que tout le monde m’appelle MC à la place de ML. J’ai même ouvert mon compte de banque avec ce nom là, mon dossier au CLSC était ouvert à ce nom là, même si sur ma carte d’assurance-maladie, c’était ML.

Quand j’ai pris le paquet et que j’ai vu mon nom dessus, je ne me suis pas posé de question. Quand j’ai ouvert le paquet et que j’ai vu que c’était inscrit ML, je me demandais bien ce que ça voulait dire mais je n’ai pas compris tout de suite. À l’intérieur, il y avait une enveloppe avec une lettre et des photos. J’ai commencé par regarder les photos, mais je ne connaissais pas la personne que je voyais dessus alors j’ai commencé à lire la lettre. Je ne me souviens pas exactement ce qu’il était écrit, mais je me souviens d’avoir lu "papa t’aime" et ma "chère fille".

À partir de là, j’ai encore une fois pratiquement tout oublié. J’ai paniqué, je me souviens d’avoir partie à pleurer, d’être partie à courir pour aller chercher mon vélo et retourner à la maison au plus vite. Je ne me souviens de rien entre le terrain de balle et la maison. Je me souviens que je criais en arrivant à la maison et que ma mère est sortie dehors en courant, croyant que quelqu’un s’était fait tué tellement je pleurais et je criais. J’étais incapable de parler et je lui ai simplement donné la lettre.

Ce jour là, ma mère a appelé mon vrai père pour lui dire de me laisser tranquille en lui disant que je ne voulais rien savoir de lui. Il disait à ma mère que ce n’était pas vrai, que c’était elle qui ne voulait pas que je le vois. Je me souviens aussi avoir pris le téléphone pour lui dire moi-même que je ne voulais rien savoir de lui, que mon père c’était M et que je ne voulais pas de lui dans ma vie. Je lui ai même dit que lorsque j’aurais 18 ans, je ferais une demande de changement de nom officielle pour pouvoir porter le nom MC légalement. Quand j’avais 5 ans, mon père a fait une demande d’adoption mais mon vrai père a refusé. Selon ma mère, c’était pour la faire chier et se venger.

Janvier 98, j’habite seule en Abitibi pour le Cégep, mes parents étant revenus s’installer dans leur région natale. Je revenais tout juste des mes vacances de Noël chez eux. Le téléphone sonne, je vois sur l’afficheur "motel" alors je décroche mais la personne au bout du fil raccroche. Je fais de même en me disant que c’est un faux numéro. Quinze minutes plus tard, quelqu’un cogne à la porte. J’habite alors dans un bloc à 8 appartements et pour entrer dans le bloc, il y a un code numérique à faire. Je ne me pose pas de questions et j’ouvre la porte, pensant alors que ça devait être une amie qui vient me rendre visite.

Quand j’ai commencé le Cégep, comme c’est gouvernemental, je n’avais pas le choix d’utiliser ML comme nom. Alors quand la personne à la porte me demande si je suis ML, je lui réponds oui, sans me douter de quoi que ce soit. Une autre personne apparaît alors dans les marches en me disant son nom. J’ai claqué la porte, je l’ai barrée en criant et en pleurant. J’étais encore une fois paniquée, c’était mon vrai père, accompagné d’un membre de sa famille. Je ne savais pas quoi faire, j’étais seule et j’étais paniquée. J’ai appelé ma mère qui elle aussi s’est mise à paniquer au bout du fil en me disant d’appeler la police.

J’ai raccroché d’avec ma mère, j’ai appelé la police et ensuite une amie, à qui j’ai demandé d’entrer par la porte d’en avant parce qu’il y avait quelqu’un à la porte d’en arrière. L’attente avant que la police et mon amie arrivent m’a paru interminable… Et pendant ce temps, Y me parlait au travers la porte en me disant qu’il avait des papiers pour prouver que ma mère m’avait mentie sur plein d’affaires, qu’il avait des papiers de cour officiels mais je ne voulais rien savoir. Il les a glissé sous la porte en me disant de les regarder, que je verrais par moi-même…
La police est arrivée, mon amie aussi. Les policiers ont demandé à Y de quitter les lieux, ce qu’il a fait sans objection, en leur expliquant le but de sa démarche. J’imagine que les policiers ont cru ce qu’il disait et qu’il ne le croyait pas menaçant puisqu’ils n’ont rien fait d’autre.

C’était la 3e fois qu’il faisait irruption dans ma vie, tout ça durant les 4 dernières années et chaque fois, c’était la grosse panique. J’étais rendu à regarder partout pour voir s’il n’était pas là. J’ai donc contacté un avocat en demandant à ce qu’on lui envoi un papier officiel de la cour qui lui interdirait tout contact avec moi. C’est la dernière fois que j’ai entendu parler de lui…

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12 mai 2008 à 7h43

Après avoir raconté toute mon histoire concernant mon vrai père, la psy m’a demandé pourquoi je ne voulais rien savoir de lui. J’ai répondu que j’avais déjà un père, qu’il avait toujours été là pour moi, qu’il m’avait élevé depuis que j’étais toute petite et que ça ne m’intéressait pas du tout de connaître mon vrai père. Je considérais qu’il avait fait des choses qui selon moi étaient inconcevables et qu’il ne méritait pas de me voir.

Chaque fois qu’elle me posait une question, je trouvais une réponse pour expliquer pourquoi je ne voulais rien savoir de lui. Je ne me souviens pas trop comment elle avait abordé le sujet mais elle m’a demandé comment je ne pouvais pas être curieuse envers une des deux personnes grâce à qui j’étais en vie. Qu’il avait certes fait des erreurs de parcours, comme de se présenter aux funérailles de mon grand-père pour me photographier, mais qu’il n’avait pas l’air d’une mauvaise personne.

Elle m’a demandé pourquoi selon moi il avait tenté de rentrer en contact avec moi quand j’était petite et à plusieurs reprises à l’adolescence s’il ne voulait rien savoir de moi. J’ai alors expliqué ce que ma mère m’avait raconté. Mon vrai père, Y, s’était remarié avec la blonde qu’il avait eu avant de rencontrer ma mère. Elle ne pouvait pas avoir d’enfant alors il s’est rappelé qu’il avait une fille et c’était pour ça qu’il avait contacté ma mère quand j’étais enfant. Je me souviens que pendant quelques années, de 5 ans à 8 ou 9 ans, je recevais des cadeaux par la poste pour ma fête ou à Noël de lui. J’avais déjà entendu ma mère dire que c’était une façon de m’acheter et étant enfant, cette remarque m’est restée dans la tête et j’en suis venue à penser la même chose.

À chaque question qu’elle me posait, j’avais déjà une réponse toute prête pour elle. Vers la fin de la rencontre, elle m’a demandé comment je pouvais détester à ce point quelqu’un que je n’avais jamais rencontré. Elle m’a fait la remarque que pratiquement tout ce que j’avais raconté était les paroles de ma mère.

Quand j’ai quitté la psy ce soir là, j’essayais de me convaincre que j’avais de bonnes raisons de ne pas vouloir le rencontrer et le connaître. Je ne le savais pas à ce moment là, mais elle venait de semer une petite graine dans ma tête et petit à petit, elle a commencé à germer. J’ai pensé à notre discussion toute la semaine et la semaine suivante, je voyais déjà les choses un peu différemment. Je lui ai expliqué que je pensais maintenant à peut-être le rencontrer, une seule fois, pour savoir d’où je venais, lui poser des questions sur sa famille, question de savoir s’il y avait des maladies particulières de son côté.

Je me disais aussi que je pourrais avoir sa version à lui, et me faire une histoire à moi, avec sa partie et celle de ma mère. Je savais que ma mère m’avait menti ou ne m’avait pas tout dit parce qu’à quelques reprises, il lui était arrivé de ne pas me raconter la même chose. Ma mère a toujours raconté les choses pour que ça soit à son avantage et elle omettait volontairement de raconter certains faits qui pourraient la mettre dans l’embarras. Alors avec les deux côtés de la médaille, les deux versions, je pourrais me faire ma propre histoire.

Quelques jours plus tard, j’appelais mes parents pour leur demander de venir me visiter chez moi, parce que j’avais quelque chose d’important à leur dire…

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13 mai 2008 à 7h45

Mes parents sont venus à la maison, je les avais invités à venir souper mais je leur ai demandé d’arriver tôt en après-midi parce que je savais que ce serait long. Je tenais à leur expliquer le cheminement que j’avais fait depuis les dernières semaines, que j’avais l’intention de rencontrer Y et surtout, leur expliquer clairement les raisons qui me poussaient à le faire.

J’ai commencé par leur expliquer que j’avais des questions au sujet de mon vrai père et que j’aimerais que ma mère m’explique ce qui s’était passé pour qu’elle le quitte. J’avais déjà eu des réponses à mes questions auparavant mais jamais d’un coup comme cette fois-ci et surtout, je n’avais eu que des bribes par-ci par-là entre l’âge de 5 ans et celle que j’avais à ce moment là, soit 28 ans. À 5 ans, on ne raisonne pas comme à 28 ans et malgré que j’aie une mémoire exceptionnelle, je ne me souvenais pas de tout.

Ma mère était très froide et je sentais qu’elle n’avait aucune envie de me répondre. Elle avait une posture droite et tout me faisait comprendre qu’elle n’était pas très réceptive à cette demande. Elle m’a demandé, d’un ton très sec, ce que je voulais savoir au juste et je lui ai répondu "tout". Je voulais savoir comment elle l’avait rencontré, pourquoi elle s’était mariée avec lui, quel genre de relation elle avait avec lui, comment il était et surtout, pour quelle raison elle était partie quand j’avais 7 mois, sans rien dire à personne.

Ma grand-mère travaillait avec Y et c’est elle qui les a mis en contact. Ils se sont fréquenté un certain temps et ma mère est partie vivre avec lui. Ils se sont mariés et je suis ensuite venu au monde. Selon ma mère, elle ne l’a jamais aimé et c’était pour elle la possibilité de quitter le domicile familial parce que c’était très compliqué à la maison.

Elle m’a parlé de ses parents à lui et m’a mentionné qu’ils étaient alcooliques et qu’ils étaient souvent violents entre eux. Selon ma mère, il avait beaucoup d’emprise sur elle. Elle travaillait mais Y gardait sa paye et elle ne pouvait rien dépenser. Elle ne pouvait pas appeler ses parents ni leur rendre visite comme elle le voulait. Bref, l’image d’une personne contrôlante.

Quand je lui ai demandé pourquoi elle était partie et quel avait été l’élément déclencheur, elle m’a raconté une version différente de la première fois. Quand j’étais enfant, elle m’avait raconté qu’il avait voulu l’étrangler et que c’est pour cette raison qu’elle était partie, elle avait peur pour nous et notre sécurité. Ce jour là, elle a rajouté des détails qui amènent à une interprétation différente de la première version. Elle m’a expliqué qu’ils jouaient aux cartes et pour une raison ou pour une autre, ma mère a parlé contre la mère de Y et l’a insulté. Le ton a monté et Y l’a accoté au mur et lui a mis la main à la gorge.

Ça semble anodin comme ajout, mais dans la première version, Y l’avait "attaqué" sans raison et elle n’avait rien fait de mal. Tandis que dans la 2e version, elle avait fait quelque chose qui a déclanché son geste. Quand je lui ai demandé si Y avait déjà été violent avec elle auparavant, elle m’a dit non. Je me suis alors demandé comment une personne pouvait mettre fin à une relation aussi abruptement pour une situation qui n’est jamais arrivée avant et qu’ont peut donc qualifier d’exceptionnelle.

Nous avons discuté tout l’après-midi et à plusieurs reprises, ma mère avait changé des détails dans ce qu’elle m’avait raconté étant enfant. Des détails qui selon moi changent toute la perception qu’on peut se faire d’une situation donnée. Quand je me mettais à fouiller plus loin et à me faire l’avocat du diable, sa réponse était à chaque fois qu’elle ne se souvenait plus très bien.

Après avoir obtenu les réponses aux questions que j’avais posées à ma mère, j’ai expliqué à mes parents que j’avais l’intention de rencontrer Y. Ma décision n’était pas définitive mais je leur ai mentionné que c’était important pour moi de les aviser afin qu’ils soient préparés à ce que ça arrive et qu’ils puissent faire face maintenant à cette éventualité. Je ne voulais surtout pas qu’ils l’apprennent par quelqu’un d’autre et encore moins une fois que ce serait fait, si je décidais finalement de contacter Y.

J’ai ensuite discuté avec mon père et je lui ai expliqué les raisons pour laquelle je faisais cette démarche. J’ai essayé de rassurer mon père le plus possible en lui disant qu’entre lui et moi ça ne changerait jamais rien, que pour moi ce serait toujours lui mon père et que je l’aimais de tout mon cœur. Je lui ai dit que je comprenais qu’il avait sûrement de la peine en ce moment de savoir tout ça et que je ne voulais pas faire ces démarches parce qu’il avait fait quelque chose de pas correct envers moi mais simplement parce que j’avais besoin de savoir. Mon père a toujours été la personne la plus importante dans ma vie et je ne voulais tellement pas le voir souffrir.

À plusieurs reprises, mon père m’avait mentionné que si un jour je voulais entrer en contact avec mon vrai père il comprendrait, que s’il était à ma place, il se poserait des questions sur ses origines et que c’était quelque chose de normal. Je me souviens même qu’un jour, en allant visiter le frère de mon père qui habitait à quelques maisons de Y, mon père s’était stationné devant la maison en me disant que mon vrai père habitait à cet endroit et que si j’avais envie d’aller le voir, qu’il m’attendrait devant la maison. Je devais avoir environ 9 ou 10 ans.

Mes parents sont partis tôt après le souper. Je sentais que ma mère n’avait pas envie d’être à la maison, surtout après la discussion qu’on avait eue. J’ai serré mon père très fort dans mes bras en lui disant que je l’aimais et de ne jamais oublier que pour moi, dans mon cœur, c’était lui mon père et que rien ne pourrait changer ça.

De mon côté, j’ai réfléchi à tout ce que ma mère m’avait raconté. J’avais déjà une bonne idée en tête et une bonne partie de ma réflexion de faite, avant même de rencontrer mes parents. Je n’étais plus la petite enfant naïve qui pouvait croire tout ce que sa mère lui disait. J’avais 28 ans, je connaissais ma mère mieux que personne et je savais de quoi elle était capable. Elle a toujours raconté les choses à sa façon, pour l’avantager elle et dans tout ce qui arrivait, ce n’était jamais de sa faute. Plus jeune je trouvais ça triste mais maintenant je voyais ça d’un tout autre œil. J’avais appris avec elle ce que le mot manipulation voulait dire. J’avais appris qu’elle pouvait très bien jouer la comédie et qu’elle aimait avoir l’attention des autres. Qu’elle avait une facilité exceptionnelle pour s’attirer la sympathie des gens, pour faire pitié.

J’avais aussi réalisé qu’il y avait toujours 2 côtés à une médaille et que Y n’était peut-être pas le monstre que je m’étais imaginé qu’il était pendant toute ma vie. Qu’il avait certes des torts dans tout ça, mais sûrement pas tous les torts, comme le prétendait ma mère. J’étais maintenant capable de faire la part des choses, de penser par moi-même et de réfléchir à tout ça, objectivement. Je n’avais toujours pas pris de décision, mais l’idée avait fait son chemin et la curiosité de connaître mes origines et de savoir à qui j’aurais affaire l’a très vite emporté.

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15 mai 2008 à 7h37

Retour sur ma colère intérieure… Je me souviens d’un devoir que la psy m’avait donné un jour. Je devais mettre des mots sur mes sentiments, mais j’en ai été incapable. J’avais passé la semaine à réfléchir à ce devoir mais je n’avais rien trouvé à écrire. Quand elle m’a demandé, au rendez-vous suivant, de lui énumérer ce que j’avais ressenti durant la semaine, ma liste était vide.

On a passé du temps à discuter de ce sujet et elle m’a demandé de lui résumer comment je m’étais senti durant la semaine. J’étais absolument incapable de définir mes sentiments, comme si je n’en avais pas. Pourtant, je savais que ce n’était pas le cas mais tous mes sentiments se résumaient à « ça me fait chier », peu importe quelle était la question. J’étais incapable de mettre des mots sur mes émotions et ça me frustrait. Comment un exercice aussi banal pouvait être une telle épreuve pour moi ? Je ne suis pourtant pas stupide, j’aurais du pouvoir faire ça très facilement…

J’étais incapable de trouver les mots pour moi, mais quand c’était pour répondre à quelqu’un qui m’avait fait mal, je n’avais aucun mal à trouver les mots pour le faire. J’avais une excellente mémoire et je retenais tous les détails et je faisais tout cela inconsciemment dans le but de m’en servir comme moyen de défense au besoin. J’analysais tout ! Les comportements, les paroles, les gestes, l’humeur des gens.

J’étais une excellente confidente, j’écoutais mes amis, je les conseillais et j’ai toujours été celle à qui on venait confier les secrets. Les gens savaient qu’ils pouvaient avoir confiance en moi et que je ne répétais jamais rien. Mais même ces confidences m’ont servi à attaquer. Comment peut-on être si blessante avec des gens qu’on aime et qu’on affectionne ?
Quand j’attaquais, il n’y avait plus rien pour m’arrêter, c’était comme si le bouchon sautait et tout sortait. J’avais des paroles blessantes et je me sentais enragée, comme une bête qui a la rage et qui est prête à sauter sur sa proie. Dans ces moments là, c’est comme si je possédais le corps d’une autre personne, une personne méchante et cruelle. J’avais l’impression que ça me faisait du bien d’agir comme ça, pourtant après je me sentais coupable d’avoir dit de telles choses.

C’était comme si j’avais refoulé cette haine pendant un moment et une fois partie, je devais vider mon sac. J’ai en mémoire des fois où c’est arrivé et c’était vraiment incontrôlable, je ne pouvais pas m’arrêter. Mon cerveau était déconnecté et mon but ultime était de blesser, en disant le plus de choses que je pouvais. Et chaque phrase avait l’effet d’une bombe sur la personne qui était avec moi. J’étais incapable de me calmer, ça sortait tout seul.

Une fois la tempête calmée et une fois que je réalisais l’ampleur de ce que je venais de dire ou de faire, je me détestais. J’avais parfois l’impression d’avoir 2 personnalités complètement différentes. Une fille aimable, enjouée, souriante, serviable et drôle d’un côté, et de l’autre, une fille méchante, calculatrice, sournoise et cruelle.

J’ai essayé d’analyser ce comportement. Maintenant que j’en avais pleinement pris conscience, j’ai travaillé à chercher la source. Ça m’a pris pas mal de temps, mais je me suis rendu compte que j’avais pas mal toujours été comme ça. Avec ma mère, c’était assez difficile de discuter. Elle a toujours raison, ce n’est jamais de sa faute à elle et peu importe les arguments des autres, son idée est faite et ne change que très rarement.

J’étais une enfant douée à l’école, en avance sur les autres, et comme il était impossible de discuter ou de se justifier avec ma mère, j’ai peu à peu développer ce comportement là. Quand je m’en prenais à ma mère en paroles, elle se mettait à pleurer et de cette façon, j’avais réussi à attirer son attention… j’avais réussi à la toucher. J’ai donc enregistré cet automatisme dans mon cerveau. Action… réaction !

On a souvent eu des prises de bec ma mère et moi mais rien à faire, elle ne m’écoutait jamais. Et ça se passait toujours de la même façon avec elle. Tentative de discussion de mon côté, réponse négative de son côté, je revenais à la charge, elle se mettait à crier. Pour me faire entendre, je criais à mon tour mais comme ça n’avait aucune influence sur ma mère (elle criait encore plus), j’utilisais les mots et avec les mots, ça marchait à tout coup !

Ma mère n’a jamais été capable de discuter calmement. Une discussion avec ma mère, ça voulait dire crier. Je ne me souviens pas du nombre de fois dans ma vie où j’ai pu dire à ma mère d’arrêter de crier. Et je devais le faire en criant comme une défoncée parce que je ne m’entendais même plus parler. J’ai toujours détesté les lieux publics où il y avait beaucoup de gens à cause du bruit. Mon pire calvaire, c’était les rassemblements familiaux où tout le monde chante, tout le monde parle fort et fait des blagues. Les oreilles me bourdonnaient et j’en étais étourdi tellement ça m’agaçait.

Le plus ironique dans tout ça, c’est que j’ai moi aussi développé le réflexe de me mettre à crier quand j’avais une discussion animée. Pour moi, c’était comme si en criant, ce que je disais avait plus d’impact. Comme si la personne allait plus comprendre ce que j’allais dire. Quand on me faisait la remarque que je criais, je poignais littéralement les nerfs parce que dans ma tête, je m’entendais moi entrain de dire à ma mère qu’elle gueulait. Je me détestais… et pourtant, à chaque discussion houleuse que j’avais avec quelqu’un, je finissais toujours par crier.

J’ai mis beaucoup de temps à travailler sur moi-même. J’ai réalisé tout plein d’affaires en pas très long et psychologiquement, c’est très épuisant et c’est difficile de réaliser des choses comme ça, de les accepter et de les changer. Dans mon cas le changement s’est fait assez facilement, je dirais même que ça s’est fait tout seul, une fois que j’ai eu trouvé la source du problème. Je me sentais tellement bien, je me sentais légère… comme si pendant toutes ces années j’avais traîné un sac rempli de poids et que tout d’un coup on me l’enlevait.

Le changement ne s’est pas fait en une nuit, mais un jour j’ai vraiment réalisé que j’avais changé et que c’était pour toujours. J’étais maintenant capable de mettre des mots sur mes sentiments et d’expliquer comment je me sentais. Je ne me sentais plus rageuse à l’intérieur de moi, au contraire, je me sentais en paix avec moi-même, sereine. Maintenant, je suis capable de discuter et de rester calme. Et depuis, j’ai l’impression d’être plus apte à écouter les gens, à comprendre leur détresse, je suis plus empathique.

Pendant 30 ans, j’ai vécu avec la rage au cœur, l’envie de tout détruire sur mon passage. Comme si le fait de voir des gens heureux me ramenait en pleine face que moi je ne l’étais pas. Et comme je n’avais pas droit au bonheur, je me disais que les autres n’y avaient pas droit non plus.

Ma psy a changé ma vie à jamais… elle a su trouver où étaient mes faiblesses, trouver les mots pour me les expliquer, m’amener à des réflexions, me proposer des solutions sans me les imposer et m’écouter lorsque j’en avais besoin. Moi qui ai toujours détesté les psys, à celle-ci je lui dois ma nouvelle vie…

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16 mai 2008 à 8h16

Décembre 2005. Ça fait déjà un bon moment que j’y pense et ma décision est prise. J’en ai discuté avec S et il m’encourage dans mes démarches. Je prends le téléphone, repose le combiné. J’ai des papillons dans le ventre, je suis tellement nerveuse, j’ai envie de vomir. Je prends de grandes respirations, je me dis tout haut que tout va bien aller. S est assis à côté de moi et m’encourage du regard. Je reprends le combiné dans mes mains, compose le numéro et ça sonne. Le temps s’arrête, je n’entends plus que la sonnerie résonner dans ma tête. Un coup, deux coups, 3 coups… ça décroche… j’arrive pour parler, c’est le foutu répondeur qui embarque ! J’ai pensé mourir sur-le-champ !

Une heure plus tard, même manège. On est en soirée, il est plus de 20h. À chaque essai, j’ai les trippes qui veulent me sortir du corps tellement j’ai la trouille. Et chaque fois que le répondeur décroche, le cœur me fait 3 bonds. Il est 21h, j’essaye une autre fois. Encore le répondeur. À 22h, un autre essai. Ça sonne… comme toutes les fois d’avant. Je m’attends à ce que le répondeur embarque mais non ! C’est lui qui répond. Le temps s’arrête quelques secondes… Je demande pour parler à Y, il me répond que c’est lui. Je réponds seulement « C’est M » et un gros silence s’installe.

Il est trop tard, je ne peux plus reculer. Je ne sais pas trop par où commencer, je bégaye et je cherche mes mots. Je lui explique que j’aimerais le rencontrer pour discuter, que pour le moment j’ai l’intention de ne le rencontrer qu’une seule fois et que je comprendrais si pour lui c’était trop douloureux et me dise qu’il préfère ne pas me rencontrer.

Il veut me rencontrer dans un lieu public et moi je préfère que ce soit quelque part où on pourra discuter à l’abri des regards. Je lui propose une rencontre chez ma cousine. Il me demande de lui écrire une lettre pour avoir une preuve que c’est moi qui suis entré en contact avec lui. Dix ans auparavant, j’avais contacté un avocat pour lui interdire d’entrer en contact avec moi parce que je me sentais menacée. Ça devient trop compliqué pour moi, je n’ai nullement envie de faire cet effort et je lui laisse clairement savoir. C’est à prendre ou à laisser… Il m’explique qu’il ne voudrait pas aller en prison si tout ça tournait mal et que je décidais de faire une plainte contre lui.

Je lui propose donc une alternative qui fera son affaire et qui ne me demandera pas un effort que je ne veux pas faire. Mon oncle, le frère de mon père, est marié avec la cousine de la femme de Y. Cette situation a toujours causé bien des remous dans la famille parce que ma mère disait que ma tante nous épiait lorsqu’on venait visiter notre famille pour aller tout raconter à Y. Si ma tante avait un appareil photo dans les mains, ma mère faisait inévitablement une crise et s’arrangeait pour que je ne sois jamais photographié par eux pour ne pas que Y puisse avoir de photos de moi.

Je lui propose donc d’appeler mon oncle pour lui dire que je l’avais contacté et mon oncle (qui travaille avec Y) l’appellerait à son tour pour lui dire qu’il est au courant. De cette façon, il aurait un témoin qui pourrait affirmer que c’était moi qui l’avait contacté. Je lui donne donc rendez-vous chez ma cousine, quelques jours plus tard.

J’ai raccroché le téléphone et mon cœur battait la chamaille. Je l’avais fait ! Je lui avais parlé ! Je n’en revenais toujours pas… J’avais hâte à cette rencontre mais du même coup, je l’appréhendais énormément. Je n’avais aucune idée comment j’allais réagir et tout ça se passait après ma transformation avec moi-même, après avoir pris conscience de plein de choses vis-à-vis de moi. Cette épreuve serait pour moi l’ultime test pour savoir si j’avais réellement changé comme je le sentais à l’intérieur de moi.

Je savais d’avance que ça allait brasser toutes sortes d’émotions à l’intérieur de moi mais je ne savais pas de quelle façon. Cette rencontre serait-elle positive ou négative ? Serais-je capable de mettre l’idée préconçue que j’avais de lui de côté pour écouter ce qu’il avait à me dire ? Saurais-je garder mon calme lorsqu’il me parlerait de ma mère et de ce qui s’est passé avant ?

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17 mai 2008 à 10h34

10 décembre 2005, c’est jour de la rencontre officielle. Quelques jours auparavant, la sœur de ma mère me téléphone en me disant que la sœur de Y est décédée et que peut-être il ne viendra pas. Je prends donc un grand respire et rappelle Y pour lui dire que j’ai appris que sa sœur été morte et lui demander s’il voulait remettre ça. Il me répond qu’il sera au rendez-vous. Il avait peut-être peur que je change d’idée par la suite…

Pour l’occasion, ma cousine me servira d’hôte. Depuis longtemps, elle est ma confidente et avec elle, on discute de tout, je n’ai vraiment aucune inhibition avec elle, on aborde tous les sujets inimaginables et je n’ai aucune gêne à parler de ce qui m’arrive ou ce que je ressens et c’est la même chose de son côté. Mes parents aussi sont proches d’elle, il l’appelle et la visite régulièrement. Je voulais être certaine qu’elle soit à l’aise avec le fait de recevoir Y chez elle et elle m’a répondu que malgré le fait que mon père soit son oncle et qu’elle l’aime beaucoup, elle me supporterait dans mon projet.

Avec S et des amis, je devais aller voir le show de Simple Plan au Centre Bell le 9 décembre. Mais comme j’avais donné rendez-vous à Y pour 10h le samedi matin, j’ai préféré ne pas y aller et partir le vendredi pour aller chez ma cousine, dormir là et être déjà sur place le lendemain. S ira quand même au spectacle et viendra me rejoindre le lendemain.

Cette nuit là, j’ai relativement bien dormi mais je me suis réveillée tôt le matin. Et plus l’heure avançait, plus j’étais nerveuse. J’ai jasé beaucoup avec ma cousine et j’étais vraiment prête à ce rendez-vous. J’avais beaucoup de questions à lui poser, je m’étais fait une liste dans ma tête. J’avais préparé mon lecteur MP3 afin d’enregistrer notre conversation et la réécouter au besoin. Je savais que je risquais probablement de ne pas me souvenir de tout.

Il était près de 10h et je faisais les 100 pas dans la maison. S n’était toujours pas arrivé quand Y est arrivé. Quand j’ai vu la voiture arriver, j’ai parti l’enregistreuse et je suis allé à la salle de bain pour prendre de grandes respirations pendant que ma cousine répondait à la porte. Y n’était pas seul, il était avec M, une nièce du côté de sa femme. M habitait la même ville que ma cousine, elle connaissait le coin et j’imagine aussi qu’il avait besoin de quelqu’un à ses côtés, comme moi avec ma cousine.

Je suis sortie de la salle de bain et ma cousine a fait les présentations. Nous nous sommes tous assis à la table de la cuisine et j’ai commencé en disant que je ne savais pas trop ce que je voulais au juste, que c’était pas mal confus dans ma tête pour le moment. Que pour l’instant, j’avais voulu le rencontrer pour me faire ma propre histoire, en prenant des bouts de ce que ma mère m’avait raconté et des bouts de ce que lui me raconterait et que surtout, j’avais pas l’intention de le rencontrer à nouveau, pour le moment. Je l’ai remercié de s’être déplacé et lui ai mentionné que je comprenais très bien que pour lui non plus ça ne devait pas être évident.

Souvent pendant ma vie, je me suis demandé d’où je venais, pourquoi j’étais si différente de mes parents sur bien des points, surtout ma mère. J’ai toujours foncé dans la vie, peu importe les problèmes auxquels je faisais face. Pour ma mère, le moindre petit problème était la fin du monde et paraissait un obstacle infranchissable. À part mes amies très proche P et K, je ne parlais de mes problèmes à personne et même à elles, je ne racontais pas tout. Ma mère elle, racontais ce qui lui arrivait à tout le monde. Dès qu’elle avait une oreille attentive, elle déballait ses affaires.

J’ai toujours été une personne très généreuse. Je me souviens d’un moment en particulier où j’étais avec K lors d’une sortie. J’avais seulement 5$ dans mes poches, c’était mon argent pour la semaine et on avait faim toutes les deux. J’ai commandé une poutine, qu’on a mangé ensemble. Quand j’étais invité quelque part, j’apportais toujours un petit quelque chose pour la personne qui nous recevait, pour moi c’était quelque chose d’inné. Ma mère de son côté, était très égoïste et pensait plus à son portefeuille qu’à autre chose.

Lorsque Y s’est assis à la table et qu’on a commencé à discuter, j’ai compris plein de choses sur le questionnement que je m’étais souvent fait. Il était assis là à me raconter qu’en septembre, la sœur de sa femme était décédée, qu’il avait perdu la femme de son frère d’un cancer du sein en novembre, qu’il venait d’enterrer sa sœur, décédée elle aussi d’un cancer et qu’ils recevraient les résultats de C, sa femme, qui était probablement atteinte d’un cancer elle aussi. Il était devant moi et me parlait normalement, sans broncher. J’ai su tout de suite d’où venait cette force de caractère que j’avais en moi. Je voyais qu’il souffrait dans ses yeux et qu’il avait beaucoup de peine, mais il n’était pas abattu, croupi dans un coin en pleurant toutes les larmes de son corps comme l’aurait fait ma mère.

Après cette petite introduction, nous sommes entrés dans le vif du sujet. Je lui ai demandé de me raconter comment il avait rencontré ma mère et de ce côté là, j’ai eu droit à la même version que celle de ma mère; ils se sont rencontrés grâce à ma grand-mère, qui travaillait au même endroit que Y. Ils se sont mariés, ils ont habité ensemble et ils étaient heureux. Je suis venue au monde, ils parlaient d’avoir un autre enfant et un jour, ma mère est partie avec tout nos effets personnels. Quand je lui ai demandé combien de temps ils avaient été ensemble, il m’a dit 3 ans. C’est bizarre, j’avais l’impression qu’ils n’avaient pas été longtemps ensemble…

Il m’a dit ne pas savoir pourquoi ma mère était partie, que la semaine avant son départ, ma mère avait dit à des amis qu’ils aimeraient avoir un 2e enfant. Quand je lui ai demandé ce qui s’était passé le fameux soir où ils se sont disputés ma mère et lui, il m’a raconté presque mot pour mot la même chose que ma mère m’avait dit dans sa 2e version, à un détail près… et ce détail change vraiment toute l’histoire à mon avis. Ils jouaient aux cartes et pour une raison ou pour une autre, ma mère a parlé contre la mère de Y et l’a insultée. Le ton a monté, Y est sorti pour aller faire un tour de camion pour se calmer les nerfs mais il n’avait pas ses clés. Quand il est rentré dans la maison pour les chercher, ma mère les avait dans la main mais ne voulait pas lui donner. Elle a mis sa main dans son dos et en mettant son bras sur sa gorge, Y l’a accoté au mur pour récupérer ses clés et lui a mis la main à la gorge. Il a pris ses clés et est parti en camion.

On est loin de la première version de ma mère où elle m’avait raconté qu’il avait voulu l’étrangler… Et évidemment, je n’ai pas raconté à Y la version que ma mère m’avait raconté, ç’aurait été trop facile par la suite de raconter l’histoire à son avantage. Quand il m’a raconté ça, je savais qu’il me disait la vérité puisque j’avais moi même vécu plusieurs fois des situations dans les genres avec ma mère, où il se passait quelque chose et elle faisait exprès de me narguer pour me faire fâcher, pour me faire chier ou juste pour avoir raison, une autre fois. Il me racontait tout ça et j’avais en même temps le film qui jouait dans ma tête, je voyais très bien ma mère entrain de faire ça.

Je lui ai ensuite demandé de me parler du vol qu’ils avaient fait et pour lequel ils avaient fait de la prison. Ma mère m’avait toujours dit que c’était Y qui la forçait à voler et que c’était de sa faute si elle avait été en prison. De son côté, Y m’a raconté que ma mère se tenait avec une amie qui volait et elle passait son temps à rapporter des trucs à la maison, comme du maquillage. Il n’était pas d’accord avec tout ça et lui a dit plusieurs fois. Un jour, ma mère l’a appelé au travail en pleurant, elle lui a dit qu’elle avait volé un set de coutellerie. Il ne se souvient pas si elle s’était fait prendre ou non.

Après lui avoir répété plusieurs fois qu’il n’était pas d’accord avec le fait qu’elle vole, son amie et elle avait prévu un dernier vol et elle avait dit à Y que ce serait le dernier. Comme elles allaient de toute façon commettre un vol, Y s’est dit que tant qu’à faire, il pourrait passer lui aussi sa commande alors il a demandé à ma mère de lui prendre des jeans. Sauf que ce jour là, ils se sont tous fait prendre… Comme les gars n’avaient pas participé au vol (ils avaient seulement récupéré les sacs à leur sortie du magasin) et que les enquêteurs ont pu prouver qu’ils n’ont pas volé de matériel à l’intérieur, ils ont seulement été accusés de complicité. Les gars ont écopé de 10 jours de prison et les filles elles, un mois si je me souviens bien.

Encore une fois, j’étais porté à croire Y parce que je connaissais bien ma mère et je savais qu’elle était parfaitement capable de faire porter le blâme de ses actes à quelqu’un d’autre. Avec elle, rien n’était jamais sa faute et si elle se faisait prendre, c’était à cause d’une tierce personne, toujours. Je me disais aussi que Y donnait beaucoup de détails et que si ç’avait été une histoire inventée, il se serait contenté du minimum…

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19 mai 2008 à 9h20

Ma mère m’avait dit que Y avait une pension alimentaire à payer suite à un jugement de la cour et qu’il n’avait jamais payé un sou. Quand j’ai abordé le sujet, Y m’a répondu que c’était faux et qu’il avait même des documents pour le prouver. Comme Y habitait en Ontario et que mes parents étaient au Québec, les procédures n’étaient pas aussi simples que s’ils avaient habité la même province. Y devait déposer l’argent auprès d’un organisme de l’Ontario et ma mère devait, elle, récupérer l’argent auprès de cet organisme mais elle ne l’a jamais fait. Tous les dépôts qu’Y a fait sont d’ailleurs toujours en fiducie quelque part.

Quand j’avais 5 ans, mon père a fait des procédures pour m’adopter, afin que je puisse porter son nom de famille à lui. Ma mère s’était remarié et portait le nom de famille de mon père et mon petit frère portait lui aussi ce nom de famille. Les démarches ont duré un certain temps mais la demande n’a pas été acceptée parce qu’Y a refusé de signer le consentement. L’explication que j’avais eue de ma mère, c’était qu’il avait fait ça pour la faire chier, qu’il n’avait jamais rien voulu savoir de moi et que c’était la seule façon qu’il avait trouvé pour faire payer ma mère, se venger.

La version d’Y était assez différente. Avant qu’on déménage en Abitibi, ma mère et lui avait une garde partagée, je crois qu’il pouvait m’avoir seulement les fin de semaines mais je ne suis plus certaine mais je sais qu’il avait des droits de visite. Il a toujours voulu me voir mais ma mère s’arrangeait toujours pour lui mettre des bâtons dans les roues. Ma mère s’est « enfui » en Abitibi pour être certaine d’avoir la paix. Il y avait plus de 7h de route à faire et il était évident que Y ne ferait pas le trajet tous les week-ends pour venir me voir.

Quand Y a reçu les papiers d’avocat mentionnant que mon père voulait m’adopter, évidemment pour lui, il en était hors de question. J’étais sa fille et s’il n’était pas dans ma vie, c’était contre son gré. Comme l’avait prétendu ma mère, ce n’était pas pour me faire chier mais bien parce qu’un jour, il avait l’intention de revenir dans ma vie, quand j’aurais l’âge de comprendre. Lors des procédures d’adoption, quand le juge a demandé à Y s’il voulait avoir des droits de visite, il a répondu qu’il n’en voulait pas. J’étais rendu à 5 ans, je ne le connaissais pas et il ne voulait pas me traumatiser en me forçant à aller le voir, sachant très bien que ma mère ne voulait pas et qu’elle aurait tout fait en son pouvoir pour ne pas que ça ne se produise.

Toute ma vie, j’ai grandi en pensant que mon vrai père m’avait rejeté, qu’il ne voulait rien savoir de moi et qu’il se foutait éperdument de moi. Qu’il était revenu dans ma vie parce que sa femme ne pouvait pas avoir d’enfant et qu’il s’était soudainement souvenu qu’il avait une enfant. J’ai grandi en ayant l’image de lui d’un batteur de femme, un homme violent. Je l’imaginais alcoolique, sale. Un homme qui parle pas, sans scolarité, assisté social et l’homme que j’avais devant moi n’était tellement pas ça. Au contraire, il dégageait une certaine assurance. On voyait dans ses yeux qu’il avait du chagrin, des regrets, mais il se tenait toujours debout.

J’essayais de me convaincre qu’il avait changé et que lorsque ma mère l’avait connu, il était comme elle me l’a décrit. Au cours de notre rencontre, il a parlé plusieurs fois « contre » ma mère et malgré tout ce que je pensais de ma mère, je prenais quand même sa défense. Il ne m’a pas dit de choses pour dénigrer ma mère, mais pour me raconter sa version, forcément il m’a dit plusieurs fois que telle ou telle chose était fausse, qu’elle avait mentie ou que ça ne s’était pas passé comme ça. Et malgré le fait que je défendais ma mère, quelque chose à l’intérieur de moi me disait qu’il me disait la vérité, que ma mère m’avait menti pendant toutes ces années, qu’elle m’avait caché des choses ou qu’elle avait raconté des trucs qui l’avantageaient, elle.

Ma mère m’a raconté que Y ne me ramenait jamais à l’heure. Qu’un jour, il devait me ramener à 19h mais qu’il est venu me porter chez elle vers 23h. Elle était dans tous ses états et croyait qu’il m’avait kidnappé. Selon elle, c’était un mauvais père et il ne respectait aucune des ententes qu’ils avaient selon une ordonnance de la cour. Quand j’ai demandé à Y s’il respectait des droits et ses heures de visite, il m’a répondu que oui, sauf une fois où il m’avait rapporté beaucoup plus tard, sur les conseils de son avocat. Ma mère est du genre à prendre un événement isolé pour en faire un événement habituel. Il m’avait rapporté en retard une fois, alors elle a raconté que c’était souvent comme ça.

La rencontre a duré près de 2h30 si je me souviens bien. Dans les dernières minutes, je lui ai parlé un peu de moi, du cheminement que j’avais fait dans ma vie, dans quoi j’avais étudié, ce que je faisais dans la vie, quels étaient mes projets. Je lui ai dit que je faisais de la course automobile et que je faisais partie d’un championnat qui était télévisé. Il ne connaissait pas le sport que je pratiquais alors je lui ai montré une émission à laquelle j’avais participé et il a bien aimé. Il m’a demandé de lui écrire sur une feuille la date des prochains événements où il pourrait me voir à la télé.

Avant de partir, je lui ai dit à nouveau que je ne savais pas quelles étaient mes intentions pour l’avenir. Que pour le moment, je ne pensais pas le rencontrer une autre fois, que j’allais réfléchir à notre rencontrer et le rappeler si je décidais de le revoir. Je lui ai demandé de ne pas m’appeler, que je le ferais moi-même. Il a quitté, j’ai embrassé ma cousine M qui l’avait accompagné et je lui ai donné la main.

Cette journée a été pour moi un grand moment dans ma vie. D’abord parce que je n’avais jamais pensé que ça se produirait puisque je ne voulais rien savoir de lui. Plusieurs personnes m’ont demandé pendant ma vie si j’étais curieuse de le rencontrer et ma réponse avait toujours été non. Et aussi parce que j’avais enfin l’autre moitié qui manquait à mon histoire. Ce n’est pas évident quand même de réaliser que toute sa vie on a grandi avec le sentiment d’avoir été abandonné par une des deux personnes grâce à qui je suis venue au monde et que 28 ans plus tard, on se rend compte que tout ça n’était qu’un gros mensonge…

Après son départ, ma cousine m’a regardé et m’a dit « Wow, il n’est tellement pas comme je l’avais imaginé, comme ta mère me l’a décrit » et j’ai simplement répliqué que moi aussi, je pensais la même chose. Parce qu’évidemment, ma mère avait raconté sa petite histoire à tous les membres de notre famille et tout le monde avait probablement la même image de lui. La réalité était tellement différente…

Cette journée là, S est arrivé en retard à un des rendez-vous les plus importants de ma vie. J’étais tellement déçue de lui. Si au moins il avait eu une bonne raison d’être en retard… mais j’ai seulement eu droit à un « je suis désolé ».

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20 mai 2008 à 10h07

21 décembre 2005, mon univers bascule. Je suis avec S depuis 5 ans, j’ai un travail que j’aime à 15 minutes de la maison en voiture, on a acheté notre maison depuis un peu plus d’un an, on est à 4 jours de Noël et je ne m’attendais pas du tout à cette nouvelle qui allait, elle aussi, changer ma vie.

S travaille de nuit et il m’appelle en fin de soirée pour m’annoncer qu’il me quitte… Au téléphone ?! J’écoute mais je n’entends pas en même temps. Ai-je bien entendu ? Sûrement pas… À mesure que notre discussion avance, je réalise de plus en plus que ce n’est pas une farce. Ce que j’ai comme explication, c’est qu’il est épuisé de nos chicanes et qu’il ne peut plus continuer comme ça, qu’il n’a plus la force.

Un vent de panique s’empare de moi. J’ai explosé ! Comment pouvait-il me faire ça ? Je me voyais sans le sou, à la rue, endetté comme jamais. Mais à cet instant précis, je suppose que c’était le dernier de ses soucis. Il m’a expliqué calmement qu’il voulait que ça se termine « bien » et qu’on prendrait le temps nécessaire pour s’expliquer. Il faudra discuter de la maison, de la séparation des biens et de bien d’autres choses encore. Je le sentais calme et je me disais qu’au moins, la séparation se ferait calmement. Ce serait douloureux, mais ça se ferait dans le respect.

J’avais espoir que ça ne soit que temporaire et que tout rentrerait dans l’ordre. On allait voir la psy depuis un bon moment déjà, justement pour que ça aille bien entre nous deux. J’étais certaine que ça pourrait revenir. Après tout, ça faisait 5 ans que notre relation était parsemée de hauts et de bas et on était toujours ensemble, pourquoi ce serait différent cette fois-ci ?

On a jamais autant discuté que dans les jours qui ont suivi cette annonce. On se parlait calmement, lui assis sur le coin du divan, moi étendue, la tête sur ses cuisses et il me flattait les cheveux. Dans toutes nos conversations, il me disait que c’était bel et bien terminé pour lui mais il était tellement doux et plein d’affection envers moi que je n’en croyais pas un mot.

On a passé toute la période des fêtes à faire semblant d’être encore ensemble. On avait plein de partys de prévus et il a préféré ne pas perturber tout le monde avec ça alors on a fait comme si rien n’était arrivé. J’étais bouleversé, ça été une des périodes les plus difficiles de ma vie. Et toujours à ce moment, je gardais espoir, je me disais que s’il avait vraiment pris sa décision, il n’aurait pas fait semblant durant les fêtes.

J’ai assisté à tous les partys avec la mort dans l’âme, en faisant semblant d’être heureuse et souriante. S était tout plein d’attention envers moi, il me tenait par la taille, m’embrassait, me collait. Évidemment, je ne le repoussais pas puisqu’au fond de moi, c’est ce que je désirais plus que tout. Mais ça été tellement difficile psychologiquement !

Le plus dur coup s’est passé au party du nouvel an, devant toute la famille parternelle de S, une famille que j’affectionnais tout particulièrement. Une tante nous a demandé c’était pour quand le bébé, parce qu’on parlait depuis un moment déjà d’en avoir un, et plutôt que de répondre que ce n’était pas pour tout de suite, il a répondu que ça s’en venait. La claque ! La gifle que j’ai eue ! Je n’arrivais pas à croire qu’il ait répondu ça, moi qui voulais vraiment avoir un bébé. Il aurait pu répondre n’importe quoi d’autre alors pourquoi cette réplique ?

J’ai perdu 25 lbs en 3 semaines… Je ne dormais plus, je ne mangeais plus, je ne faisais que pleurer. Quand on me faisait la remarque, je répondais que je faisais attention à ce que je mange alors personne ne se doutait de rien. La veille du Jour de l’An, nous sommes allés au chalet d’un couple d’amis pour fêter le nouvel an. Pendant la soirée, alors que j’étais seule avec J, je lui ai annoncé la nouvelle. Elle ne me croyait pas du tout puisque S était là à me coller. Je lui ai expliqué que S voulait qu’on passe les fêtes comme ça et que la séparation se fasse par la suite. À minuit, alors qu’on faisait le décompte pour célébrer la nouvelle année, S est venu à mes côtés et m’a embrassé en me disant « bonne année mon amour ». J’avais le cœur en mille miettes.

Le lendemain, on a quitté nos amis pour aller chez D, la mère de S. Notre tradition était d’aller manger dans un buffet chinois, la veille du Jour de l’An. On est arrivé tôt pour jaser un peu et nous sommes ensuite allés au restaurant. D voyait bien que j’avais la tête ailleurs et que je n’étais pas souriante comme j’avais l’habitude de l’être. À un moment, S s’est levé pour aller se chercher une assiette et j’ai expliqué à D pourquoi j’étais comme ça.

J’étais vraiment très proche de D, j’avais avec elle la relation que je n’avais jamais eu avec ma mère. Avec elle, j’étais parfaitement à l’aise et j’abordais n’importe quel sujet. Elle était au courant de ma thérapie avec la psy et je lui en parlais ouvertement. De son côté, elle m’a confié des choses qu’elle n’avait jamais dites à personne et ça m’a beaucoup touché de voir à quel point elle me faisait confiance. C’est une des personnes qui m’a été la plus importante au cours de ma vie.

Quand je lui ai annoncé, elle n’en croyait pas ses oreilles et croyait, elle aussi, que ce ne serait qu’une passade. Dans les jours suivants, on a beaucoup parlé au téléphone. Elle m’appelait pour savoir comment j’allais et je me souviens qu’un soir, en lui expliquant comment je me sentais, elle pleurait à chaudes larmes avec moi au téléphone en me disant qu’elle était tellement désolée, que si elle pouvait faire quelque chose pour ne pas que j’aie de peine, elle le ferait. Ça m’a tellement bouleversé de voir à quel point ça la peinait, elle aussi.

Quelques jours avant que S m’annonce qu’il me quittait, nous avions eu une séance photo chez un photographe professionnel, cadeau que nous avions reçu du père de S. Quand les photos ont été prêtes, le photographe nous a appelé pour nous aviser. Le certificat cadeau incluait la séance photo, le développement et une photo 8" x 10". Quand nous sommes arrivés, S a regardé les photos et en a choisi 2, qu’on a rapporté à la maison. Je me demandais pourquoi il avait payé pour des photos supplémentaires si dans sa tête il avait vraiment décidé que nous deux c’était terminé…

Dans son discours, S était très déterminé et me disait clairement que c’était fini, qu’il ne reviendrait pas en arrière, qu’il avait vraiment pris sa décision. Mais dans tous ses actes, c’était tout le contraire. Il me prenait dans ses bras, m’embrassait. Quand on discutait, c’était toujours collé et il me caressait les cheveux, ou me tenait les mains. Il prenait des décisions qui selon moi, n’auraient pas été les mêmes si notre relation était vraiment terminée. Je ne comprenais plus rien…

Je parlais beaucoup avec M, le gars du couple d’amis qu’on avait visité au nouvel an, et il pensait la même chose que moi. Quand je lui racontais tout ce que S faisait, il me disait lui aussi que c’était juste passager, que si lui avait été dans la même situation, il n’aurait jamais fait telle ou telle chose de cette façon.

Au début de décembre, on avait prévu un souper entre amis à la maison, des amis du sport automobile qu’on pratiquait. On faisait régulièrement un souper comme ça. À ce moment là, je n’avais vraiment pas envie d’être à ce souper là, qui se passait chez nous. Je ne me sentais pas du tout la force de faire semblant devant tous nos amis communs, de jouer à la blonde heureuse et souriante. Mais S tenait à ce que je sois là, sous prétexte que sans moi, ce ne serait pas pareil. J’ai passé la journée à pleurer ce jour là, je ne me sentais pas la force d’assister à ce souper. Mais S m’a tellement prié d’y être, que finalement j’y ai assisté, à contre-cœur. S n’était pas à la maison ce jour là, il devait arriver un peu après les premiers invités. Je ne saurai jamais s’il tenait vraiment à ce que j’y sois ou si c’était pour que je m’occupe du souper et de recevoir les invités.

Y et M ont été les premiers à arriver. J’avais les yeux rouges d’avoir trop pleuré et M s’en est aperçu tout de suite et m’a demandé ce qui n’allait pas. Ça été trop pour moi, je me suis mise à pleurer en disant que S et moi c’était terminé, qu’il m’avait laissé avant Noël. Son premier réflexe, à elle aussi, à été de me dire « Ben voyons, c’est seulement une mauvaise passe, ça va se régler dans quelques jours ». J’ai essuyé mes larmes et j’ai essayé, tant bien que mal, de passer une belle soirée. Je ne voulais surtout pas faire que les invités se sentent mal d’être chez moi alors que nous devions faire la fête.

Quand le souper s’est terminé, vers 11h le soir, j’étais crevé. S était sorti reconduire au métro un ami qui n’avait pas de voiture. Depuis qu’il travaillait de nuit, il dormait dans la chambre d’ami, où on avait mis une toile foncée dans la fenêtre pour qu’il fasse noir et que la lumière ne passe pas, sinon il ne réussissait pas à s’endormir. Il dormait avec moi seulement la fin de semaine. Et on dormait quand même ensemble depuis qu’il m’avait quitté.

Quand il est revenu du métro, il s’est déshabillé et s’est couché près de moi. Il s’est mis à me caresser et nous avons fini par faire l’amour. C’était tellement intense ! Ça l’était encore plus qu’à nos débuts. Et je n’avais fait absolument aucun pas pour aller vers lui, c’est lui qui est venu vers moi ce soir là. Ce soir là, ça été l’extase totale. Quand ça s’est terminé, je ne pouvais pas croire que c’était terminé, c’était impossible. Comment aurait-ce pu être aussi intense sinon ? Ce n’était pas une baise normale, il y avait la passion, la douceur, l’intensité, tout était là ! Je me suis couchée avec le sentiment que ça reviendrait doucement avec le temps, le cœur léger mais en même temps dévasté. J’avais tellement de sentiments contradictoires qui se chevauchaient. Et ça ne faisait que commencer…

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21 mai 2008 à 13h36

Le lendemain soir, c’était le party de Noël de son travail. Chaque année, il y avait un souper dans une grande salle de réception. Des chambres sont réservées à un prix réduit pour le personnel de l’entreprise, avec service de limousine qui vient nous chercher et nous ramener à la chambre. S avait réservé pour 2 personnes mais quelques jours avant, il m’a dit qu’il préférait y aller seul finalement, qu’il se sentait plus à l’aise ainsi et qu’il aimerait faire la fête avec ses collègues de travail.

J’avais un très mauvais pressentiment mais S me disait de ne pas m’inquiéter, que je me torturais l’esprit pour rien. Ce jour là, il m’a même conseillé d’aller passer la journée et la soirée avec sa mère, ce que j’ai fait finalement. Et toute la soirée ou presque, D et moi on a discuté de ce qui m’arrivait. Elle m’a confié ne pas reconnaître S, que son comportement la surprenait, elle aussi, et qu’il agissait peut-être ainsi pour faire sortir le trop plein qu’il avait accumulé au cours des derniers mois. J’ai quitté D en fin de soirée et je suis revenue à la maison, le cœur triste en sachant que S ne rentrerait pas cette nuit puisqu’au départ, nous avions réservé la chambre et qu’il était trop tard pour avoir un remboursement.

À 3h ce matin là, je me suis réveillée en pleurant, j’avais vraiment le pressentiment qu’il se passait quelque chose. Chaque année les chambres étaient réservées au même endroit alors j’ai rejoint la réception et j’ai demandé la chambre de S. On m’a transféré mais le téléphone a sonné et il n’a pas répondu. Je me suis dit qu’il n’était peut-être pas encore entré, j’ai raccroché mais je n’ai pas réussi à me rendormir.

Le lendemain matin, j’avais les boules et j’ai appelé son télé-averstisseur mais il ne m’a pas rappelé. Il est arrivé vers 11h et m’a trouvé au lit. Je pleurais, j’étais inquiète et surtout, j’avais ce foutu feeling bizarre qui me poursuivait. S est venu s’étendre à côté de moi, m’a pris dans ses bras en me disant de ne pas m’en faire, que je m’inquiétais pour rien, qu’il avait pris ça relax et qu’il était dans la voiture quand il a reçu mon appel.

On a passé la journée à discuter, je pleurais souvent mais il était doux avec moi. On parlait beaucoup de nos sentiments, je lui disais que je comprenais qu’il en soit rendu là, que nos éternelles chicanes étaient pas évidentes à vivre. Je lui ai dit que je l’aimais et que je trouvais bien triste qu’il ne réussisse pas à voir tous les efforts que je faisais ces derniers mois, tout le travail que j’avais fait sur moi. Il me disait toujours que pour lui c’était terminé, que toutes nos disputes avaient fait en sorte qu’il avait atteint un point de non-retour. Mais malgré ses mots, je ne le croyais pas… il était trop attentionné à mon goût envers moi.

C’est bizarre mais je n’arrive pas à me rappeler comment j’ai su… Je ne me souviens pas si c’est S qui me l’avait dit ou si je l’ai découvert moi même… Mais je me souviens que pour moi ça eu l’effet d’une bombe ! S voyait une autre fille ! Ça ne se pouvait tout simplement pas, c’était impossible, je le croyais pas ! Pas ELLE en plus ! Tout mais pas ça !!!

La terre s’est arrêtée de tourner, j’avais mal au cœur, ça ne se pouvait tout simplement pas. Je rêvais et j’allais me réveiller d’un instant à l’autre. Il est allé avec elle à son party de bureau alors que quelques jours seulement avant, c’est moi qui devais l’accompagner. Et cette nuit là, il a couché avec elle alors que la veille, on venait de faire l’amour. Quelle conne j’étais ! Et dire que cette nuit là, j’avais un très mauvais pressentiment, j’étais persuadée qu’il s’était passé quelque chose et le matin, il rentre en me consolant. Ouach ! Comment pouvait-il être si hypocrite ? Comment avait-il pu me faire ça, avec ELLE par dessus le marché ?

ELLE, c’était une fille qui jouait avec nous à la balle molle l’été, c’était la meilleure amie de J, la fille du couple d’amis chez qui on a passé la veille du Jour de l’An. Mariée, 2 enfants, et le genre qui couche avec tout ce qui bouge. Une fille assez le fun, qui fait des farces et avec qui je m’entendais bien. Avec qui je discutais sur MSN et avec qui je parlais à l’occasion de ma relation de couple. Elle savait que ça n’allait pas. Elle savait qu’en octobre j’avais voulu quitter S.

Elle trippait sur S en plus, elle me l’avait dit quand on s’est connu. Elle m’avait même dit en blaguant « un jour je vais me taper ton chum ». Ça me faisait juste rire. J’ai jamais été jalouse, au contraire, j’avais la certitude que S n’irait jamais voir ailleurs alors quand une fille le trouvait de son goût, ça me flattait plus qu’autre chose. S était au courant en plus, je lui en avais parlé et ça l’avait faire rire. Depuis la fin de l’été, elle m’achalait même pour un trip à 4 et je savais que ça intéressait pas S, on était pas comme ça. Je me souviens de lui avoir répondu que si elle réussissait à convaincre S, j’étais partante. Mais je savais très bien que S n’accepterait jamais cela alors pour moi, c’était plus comique qu’autre chose.

Depuis quand la voyait-il ? Selon lui, c’était une coïncidence, rien de plus. Ça n’avait rien à voir entre nous. Mon œil ! Comment peut-il me prendre pour une épaisse à ce point ? Et puis d’abord, s’il n’avait rien fait de mal, comment se fait-il que je n’étais pas au courant qu’il se voyait, qu’il se parlait via MSN depuis quelques semaines déjà ? Et il a eu le culot de me dire qu’il ne m’avait jamais trompé puisqu’il n’avait pas couché avec elle pendant qu’on était ensemble, même si elle lui a fait des propositions très ouvertes depuis un moment déjà. Qu’il lui avait toujours répondu qu’il ne coucherait jamais avec elle tant qu’il serait avec moi. Méchante consolation…

Je me suis mise à le détester. Plus j’en apprenais, plus j’étais abasourdi. Moi qui pensais le connaître mieux que personne, je me rendais maintenant compte que j’avais habité 5 ans avec un inconnu. À partir de ce jour là, je me suis mise à douter de toute notre relation. Comment pouvais-je faire la différence entre le vrai et le faux ? J’ai su que ça faisait déjà 3 mois qu’ils se parlaient via MSN, qu’à deux reprises il était allé chez elle. Que le jour où je suis partie chez ma cousine pour rencontrer Y le lendemain, où S était arrivé en retard, il avait passé la journée avec elle.

Mes idées s’embrouillaient, je n’arrivais plus à le croire. Je savais qu’il me disait la vérité sur certaines choses, mais sur d’autres, je doutais très fort et je lui disais. Après cette claque en plein visage, je me suis dit que c’était juste une passade, que j’allais tout faire pour reconquérir son cœur. On se parlait très ouvertement et toujours aussi calmement, collé un et l’autre.

Avec S, on avait quelques fois discuté de comment ça se passerait si un jour on se séparait et chaque fois, il me disait que ça se passerait bien, que ça se ferait calmement et dans le respect de l’autre. Ça été le cas, jusqu’au jour où sa relation avec l’autre s’est officialisée. Mon calvaire ne faisait que commencer…

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22 mai 2008 à 9h18

Fin janvier. Jusque là tout avait bien été, on avait beaucoup discuté et S m’avait assuré qu’on ferait ça calmement, qu’on prendrait notre temps et que rien ne pressait. On avait décidé que je partirais en juin, pour me donner la chance de me trouver un appartement et ne pas déménager en hiver. Comme la journée du déménagement est habituellement le 1er juillet, ce serait aussi plus facile pour moi de trouver quelque chose.

S m’avait dit qu’il ne l’amènerait pas à la maison et il me demandait la même chose de mon côté, si jamais je rencontrais quelqu’un. Pour moi c’était l’évidence même et ça faisait bien mon affaire. Je n’avais surtout pas envie de tomber face à face avec l’autre, à ce moment là je l’aurais dévisagé avec mes poings ! J’avais tellement de haine envers elle que je n’avais aucune idée de ce que j’aurais pu lui faire.

Tout était calme entre S et moi et malgré toute la peine que j’avais, ça se faisait dans le respect. Jusqu’au 27 janvier… ce jour là, S est devenu officiellement le chum de l’autre et à partir de ce jour là, mon calvaire a commencé ! Quand S me parlait, c’était à peine s’il ne m’envoyait pas chier. Il était bête comme ses pieds, n’avait pas de patience envers moi et son comportement a changé radicalement à partir de ce jour là.

Quelques jours après, il me dit qu’il aimerait que l’autre vienne dormir à la maison, qu’il en avait assez de faire le trajet pour aller chez elle (elle habitait 45 min de la maison). Non mais quel culot ! Ai-je bien entendu ?! Pincez-moi quelqu’un, c’est sûr que je rêve !! Pour moi, c’était hors de question, j’étais hors de moi, je n’arrivais pas à croire qu’il ait pu me demander un truc pareil. Je me souviens de lui avoir répondu « si tu la rentres ici, je te jure S que je la sors à coup de pied dans le cul ». La crise qui a suivi… oufff ! « C’est chez moi ici, autant que chez vous, j’ai le droit d’amener qui je veux, t’as rien à dire là dessus ». J’en revenais pas ! Heureusement pour elle, elle n’a jamais mis les pieds à la maison. En tout cas, pas pendant que j’étais là, si elle est venue à la maison, moi je n’y étais pas et je ne l’ai jamais su.

Par la suite, S s’amusait à me chercher et me faire enrager. Sa folle, comme je l’avais surnommé, l’appelait pour jaser et il parlait de moi au téléphone. Je me souviens qu’un soir, je regardais la télé et il y avait un spectacle de Juste pour rire qui jouait. Je suis partie à rire et l’autre a du lui demander ce que j’avais à rire parce que S a répondu que je regardais la télé. Ce soir là je suis carrément sorti de mes gonds. Je lui ai répondu que c’était pas des ces câlisses d’affaires ce que je faisais et qu’il avait aucun droit de parler de moi avec elle. S est parti à rire en lui répondant « oups, je pense qu’elle est fâchée », avec le grand smile dans face.Je l’aurais tué sur-le-champ.

Je le trouvais tellement ignoble, immonde ! Il faisait carrément tout pour me narguer, me faire sortir de mes gonds. Et une fois que c’était fait, il me garrochait en pleine face que je n’avais pas changé, que j’étais toujours la même, toujours aussi soupe au lait et que je passais mon temps à gueuler. J’ai passé un période tellement difficile, psychologiquement… Ça été une des pires périodes de ma vie.

On devait maintenant discuter de la maison, décider qui de nous deux garderait la maison ou si on la vendait. Quand on a acheté la maison, c’est S qui s’était chargé de la mise de fonds, du notaire et tout et tout. Alors j’ai proposé à S de me rembourser les paiements que j’avais faits sur la maison, qui montait à un peu plus de 5 000$, que je lui laissais tout et que je partirais seulement avec mon lit, mes bureaux (qui m’appartenaient depuis que j’étais bébé), mes effets personnels et tout ce que j’avais reçu en cadeau depuis qu’on était ensemble. On avait acheté tous les meubles ensemble mais je lui laissais tout. Je me suis fait carrément traiter de folle avec comme réponse qu’il allait prendre quelques jours et me revenir avec une autre proposition.

Une semaine après, il me dit qu’il aimerait discuter avec moi. On s’assoit donc au salon et il me propose 3 choix. Il avait l’air d’un avocat, avec sa pile de papier et de documents imprimés. Je n’arrivais tout simplement pas à croire que c’était bien S qui était assis à mes côtés. Quand il me détaille les 3 choix qu’il m’offre, je n’en crois tout simplement pas mes oreilles ! Pincez-moi, c’est évident que je rêve !

Choix 1 : Il me remet le montant de 5 000$ que j’ai mis sur la maison mais me charge un loyer pour les mois nous avons habité ensemble. Il me montre des maisons qu’il a trouvées sur internet, semblable à la nôtre, avec garage (yeah right, c’est sûr que c’est moi qui le voulais le garage, hen !) et me dit que ça vaut environ 850$ par mois, multiplié par 17 mois qu’on a la maison. Split ça en deux, ça fait 7 225$, ce qui fait qu’au bout du compte, je lui devrais 2 225$. Et toujours en terminant c’est choix, il ajoute cette petite phrase « Alors on s’entend tu que c’est pas le meilleur choix ?! ».

Choix 2 : On a payé la maison X$, il nous reste Y$ à payer sur l’hypothèque. On revend la maison le même prix (selon lui, la maison n’avait pas pris de valeur. J’avais fait mes recherches de mon côté et la maison avait pris environ 7 000$ de valeur). À ce montant, on enlève 7% de commission pour le vendeur, on rembourse l’hypothèque, ce fait qu’on était dans le trou d’environ 10 000$. On split le montant en deux, alors on est dans le trou de 5 000$ chacun. « Alors on s’entend tu que c’est pas le meilleur choix ?! ».

Choix 3 : Il rachète la maison au même montant qu’on l’a payé, rembourse l’hypothèque et on se partage les profits à 70/30. (Tiens donc toi ! Les profits sont divisés au prorata de ce qu’on a payé chacun sur la maison, mais pas le déficit !) Avec cette option, il me doit environ 1 200$. « Alors on s’entend tu que c’est la meilleure solution pour toi ?! ».

Je l’écoute et je n’en crois pas mes oreilles. Et monsieur veut une réponse pas dans une semaine comme lui a eu le temps de se préparer, non… il veut une réponse maintenant !

Je n’ai pas commenté du tout, j’ai seulement posé des questions.
M : Qui va payer pour mon déménagement ?
S : Toi. Je peux par contre te trouver un trailer si ça peut t’aider.
M : Qui va payer pour les rebranchements télé, téléphone, électricité ?
S : Ben là, c’est toi qui déménage, c’est à toi à débourser pour ça.

Après quelques questions comme ça, j’ai donné ma réponse. J’étais endetté de plus de 8 000$ depuis que j’étais avec lui. Selon moi, le fait qu’il reste dans la maison, ça valait un certain prix. Quand on a commencé à chercher pour une maison, on a fait des tonnes de visites avant de trouver. Alors juste ça, pour moi ça avait une certaine valeur. Ensuite le déménagement, on avait du louer un camion pour déménager, c’était encore des frais qu’il « sauvait » en restant ici. Ramasser des boîtes, paqueter le stock, trouver une maison, déménage…

Alors j’ai répondu que ses propositions n’avait aucun bon sens pour moi, que je n’acceptais aucune des 3. Que j’étais endetté déjà de 8 000$ et que pour moi, l’être de 8 000$ ou de 13 000$, ça ne faisait aucune différence dans ma vie. Que tant qu’à faire rire de moi comme ça, je préférais m’endetter encore plus et avoir au moins la satisfaction de le voir travailler de son bord lui aussi. Le voir dépenser encore plus d’argent que ce que je lui proposais. Je lui ai expliqué que dans ma tête, le fait qu’il n’ait pas à chercher une maison, à faire des boîtes, déménager, ne pas payer de rebranchement parce qu’il reste au même endroit, ça avait certainement une valeur monétaire.

Je me suis encore une fois fait traiter de folle… mais je ne changerais pas de décision. C’était hors de question que monsieur se ramasse dans ma maison, avec sa folle, en me laissant dans la rue, endetté comme jamais. Que je me tape un déménagement mais pas lui. Que j’aie à débourser mais pas lui. No way…

Quelques jours plus tard, il me dit finalement qu’il accepte ma proposition, que ça fait son affaire et que ça du bon sens. Tiens donc ! Il n’y a pas une semaine je me faisais traiter de folle et maintenant, ma proposition est pleine de bon sens.

Fin février, on avait une course. On en avait eu une en janvier et ça c’était bien passé, c’était avant que leur relation devienne officielle. La course de février a été l’enfer ! Je fais de la course depuis 2002 comme copilote. J’adore ce sport, c’est une vraie passion dans ma vie et j’ai toujours pris plaisir à participer à divers événements. J’en mange carrément ! Mais ce week-end là, je ne me suis pas amusée du tout. Il me criait dessus dans la voiture, ce qui n’était jamais arrivé avant. J’ai décidé que c’en était assez.

On avait discuté de l’équipe de course et S voulait que je reste comme copilote. Dans notre sport, il y a un grand manque de copilote et ce n’est pas facile de trouver quelqu’un de fiable. Je m’occupais du site Internet, de toute la logistique entourant les courses, je faisais la recherche de commanditaires, trouvais les mécanos pour aider S à parfaire la mécanique et j’écrivais les communiqués de presse d’avant et après course. Évidemment, en me gardant dans l’équipe, il s’assurait de garder tout ça.

Sauf que moi, j’en avais assez. Avec la course qu’on venait d’avoir, je ne voulais plus du tout courser avec lui ! J’adorais mon sport et c’était hors de question que je me fasse chier à nouveau, pour n’importe quel pilote. J’ai donc fait mes recherches de mon côté pour trouver un pilote qui voudrait participer au championnat auquel je participais. Il y avait des frais d’inscription au championnat de 1 000$ et ce ne serait pas une tâche facile que de trouver quelqu’un. Finalement, un gars avec qui j’avais déjà fait une course auparavant m’a dit qu’il avait entendu dire que P se cherchait peut-être un copilote. Je contacte P, c’était un gars que je connaissais déjà. Quelques jours plus tard, P me rappelle en me disant qu’il me veut comme copilote et qu’il est prêt à s’inscrire pour la prochaine course. J’ai donc avisé S que je ne participerais plus avec lui.

Encore là, ça été la crise. J’avais joué dans son dos, je le laissais dans la merde et il n’avait pas beaucoup de temps pour trouver un autre copilote. C’était le dernier de mes soucis ! Quand on veut garder quelqu’un dans notre équipe, on ne le traite pas comme de la merde. Pour moi c’était une certaine vengeance, je savais que l’équipe de course lui tenait à cœur et j’avais visé dans le mille, je savais que ça l’affecterait.

Je devais partir seulement à la fin du mois de juin mais plus ça allait, pire c’était avec lui. C’était devenu insupportable. Une semaine après la course, j’ai décidé que j’avais assez enduré, je devais partir au plus vite…

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22 mai 2008 à 12h58

Je me demande si, à part Clémence qui m'a laissé un message sur le forum, quelqu'un me lit...

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23 mai 2008 à 8h00

Début janvier. Réconciliation avec mon frère. Ça faisait 5 ans qu’on se parlait plus. Avec mon frère, ça toujours été périlleux. Il ressemble beaucoup à ma mère… trop à mon goût. C’est un bon vivant, toujours avec des blagues. Avec lui, on ne s’ennuie pas, toujours une connerie à dire ou à faire pour faire rire le monde. Mais c’est un manipulateur, un menteur et ya jamais rien qui est de sa faute.

Tout le contraire de moi, sur toute la ligne. Il a lâché l’école avant d’avoir 16 ans, il a habité chez mes parents jusqu’à l’âge de 22 ans environ, sporadiquement. Il avait un appart, ça ne marchait plus, et il revenait chez mes parents. Il est tombé dans la drogue, il a volé et il est passé très près d’aller en dedans. Mais mes parents ont toujours été là pour le sortir de la merde. Je ne sais pas pourquoi il est comme ça, mais il pense que tout lui est dû. Il profite des ses amis, ils le savent très bien, mais sont quand même toujours là pour lui.

En 1999, je travaillais à Montréal, dans une imprimerie. Mon frère était sur l’aide-sociale, ça n’allait pas bien dans sa vie et j’ai voulu l’aider. Je l’ai fait entrer où je travaillais, je le voyageais et je lui ai fait une place chez moi dans mon appart, je lui chargeais 25$ par semaine. Il a réussi à me devoir un peu plus de 200$, en quelques semaines. Quand je lui demandais de l’argent, il avait toujours des raisons pour ne pas me payer. À 25$ par semaine, c’était plutôt symbolique comme montant, je voulais qu’il s’en sorte mais je n’avais pas l’impression qu’il était reconnaissant, j’avais plutôt l’impression qu’il profitait de moi.

Décembre 2000. Mon frère reste avec sa blonde, et cette fille là, tout le monde de la famille la déteste. C’est une folle ! Elle bat mon frère. Chaque semaine, mon frère a de nouveaux bleus qui apparaissent et comme une femme battue, ses raisons sont les mêmes. Il est tombé dans les marches, il s’est cogné, il s’est chamaillé avec un ami. On sait tous que ce n’est pas vrai. En plus, quelques-uns uns de ses amis ont déjà assisté à une scène où elle frappait mon frère. Je ne sais pas pourquoi, mais mon frère restait avec elle, il l’aimait. Pourtant, mon frère est pleinement capable de se défendre, mais il n’oserait jamais frapper une fille. C’est un très beau gars, toutes les filles lui courent après, mais il reste avec elle et subit ses crises, endure les coups. Mon frère habite avec sa blonde dans le sous-sol chez mes parents et ils savent très bien, eux aussi, ce qui se passe mais même s’ils tentent de parler à mon frère, il nie.

La veille de Noël, mon frère est chez mes parents avec sa blonde et un ami. J’ai dormi là et je suis entrain de me préparer pour aller fêter chez mes grands-parents. Je ne me souviens pas ce qui s’est passé, mais ce jour là, mon frère a péter toute une coche. Il était en bas avec sa blonde et tout à coup, il est monté en haut et s’est mis à crier après ma mère, il la poussait et un moment donné, il l’a tellement poussé fort qu’elle a levé de terre et elle est tombée sur le dos dans la cuisine. Tout ce que je me souviens ensuite, c’est que je suis descendue en bas pour engueuler sa blonde et lui dire qu’on en avait plein de cul toute la gang de son comportement, que mon frère était entrain de virer fou à cause d’elle. Et j’entends mon frère dégringoler les escaliers en me criant de lui foutre la paix. Il s’approche de moi et commence à me tabasser. Heureusement que je sais me défendre et que l’ami de mon frère est venu en courant pour nous séparer, sinon je pense que j’en aurais mangé toute une ! Mon frère ne s’est jamais excusé pour ça.

Je n’ai jamais été proche de mon frère parce que malgré tout ce que je faisais pour lui, il n’appréciait pas et ça finissait toujours par me retomber sur le nez. Comme la fois où je lui ai vendu ma laveuse/sécheuse. Il avait besoin d’électros et comme j’habitais avec S, j’ai décidé de lui offrir les miens, pour 100$. Ce n’était pas du neuf, mais elles fonctionnaient très bien et j’aimais autant les offrir pas char à mon frère, que de les vendre plus cher à un étranger. S avait même fait 1h de route pour aller lui porter chez lui, dans son appartement. Il ne lui restait qu’à les brancher. Il a donné 40$ à S en lui disant qu’il me payerait le reste la semaine ensuite. Trois semaines ont passé et je n’avais toujours pas de nouvelle de lui. Quand je l’ai rejoint, il m’a répondu en me disant que ma crisse de sécheuse séchait même pas et qu’il ne me payerait pas. Heu… allo ? C’est parce que ça fait 3 semaines que tu l’utilises… Évidemment, elle fonctionnait très bien et c’est ma mère qui a fini par me payer ce qu’il me devait. Je suppose qu’il n’avait pas d’argent et que c’est la meilleure solution qu’il ait trouvé pour me le dire.

Avec lui, c’était toujours comme ça. Et après cet épisode là, j’ai décidé que j’en avais assez de faire rire de moi, de me faire mentir en pleine face et qu’on me prenne pour une idiote. J’en avais assez de faire des efforts pour entretenir notre relation frère-sœur mais que lui n’en fasse aucun. Pire encore, peu importe ce qui se passait, c’était toujours de ma faute.

Cinq années ont passé avant que je ne reparle à mon frère. Quand je me suis séparée, j’ai passé un peu plus de temps « en campagne », chez mes parents. Je ne voulais pas passer mes week-ends seule, à pleurer dans mon coin alors j’allais voir mes parents, mes grands-parents, ma cousine. J’ai demandé l’adresse de mon frère à mes parents et je suis allé lui rendre visite.

Ça faisait tellement bizarre. Il avait 19 ans la dernière fois que lui ai parlé, il en avait 24 maintenant. J’avais l’impression de ne pas le connaître, même physiquement je trouvais que ce n’était plus le même, il avait beaucoup changé. Je suis restée là plus d’une heure à discuter avec lui. Il venait de se faire une blonde, il travaillait maintenant comme transporteur d’automobiles, il s’était replacé les pieds, avait lâché la drogue, il avait mis de côté ses « amis » avec qui il trippait quand il était là dessus. Il avait l’air bien, il avait l’air en santé et j’étais contente de le revoir. Je lui ai dit que je reviendrais sûrement le voir et quand j’ai quitté, on s’est serré dans nos bras. Ça m’a fait chaud au cœur, j’étais vraiment contente qu’il revienne dans ma vie.

Je descendais tous les week-ends et j’allais lui rendre visite tous les week-ends. Il habitait en colocation avec F, un ami à lui qui avait 21 ans. Mon frère m’a offert de coucher chez lui et je dormais sur le divan du salon. Après 2 fins de semaine, F m’a demandé si j’aimerais dormir avec lui, que je serais plus confortable. À partir de ce moment là, je descendais chez mon frère tous les week-ends. J’arrivais le vendredi soir et je repartais le lundi matin, pour aller travailler.

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24 mai 2008 à 8h54

Avec mon frère, ça allait bien, on parlait beaucoup et il voyait bien que ça n’allait pas, que c’était l’enfer avec S. Heureusement, j’avais F qui me comblait d’affection. J’ai hésité un moment avant de me laisser aller… F avait seulement 21 ans, j’en avais 28 et je savais très bien que si j’étais dans ses bras, c’était parce que j’étais en peine. En tant normal, ça ne serait jamais arrivé. À son âge, on s’attache facilement et je ne voulais surtout pas lui faire du mal. J’ai été franche avec lui et il m’a répondu qu’il ne me demandait rien de plus et pour être franche, j’avais besoin d’affection plus que n’importe quoi d’autre à ce moment là.

La semaine, je retournais chez moi, dans ma maison. S n’était là que pour dormir le jour. À mon retour du travail, plus souvent qu’autrement il était déjà partie chez « l’autre » et on ne se voyait pas beaucoup. Heureusement, parce que quand il était là, ça finissait toujours en engueulade. Il était incapable de me répondre correctement et moi je perdais les pédales chaque fois qu’il ouvrait la bouche parce qu’il ne me parlait pas comme il faut.

Je ne le reconnaissais plus. Jamais, en 5 ans de vie commune, il n’avait agi de la sorte envers moi. Depuis que sa relation était devenue officielle avec elle, un mois après qu’il m’est dit que lui et moi c’était terminé, c’était l’enfer. C’est comme si tout à coup j’étais devenu un chien galeux ou une menace à son nouveau couple. Toutes les belles paroles qu’il m’avait dites au début s’étaient envolées. Lui qui avait promis que ça se passerait bien faisait maintenant tout ce qu’il pouvait pour me faire suer, me faire réagir et j’avais l’impression que ça l’amusait.

Un matin, j’en ai eu assez, on était en début de semaine. J’ai appelé ma cousine pour lui demander si elle pouvait venir m’aider à faire des boîtes. J’ai appelé mon amie C pour lui demander des boîtes, elle était déménagé quelques mois auparavant et elle avait gardé ses boîtes. J’ai appelé mes parents pour leur demander si je pouvais mettre mes affaires dans leur sous-sol. Je n’aurais pas grand chose, seulement mon lit, 2 bureaux et des boîtes avec couvercles, toutes de la même grandeur que je pouvais empiler les unes sur les autres. J’ai appelé mon frère pour lui demander s’il était disponible pour déménager mes trucs le week-end qui s’en venait.

En une journée, j’ai organisé tout mon déménagement. Le lendemain, ma cousine était là pour faire des boîtes avec moi et j’ai pratiquement tout paqueter cette journée là. J’étais bien organisée, il ne me manquait plus qu’une remorque, puisque mon frère avait un petit camion.

La veille de mon déménagement, j’ai appelé un couple d’ami à S et moi. B était le patron de S et leur amitié s’était développé au début de notre relation. Je m’entendais très bien avec B et F, sa conjointe. Quand S m’a annoncé qu’il me quittait, j’ai passé beaucoup de temps avec eux les premiers temps. Mais à un certain moment, ils m’ont demandé de ne plus leur parler de ça, parce que ça les affectait eux. À ce moment là, il y avait seulement quelques personnes à qui je pouvais me confier et j’ai trouvé ça très difficile de me faire dire ça. Je n’arrivais pas à comprendre comment on pouvait dire à un ami qui, selon toute vraisemblance, avait besoin d’aide et de parler, qu’on ne voulait plus l’écouter. J’ai accepté leur commentaire et je ne leur en ai plus parlé.

Donc la veille de mon déménagement, j’appelle B pour lui emprunter sa remorque. C’est F qui répond mais elle avait vraiment un drôle d’air au téléphone. Je lui ai demandé pour la remorque et elle m’a répondu d’attendre un instant, qu’elle me passait B. B a répondu et il avait lui aussi un très drôle d’air et quand je lui ai demandé pour la remorque, il a répondu d’un air assez bête, qu’il ne savait pas si ça lui tentait de me la prêter. J’ai alors demandé c’était quoi le problème et pourquoi ils me parlaient comme ça, avec un air bête. J’avais été manger au resto avec F 2 soirs auparavant et on avait passé une très belle soirée. Je ne comprenais donc pas pourquoi on me recevait de la sorte.

J’ai demandé si j’avais fait quelque chose de mal dont je n’étais pas au courant et B m’a alors répondu que j’avais dit à S des choses sur eux et qu’ils n’étaient pas content. Encore une fois, la claque que j’ai reçue ! Je n’en revenais pas ! Comment des AMIS peuvent prendre quelque chose pour acquis sans même vérifier auprès de la personne concernée ? Et si je n’avais pas appelé ce jour là, je l’aurais su quand, comment ? J’étais tellement enragée. Premièrement, me faire faire ça par des gens que je croyais être mes amis et deuxièmement, de voir à quel point S pouvait être aussi vicieux. J’étais complètement assommée. J’étais vraiment fâché et j’ai répondu à B qu’au bout du compte, je ne perdais pas grand chose avec eux, que des amis auraient pris la peine de vérifier si oui ou non j’avais dit certaines choses et si je les avais dites, dans quelle circonstance ça c’était produit. Des amis n’auraient pas porté un jugement aussi rapidement, sans même voir si l’autre personne avait quelque chose à dire pour se défendre.

Quand j’ai raccroché, j’ai éclaté en sanglot. Comment tout ça pouvait-il être possible ? Tout me filait entre les mains, tout n’allait pas bien. Il n’y avait qu’au travail que ça allait. Heureusement, j’ai eu la chance d’avoir une patronne qui m’écoutait et qui comprenait ma situation. Je faisais ce que j’avais à faire, mais je n’avais plus le même enthousiasme et elle n’a jamais dit un mot là dessus.

J’appelle donc mon frère en pleurant, en lui disant que je n’aurai pas de remorque pour déménager mes affaires. Je raccroche, découragée comme jamais. Mon frère me rappelle quelques minutes plus tard en me disant qu’il a téléphoné le voisin de mes parents, qui se trouve à être le maire de la ville, et pour qui mon frère a déjà travaillé pour me dire qu’il nous prête son gros camion et sa remorque et tout ça gratuitement. Je n’ai que l’essence à payer pour le déménagement. Il m’annonce qu’il sera chez moi tôt le lendemain, avec des amis, pour venir me déménager. J’ai raccroché avec un sourire, en me disant que finalement, tout ne pouvait pas mal aller.

J’appelle donc mes parents pour les aviser que mon déménagement est prévu le lendemain et leur dire vers quelle heure je vais arriver pour mettre mes trucs dans le sous-sol. C’est mon père qui répond et il me répond qu’ils n’ont plus de place dans le sous-sol, qu’ils sont entrain de refaire les armoires de la cuisine et que le sous-sol est plein de matériel. À ce moment, je me dis que j’ai mal entendu, que ça ne se peut pas… J’ai téléphone au début de la semaine et tout était correct. Comment pouvaient-ils me faire ça !? Depuis mon départ de la maison familiale à 16 ans, je n’ai jamais eu besoin d’eux, je ne leur ai jamais rien demandé et LA fois où j’ai besoin d’eux, ils n’y sont pas ?! J’étais tellement en colère ! J’ai raccroché et je me suis effondrée…

J’ai appelé ma grand-mère, en dernier recours, pour lui expliquer la situation. Je n’arrêtais pas de pleurer et elle voyait bien que j’étais désemparé. Elle m’a dit de ne pas m’inquiéter, que je pouvais mettre mes affaires dans son sous-sol aussi longtemps que j’en avais besoin. Heureusement que ma grand-maman était là parce que ce jour là, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans elle…

J’ai rappelé mon frère pour lui dire que les parents ne voulaient pas de moi chez eux. Je devais m’installer dans le sous-sol chez mes parents pendant quelques mois, histoire de me remettre solidement sur pied et de me trouver un nouvel appartement. On était en mars et je me disais que maximum fin août, je serais partie, ce qui faisait donc 6 mois pour me « reconstruire ». Je n’avais plus de meubles, plus d’appartement et j’avais besoin d’un peu de temps pour remettre mes idées en place.

Je ne savais vraiment pas où aller, ma grand-mère m’avait proposé de prendre la chambre d’amis mais ça m’aurait fait près de 2h de route à faire soir et matin pour aller au boulot. Alors mon frère m’a proposé de m’installer chez lui, en attendant. Il avait discuté avec F pour lui demander si c’était correct avec lui et il a dit oui tout de suite. Il m’a même proposé de m’installer un peu, qu’il me ferait de la place dans ses bureaux. Mais à ce moment là, je n’avais pas l’intention de rester bien longtemps avec eux. J’ai beaucoup apprécié l’offre de mon frère et ça nous a rapproché lui et moi, dans les mois qui ont suivi.

Deux ou trois semaines après, mon père m’a fait une place dans le sous-sol, où j’ai pu au moins mettre mon lit. Alors je me suis promené pendant quelques mois, de mon lit à celui de F. Quand j’avais besoin de solitude, j’allais dormir chez mes parents et quand j’avais le cafard et que je ne voulais pas me retrouver seule, j’allais dormir chez mon frère.

Tranquillement, ma vie reprenait un rythme un peu plus normal. Mes émotions avaient joué au yo-yo pendant un moment et ça se calmaient petit à petit. Bien sûr, j’avais des hauts et des bas, je suis passé par toutes les gammes des émotions, autant avec S et mon entourage « d’avant » qu’avec mes parents, mon frère ou même F.

Au boulot, ça allait bien aussi. Ma patronne n’en revenait tout simplement pas de la rapidité à laquelle je faisais face à toutes ces situations. Mais pour moi c’était normal, j’ai toujours été comme ça et pour s’en sortir dans la vie, j’ai toujours foncé tête première. Advienne que pourra…

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25 mai 2008 à 7h56

Fin mars. Ça fait déjà quelques semaines que je fais 200 km par jour pour me rendre au boulot et revenir chez mon frère. Heureusement, avec l’horaire que j’avais, j’évitais quand même assez le trafic, autant à l’aller qu’au retour. Sauf le vendredi… Je prenais parfois 2h pour faire le trajet alors qu’en temps normal, j’en prenais 1h. J’avais décidé de démissionner de mon travail, vu la distance qui me séparait maintenant de la maison. J’ai avisé ma patronne que je ferais encore 2 semaines et que je quitterais.

Pendant ma séparation, j’ai vécu toute la gamme des émotions possibles. Je suis rarement malade mais mon corps a toujours eu des réactions extrêmes quand j’ai un gros rush de stress ou de peine. Par exemple, quand je pleure, je finis toujours par vomir, c’est inévitable. Et le matin quand je me lève, ça m’arrive régulièrement de vomir, j’ai toujours été comme ça. Mon médecin dit que c’est peut-être un surplus d’acidité dans mon estomac et que ce n’est pas problématique. Et évidemment, comme j’avais beaucoup pleuré ces 3 derniers mois, je vomissais encore plus souvent.

Au boulot, je me plaignais souvent d’avoir mal au cœur et Josée, ma collègue, m’a dit en blaguant que j’étais peut-être enceinte. On a ri toutes les deux mais je savais que ça ne pouvait pas être ça. Ça faisait plus d’un an que j’avais arrêté la pilule avec S parce qu’on s’essayait pour avoir un bébé et ça n’avait jamais marché. Ma dernière relation avec S datait du 6 janvier et je me souvenais d’avoir eu mes règles depuis ce jour là. Et avec F, on avait toujours eu des relations protégées alors je savais que je n’étais pas enceinte.

Ce jour là, je n’y ai plus repensé mais sur le chemin du retour, ça m’est revenu en tête. J’étais certaine que non mais en même temps, la dernière fois où j’avais eu mes règles, ce n’était pas comme d’habitude. À ce moment là, je ne me suis pas posé de questions puisque quand on vit un gros stress, notre corps réagit de toute sorte de façon et il arrive qu’on saute un mois ou que ça nous débalance un peu. Mais comme ça me chicotait un peu, je suis allé à la pharmacie pour chercher un test.

Quand je suis arrivée chez mon frère, j’ai fait le test mais ce n’était pas concluant. C’était très pâle et j’étais vraiment pas certaine que je pouvais me fier au résultat. En regardant attentivement, je finissais par voir un + mais je me disais que c’était certainement pas fiable puisqu’on voyait pas grand chose. Je suis retournée à la pharmacie acheter un 2e test, différent du premier que j’avais fait. Je reviens chez mon frère, refait le test et cette fois ci, un gros + bien rouge est apparu.

La terre s’est arrêtée de tourner pendant un moment. C’était impossible… Ça voulait donc dire que j’étais enceinte de 12 semaines environ… Je n’y croyais pas, je ne voulais pas le croire ! Je suis sortie de la salle de bain et j’ai montré le test à mon frère. Je n’avais aucune expression, mon frère se demandait si j’étais contente ou pas. Ma première réaction a été de rire… mais je me suis vite mise à pleurer. Que pouvait-il m’arriver de pire maintenant ? Absolument rien… Et le pire, c’est qu’il fallait que je l’annonce à S…

Je suis partie en voiture pour me calmer un peu et me retrouver seule. Je n’arrivais pas à mettre mes idées une derrière l’autre, c’était mélangé dans ma tête. Comment ça se pouvait ?! Pendant un an on a essayé et ça n’a jamais marché et la dernière fois qu’on fait l’amour, bang !, je gagne le jack pot ! Qu’est-ce que j’avais fait de si atroce pour mériter tout ça ?!

J’ai pris mon courage à deux mains et j’ai appelé S. Dès que j’ai entendu sa voix au téléphone, je me suis mise à pleurer. Il m’a demandé ce que j’avais, peut-être qu’à ce moment là il croyait que je l’appelais en pleurant parce que je m’ennuyais de lui, je ne sais pas. Je n’arrivais pas à parler et après quelques secondes, j’ai craché le morceau. Un blanc à l’autre bout du fil et puis tout à coup j’entends « sais-tu qui est le père ? ». Quoi ?! Ai-je bien entendu ? Quel salaud, mais quel crétin !! Pense-t-il seulement que je l’aurais appelé si je n’avais pas été certaine que c’était lui le père ?! Comment osait-il me demander ça. Ce jour là, il m’aurait battu à coup de bâton que je n’aurais jamais eu plus mal que ça. L’avoir eu devant moi à ce moment là, c’est mon poing dans la face qu’il mangeait.

Il m’a demandé ce que j’avais l’intention de faire, de le garder ou pas mais j’étais tellement assommée que je ne savais pas du tout ce que j’allais faire. Le lendemain matin, il m’a téléphoné pour me donner les coordonnées de 2 cliniques d’avortement… sans même se demander si je voulais le garder. Dans ma tête, c’était clair que je ne voulais pas le garder. Je n’avais pas d’appartement, plus de meubles, plus de boulot et surtout, je n’avais vraiment pas envie d’avoir un enfant avec un homme qui me traitait de cette façon. Je ne désirais pas le garder, mais j’étais sidérée du fait que S prenne pour acquis que j’allais m’en débarrasser, sans même me poser la question.

Le lendemain matin, j’ai appelé ma patronne pour lui annoncer la nouvelle. Elle m’a répondu qu’elle me payerait mes 2 semaines de départ, de prendre soin de moi et d’en profiter pour mettre de l’ordre dans ma vie. Je l’ai trouvé très humaine, elle n’était vraiment pas obligée de faire ça. Ensuite j’ai appelé le numéro d’une clinique, en vue de l’avortement.

Mon frère essayait tant bien que mal de me consoler. Il m’a dit que peu importe ma décision, il allait me supporter et que si je le gardais, il allait m’aider. Je me souviens même que F m’a dit que si je le gardais, il était prêt à m’aider et l’élever comme son propre fils, même si ce n’était pas lui le père. J’étais abasourdi de sa réponse et je lui ai dit qu’il n’avait certainement pas pensé aux conséquences que ça impliquait pour me dire ça.

J’ai obtenu un rendez-vous quelques jours plus tard. À la clinique, on a une tonne de papiers à remplir et on nous pose plein de questions. On nous demande si on a une idée de la date où c’est arrivé, si on est consciente de ce que ça implique et si on est sûr à 100% de notre décision. Pour ma part, je n’avais aucun doute. Cet enfant là, je ne le voulais pas. Même si je désirais plus que tout avoir un enfant, ce n’était vraiment pas le bon moment, ni pour moi, ni pour lui. Je ne voulais pas donner la vie à un enfant et qu’on soit dans la misère tout de suite en partant. Je n’avais plus rien, pas de boulot, pas de logement, pas de meubles. Et qui aurait engagé quelqu’un enceinte, en sachant très bien qu’elle devrait partir quelques mois plus tard… personne.

Après la série de questions, on a un examen gynécologique à faire. Pendant l’examen, l’infirmière fait des drôles de regard et me dit qu’elle préfèrerait me faire faire une échographie. Je transfère dans une autre salle, j’attends quelques minutes et une autre infirmière arrive pour l’écho. Je pouvais voir un petit pois blanc sur le moniteur et l’infirmière m’a dit que c’était le fœtus. Je pouvais voir de mes yeux que j’avais vraiment quelque chose à l’intérieur de moi. Une fois l’examen terminé, je retourne dans la salle où j’étais initialement.

L’infirmière arrive avec les résultats et me dit que je ne suis pas enceinte de 12 semaines, mais plus de 7 ou 8 semaines, selon la grosseur du fœtus. Je lui dit que c’est impossible, que la dernière relation que j’ai eu avec S est le 6 janvier. Elle me demande si j’ai eu d’autres relations pas la suite, et je lui dit que oui, mais qu’on était protégé chaque fois, on avait utilisé le condom. Elle me répond que c’est certainement avec F alors, parce que le fœtus est trop petit pour que ça soit de 12 semaines.

Un coup de masse en plein front ! Moi qui pensais qu’il ne pouvait pas m’arriver pire, je m’étais mis un doigt dans l’œil jusqu’au coude !! Mon monde s’écroulait. Qu’allais-je faire ? Est-ce que je dis à S que ce n’est pas lui le père ? De toute façon, il pense lui aussi que c’est lui le père et que je n’en veux pas… Est-ce que je dis à F que c’est lui ? J’avais plein de questions qui planaient dans ma tête…

L’infirmière me donne un rendez-vous pour l’avortement. Je me rhabille, je quitte l’hôpital et je vais m’asseoir dans mon auto. J’ai encore une fois éclaté en sanglot. Pourquoi le mauvais sort s’acharnait-il autant sur moi ? Qu’avais-je fait pour mériter tout ça ? J’étais tout simplement dévastée…

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26 mai 2008 à 14h16

Retour à la maison, ça été les 100 km les plus longs de toute ma vie… J’ai finalement appelé S, qui m’avait offert de m’accompagner en me disant que c’était son devoir d’être là, qu’il se sentait un peu coupable et concerné mais moi je préférais y aller seule. Quand il a répondu, je lui ai dit que tout avait bien été mais que j’avais eu une nouvelle qui m’avait assommée encore plus que de savoir que j’étais enceinte. J’imaginais déjà son grand sourire de satisfaction et surtout celui de l’autre, qui jubilerait de savoir que finalement, ce n’était pas de lui. J’ai pris mon courage à deux mains et je lui ai dit que selon la grosseur du fœtus, ce n’était pas lui le père. J’ai ajouté que j’avais eu des relations avec un autre mais qu’on s’était toujours protégé et que c’est pour cette raison que j’étais persuadé que c’était lui. En fait, j’avais la certitude que c’était lui quand je l’ai appelé pour lui annoncer mais la vie s’est chargée que ça se passe autrement.

Quand je suis arrivée chez mon frère, je devais l’annoncer à F. Lui qui m’avait proposé de le garder et de s’en occuper comme si c’était son propre enfant, comment allait-il réagir maintenant qu’il saurait que c’était son enfant à lui ? J’ai demandé à lui parler en privé et je lui ai dit que j’avais une mauvaise nouvelle à lui annoncer. Que selon les résultats que j’avais eu à la clinique, c’était lui le père et non pas S.

Il y a eu un long moment de silence et il m’a ensuite demandé ce que j’allais faire. J’ai répondu que je ne voulais pas le garder. Il a eu l’air sous le choc et il a essayé de me convaincre de le garder en me disant qu’il allait s’en occuper, qu’il voulait prendre ses responsabilités, que même si on était pas un couple présentement, on pourrait essayer et voir si ça pourrait marcher. Mais je savais déjà qu’avec lui ça ne marcherait pas, il y avait trop de choses qui me dérangeaient de lui…

F était beaucoup plus jeune que le monde qu’il fréquentait. Il avait seulement 21 ans et la majorité avaient environ 25 ans. Il n’avait pas vécu autant de choses que les autres et j’ai l’impression qu’il se sentait moins important à cause de ça. Alors il inventait toutes sortes d’histoires pour se sentir intéressant. À l’entendre parler, on lui aurait donné 40 ans tellement il avait vécu de choses.

Il a raconté tellement de choses, que même lui ne savait plus ce qui était vrai ou faux. Quand je l’ai rencontré, je ne savais pas qu’il était comme ça. Et je ne me suis pas tout de suite rendue compte qu’il racontait autant de mensonges. Mais les semaines passaient et je me suis rapidement rendu compte que ça n’allait pas. Il m’avait raconté qu’il était surdoué à l’école, qu’il avait sauté 2 ans au primaire, qu’il avait été à l’université. Quelques semaines plus tard, on jouait à un jeu de société en gang et il avait de la misère à lire des phrases toutes simples.

Il m’avait raconté qu’il avait travaillé dans l’ouest canadien, qu’il avait eu un camion 10 roues à lui, qu’il avait travaillé dans la construction. Tout le monde savait qu’il inventait des histoires, qu’il comptait des menteries mais personnes lui disait. C’est arrivé à l’occasion que pendant qu’il racontait quelque chose, un des amis lui dise que ce qu’il racontait n’était pas vrai et qu’il lui donne une preuve de ce qu’il avançait mais il réussissait toujours à s’esquiver en disant qu’il s’était trompé, que ce n’était pas ce qu’il avait dit ou qu’on avait mal compris.

Je ne faisais pas de cas de cette situation, parce qu’on ne formait pas un couple et que je savais que ça n’arriverait pas non plus. Pour l’instant, il était dans ma vie parce que ça faisait notre affaire à tous les deux. Il était seul, je l’étais aussi et on attendait rien de l’autre en retour.

Je savais donc dès le début de notre relation que ça n’irait jamais plus loin et qu’on ne formerait jamais un couple. Il n’était pas mature et je ne me voyais pas du tout avoir un enfant avec un enfant. Même si je savais qu’il était sincère, je considérais que je n’étais pas en mesure d’avoir un enfant à cette période de ma vie, pour plusieurs raisons. Ça l’a beaucoup affecté, je crois qu’il espérait que je finirais par changer d’idée. Il en avait parlé à sa mère et elle envisageait ça positivement. Quand je l’ai annoncé à mes parents et que je leur ai dit que je ne le gardais pas, ma mère a essayé, elle aussi de me faire changer d’avis, en me disant que j’étais assez vieille pour prendre mes responsabilités et qu’ils allaient être là pour moi.

Je m’étais toujours dit que si je tombais enceinte un jour, peu importe la situation, j’allais le garder. J’étais une fille responsable, j’avais toujours pris mes précautions et j’avais beau virer la situation de tous bords, tous côtés, je ne voyais pas comment je pouvais faire autrement. J’étais prête à devenir mère, mais je pensais au bébé en premier en prenant ma décision. F n’avait jamais eu de boulot fixe, il n’était jamais satisfait de rien et changeait de boulot au 6 mois. Je ne pouvais donc pas compter sur lui financièrement et de mon côté, je ne travaillais pas non plus. Alors pour moi, c’était déjà tout décidé. Quand j’aurai un enfant, c’est que je serai en mesure de l’élever convenablement et que je serai certaine qu’il ne manquera de rien.

J’avais rendez-vous pour mon avortement à la fin du mois d’avril. Pendant les 3 semaines où j’ai attendu le rendez-vous, F prenait soins de moi et on a beaucoup parlé. Après avoir été chez le médecin, j’ai recommencé à fumer. C’est bizarre, parce que je n’avais pas envie de recommencer. Je ne bois pas mais j’ai viré 2-3 brosses assez solide dans ces 3 semaines d’attente. Je n’avais pas fumé de pot depuis des années et comme mon frère est un fumeur régulier, j’en ai fumé aussi. Je ne sais pas trop comment l’expliquer, mais c’était comme si en faisant ça, c’était des raisons supplémentaires pour ne pas garder le bébé. Et ça mettait F dans tous ses états, je voyais bien que ça le dérangeait. Je suppose qu’il espérait que je changerais d’idée…

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29 mai 2008 à 7h40

24 avril 2006. F a essayé plusieurs fois de me convaincre de garder le bébé, il s’occuperait de moi et du bébé, il prendrait ses responsabilités et il s’arrangerait pour qu’on ne manque de rien mais ma décision était prise depuis longtemps déjà. Il a demandé à m’accompagner mais ma mère s’était offerte pour venir avec moi et je préférais ça comme ça.

Le rendez-vous était tôt le matin. Une fois arrivé sur place, on m’a donné une jaquette d’hôpital et des pantoufles à mettre. Je devais attendre qu’une infirmière m’appelle pour la suite. Ensuite, je me suis rendu dans une petite salle pour qu’on prenne mes signes vitaux et une infirmière m’a expliqué comment ça se déroulerait. J’avais le choix entre 2 options comme anti-douleur, soit un comprimé qui agirait pendant un bon moment, ou un espèce de gaz que je respirerais uniquement durant le temps de l’intervention. Pour choisir cette option, je devais avoir des signes vitaux normaux et ne pas être stressée. Comme j’étais très calme, j’ai pu choisir la 2e option.

Quand le médecin a été prêt à faire l’intervention, je suis allée dans la salle d’avortement. Je me suis couchée sur une table, les pieds dans les étriers, comme pour un accouchement. Ils ont fait un examen gynécologique pendant qu’ils m’installaient le masque qui dégageait la substance gazeuse qui me rendrait un peu zombie. J’avais ma musique dans les oreilles et tout ce que je devais faire, c’était de me concentrer à prendre de grandes respirations pour que le gaz aille dans mes poumons.

Je n’ai rien senti durant l’intervention et ça n’a duré que quelques minutes. Après, je suis allée dans la salle de repos avec les autres filles qui avaient subi la même chose avant moi. Je ne me souviens plus combien de temps j’y suis resté mais ils s’assurent que nos signes vitaux sont corrects et qu’il n’y a pas de complication suite à l’intervention.

Il y avait une fille à côté de moi qui pleurait. Je n’avais pas vraiment envie de parler mais je crois que de son côté c’était différent parce qu’elle s’est mise à me raconter son histoire. Elle pleurait comme une madeleine et me racontait que c’était la 3e fois qu’elle subissait un avortement. Plus elle me racontait son histoire, plus je me disais que ça n’avait pas de bon sens. Un 3e avortement, elle ne prenait pas la pilule et ne se protégeait pas. J’ai bien du mal à comprendre les filles qui se servent de l’avortement comme d’un moyen de contraception… Elle me racontait qu’elle trouvait ça difficile, que ça la touchait beaucoup. Je la trouvais un peu épaisse de me raconter ça comme ça, j’avais l’impression qu’elle voulait faire pitié mais j’avais juste envie de lui crier que j’en avais rien à foutre de son histoire, que si elle était un brin intelligente, elle se protégerait pour ne pas que ça lui arrive.

Je n’ai eu aucune complication, j’ai pu quitter dès que ma période d’attente s’est terminée. Je devais me reposer et prendre du Tylenol si j’avais du mal, m’assurer qu’il n’y ait pas de gros caillots qui se forment et que ça ne soit pas plus abondant que lorsque j’avais mes règles. J’ai dormi presque tout le chemin du retour, plus parce que ça ne me tentait pas de parler avec ma mère que parce que j’étais fatiguée.

Quand je suis arrivée chez mes parents, je suis descendue en bas me reposer et F est venu me voir dans l’après-midi. Il s’est couché avec moi et m’a flatté le bedon en me demandant si ça faisait mal et si j’allais bien. Il est resté tout l’après-midi, étendu à mes côtés. Pendant 3 jours, je n’ai pas fait grand-chose à part écouter des films, manger et me reposer, comme le médecin avait demandé.

Je devais retourner voir les médecins quelques semaines plus tard pour vérifier que tout allait bien et cicatrisait comme il le faut mais je n’y suis pas allée. Je ne voyais pas l’intérêt de me déplacer une autre fois, tout s’était bien passé et je n’avais eu aucune anomalie.

Quand j’ai été voir mon médecin de famille pour mon rendez-vous, je lui ai expliqué que j’avais subi un avortement et quand il a fait mon examen gynécologique, il m’a confirmé que tout était parfait. Par contre pendant mon entretien, il m’a dit quelque chose qui m’a un peu ébranlée. J’ai beaucoup de problème avec ma glande thyroïde et depuis 7-8 ans, elle est très basse et malgré la médication, je n’arrive pas à avoir un taux moyen, ce qui fait que j’ai énormément de difficulté à maintenir mon poids. J’ai pris près 75 lbs depuis les 10 dernières années et c’est en grande partie à cause de ce problème. Mon médecin m’a confié être très étonné que je sois tombé enceinte parce que ma glande fonctionnait mal et que bien des femmes avec ce problème avaient beaucoup de difficultés à tomber enceinte. Je me suis alors demandé si j’allais pouvoir en ravoir un jour.

Avec F, on a continué à se fréquenter, même après l’avortement. Je me disais que ça changerait sûrement le cours de notre relation mais F était de plus en plus présent.

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29 mai 2008 à 13h18

En juillet, mon frère est déménagé dans une maison qu’il louait avec F et un autre couple d’amis. Pendant encore un mois, j’ai habité avec eux. J’avais trouvé un appartement à 30 minutes de chez mon frère et j’ai emménagé au mois d’août, après 5 mois de vie commune avec 5 autres personnes. Après mon arrivée chez mon frère, un couple d’amis avait eu besoin d’aide et mon frère les avait hébergé. Ils devaient être là pour quelques jours seulement mais ils y étaient toujours 4 mois plus tard.

J’avais eu le temps de magasiner pour m’acheter des meubles. Comme je n’étais pas pressée, j’avais le temps de fouiller et de prendre mon temps pour vraiment chercher ce que je voulais. J’ai beaucoup cherché sur internet et j’ai réussi à trouver tout ce que je voulais, à faible prix. J’ai regardé les petites annonces plusieurs fois par jour pour dénicher ce que j’avais besoin et j’ai réussi à me remeubler complètement pour moins de 3 000$, incluant mon ordinateur.

J’étais bien fière de mes achats et j’avais bien hâte de me retrouver dans mes affaires, chez moi, toute seule. Mon frère, mes parents et F m’ont aidé à déménager et j’ai pu entrer dans mon appartement 2 jours après. Je n’avais pas besoin de peinturer mais les locataires avaient laissé l’appartement dans un état assez lamentable. Ils n’avaient rien nettoyé avant de partir et j’ai du laver tous les planches, les murs et les plafonds de fond en comble avant de pouvoir m’installer comme il le faut.

Pendant les 5 mois que j’avais été chez mon frère, j’avais accepté du travail temporaire via une agence de placement. Comme je ne savais pas où je m’installerais à ce moment là, j’avais accepté du travail dans un rayon de 45 minutes de chez mon frère. J’avais travaillé environ 3 mois en tout et partout. Quand je suis déménagée, je n’avais pas de travail et j’ai eu alors le temps de m’installer comme il faut. Une fois installée, j’ai reçu un appel pour un autre travail temporaire, à quelques minutes de chez moi.

J’ai travaillé là jusqu’en octobre, où j’ai trouvé un travail comme technicienne comptable, boulot pour lequel j’ai vraiment trippé. J’ai appris toutes sortes de choses, très rapidement. Et je travaillais à 5 minutes de chez moi en auto. J’adorais ça, mon boss était vraiment sympa et mes 2 collègues de travail aussi. Je reprenais petit à petit un rythme de vie normal.

F était toujours dans ma vie. Je savais que c’était temporaire, mais il était agréable et j’avais besoin de calme dans ma vie. Il m’apportait aussi toute l’affection dont j’avais besoin.

J’ai profité de mon appartement et de ma solitude au maximum pendant les premiers mois. J’habitais seule, je n’avais plus de compte à rendre à personne, je pouvais lire tranquille, relaxer et écouter la télé à ma guise, sans me soucier de personne, ni me demander si je dérangeais quelqu’un. Mon frère m’avait rendu un énorme service mais tout ça n’avait quand même pas été très évident pour moi. Vivre à 6, dans un appartement 4½ quand on vivait à deux dans une grande maison 6 mois plus tôt, ce n’était pas une adaptation facile.

Je ne connaissais personne dans la ville où j’habitais alors je descendais voir F tous les 2-3 jours. Je jasais beaucoup avec mon frère, il me racontait ce qui lui arrivait, je trouvais ça vraiment agréable. J’allais passer la soirée chez eux, je dormais là et j’allais travaillé le lendemain matin.

Sept mois après ma séparation, mon deuil était terminé depuis un bon moment déjà et j’avais entamé une nouvelle vie. Je me sentais bien et j’avais repris le contrôle de ma vie. J’avais plein de projets en tête, un boulot que j’aimais, une belle relation avec mon frère, une relation meilleure avec mes parents. Je ne m’étais pas senti aussi en confiance depuis un long moment déjà…

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30 mai 2008 à 9h04

De retour à Y. Je l’avais rencontré pour la première fois au début de décembre et avec S, nous sommes allés souper chez lui, la veille de Noël. S m’avait laissé 3 jours avant mais j’ai joué le jeu devant Y également. J’avais accepté son invitation à souper parce qu’il voulait me présenter sa femme, C. Et je lui ai mentionné que ce serait tout, qu’il n’y aurait pas de suite pour le moment.

Ça cliqué tout de suite avec C, le courant a passé à la première seconde où je l’ai vu. Je l’ai trouvé tout de suite très sympathique et c’est elle qui a animé notre soirée avec ses histoires drôles et elle a aussi parlé de la nouvelle qu’elle venait d’apprendre. Elle avait le cancer. Un cancer incurable. Si elle n’acceptait aucun traitement, les médecins lui donnaient 3 mois à vivre. En acceptant les traitements, elle serait peut-être prolongée de quelques mois mais les médecins ne pouvaient s’avancer sur rien. Elle nageait dans l’inconnu et la peur et je la trouvais bien courageuse de m’en parler comme elle le faisait.

Après cette rencontre, j’ai mis 3 mois avant de recontacter Y. J’avais eu le temps de réfléchir, des mettre mes idées en place. Avant de le contacter à nouveau, je voulais être certaine de ma décision, pour ne pas revenir en arrière plus tard et lui faire subir un 2e abandon. Au début, j’y allais beaucoup plus pour C que pour lui. Le sort de C m’avait beaucoup touché et je me disais que je devais en profiter maintenant, le temps qu’elle était encore en vie. On ne savait pas combien de temps elle avait devant elle et je voulais vraiment prendre du temps pour la connaître.

Les premiers mois, j’allais les voir aux 2-3 semaines environ. C avait des traitements de chimio à faire et comme elle était faible, c’est moi qui leur rendait visite. Je ne trouvais pas ça évident au début, parce que pour Y, j’étais sa fille et il avait toujours espéré que je revienne dans sa vie. Il était fier de me présenter à tout le monde, de dire que j’étais sa fille. Quand j’arrivais, il me serrait dans ses bras mais j’étais vraiment mal à l’aise avec ça, pour moi c’était un inconnu que je devais apprendre à connaître. Il me disait qu’il m’aimait mais j’étais incapable de lui répondre quelque chose.

De voir l’entrain qu’il avait me faisait plaisir mais je trouvais qu’il entrait dans ma bulle un peu trop vite. Et d’entendre C me dire « ton père » quand elle parlait de lui me rendait aussi mal à l’aise, même si je savais très bien que c’était mon père pour vrai. Mais dans ma tête et dans mon cœur, « mon père » représentait M et pas Y. J’en ai discuté avec C, je lui ai dit que je n’aimais pas ça qu’elle me dise « ton père » et que je préférais qu’elle dise Y quand elle me parlait de lui. Elle a été très compréhensive et m’a dit qu’elle comprenait mon point, que ça ne devait pas être facile pour moi. Que bien qu’elle m’aime comme sa propre fille, et qu’elle ait vécu avec Y toute la peine qu’il avait eue quand ma mère s’est sauvée, elle était neutre par rapport à tout ça.

Je sentais que C me comprenait bien et son attitude a fait qu’à chaque visite, j’avais de plus en plus le goût de les revoir. J’ai pu connaître Y grâce à elle. Elle m’a vite fait confiance et m’a raconté le plus de choses possibles le concernant. Elle m’a parlé de ses parents, de son enfance, de ses frères et sœurs, de comment il a vécu le fait de me perdre, ce qu’il a fait pour essayer de rentrer en contact avec moi quand j’étais jeune.

Je la sentais neutre mais en même temps très impliquée et je voyais bien qu’elle avait souffert presque autant que lui dans cette histoire. Elle a toujours voulu avoir des enfants mais n’en a jamais eu à cause de moi. Quand ils se sont mariés, ça ne faisait que quelques mois que nous étions partis pour l’Abitibi. Quand il a réalisé qu’il ne me reverrait probablement plus, il a dit à C qu’il ne voulait pas d’autres enfants, qu’il en avait perdu un et qu’il ne voulait pas prendre le risque que ça lui arrive à nouveau. Pour être certain de ne pas changer d’idée, il est allé se faire vasectomiser. Et il lui a dit qu’il l’aimait assez pour la laisser partir si elle tenait absolument à avoir des enfants. Mais C l’aimait tout autant et elle a décidé de vivre avec cette décision.

Toute sa vie, elle s’est dévouée auprès de ses neveux et nièces, comme si c’était ses propres enfants. Elle n’avait pas d’enfant ma sa maison était toujours pleine. Elle travaillait dans un foyer de personnes âgées et elle était tout aussi dévouée envers eux. Elle les appelait affectueusement ses petits pépères et ses petites mémères. Elle faisait tout pour qu’ils soient bien et ils étaient en quelque sorte, eux aussi, les enfants qu’elle n’avait jamais eus.

Plus le temps passait et plus je prenais plaisir à aller les visiter. Mes visites se sont rapprochées et après quelques mois, j’allais les voir aux 2-3 jours. C avait subi divers traitements de chimiothérapie et elle était parfois très faible. Comme elle était malade, c’est toujours moi qui me déplaçais pour leur rendre visite. Y m’offrait souvent des petites attentions, on allait au resto et il payait toujours pour moi, il me donnait de l’argent pour payer une partie de mon gaz mais j’étais toujours mal à l’aise face à ça. Je voyais bien que ça lui faisait plaisir et que ce n’était pas une façon de m’acheter mais bien parce que je me déplaçais tout le temps et qu’il voulait que ça soit équitable. Mais comme je me suis toujours débrouillé seule dans ma vie, j’ai toujours eu de la misère à accepter un cadeau.

Y a pris sa retraite pour pouvoir prendre soin de C. Une infirmière allait à la maison passer 4 heures, 2 fois par semaine, pour donner un coup de main à Y, qu’il puisse décompresser un peu. Souvent, quand j’allais faire un tour, je disais à Y d’en profiter pour aller faire des commissions pendant que j’étais là. Ça l’aidait beaucoup et il était très reconnaissant. Et moi de mon côté, ça me permettait de jaser avec C, de me confier à elle et d’en apprendre toujours un peu plus sur leur vie à eux.

Je me sentais vraiment bien avec C, j’avais l’impression d’avoir une vraie relation mère-fille avec elle. Je repensais à mes années d’adolescence et je me disais qu’on aurait donc eu du fun elle et moi ensemble. Je l’aimais vraiment beaucoup et j’appréciais qu’elle soit dans ma vie. Je savais que ça ne donnait rien de revenir sur le passé mais je ne pouvais pas m’empêcher de penser que ma vie aurait pu être tellement différente. Je ne m’étais jamais bien entendu avec ma mère et avec elle, ça avait tout de suite cliqué. On avait un caractère très semblable et on aimait les mêmes affaires. Elle avait pratiqué beaucoup de sports, dont la balle molle et le hockey, tout comme moi. Elle aimait faire du 4 roues, du motocross et j’étais moi aussi une adepte de tout ça.

Je nageais dans un certain bonheur. Je ne regrettais pas d’avoir rencontré Y et de faire maintenant partie de leur vie. J’avais beaucoup d’affection face à C et mes sentiments étaient plus fort envers elle que ceux que j’avais envers ma propre mère. Et elle me considérait comme sa fille, elle m’aimait comme si j’avais été de son propre sang.

Même avec la famille de C, je me sentais appréciée et aimée. Et pourtant, en réalité, je n’avais aucun lien de parenté avec eux. Mais pour tout le monde, j’étais la fille de Y, la belle-fille de C et par conséquent, je faisais partie de leur famille. C’est bien de se sentir apprécié de la sorte, de ne pas se sentir de trop, de se sentir à sa place. Surtout quand dans ma propre famille, je me suis jamais sentie vraiment à ma place…

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31 mai 2008 à 9h41

Juillet 2006. Y m’appelle, C est entré d’urgence à l’hôpital d’Ottawa. Elle avait de plus en plus de misère à respirer, elle suffoquait. Son cancer primaire était dans les poumons et elle avait en plus quelques masses dans l’abdomen, cancéreuses elles aussi.

Après quelques tests, les médecins voient qu’elle a de l’eau sur les poumons et que c’est pour ça qu’elle a de la difficulté à respirer. Ils lui ont donné des médicaments pour enlever l’eau mais ça n’a pas fonctionné. Elle était à l’hôpital depuis quelques heures déjà et C était très confuse à cause de tous les médicaments qu’elle avait pris. Plus ça allait, plus elle avait de la misère à respirer, c’était douloureux et elle avait l’impression de respirer à travers une paille. Dans l’après-midi, sa tête est devenue mauve en l’espace de quelques secondes. Y a sonné pour les infirmières et est sorti de la chambre en criant de venir, que c’était urgent.

Dans le temps de le dire, il y avait 3 infirmières et un médecin dans la chambre. Ils ont installé un drain dans ses poumons en urgence, pour pouvoir enlever du liquide, elle était entrain de se noyer. Ensuite, ils ont soufflé une poudre qui devait servir à coller l’enveloppe du poumon à ce dernier parce que ça c’était décollé. J’imagine que c’est parce qu’il y avait trop d’eau. Ça a fonctionné pour un poumon, mais pas pour l’autre.

C dépérissait à vue d’œil et elle était très faible. Ma cousine J se mariait la fin de semaine suivante et les médecins l’ont laissé sortir. On a su par la suite que les médecins l’avaient laissé sortir parce qu’ils pensaient que ça serait sa dernière sortie, qu’il ne lui restait que quelques jours à vivre. Mais C s’en est sorti et les médecins en ont été très étonnés. Elle a été plusieurs jours très faible mais tranquillement, elle remontait la pente.

Après cet événement, je me suis encore plus rapprochée d’eux. Je voulais profiter au maximum du temps que je pouvais passer avec C. J’allais les voir presque tous les jours ensuite. Je ne travaillais pas encore, à part pour quelques contrats temporaires à l’occasion. J’arrivais en avant-midi et je repartais après le souper. Je faisais à manger, quelques commissions et quand j’étais là, Y pouvait souffler un peu et aller faire des commissions la tête en paix, en sachant que quelqu’un était avec elle.

En août, j’ai déménagé dans mon appartement et en octobre, j’ai trouvé du travail à quelques minutes de chez moi, dans un bureau comptable. J’y allais moins souvent mais on se parlait via MSN tous les jours et on s’appelait. J’allais passer une soirée à l’occasion durant la semaine, j’avais 1h de route à faire pour me rendre chez eux. Et tous les week-end, j’y étais aussi.

Je prenais plaisir à écouter C me raconter toutes sortes d’histoires. On a ri beaucoup ensemble, on a échangé et on a beaucoup parlé de mon histoire aussi. Je réalisais beaucoup de choses concernant ma mère, ce qu’elle m’avait dit, ce qu’elle avait fait et avec C, j’étais très à l’aise d’en parler. Et je savais qu’elle gardait pour elle ce que je lui disais, qu’elle n’en parlait pas à Y.

J’ai pu tout lui dire, comment je me sentais face à Y, face à elle, face à mes parents maintenant. Elle comprenait que pour moi, dans mon cœur, mon père aurait toujours cette place là à cause de tout ce qu’on avait vécu ensemble. Que j’étais heureuse que Y soit revenu dans ma vie, mais que je ne pouvais pas effacer 28 ans passés avec mon père et sa famille, MA famille.

C avait des hauts et des bas avec sa maladie. Ses hauts n’étaient jamais très hauts et c’est bas étaient souvent très pénible à vivre pour elle. Après son épisode à l’hôpital ou sa tête est devenue mauve, elle a du avoir l’oxygène en permanence. Ils ont installé une machine à la maison et quand elle avait des sorties à faire, elle avait des bonbonnes portatives. Toutes les semaines, la compagnie d’oxygène appelait pour savoir combien elle avait besoin de bouteilles pour passer la semaine, en fonction des sorties qu’ils avaient à faire.

Malgré sa maladie, C combattait très fort. Après avoir essayé 3 traitements différents qui ne fonctionnait pas pour ce qu’elle avait, les médecins lui ont proposé un médicament encore à l’étude. Ça fonctionnait sur très peu de gens mais pour elle, ils avaient visé dans le mille ! À partir de novembre 2006, tout s’est stabilisé, son cancer n’évoluait plus, on avait enfin trouvé le bon médicament pour elle.

Cette année la, j’ai fêté mon premier anniversaire avec eux, ensuite mon premier Noël. Nos premières fêtes en famille. J’ai été très gâtée et je ne me sentais pas très à l’aise devant autant d’amour. J’ai toujours eu beaucoup de difficulté à recevoir, que ce soit un présent ou une marque d’affection. J’en avais tellement de leur part que petit à petit, j’ai commencé à accepter ce qui venait d’eux, à ne pas me sentir envahi ou bousculé.

Avec C je n’avais aucun problème, c’était plus avec Y que j’en avais. J’étais réticente un peu, j’avais peur de me laisser aller, je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être était-ce du à l’image que j’avais de lui auparavant, elle restait peut-être encrée dans mon subconscient.

Le temps passait et je m’attachais de plus en plus à eux. J’avais des sentiments très fort envers C, plus fort que tout ce que j’avais connu auparavant. J’avais vraiment des sentiments mère/fille envers elle et je n’avais jamais ressenti ça avant. Je me sentais bien avec elle, je me sentais appréciée telle que j’étais, je me sentais aimée et désirée. Quand j’étais là, il n’y avait plus rien d’autre qui existait, elle passait du temps avec moi et je sentais qu’elle l’appréciait autant que moi.

Plusieurs fois C m’a dit que pour elle, j’étais la fille qu’elle n’avait jamais eue. Que toute leur vie, elle et Y avait prié pour que je revienne un jour dans leur vie. C’est bizarre parfois comment la vie peut être faite. C n’avait jamais été malade de toute sa vie, c’était une femme très sportive, elle pétait le feu. Soudainement elle tombe malade et moi j’arrive dans leur vie à ce moment là. On aurait pu avoir de belles années ensemble, faire des activités, voyager mais elle n’en avait plus la force aujourd’hui.

On essayait toutes les deux de voir ça du bon côté, en nous disant que j’aurais pu ne jamais revenir, que j’aurais pu arriver beaucoup plus tard dans la vie d’Y, qu’elle soit déjà partie et qu’alors on ne se serait jamais connu. Pour elle aussi, c’était un baume sur son cœur parce qu’elle savait maintenant qu’Y ne serait pas seul quand elle partirait. Qu’elle nous quitterait en sachant qu’Y m’avait retrouvée et ça la soulageait beaucoup de savoir ça, elle avait le cœur léger…

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2 juin 2008 à 8h22

Décembre 2006. Depuis ma première rencontre avec Y, j’ai essayé à plusieurs reprises de discuter avec ma mère de ce qui s’était passé mais elle a toujours refusé de répondre à mes questions. Dans sa tête, elle croyait que j’essayais de lui tendre un piège mais tout ce que je voulais d’elle, c’était la vérité, une fois pour toute. Je ne cherchais pas à l’accuser de quoi que ce soit, seulement qu’elle me raconte ce qui s’était vraiment passé, mais c’était peine perdue…

Elle croyait que Y m’avait tourné la tête, qu’il m’avait raconté tout plein de choses contre elle et que je tentais de voir si elle allait me raconter la même chose. Évidement, comme elle a raconté plusieurs choses différentes, elle devait croire que je la contredirais tout le temps. Mais la vérité, c’est que Y a toujours pris sa défense quand je parlais contre ma mère.

Ce que ma mère m’avait raconté d’Y ne collait vraiment pas avec la personne que moi je connaissais maintenant. C’était un homme généreux et aimant, il donnait beaucoup de son temps pour les gens qu’il aimait. Il avait pris sa retraite pour prendre soin de sa femme malade et ne pensait plus qu’à elle, son confort et son bonheur depuis maintenant un an. Il n’avait rien de l’image de l’homme violent que je m’étais faite de lui.

Quelques jours avant Noël, j’ai téléphoné ma mère pour lui poser quelques questions. Le ton est monté, comme bien des fois où j’ai essayé de lui parler. Elle croyait dur comme fer que Y était déterminé à me mettre ma mère à dos en me racontant des choses contre elle, qu’il m’avait carrément laver le cerveau. Notre discussion s’est terminée assez rudement. J’ai essayé de lui expliquer que j’avais un besoin vital de savoir ce qui était arrivé, que ça faisait partie de ma vie et que j’avais besoin de recoller les morceaux du casse-tête manquants. Elle a fini en me disant que je n’avais qu’à rester avec lui et ses histoires.

Le soir du nouvel an, C et Y m’avait invité au restaurant avec toute la famille, c’était une tradition familiale à chaque année. Ce soir là, F m’accompagnait et nous avons eu une très belle soirée. Après la soirée, je retournais chez mon frère, on avait planifié F et moi que je dormirais chez lui. Juste avant, j’ai fait un détour pour aller voir mon père et lui souhaiter bonne année.

Mes parents sont ambulanciers et ce soir là, mon père travaillait. Je suis allée le voir pour discuter un peu. Quand je suis arrivée, mon père est sorti de l’ambulance pour venir me parler. Il était comme d’habitude et je lui ai souhaité une belle année 2007 ainsi que toutes les choses qu’il désirait. Il m’a souhaité la même chose et nous nous sommes embrassés.

Tout de suite après, mon père m’a demandé d’arrêter de harceler ma mère. J’ai répondu à mon père que je ne la harcelais pas, que je tentais seulement d’obtenir des réponses sur mon passé, que selon moi c’était un devoir pour elle de répondre à mes questions. J’avais beau argumenté avec mon père, il n’y avait rien à faire. Ma mère avait déjà raconté sa version à mon père et il tentait de la protéger et n’écoutait pas ce que j’avais à dire. Je savais très bien que ma mère avait joué son jeu pour que mon père prenne sa défense et croit que j’avais agi incorrectement envers elle.

Le ton a monté un peu avec lui aussi, malheureusement. Je me suis rarement disputé avec mon père mais ce soir là, la conversation a pris un déroulement auquel je ne m’attendais pas du tout. Toute ma vie, mon père m’avait toujours dit que si un jour je prenais contact avec Y il comprendrait, que s’il était à ma place, il voudrait sûrement savoir d’où il vient. J’étais donc convaincue à ce moment là que mon père me comprenait un peu, malgré ma mère et ses manigances.

Mais ce soir là… mon père est allé trop loin. Je conviens que ma rencontre avec Y a pu le blesser et qu’il ait peut-être pensé perdre sa place dans mon cœur mais ça n’excuse pas ses paroles. Ce soir là, mon père m’a dit que de toute sa vie il ne me pardonnerait jamais d’avoir rencontré Y. Je n’en revenais tout simplement pas. Je lui ai dit que c’était un hypocrite, que de mon côté j’avais toujours été honnête et que pour moi, rien n’avait changé entre nous mais que je ne pouvais pas en dire autant de son côté. Je lui ai précisé que j’ai pensé toute ma vie que si un jour je le rencontrais il allait me comprendre et ne m’en voudrait pas mais que maintenant qu’on était rendu à ce moment là, c’était totalement différent.

J’étais tellement en colère et surtout, profondément blessée. C’est comme si mon père m’avait dit qu’il me reniait et qu’il ne voulait plus rien savoir de moi. Je n’avais rien fait de mal, je n’avais rien caché à personne et j’ai voulu éviter le plus de blessures possible en leur disant mes intentions. De toute ma vie, je ne te pardonnerai jamais… ces paroles retentissaient dans mes oreilles, dans ma tête. Je ne m’y attendais pas du tout ! Ma réplique a été cinglante, mais je la pensais réellement. J’ai répondu à mon père que Y n’avait peut-être pas connu sa fille, mais que eux n’allaient jamais connaître leurs petits enfants et je suis partie.

Pour moi, cette phrase était pleine de sens et exprimait très bien ce que je pensais, même si j’étais pleinement consciente que mon père avait pu être blessé profondément par mes paroles. De mon point de vue, je lui répondais que comme il ne me pardonnerait jamais quelque chose dont je n’étais pas coupable, c’est comme s’il me chassait de sa vie et par conséquent, si moi je n’étais plus dans sa vie, mes enfants ne le seraient pas davantage.

Ce soir là, j’ai pleuré toute la nuit et F était là pour me consoler. Je m’étais souvent disputé avec ma mère mais mon père n’avait jamais coupé les liens avec moi, même si ça ne faisait pas l’affaire de ma mère. Je détestais ma mère, j’aurais voulu la savoir morte et qu’elle n’ait plus aucune emprise sur personne. Cette fois-ci, je n’avais surtout pas l’intention de m’excuser pour quelque chose que je n’avais pas commis, comme je l’avais toujours fait auparavant. J’avais toujours été celle qui faisait les premiers pas, qui s’excusait quand je n’avais rien fait. J’avais décidé de respecter ma décision, j’en avais assez de jouer la comédie pour les autres, pour que tout ait l’air de bien aller pendant que ce n’était pas le temps. Et surtout, je voulais que les gens voient enfin ma mère, telle qu’elle l’était.

Quelques mois plus tard, j’ai revu mes parents lors d’une journée cabane à sucre que mon frère et F avait organisé avec des amis. Comme toujours, quand ma mère m’a vu elle a joué la comédie en me disant bonjour, avec un grand sourire, toute de bonne humeur, comme si rien ne s’était passé. Je n’avais surtout pas envie de jouer son jeu, mais je ne voulais pas non plus créer un malaise pour les gens qui étaient avec nous, alors j’ai simplement répondu bonjour, assez froidement pour qu’elle comprenne que je n’avais pas envie de lui parler et faire comme si rien n’était arrivé.

Quand je suis déménagée, mes parents m’avaient prêté une télé parce que celle que j’avais, l’écran était égratigné et on voyait moins bien l’image. Quelques semaines après l’épisode de la cabane à sucre, ma mère a voulu récupérer sa télé. Mais plutôt que de m’appeler comme le ferait un adulte, elle a appelé mon frère pour qu’il m’appelle et me demande de lui rapporter sa télé. J’ai simplement répondu à mon frère que si elle voulait sa télé, qu’elle m’appelle… autrement, elle ne l’aurait pas. Elle n’a jamais rappelé… J’ai attendu un moment et j’ai moi-même appelé mes parents pour aller leur porter. J’ai récupéré quelques trucs à moi qui restaient chez eux par la même occasion.

Ma mère avait gardé dans une boîte les trucs que Y m’avait fait parvenir quand j’étais petite et je voulais les récupérer. J’ai appelé chez mes parents et j’ai demandé à ma mère si je pouvais récupérer cette boîte. Elle m’a répondu que c’était quelque part dans le sous-sol et qu’elle n’avait pas le temps de fouiller. Qu’elle m’appellerait quand mes parents feraient le ménage en bas et qu’ils tomberaient dessus. Un peu avant Noël 2007, mon frère m’a appelé pour me dire qu’il avait quelque chose à me remettre. Je ne pensais plus à ça depuis un bon moment déjà. Quand je suis arrivée, j’ai aperçu la boîte et il m’a simplement dit que ma mère lui avait demandé de me remettre ça. Aucun appel de sa part pour me faire savoir qu’elle avait retrouvée la boîte. Je ne m’attendais pas à autre chose de sa part. J’espérais qu’un jour elle finisse par vieillir un peu et qu’elle agisse en adulte, mais je me rendais bien compte que ce n’était pas le cas, et que probablement ça ne le serait jamais…

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6 juin 2008 à 7h42

Fin juin 2007, j’ai perdu mon emploi. Je ne m’y attendais pas du tout et j’ai pris la nouvelle assez durement. Mon patron n’arrêtait pas de dire que je travaillais vite et bien, qu’habituellement ça prenait environ 1 an avant de bien maîtriser tous les dossiers et qu’il était très satisfait mon travail. J’avais commencé en octobre 2006 et dès mon retour au travail après les fêtes, j’avais eu une augmentation salariale sans que j’en fasse la demande. J’avais même eu 2 semaines de congé payé pour les fêtes.

J’étais très déçue parce que j’adorais mon travail, j’avais à me déplacer pour rencontrer des clients et j’ai appris énormément de choses grâce à ma collègue de travail qui était comptable agréée et qui se faisait un plaisir de répondre à mes questions et de me donner de l’information sur plein de sujets.

Étant sans travail, j’en ai donc profité pour passer d’avantage de temps avec C. J’allais la voir presque tous les jours et on passait des heures à discuter. J’avais 1h de route à faire pour me rendre mais je le faisais avec plaisir. J’en profitais pour aider Y du mieux que je pouvais, j’allais faire des commissions pour eux, je préparais les repas. Comme Y était très occupé avec la maison, les commissions, les soins pour C, ils commandaient toujours du restaurant. Une journée, C m’a confié qu’elle commençait à être tanné de manger du resto alors je lui ai demandé de me faire une liste de plat qu’elle aimait. Le lendemain, je suis passé à l’épicerie et je suis arrivée chez elle avec tous les ingrédients pour faire les plats qu’elle m’avait écrit et j’ai fait des recettes pendant 2 jours, que j’ai fait congeler en portion individuelle dans des plats de plastique. Elle était vraiment contente et ça me faisait plaisir de la voir sourire.

Lundi le 29 juillet, j’ai reçu un téléphone pour un travail à la Baie James. J’avais déjà eu l’opportunité de le faire à 2 reprises quand j’étais avec S mais il n’a jamais voulu que j’y aille en me disant que si je partais, il me laisserait. Alors j’ai refusé le travail à chaque fois, même en sachant que c’était vraiment une très belle chance pour moi de rembourser mes dettes puisque les salaires qui sont offerts sont vraiment alléchants.

Au téléphone, la dame qui m’a appelé avait travaillé avec P, ma meilleure amie. P travaillait sur les chantiers depuis 4 ans déjà et c’était toujours grâce à elle que j’avais été contacté. Je devais remplacer la fille qui m’appelait et je devais lui donner une réponse pour 16h maximum pour qu’elle puisse réserver mon billet d’avion. Le problème, c’est que si j’acceptais, je prenais l’avion le mercredi matin à 7h et j’avais plein d’engagements dans les jours à venir.

En 1h30, j’ai réussi à trouver quelqu’un pour me remplacer comme capitaine d’une équipe de balle molle pour un tournoi qui avait lieu la fin de semaine qui arrivait. La fin de semaine suivante, j’avais une course de prévue et je devais copiloter un coéquipier avec qui j’avais fait le championnat cette année là. J’ai finalement réussi à trouver quelqu’un pour me remplacer et mon coéquipier a terminé sur le podium. L’autre fin de semaine suivante, j’avais une autre course de prévue, je devais donner la formation des copilotes le samedi et j’étais commissaire pour le dimanche. Après quelques appels, j’ai réussi à me trouver un remplaçant.

Ça été les 90 minutes les plus longues de toute ma vie. Je changeais d’idée au 5 minutes, j’avais envie de partir mais en même temps, j’avais plein d’engagements pour lesquels j’avais envie d’y être. Et il y avait C aussi, j’avais l’impression qu’en partant pour la Baie James j’allais manquer du temps avec elle que je ne pourrais jamais reprendre. F habitait avec moi depuis le mois de juin et je l’ai appelé pour lui en parler. Il m’a dit de partir, d’en profiter pendant que l’occasion passait, que quelques mois c’était vite passé et qu’il allait s’occuper de l’appartement et de mon chat. J’allais appeler la dame pour lui dire que je n’acceptais pas le travail mais j’ai réussi à rejoindre ma cousine pour lui parler de tout ça. Quand je lui ai dit que j’avais décidé de ne pas y aller, elle m’a dit « Voyons M, c’est la chance de ta vie ! Depuis le temps que t’essayes de rembourser tes dettes, penses-y, en quelques mois ce serait réglé. »

J’ai raccroché avec ma cousine et j’ai rappelé la dame pour lui dire que je partais. J’avais une seule journée pour préparer mes bagages, aller visiter Y et C pour leur annoncer la nouvelle. Quand je suis arrivée chez eux, C a tout de suite senti que je n’étais pas comme d’habitude. Quand je leur ai parlé de l’offre que j’avais eue et que j’avais pris la décision de partir, C est partie à pleurer. Je savais très bien à quoi elle pensait… Il ne lui restait pas des années devant elle et je partais à l’autre bout du Québec.

C était très triste et ça me brisait le cœur de la voir pleurer, je savais qu’elle avait beaucoup de peine de me voir partir. Mais comme toujours, elle m’a réconforté en me disant que j’avais pris la bonne décision. Que son cœur aimerait que je reste auprès d’elle mais que sa tête comprenait très bien les raisons qui me motivaient à partir. Elle m’a dit « Vas-y ma petite et rembourse-moi ces dettes là au plus sacrant ! »

Le lendemain j’ai préparé mes bagages et en fin d’après-midi, j’avais terminé. Je suis donc retourner chez Y pour passer la soirée avec eux. Je voulais passer le temps qui me restait avec C, je ne voulais pas manquer une seconde du temps que j’avais de disponible avec elle. Quand je suis reparti, tard en soirée, on s’est serré fort dans nos bras en pleurant. Je lui ai dit que je l’aimais et que j’avais peur qu’il lui arrive quelque chose pendant que je serais là bas. Y m’a promis de m’appeler s’il y avait quoi que ce soit.

J’ai pris l’avion le lendemain, en route vers une grande aventure…

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13 juin 2008 à 18h20

Petite explication du pourquoi je n'ai pas écrit depuis une semaine.

Dans la nuit de samedi à dimanche dernier, ça allait vraiment pas. Je suis assez tough sur mon corps et pour endurer la douleur mais vers 4h du matin, j'ai appelé la sécurité (je travaille sur un chantier, dans le Nord du Québec à la Baie James) pour qu'on vienne me chercher à ma chambre et m'amener à la clinique. L'infirmière prend mes signes vitaux, me pose de questions, prends des notes et appelle un médecin à Montréal pour lui demander conseil.


Je reçois de la morphine pour calmer la douleur et le médecin rappelle vers 8h pour voir si ça va mieux. Mais ça va crissement pas mieux et même avec la morphine, je sens la douleur et c'est très aigü. Le médecin lui dit de me transférer d'urgence en ville alors l'infirmière a appelé Médévac et j'ai été transféré par avion ambulance jusqu'à l'aéroport de Dorval et ensuite en ambulance jusqu'à l'hôpital Hôtel-Dieu de Montréal.


Passe des radios, fait un échographie, l'infirmière me dit que j'ai une "grosse collection" de pierres au foie. J'ai finalement été opéré mercredi soir. Le chirurgien avait inscrit "opération difficile" dans mon dossier. Quand je l'ai vu hier lors de sa visite, je lui ai demandé pourquoi il avait inscrit ça. Il a fait la l'opération par laparoscopie. La vésicule biliaire était beaucoup plus inflamée que ce qu'il croyait au départ et en plus, parmis les pierres qu'il a retirées, y'en avait 2 de la grosseur d'un 2$ ! Alors plutôt que d'avoir 4 petits trous, j'en ai 2 petits de 1 cm environ et 2 autres de presque 2 pouces de long. C'était soit ça ou la "grosse opération", genre une plaie de 6 à 8 pouces de long, en plus des 4 trous déjà fait !


Je suis sortie aujourd'hui, j'ai 3 semaines de convalescence et je dois faire enlever mes broches dans une semaine. L'infirmière a changé mes pansements ce matin pour s'assurer que mes plaies étaient correctes et y'avait aucun écoulement, aucune inflamation alors c'est bon signe.


Alors beaucoup de repos et d'eau dans les prochains jours...

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19 juillet 2008 à 10h59

De retour, avec un peu plus d'un mois d'absence...


Je devais être à l’aéroport à 7h le matin et c’est F qui est venu me porter. J’étais triste ce matin là, de devoir quitter ceux qui m’étaient cher et de mettre de côté toutes les activités auxquelles je tenais. J’avais le cœur gros, mais en même temps j’étais contente d’avoir la chance de pouvoir rembourser quelques dettes assez rapidement.

Quand je suis partie, j’avais près de 27 000$ de dettes, incluant mon prêt étudiant, des dettes accumulées suite à ma vie commune avec S, un emprunt que j’ai du faire suite à ma séparation d’avec S et ma voiture de rallye. Je ne savais pas pour combien de temps j’en aurais là bas, mais je savais que c’était pour quelques semaines au moins, voir une dizaine.

J’avais négocié un salaire de 1 000$ brut par semaine, pour 60h de travail, en plus d’être logée, nourrie et d’avoir le câble fourni. Je venais tout juste de renouveler mon bail, j’avais donc mon loyer, l’électricité, le téléphone, le câble et internet, même si je n’étais pas à la maison. F habitait avec moi depuis mai, ce qui lui laissait l’appart pour lui tout seul. J’avais laissé Bibi à la maison, ma chatte de 3 ans, puisque F était là et qu’il voulait l’avoir avec lui.

F est resté à l’aéroport avec moi jusqu’à temps que j’embarque dans l’avion. Heureusement, nos départs se font dans un aéroport privé et on doit arriver seulement 45 minutes avant le départ du vol, ce n’est donc pas très long ni compliqué pour l’embarquement. J’étais triste, mais j’étais décidé à partir. J’ai embrassé F en lui disant qu’on allait s’appeler et je suis partie.

Après 2h de vol, je suis arrivée à Nemiscau. Le décor était à couper le souffle. De petits sapins de rien, beaucoup de verdure et d’étendue d’eau. Du haut des airs, c’était vraiment beau. La piste d’atterrissage de l’aéroport est en gravier, j’étais très surprise de voir que ça. J’étais vraiment excitée d’arriver au chantier, j’avais hâte de voir comment c’était là bas.

Quand je suis entré dans la bâtisse, la fille que j’allais remplacer m’attendais. J’ai ramassé mes bagages et on est allé vers le chantier. Pour entrer sur le site, on doit passer par la guérite, j’étais bien impressionné de voir à quel point c’était rigide comme règle. On est passé par l’accueil, pour aller faire faire ma carte d’accès et aller chercher la clé de ma chambre.

Sur le campement, on dort dans des dortoirs. Chaque dortoir possède une quinzaine de chambre individuelle, dépendamment des bâtisses, en plus des douches, des toilettes et des lavabos communs, de la salle de lavage et du salon. On est vraiment bien installé pour un campement en plein milieu de nulle part. Dans toutes les chambres, le câble est fourni, on doit seulement avoir notre télé.

J’ai défait mes bagages, installé ma chambre et je suis ensuite parti au boulot. Ma chambre était tout juste devant ma roulotte de chantier alors je n’avais pas long à marcher pour aller au travail, c’était bien pratique les jours de pluie ! Quand je suis arrivée, Carole a essayé de me montrer le plus de choses possibles parce qu’elle quittait 3 jours plus tard pour ses vacances. J’ai donc fait le tour des formulaires à remplir pour en prendre connaissance et j’ai pris le plus de notes possibles.

Le lendemain, elle n’est pas rentrée au boulot et j’ai du me débrouiller toute seule. Le téléphone n’arrêtait pas de sonner et je ne savais pas trop quoi répondre aux gens, je trouvais que j’avais l’air d’une vraie folle. Mais je me suis finalement très bien débrouillée, j’ai pris les messages en leur expliquant la situation et en leur mentionnant que j’allais les rappeler dès que j’avais les réponses. Ici dans le Nord, si tu n’es pas trop du système « D », tu t’en sors très mal et c’était pas un problème pour moi alors tout a très bien été.

Chaque jour, C m’appelait pour me raconter sa journée, me dire comment elle allait. Elle avait des bonnes journées, et d’autres moins bonnes avec beaucoup de douleur. Heureusement qu’il y avait le téléphone, je pouvais rester en contact avec elle et Y et ça m’inquiétait un peu moins. Je savais que s’il arrivait quoi que ce soit, Y m’appellerait et je prendrais l’avion pour aller la voir. J’avais avisé mon employeur de la situation dès le départ et on avait convenu que si C n’allait pas bien, je revenais en ville.

J’ai fait 40 jours au chantier, avant de revenir pour mon congé. Je partais en congé du samedi au lundi, ce qui me donnait 8 jours complets de congé et 2 jours pour le voyagement. Je m’étais fait plusieurs amis alors quand j’allais en congé, j’étais contente mais j’avais hâte de revenir pour les voir et retomber dans ma routine de chantier.

Je suis donc partie en congé et j’avais tout plein de trucs à raconter. Tout le monde voulait savoir comment c’était là bas et comment ça se passait. J’avais pris plusieurs photos de l’endroit et ça donnait une bonne idée du portrait. Quand je suis arrivée à l’aéroport, F est venu me chercher mais Y et C étaient là aussi. J’étais tellement contente de revoir C, elle avait fait 1h de route pour venir me voir et je savais que c’était exigent pour elle.

J’ai fêté mes 30 ans au chantier et C et Y étaient très déçue que je ne sois pas avec eux pour fêter ça. Ils disaient qu’on avait 30 ans seulement une fois dans notre vie et que c’était important de souligner ça. À l’aéroport, C m’a remis une petite boîte avec une carte. Dans la carte, ça disait qu’elle m’offrait un présent qui avait une grande valeur à ses yeux, que c’était un cadeau qu’elle avait reçu de sa mère quand elle était adolescente et qu’elle voulait que ça soit moi qui l’ait. J’ai ouvert la boîte et il y avait une bague en or, avec ma pierre de naissance qu’elle avait fait changer pour moi. J’étais très émue, son geste m’a énormément touché. Je l’ai serré dans mes bras et je lui ai dit que je l’aimais beaucoup et que j’appréciais tellement qu’elle soit dans ma vie.

J’ai passé mes journées de congé plus chez eux que chez moi. J’ai dormi 2 fois chez moi sur les 10 jours. C’était vraiment important pour moi de passer du temps avec C, on savait tous les deux qu’on avait pas énormément de temps devant nous, qu’elle finirait par partir, tôt ou tard. Pendant que j’étais là, ça permettait aussi à Y de relaxer un peu et de prendre du temps pour lui, même si c’était juste pour aller prendre un café quelque part.

La veille de mon départ, j’ai eu toute une surprise. Ça faisait déjà un bon moment qu’ils organisaient leur affaire et je me suis rendu compte de rien. J’avais dormi chez moi le samedi pour faire mes bagages et pouvoir passer la journée du dimanche avec eux, avant de repartir pour 5 ou 6 semaines. Quand je suis arrivée le matin, il y avait déjà plein de monde d’arriver, les frères et sœur de C et Y, mes cousins, mes cousines, même les cousines de C, que je ne connaissais pas beaucoup encore. J’avais vu certaines seulement une ou deux fois, mais tout le monde était là.

Je suis restée surprise quand je suis rentrée mais C m’a dit que c’était pour la fête de Francis, mon cousin par alliance. Je n’ai pas dit un mot mais je commençais à douter, je me disais qu’il n’aurait pas organisé tout ça sans m’en parler. Finalement, après quelques minutes, ils ont sortis le gâteau et se sont mis à me chanter bonne fête. Je crois que de toute ma vie, je n’ai jamais été aussi émue que ce jour là. Tout le monde était là, pour moi ! Du monde que je connaissais depuis même pas un an encore, qui s’était déplacé pour me fêter et passer du temps avec moi. Encore aujourd’hui, ça me touche énormément quand je pense à ce jour là.

J’ai eu plein de cadeaux, ma voiture était pleine quand je suis repartie. Et c’était tous des cadeaux que j’avais mis sur ma liste. J’ai toujours une liste de cadeau à jour, des trucs que j’aimerais avoir. J’ai pris cette habitude là parce qu’à chaque fête, on nous demande toujours ce qu’on aimerait avoir et d’habitude, on sait jamais quoi répondre. Moi j’ai toujours ma liste de prête, ya plein de trucs sur ma liste, autant des choses à 1$ que des trucs plus dispendieux. C avait imprimé ma liste en cachette et l’avait distribué alors tout le monde a acheté un truc qui était sur ma liste.

Ce jour là, j’ai reçu beaucoup de cadeaux mais ce qui m’a touché le plus, c’est la générosité des gens, la pensée, leur présence. J’ai été au bord des larmes une bonne partie de la journée tellement j’étais émue. Et dans chacune des cartes que j’ai reçues, il y avait un petit mot qui disait qu’ils étaient heureux que je sois maintenant dans leur vie, après toutes ces années. Je n’oublierai jamais cette journée là. Et C était tellement fière d’elle, d’avoir réussi à cacher tout ça sans que je me rende compte de rien. Ils avaient prévu leur coup depuis longtemps, j’avais même reçu des cadeaux le lendemain de mon arrivée. J’ai passé une des plus belles journées de ma vie, entourée de gens que j’aimais et qui m’aimaient, même ma cousine S était là.

Le lendemain, je retournais au chantier, avec plein de souvenirs en tête. J’étais triste encore une fois, de me séparer de C mais heureuse en même temps de retourner au travail, revoir toute ma gang et de rembourser mes dettes. En 4 semaines de travail, j’avais réussi à rembourser 2 000$ et tout ce qui m’importait, c’était d’en rembourser d’avantage. Le seul objectif de mon départ dans le grand Nord c’était pour rembourser mes dettes et je comptais bien y rester le plus longtemps possible.

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22 juillet 2008 à 14h20

De retour au chantier, j’ai eu beaucoup de discussions houleuses avec F. J’avais eu une semaine de congé, il savait quand je revenais depuis longtemps et n’a pas prévu une seule journée avec moi. Il n’était même pas à ma fête… En plus, il avait plein de problèmes, il me demandait conseil et faisait assurément toujours le contraire de ce que je lui conseillais, en me disant toujours un peu plus tard qu’il aurait donc du m’écouter. Mais chaque fois, c’était toujours la même chose… J’en ai eu assez et je lui ai demandé de partir.

Je savais depuis longtemps qu’avec lui, ce n’était qu’une question de temps mais suite à ma séparation, j’ai voulu éviter à tout prix la solitude. Maintenant que j’étais à l’autre bout du monde, seule, j’avais eu le temps de prendre du recul, de réfléchir à ce que je voulais dans la vie et surtout, à ce que je ne voulais pas.

Fin septembre, j’ai appris que le contrat sur lequel on travaillait allait se terminer bientôt. J’ai fait le tour des compagnies sur le chantier et j’ai donné mon CV. Les gens avaient apprécié mon travail et ça avait vite fait le tour. J’avais espoir de me trouver autre chose, que quelqu’un m’appellerait. En 10 semaines de travail, j’avais réussi à rembourser 5 000$ et j’espérais bien pouvoir continuer à rembourser tout ça.

J’ai quitté le chantier au début d’octobre, je n’avais rien trouvé d’autre. J’étais déçue mais en même temps, j’aurais la chance de passer du temps avec C et pour moi, ça n’avait pas de prix. Je n’ai pas cherché de travail en revenant, puisque j’avais droit à l’assurance-emploi. Je voulais prendre quelques semaines pour me retrouver dans mes affaires, faire le bilan de mon aventure et régler certains trucs avec F.

Comme j’avais l’intention de retourner au chantier et que F n’habitait plus chez moi, j’ai mis une annonce pour trouver un colocataire. J’espérais retourner au chantier mais je ne voulais pas laisser mon appartement vide, sans surveillance. J’ai trouvé très rapidement, J-D, 40 ans, et il s’est installé quelques jours plus tard. Comme je n’étais pas tellement à la maison de toute façon, ça me dérangeais pas vraiment d’avoir quelqu’un, j’étais plus souvent chez Y et C qu’autre chose.

J’ai passé du temps merveilleux avec C et Y. Je me suis encore une fois beaucoup rapproché de C, j’allais la voir tous les jours, on jasait beaucoup. Elle me confiait ses craintes, ses peurs, ses envies. Elle avait peur de mourir, elle disait qu’elle n’était pas prête à partir, qu’elle allait se battre et je savais qu’elle le ferait le plus longtemps possible. Déjà qu’elle défiait toutes les prédictions des médecins ! On lui avait donné 3 mois et ça allait faire bientôt 2 ans.

En septembre, c’était l’anniversaire de mariage de Y et C. Je voulais leur offrir quelque chose de spécial mais comme je connaissais pas leur goût vraiment, je ne savais pas trop quoi leur donner. Finalement, j’ai eu l’idée de leur offrir une séance de photo familiale. Après tout, on avait aucune photo officielle ensemble, je me suis dit que ça leur ferait sûrement plaisir. Et avec ça, j’ai offert à Y un petit album photos de moi quand j’étais petite puisqu’il m’avait dit qu’il n’en avait pas de moi, ma mère les ayant toutes emportées avec elle quand elle est partie. J’ai visé juste, je n’aurais jamais pu leur faire plus plaisir que ça ! Y s’est retiré dans sa chambre et quand je suis allé le voir, il pleurait à chaudes larmes en me demandant ce qu’il avait bien pu faire au bon Dieu pour avoir été puni comme ça. Je l’ai serré dans mes bras et je lui ai dit qu’il n’avait rien à se reprocher, que ma mère avait mal agi et qu’on ne pouvait rien y faire.

C s’est mise à pleurer elle aussi. Pour elle, j’étais la fille qu’elle n’avait jamais eu et j’imagine aussi qu’elle trouvait ça dur de voir Y pleurer comme ça. Elle avait été à ses côtés et savait très bien à travers quoi il était passé. Elle était donc fière de dire à tout le monde qu’on irait se faire poser, qu’elle aurait une photo de famille avec « sa fille ». Il ne restait qu’à trouver un jour où C se sentirait bien pour y aller, ce qu’on a fait à la fin du mois d’octobre.

Quelques jours plus tard, j’ai reçu un appel pour un emploi au chantier. On avait besoin de moi au chantier. Le jour de mon départ, une amie du chantier m’avait dit d’envoyer mon CV à un monsieur, qu’il était gérait plein de contrat en même temps et que ça faisait un bout qu’il demandait de l’aide. Je devais quitter moins d’une semaine plus tard.

J’étais contente de partir mais je devais annoncer la nouvelle à C et j’étais consciente qu’elle serait très triste. Moi aussi d’ailleurs. J’avais tellement l’impression de passer à côté de quelque chose. De perdre le précieux temps qui nous restait ensemble. Ma plus grande angoisse était qu’elle nous quitte rapidement et que je n’aie pas le temps de me rendre. Même si Y m’avait promis de m’appeler aussitôt pour m’aviser, je n’avais que ça en tête et je me sentais coupable. J’ai passé le reste de ma semaine chez eux et on a profité de chaque instant. On a beaucoup parlé, on s’est confié l’une à l’autre. C’était devenu ma confidente, elle avait toujours le mot juste et j’aimais son raisonnement, elle était très objective.

La veille de mon départ, j’ai soupé avec eux. Le temps avançait et je n’arrêtais pas de regarder l’heure en me disant qu’on allait encore une fois être séparé. On parlait de tout et de rien, mais pas de mon départ. Je ne voulais pas pleurer mais j’avais le cœur en mille miettes ! Et C trouvait toujours le mot juste… « Pars ma petite, tu ne peux pas mettre ta vie de côté pour moi. Tu as des motivations et je comprends ça, t’as une bonne raison de partir, débarrasse-toi de ces dettes là au plus sacrant et reviens-moi en forme à ton congé ». Elle me déconcertait toujours par ses réponses. Elle devait certainement être envahie de toutes sortes de sentiments et d’émotions mais elle restait toujours impartiale et logique.

Avant de partir, elle m’a dit qu’elle avait quelque chose pour moi. Elle a demandé à Y d’aller le chercher et il est revenu avec le manteau de cuir qu’elle s’était acheté avant d’être malade et qu’elle n’avait porté que quelques fois. Elle m’a dit qu’elle tenait à ce que ça soit moi qui l’aie. Je l’ai enfilé, il me faisait parfaitement. J’ai serré C dans mes bras en la remerciant, je lui ai dit que je l’aimais et que je reviendrais bientôt, qu’on passerait un Noël inoubliable, tous ensemble.

L’heure du départ avait sonné. J’ai serré Y dans mes bras, je lui ai dit que je l’aimais et qu’il allait me manquer. J’ai fait la même chose avec C en lui disant que j’allais penser à elle tous les jours, qu’on allait se parler au téléphone comme on faisait et de me donner des nouvelles quand elle aurait les résultats de son dernier examen concernant l’évolution de son cancer. On pleurait tous les 3 ensemble dans le salon. Et juste avant de quitter, C m’a lancé « On va se revoir ma petite, inquiète toi pas ».

Je suis retournée chez moi faire mes bagages. F a dormi à la maison et c’est lui qui est venu me porter à l’aéroport le lendemain.

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23 juillet 2008 à 14h28

C avait son rendez-vous chez l’oncologue quelques jours après mon départ. J’étais impatiente de savoir si le cancer avait progressé ou non. Finalement, tout était stable, encore une fois. On était en novembre et son prochain rendez-vous était en janvier. Chaque rendez-vous était un supplice, on s’attendait toujours à une mauvaise nouvelle mais heureusement, depuis plus d’un an, tout était stable.


J’étais soulagé de sa réponse, c’est comme si je me sentais un peu moins coupable d’être partie. La culpabilité… c’est tellement pas facile de vivre avec ce poids là sur les épaules. Je pensais à elle tous les jours et je me disais que la pire chose qui pourrait arriver, c’était qu’elle nous quitte rapidement, sans que j’aie le temps de la prendre dans mes bras, de lui dire que je l’aimais, une dernière fois. Ça m’obsédait. J’ai fait 6 semaines au chantier, avant de revenir pour les fêtes. On s’appelait régulièrement et on jasait tous les jours via MSN. Heureusement qu’il y avait internet au chantier…


Noël approchait et chaque année, C préparait quelque chose pour la famille et les amis. Je savais que ça la préoccupait et qu’elle aurait aimé recevoir alors je lui ai proposé de m’en occuper. Je devais revenir en ville vers le 20 décembre, ça me donnait donc quelques jours pour tout préparer. Et je me disais que ça serait beaucoup plus simple pour elle de recevoir chez elle que d’aller en visite. Si elle était fatiguée, elle pourrait aller se reposer. Quand je lui ai offert, elle n’a pas voulu tout de suite. Elle disait que j’aurais trop de boulot, que j’étais en congé, qu’elle ne voulait pas m’imposer ça mais ça me faisait vraiment plaisir de le faire pour elle et elle a finalement accepté.


Le jour de Noël, on a reçu toute la famille de C chez elle, c’était vraiment plaisant. On avait organisé un échange de cadeau, qu’on a fait ce jour là. On se disait que c’était peut-être notre dernier Noël avec elle et tout le monde était là. On a pris beaucoup de photos et on a profité de chaque moment. À la fin de la journée, elle était épuisée mais tellement contente d’avoir vécu ces moments là, d’avoir vu tout le monde.


J’ai passé encore une fois du très bon temps avec eux. Sur les 18 jours de congé que j’ai eu, j’ai dormi chez moi seulement 2 fois. J’ai passé le plus clair de mon temps avec C et Y, en famille. J’ai été super gâtée, encore une fois. Je n’avais plus le goût de repartir mais C m’a dit « Allez ma petite, vas-y, faut que tu rembourses ces dettes là au plus sacrant, on va s’appeler, on se lâchera pas ».


À la fin de l’année, j’avais déjà remboursé 10 000$, j’avais un bon bout du chemin de fait. J’avais calculé qu’à ce rythme là, j’aurais remboursé la totalité de mes dettes au début du mois d’août, ce qui veut dire 27 000$ en un an. En ville, je gagnais 25 000$ brut par année, moins toutes mes dépenses. J’étais consciente de la chance que j’avais eue. Rembourser ce montant là en ville, au salaire que je faisais, me paraissait irréalisable. Je me disais qu’après un an, je pourrais arrêter et revenir en ville et profiter du temps qui restait avec C, si elle était toujours là.

Le 7 janvier, je retournais au chantier. C avait son rendez-vous chez l’oncologue le même jour. C’est F qui est venu me porter à l’aéroport. J’avais dormi chez moi la veille, comme les autres fois. Je suis repartie encore une fois le cœur lourd mais rempli de souvenirs et de bons moments passés avec C et Y. Avant de partir, C m’a promis qu’elle me donnerait des nouvelles en revenant de chez le médecin, mais j’ai attendu toute la journée, en vain… Je suis retournée à ma chambre à la fin de ma journée de travail, en m’imaginant tout plein de scénarios…

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24 juillet 2008 à 15h49

Mes journées commencent à 7h au chantier. Et Y se levait à 8h parce que C avait des médicaments à prendre à cette heure là. Normalement, il me faisait un coucou via MSN entre 8h et 9h pour me dire qu’ils étaient debout et comment s’était passé la nuit pour C, si elle avait eu beaucoup de mal. L’heure avançait et je ne le voyais toujours pas en ligne. Vers 10h, il m’a téléphoné au bureau, j’avais de la misère à comprendre ce qu’il me disait parce qu’il y avait de l’interférence sur la ligne à cause du sans fil, j’ai tout de suite compris qu’il était dehors pour me parler et donc, qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas.

Le cancer avait progressé. Beaucoup, en 2 mois seulement. Assez pour que le médecin décide d’arrêter tous les traitements parce que ça ne fonctionnait plus. J’étais sous le choc, je n’arrivais pas à y croire, j’étais assommée ! J’ai tout de suite demandé comment C prenait tout ça et Y m’a répondu « Tu la connais, elle ne parle pas… mais elle pense beaucoup, elle n’a pas dormi de la nuit ». À cet instant précis, j’aurais voulu être auprès d’elle, lui dire que je l’aimais, la serrer dans mes bras, pleurer avec elle. J’avais peine à réaliser ce que je venais d’entendre.

J’ai ensuite demandé à Y comment il prenait tout ça, j’aurais voulu lui aussi le serrer dans mes bras pour lui montrer que j’étais là, que je le supportais. Lui dire à quel point il était bon, qu’il était merveilleux pour elle et qu’elle aurait jamais pu avoir meilleurs soins qu’avec lui. Que j’allais être là pour lui après, même s’il le savait déjà, sûrement.

Je me sentais tellement impuissante… J’avais juste une envie, c’était de rentrer pour rester avec eux. J’avais tellement l’impression de perdre le temps précieux qui nous restait, du temps que je ne pourrais jamais rattraper une fois qu’elle serait partie. Mais ni C ni Y ne voulait que je revienne, ils tenaient à ce que je reste, pour rembourser mes dettes. C me disait encore que même si le cancer avait progressé, elle en aurait pour un bout encore, elle se battrait.

On était au début de janvier, je venais tout juste d’arriver et j’avais 6 semaines à faire, loin d’eux. J’ai passé plusieurs soirées, seule dans ma chambre, à pleurer comme une madeleine. J’avais tellement de peine… J’avais manqué 28 ans de ma vie avec eux, je revenais dans leur vie, je les adorais, C était une vraie mère pour moi. Je n’avais jamais été proche de la mienne et avec elle, j’avais vraiment ce lient là, elle m’aimait comme si j’étais sa fille et je l’aimais comme si elle était ma mère.

J’avais le cœur en lambeau, je ne faisais que penser à elle. Sur le mur de ma chambre, à côté de mon lit, j’avais plusieurs photos d’elle et Y ensemble et aussi les photos de famille que j’avais fait faire pour eux. Même malgré la maladie et la douleur, sur toutes les photos, elle était souriante. C’était mon exemple de détermination et quand j’avais un petit bobo, je pensais à elle et je me disais « Tu te plains tellement pour rien, C souffre le martyr et elle dit pas un mot ». Ça remet les idées bien en place quand on y repense ! Je la trouvais tellement courageuse. Évidemment, comme n’importe qui, elle avait ses découragements mais ça ne durait jamais longtemps.

J’ai fait mes 6 semaines et je suis retournée en congé, pour 10 jours. J’avais tellement hâte d’arriver, j’étais impatiente de les retrouver tous les deux. Et je savais déjà que je passerais tout le temps de mon congé chez eux, je voulais profiter de chaque seconde que j’avais avec elle, c’était primordial.

Le jour de mon arrivée, F devait venir me chercher à l’aéroport parce que mon auto était chez mon frère. Je prenais l’avion à 9h20 le matin et je l’ai appelé en arrivant au bureau pour vérifier qu’il venait toujours me chercher. Quand je l’ai rejoint, il m’a dit que finalement, il ne pourrait pas venir, qu’il était désolé. J’étais tellement fâché ! Je lui avais parlé la veille et tout était correct. J’ai donc du prendre un taxi pour me rendre chez mon frère récupérer ma voiture et ensuite partir chez Y. Heureusement que la compagnie remboursait les frais de transport parce que ça m’a finalement coûté 120$ de taxi !

Une fois dans ma voiture, j’ai filé chez Y, j’avais tellement hâte de voir C ! Je suis arrivée 1h plus tard et quand C m’a vu, son visage rayonnait. Elle avait un grand sourire et elle m’a dit « Viens ici ma petite, viens me donner mon bec, ça fait tellement longtemps que j’ai envie de te voir ». J’étais heureuse d’être de retour, de pouvoir la voir, lui parler, la toucher…

On a beaucoup parlé durant mon congé, plus que les autres fois encore. On a parlé de sa maladie, de la mort. Je lui ai demandé si elle avait peur. Elle m’a dit qu’elle avait peur avant, parce qu’elle avait peur de mourir étouffer mais l’infirmière l’avait rassuré et elle n’avait plus peur. Je lui ai demandé si elle avait des choses particulières qu’elle aimerait faire. Elle m’avait déjà parlé de sa sœur qui avait écrit une lettre avant de mourir et je lui ai demandé si elle aimerait faire pareil, elle m’a dit que c’était déjà fait.

Une journée, elle m’a dit « Toune, j’ai quelque chose à te dire mais je veux que tu me promettes que tu n’en parleras pas à Y ». Je lui ai répondu que ça dépendait ce que c’était, parce qu’on avait déjà discuté du fait qu’une personne malade pouvait demander des choses qu’on ne pourrait pas faire et de ne pas accepter n’importe quoi pour ne pas se sentir coupable après si on ne pouvait pas faire la chose demandée.

Elle m’a alors dit qu’elle avait parlé avec Y, qu’il était déjà au courant mais qu’elle ne voulait pas que je lui dise qu’elle m’en avait parlé. J’ai lui dit que ça, je pouvais le faire. Et elle m’a dit « Toune, vends ton auto, elle est vieille, elle n’est plus fiable et j’ai peur qu’il t’arrive de quoi. Quand je ne serais plus là, la mienne sera à toi. Elle est neuve et je veux que ça soit toi qui l’ait ». J’en revenais pas, j’étais bouche bée ! Je ne savais pas quoi dire… Je suis partie à pleurer, j’arrivais pas à trouver les mots pour lui expliquer ce que je ressentais. Je lui ai dit merci et j’ai ajouté que de toute ma vie, je n’avais jamais reçu autant d’amour en même temps.

Deux ou trois fois durant mon congé, C a eu des gros down quand on parlait famille. Elle disait qu’elle était contente de m’avoir connu et que le cancer était venu lui voler les plus belles années qu’on aurait pu avoir ensemble. Et j’étais tellement d’accord avec elle ! Pourquoi, après avoir retrouvé une personne aussi merveilleuse qu’elle, il fallait que la vie nous sépare ? Qu’est-ce qu’on avait fait de si monstrueux pour qu’on soit séparé pendant 28 ans et que la maladie vienne ensuite nous séparer à jamais ?! C’était tellement injuste, la vie est une vraie salope parfois !

On essayait de se consoler en se disant qu’on aurait pu ne jamais se connaître et qu’au bout du compte, j’étais arrivé à temps dans leur vie. Et elle était tellement soulagée de savoir que je serais avec Y une fois qu’elle n’y serait plus, je sais que ça lui enlevait un gros poids sur les épaules, qu’elle avait la conscience plus en paix.

Le dernier jour qu’on a passé ensemble a été un vrai supplice. Je savais que la séparation s’en venait et j’avais tellement pas envie de retourner au chantier. J’ai bien failli tout annuler mais encore une fois, avec tout son objectivité, C m’a dit « Ma petite, tu dois le faire. Je vais t’attendre, je te promets que je vais t’attendre ». Je savais qu’elle allait le faire, mais pour moi cette phrase a raisonné dans mon cerveau comme si elle me disait que la prochaine fois qu’on allait se revoir, ce serait la dernière.

Ce soir là, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps… J’avais tellement, mais tellement peur de retourner au chantier et qu’elle nous quitte avant que j’aie pu la revoir une dernière fois. Je pensais juste à ça…

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25 juillet 2008 à 20h01

Je suis revenue au chantier à la fin du mois de février et mon prochain congé était prévu du 12 au 21 avril. Chaque matin, je demandais des nouvelles à Y, je voulais savoir si C avait bien dormi, si elle avait beaucoup de douleur, si les médicaments la soulageait. J’étais inquiète, je savais qu’elle souffrait et j’aurais donné n’importe quoi pour porter sa souffrance pour la libérer un peu.

Y avait tout aménagé pour lui rendre la vie le moins désagréable possible. Tous les matins, il lui donnait son bain. Elle était relativement autonome pour son état, elle pouvait se lever, manger seule, même parfois se laver seule lorsqu’elle avait de bonnes journées. Elle avait une chaise d’aisance à porter de main, c’était moins souffrant qu’une toilette normale. C était grande et c’était moins difficile pour elle parce que c’était un peu plus haut. Elle était capable d’y aller seule, mais elle ne pouvait pas s’essuyer elle-même. Je me souviens comme si c’était hier de la première fois où j’ai du aller avec elle parce qu’Y était parti faire des commissions. Elle n’arrêtait pas de s’excuser et je pouvais voir la honte dans son visage. Ça m’a dévastée, je n’oublierai jamais son visage à ce moment là.

J’avais besoin qu’Y me donne un compte rendu de ses journées, ça me donnait un peu l’impression d’être présente, même si je n’y étais pas de corps. À mon départ, son état était encore relativement stable mais il s’est détérioré assez rapidement, vers la mi-mars. Elle est passée de 6 à 27 mg de morphine en l’espace de 2 semaines. Les journées passaient et je n’avais qu’une chose en tête, revenir auprès d’elle. J’avais des choses à lui dire, que je n’avais pas été capable de lui dire jusqu’à présent. Je savais qu’elle savait, mais je tenais quand même à lui en faire part.

Plus les jours avançaient et moins elle allait bien. Elle dormait de plus en plus et elle n’avait même plus la force de me parler au téléphone. Je demandais à Y d’être franc avec moi, de ne rien me cacher. Les infirmières allaient à la maison tous les jours et je savais qu’il avait l’heure juste concernant sa situation parce qu’une des infirmières était parente avec eux et une autre était une très bonne amie de la famille.

Fin mars, j’ai demandé à Y de me dire combien de temps les infirmières lui donnait et il m’a répondu que C avait un rendez-vous de prévu le 18 avril et que l’infirmière lui avait dit qu’il n’aurait probablement pas à se déplacer. Je savais que les jours étaient comptés. Et je savais aussi que C m’attendrait, comme elle me l’avait promis. Elle se battrait jusqu’au bout, pour me voir une dernière fois.

Ça faisait déjà quelques mois que je pensais écrire une lettre à C mais je repoussais toujours le moment, je m’en sentais incapable. Après cet appel, je savais que je devais le faire maintenant, avant qu’il soit trop tard. Si je n’arrivais pas à temps, elle pourrait au moins lire ma lettre.

Cette nuit là, j’ai passé la nuit debout, à pleurer. J’ai mis plusieurs heures à arriver à écrire ma lettre. Je pleurais tellement que je ne voyais plus ce que j’écrivais. J’avais tellement mal, j’étais déchirée, j’aurais voulu mourir avec elle mais je devais rester forte pour Y, il aurait besoin de moi, après. Au travail, mes collègues étaient au courant de ma situation et heureusement, je pouvais en parler ouvertement. Il m’arrivait souvent de pleurer, soit parce que je n’avais pas eu de bonnes nouvelles ou parce que j’avais un trop plein. Tout le monde était solidaire à ce qui m’arrivait, ça m’a aidé à continué.

Le lendemain matin, j’ai scanné ma lettre et je l’ai envoyé à Y, en lui demandant de la remettre à C.

Ma chère C,


Il y a longtemps que je pense à t'écrire mais je n'avais pas le courage de le faire. Peut-être parce que j'avais peur d'attirer le mauvais sort, ta situation était stable depuis si longtemps ! La pensée de ton départ me fait tellement mal, j'ai l'impression de perdre une partie de moi.


Notre histoire aurait pu être si différente, mais la vie en a décidé autrement. Et le malheur a fait que la maladie était déjà installée lorsque je suis entré dans votre vie. Je suis si heureuse que vous fassiez maintenant partie de ma vie... Et sache que jamais je ne l'ai regretté, bien au contraire !


J'ai eu le bonheur de connaître deux personnes tellement merveilleuses, généreuses et compréhensives. Deux personnes qui se soucient de moi et qui ne veulent que le meilleur pour moi. On a peut-être aucun lien de sang toi et moi mais sache que tu occupes une très grande place dans mon coeur et que tu y resteras pour toujours. Et cette place est aussi importante à mes yeux que celle d'une mère.


J'aurais encore tellement de choses à te dire, à te faire découvrir. J'ai peine à croire que bientôt tu n'y seras plus, c'est comme si une partie de moi s'en allait à jamais.


Depuis le premier jour où je vous ai rencontré, je me suis tout de suite sentie accueillie par vos deux familles, comme l'enfant prodigue qui revient plusieurs années plus tard alors que plus personne n'attendait son retour.


Je n'oublierai jamais la fête de mes 30 ans que vous avez organisée dans mon dos. De voir tout le monde présent m'a ému au plus haut point et ça restera toujours gravé dans ma mémoire. Je te remercie pour cette attention toute particulière envers moi.


Je te remercie pour tous ces moments passés avec toi où tu me racontais tout plein de choses sur vous, sur votre vie. Ça m'a permis de mieux connaître Y, qui ne parle pas beaucoup de lui. Je savourais toutes les conversations qu'on avait ensemble parce que je savais que j'allais en apprendre toujours un peu plus. Et je te remercie pour la confiance que tu m'as si vite donnée.


Ma belle C, je t'aime si fort... si tu pouvais seulement imaginer à quel point mon coeur se tord de douleur. Mais je remercie quand même la vie, parce que j'ai eu la chance d'arriver à temps dans ta vie pour te connaître et passer du temps avec toi. Le temps a été court mais si précieux à la fois.


Je sais C que tu m'as promis de m'attendre la dernière fois que je suis partie. Mais je sais aussi que ces derniers jours la douleur est très intense. Si tu n'as plus la force de te battre, je comprendrai. Tu as été forte pendant si longtemps... Lorsque tu n'en pourras plus, pars l'esprit en paix...


Je t'aime ma belle C... Prends soin de nous lorsque tu seras parmis les anges, parce que c'est sûr que c'est avec eux que tu seras. Un jour, j'irai te rejoindre et on fêtera ensemble nos retrouvailles... Et cette fois là, on aura l'éternité pour faire connaissance.


D'ici là, je te fais la promesse de prendre soin de ton homme, comme tu l'as fait pendant toutes ces années où j'étais absente.


Je t'aime et tu vas me manquer terriblement...


Ta M pour la vie
xxx

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28 juillet 2008 à 19h45

Je devais revenir pour mon congé du 12 au 21 avril mais comme l’état de santé de C se détériorait rapidement, j’ai demandé à mon patron si je pouvais descendre une semaine avant. Je savais que C ferait l’impossible pour attendre que je revienne mais je ne voulais pas la faire souffrir inutilement. Y me parlait tous les jours et elle souffrait de plus en plus. La morphine ne suffisait plus à la soulager. Je suis donc revenue une semaine plutôt, soit le 5 avril. C’est M, le frère d’Y qui est venu me chercher à l’aéroport. Deux ans auparavant, il était dans la même situation qu’Y, sa femme est décédée d’un cancer du sein et c’est lui qui a pris soin d’elle jusqu’à ce qu’elle meure.

On a beaucoup parlé M et moi, il disait qu’il trouvait ça extrêmement difficile de voir C dans cet état là, que ça lui rappelait trop de mauvais souvenirs. Je lui ai demandé son avis sur son état de santé et il disait sensiblement la même chose qu’Y, elle souffrait beaucoup, dormait de plus en plus, avait de moins en moins de souffle.

Pendant tout le trajet vers la maison, je refoulais mes larmes, je devais être forte pour elle, pour Y aussi. J’avais hâte d’arriver pour lui faire un câlin, lui dire que je l’aimais. Je n’avais aucune idée dans quel état je la retrouverais, j’avais bien de la difficulté à m’en faire une image.

Quand je suis arrivée, elle dormait dans son lit, qui avait été transféré au salon. Le salon était devenu sa chambre, c’était plus simple comme ça, c’était plus grand et elle pouvait se coucher même s’il y avait de la visite. J’étais tellement soulagé de la voir, de voir qu’elle était encore en vie, qu’elle me reconnaissait. Parce qu’Y m’avait raconté qu’elle avait parfois des hallucinations, qu’elle voyait des gens, pour la plupart des gens décédés, et qu’elle ne reconnaissait pas toujours le monde.

Je lui ai fait un gros câlin, je l’ai serré dans mes bras très longtemps et je lui ai dit que j’étais contente d’être arrivée plus tôt. Que j’avais pris 2 semaines de congé juste pour elle. Elle était contente de me voir, elle n’arrêtait pas de dire « ma petite » et de me serrer les mains.

Quand je suis arrivée (le samedi), elle était encore assez autonome, elle trouvait la force pour se lever pour faire ses besoins, se lever pour faire le transfert du lit au fauteuil et vice versa. La morphine en comprimé ne suffisait plus alors le mercredi soir, l’infirmière est venue lui installer une pompe à injection automatique. À partir de ce soir là, son état s’est dégradé très rapidement.

Cette nuit là, elle a été incapable de se lever pour faire pipi. Comme c’est une très grande femme et qu’elle avait pris beaucoup de poids durant sa maladie, il nous était impossible à deux de la soulever sans risquer de l’échapper ou de la blesser. Nous avons du lui demander de faire pipi dans son lit. On avait installer un piqué sous ses fesses pour ne pas mouiller son lit. Elle souffrait, mais elle avait encore toute sa tête. Au début, elle ne voulait pas du tout. Mais nous n’avions pas le choix. À contrecoeur, elle a accepté, au bord des larmes, réalisant elle aussi qu’elle n’avait d’autre choix.

Ses reins ne fonctionnaient plus beaucoup depuis quelques jours, elle urinait à peine. Mais cette nuit là, on a du la changer à trois reprises. Chaque fois, on lui installait un piqué, on la lavait comme il faut, on la séchait et on la réinstallait confortablement dans son lit. Et chaque fois, elle s’excusait de nous faire travailler autant. Pauvre C… si tu savais ! J’aurais fait ça pendant 10 ans si ça m’avait permis de te garder à mes côtés plus longtemps.

Le jeudi, je devais aller à la maison parce que j’avais trouvé un acheteur pour ma voiture. C était bien contente de savoir qu’enfin, je me débarrassais de ma voiture. Quand je suis partie le matin, je lui ai dit que j’allais faire ça vite, que je devais aller rejoindre la fille chez moi, ensuite passer au bureau des licences. La fille faisait 2h30 de route pour venir chercher la voiture et elle devait être chez moi à 11h. Je suis arrivée un peu plus tôt pour aller la laver et passer la balayeuse partout.

À 11h, elle m’a appelé pour me dire qu’elle décollait de chez elle… Je n’étais pas contente, mais je ne pouvais pas faire grand chose d’autre que de l’attendre. Elle est finalement arrivé vers 13h30. Elle a essayé la voiture, on est passé au bureau pour faire le transfert des immatriculations et on est retourné à la maison pour le paiement.

Je venais tout juste d’arriver chez moi quand Y m’a appelé. Il m’a demandé si j’arrivais bientôt et je lui ai dit que je partais dans quelques minutes, que ça avait été plus long que prévu. Et il a ajouté « Fais ça vite, si tu veux avoir le temps de voir C, ça ne va pas bien du tout ». Je suis partie à pleurer… devant la fille. Je me suis excusé en lui expliquant brièvement la situation, elle est partie et je suis rentrée immédiatement chez Y. J’ai pleuré une bonne partie du trajet, je savais que la fin arrivait.

Quand je suis arrivée, elle était dans un état comateux, elle ne pouvait plus parler du tout. Mais elle entendait, parce qu’on lui demandait de serrer les mains ou de cligner des yeux pour nous dire ce qu’elle voulait et elle le faisait. Elle respirait péniblement et le taux d’oxygène dans son sang était très bas, malgré l’oxygène qu’elle avait en permanence.

Ce soir là, on a appelé toute la famille pour leur dire de venir la voir une dernière fois. On ne croyait pas qu’elle passerait la nuit. Presque tout le monde est venu, c’était tellement triste, tout le monde pleurait, ça été une soirée très difficile. Les gens ont quitté assez tard en soirée et nous sommes allés dormir, Y et moi. Y dormait à côté d’elle, sur le divan. On a du se lever 4 ou 5 fois durant la nuit pour la changer. Ses reins n’avait pas fonctionné pendant près de 48h et maintenant, c’était l’inverse, elle urinait souvent, même si elle ne buvait plus aucun liquide.

Elle a passé la nuit, à notre grand étonnement. Vers l’heure du diner, L, la meilleure amie de C est passé et à trois, on a voulu changer son lit pour lui mettre des draps propre et changer le matelas de mousse pour qu’elle soit mieux. On a réussi à l’asseoir sur le côté du lit et j’ai changé le lit pendant qu’Y et L la tenait. Mais quand on a voulu la réinstaller, on a été incapable de le faire. J’ai donc appelé le frère de C en renfort, qui habite quelques maisons plus loin mais il n’y était pas. C’est ma tante et mes deux cousines qui sont venues nous aider. À 6, on a réussi à la réinstaller mais elle allait de moins en moins bien. Je crois que de l’avoir déplacé a fait accélérer les choses…

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1 août 2008 à 17h19

Vers 16h, elle avait de plus en plus de misère à respirer, on voyait qu’elle devait faire un effort pour faire entrer l’air dans ses poumons et elle s’est mise à râler fortement. On a appelé l’infirmière pour qu’elle vienne à la maison, on savait que c’était maintenant une question d’heures. On a aussi rappelé les membres de la famille et les amis proches qui voulaient la voir une dernière fois.

À un certain moment, j’ai du sortir dehors et j’ai pleuré pendant un bon moment. J’étais incapable de pleurer devant les gens mais j’avais tellement de peine… Je savais maintenant que c’était inévitable. On était vendredi et si je n’avais pas devancé mon congé, je serais arrivé seulement le lendemain soir. Je suffoquais à l’idée de la voir partir mais j’étais contente d’être présente, pour elle, je remerciais la vie d’avoir pris la décision d’arriver plus tôt, d’avoir pu passer ces derniers moments avec elle. Même si elle était très faible, on a quand même pu discuter un peu, se dire à quel point on s’aimait et on tenait à l’autre.

L’infirmière est arrivée vers 20h à la maison. Elle nous a confirmé qu’il ne restait plus grand temps maintenant. Elle a demandé à ce que quelqu’un aille à la pharmacie chercher un médicament qui ferait assécher ses muqueuses et qui ferait qu’elle râlerait moins, que ça l’aiderait à respirer un peu. Mon oncle a voulu y aller mais Y a dit qu’il irait. On lui a tous dit de ne pas y aller mais il a répondu « elle attend peut-être juste que je ne sois pas là pour partir, elle sait que je n’aime pas ça voir quelqu’un mourir ».

Y n’était pas encore partie mais j’ai pris sa main dans la mienne, je me suis penchée à l’oreille de C et je lui ai murmuré, tout en lui flattant le front « Ma belle C, si tu attends qu’Y ne soit pas là pour partir, c’est le bon moment. Il est parti à la pharmacie chercher des médicaments pour toi. Tu t’es battu assez longtemps, si tu es prête, tu peux partir maintenant. Je t’aime ma belle C, et je te promets de prendre soin d’Y ».

Je ne sais pas pourquoi je n’y ai pas pensé avant, mais C avait l’habitude d’écouter de la musique quand elle se reposait. Pour Noël, je lui avais offert un lecteur MP3 et elle m’avait fait mettre dessus plein de chansons qu’elle aimait. Après lui avoir doucement parlé, j’ai pensé à son lecteur et je suis allé le chercher. Avant de lui mettre les écouteurs sur les oreilles, je lui ai dit doucement à l’oreille que j’allais lui mettre sa musique parce que je savais qu’elle appréciait quand elle voulait se reposer.

Je me suis assurée que le son n’était pas trop fort, parce que l’infirmière m’avait dit qu’ils entendaient les sons beaucoup plus fort qu’en temps normal. J’ai déposé les écouteurs sur ses oreilles et j’ai tout de suite eu l’impression que sa respiration était plus calme. J’en ai fait part à l’infirmière mais elle m’a dit que rien n’avait changé. Finalement, 5 minutes plus tard, elle m’a dit que j’avais raison, qu’elle respirait plus doucement. Et ses râlements avaient beaucoup diminué aussi.

Je lui tenais la main et je lui flattais le front. Sa respiration était de plus en plus calme et lente. Environ 10 minutes plus tard, elle a cessé de respirer. Mon cœur a cessé de battre pendant un instant. J’ai fermé ses yeux, je lui ai fait une bise dans le front, je lui ai souhaité bon voyage et je lui ai dit que je l’aimais. Je suis sortie dehors, j’avais besoin de me retrouver seule. Aussitôt dehors, je me suis mise à pleurer toutes les larmes de mon corps. Y arriverait d’une minute à l’autre et je devais lui annoncer.

Quand il est arrivé et qu’il m’a vu sur le balcon, il est parti à courir. Juste avant de monter les marches, il m’a regardé et je lui ai dit qu’elle était partie, que ça faisait environ 10 minutes. Je l’ai serré dans mes bras, on a pleuré ensemble quelques secondes et Y est tout de suite allé au salon pour la voir. Je n’oublierai jamais la scène que j’ai vu à ce moment là. Y s’est couché à côté d’elle, l’a enlacé et s’est mis à lui parler, il pleurait à chaudes larmes. L’amour de sa vie, avec qui il a vécu pendant 28 ans, venait de s’éteindre. Je pouvais très bien sentir sa douleur. J’avais le cœur brisé par la perte de C, mais également de voir à quel point Y avait mal.

La famille immédiate de C était aussi présente quand elle a rendu son dernier souffle. De voir son frère accroupi à côté du lit, la tête sur son ventre à pleurer comme un bébé a été très difficile. On pouvait voir la douleur sur le visage des gens présents, on pouvait la sentir aussi.

Je me sentais mal envers mes cousines, envers le frère de C, j’avais peur qu’ils pensent que j’essayais de prendre leur place, moi qui était dans leur vie depuis si peu longtemps. On était tous assis au salon autour de C et je leur en ai fait part. Je n’oublierai jamais la réponse qu’ils m’ont tous donné, ça m’a beaucoup soulagé et fait réalisé à quel point ils m’aimaient et que je faisais bel et bien partie de leur famille. Sans hésiter, ma cousine M, celle qui accompagnait Y la première fois que je l’ai rencontré, m’a dit que je n’avais pas à m’en faire pour ça, que j’étais pour C la fille qu’elle n’avait jamais eue, qu’elle me considérait ainsi et qu’elle était certaine que c’est ce qu’elle voulait, que je sois à ses côtés pour la supporter jusqu’à la fin. Et tout le monde a acquiescé et m’a serré dans leurs bras.

On a passé le reste de la soirée à se remémorer des souvenirs d’elle. D’entendre tout le monde raconter leurs histoires m’a fait mal. Mal parce que ça venait encore une fois me rappeler tout ce que j’avais pu manquer de bons avec eux. Ils avaient tout plein de souvenirs heureux à se raconter et ça m’arrachait le cœur de penser que j’aurais pu connaître tout ça si ça n’avait pas été de l’égoïsme de ma mère. Ce n’est pas facile d’accepter qu’une personne ait intentionnellement fait en sorte que ta vie prenne un tournant différent un jour. Surtout quand on se rend compte plusieurs années plus tard de ce qu’on a manqué.

On a beaucoup parlé ce soir là, je crois que ça fait du bien à tout le monde. Vers 23h, ils sont venus chercher C pour l’amener au salon funéraire. Comme elle est décédée d’une longue maladie, il n’y a pas eu d’autopsie. Avant qu’elle quitte la maison, nous lui avons tous dit un dernier au revoir.

Par la suite, tout le monde est rentré tranquillement chez eux, les journées suivantes s’annonçaient assez chargée et on aurait beaucoup de choses à faire. Avant d’aller dormir, j’ai serré Y dans mes bras et on a pleuré un bon coup. On savait tous les deux qu’elle était beaucoup mieux maintenant là où elle était. Mais perdre un être cher, même quand on sait qu’il est bien mieux là haut, est impensable.

Je suis allé me coucher et bizarrement cette nuit là, j’ai dormi paisiblement, d’un sommeil très réparateur. Je suis convaincue qu’elle était avec moi cette nuit là et qu’elle me remerciait d’avoir fait avec elle les derniers pas à faire pour qu’elle puisse traverser de l’autre côté…

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29 août 2008 à 13h26

Une grosse semaine nous attendait...

Nous devions aller au salon funéraire pour rencontrer le propriétaire, faire signer tous les papiers de décès, rédiger l'avis de décès, choisir une date pour l'exposition, choisir les cartes qu'on voulait remettre aux gens, choisir son cercueil, comment on voulait l'habiller.

On a du prévoir une journée pour aller s'habiller. Y s'est acheté 2 habits et m'a acheté 2 ensembles différents. Je voulais mettre des ensembles que j'avais déjà mais il a insisté pour me les acheter.

On devait préparer des lettres de remerciement pour tout ceux qui ont aidé Y, de près ou de loin, avec la maladie de C. Les médecins, les infirmières, les bénévoles.

On devait appeler pour réserver une salle pour recevoir les gens, faire préparer un buffet, faire des appels pour informer toute la famille (qui est très grande) que C était décédée, en essayant d'oublier personne.

C travaillait depuis près de 30 ans au même endroit, a joué dans plusieurs sports différents, il y a avait donc beaucoup de monde à aviser. Nous avons préparé un buffet pour 250 personnes et il n'est resté presque rien à la fin.

J'ai fait le tri dans les photos d'Y pour en trouver des bonnes de C. On avait décidé de faire un CD de photos parce qu'il y avait 2 écrans au salon funéraire à notre disponibilité. Ça été la meilleure chose qu'on ait pensé faire. Le mari de ma cousine a passé un journée presque complète à scanner tout ça, on avait près de 300 photos si ma mémoire est bonne. Les gens ont beaucoup apprécié, on pouvair voir C durant toute sa vie, enfant avec sa famille, adolescente avec ses amis et adulte avec ses collègues de travail, ses amis, sa famille.

Ça été une semaine vraiment infernale, à courir partout pour ne rien oublier. Je comprends maintenant pourquoi les gens disent qu'ils vivent leur deuil une fois que la cérémonie est terminée. Et dans notre cas, on savait que C allait partir, on était préparé à ça et Y avait déjà rassemblé les papiers qu'il aurait besoin. Je n'ose pas imagine quel calvaire ça peut être pour quelqu'un qui perd un être un cher rapidement et qui ne pouvait s'en douter.

C était exposé le vendredi et samedi suivant son décès. Comme c'était une semaine plus tard, le thanatologue nous avait avisé qu'il y avait des risques que le cercueil soit fermé parce que C avait une petite bactérie dans son sang qui faisait enfler les tissus. Heureusement, ça n'a pas fait trop de dommage et nous avons pu la voir.

Au salon, j'ai trouvé ça extrêmement difficile. J'étais incapable de m'approcher d'elle, j'étouffais. Je n'étais pas capable de la regarder, même de loin. Et tout le monde était après moi pour me demander si ça allait, j'aurais aimé être seule pendant un moment.

Vendredi matin, F est venu au salon et je ne m'y attendais pas. J'ai trouvé ça vraiment gentil de sa part, d'autant plus que je lui avais pas parlé pour lui annoncer. Il m'a serré dans ses bras et il m'a dit qu'il était désolé. Il savait à quel point C comptait pour moi.

Un des moments les plus difficiles a été de regarder les photos qui passaient à la télé. Il y avait plusieurs photos de famille, des photos de fête ou de party et il y avait toujours plein de monde sur les photos. Du monde souriant et qui avait l'air de se faire du fun. Et ça me ramenait encore à réaliser tout ce que j'avais manqué. J'avais vraiment mal à l'âme...

Le salon funéraire fermait à 22h. Les gens avaient commencé à quitter depuis un petit moment, il ne restait que la famille immédiate. Je voulais être seule avec C, j'ai donc demandé aux autres de m'attendre dehors, que j'aimerais me retrouver seule quelques minutes.

Quand tout le monde est parti, je me suis approchée du cercueil, lentement. Je manquais d'air, j'avais l'impression que tout s'écroulait autour de moi. Je me suis agenouillée devant elle et je me suis mise à pleurer comme un bébé. Je me suis mise à lui parler, à lui dire qu'elle me manquait terriblement, que j'espérait qu'elle allait bien maintenant.

Je suis restée là quelques minutes, j'ai essuyé mes larmes, j'ai pris quelques grandes respirations et je suis sortie dehors. Je voulais aller dormir, me recueillir, être seule. On est reparti Y et moi à la maison.

Vers minuit, ma meilleure amie P m'a téléphoné, elle venait d'arriver au terminus. Elle a fait près de 10h d'autobus pour être avec moi lors des funérailles le lendemain. Et elle repartait en autobus le soir pour revenir chez elle parce qu'elle avait un examen le lundi matin. J'étais extrêmement contente de l'avoir à mes côtés.

Je suis allé la chercher, on est revenu à la maison et on s'est couché. Une autre grosse journée nous attendait au matin...

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30 août 2008 à 12h04

Le lendemain, c'était les funérailles. Nous devions nous rendre au salon funéraire pour lui faire nos derniers adieux. Je n'oublierai jamais ce moment là puisque je n'ai jamais été capable de m'approcher d'un cercueil mais je devais le faire pour elle. Pendant un instant, j'ai arrêté de respirer, surtout quand ils ont refermé le cercueil. Je ne la reverrais plus jamais...

À l'église, une de mes cousines a lu un texte en avant qui parlait de C et dans lequel elle me dédiait une partie de son texte, en me remerciant d'être maintenant dans leur vie, que j'étais pour elle la fille qu'elle n'avait jamais eu et qu'elle était vraiment fière de moi, de qui j'étais et de ce que j'étais devenue. Ça m'a beaucoup touché, j'ai eu du mal à écouter la fin.

Ensuite une amie de C a lu un texte qu'Y avait composé pour elle. Il rappelait quelques souvenirs en rapport à leurs voyages, les moments qu'ils ont eu ensemble et il la remerciait de m'avoir accepté comme sa propre fille, de l'avoir supporté et encouragé pendant toutes ces années où il a tenté de me revoir.

Et pour terminer, il y avait un texte écrit par C, que mon oncle a lu. Elle remerciait tous les gens qui l'avaient supporté durant sa maladie, les infirmières, sa famille, ses amis, Y... et moi ! Elle me disait merci d'avoir été dans leur vie, qu'elle m'aimait plus que tout et me demandait de prendre soins d'Y.

Ça été une des journées les plus difficiles de ma vie et de voir à quel point mon père avait de la peine était d'autant plus difficile. J'essayais d'être présente le plus possible pour lui, malgré toute la peine que j'avais moi même à gérer.

Après l'église, on devait se rendre au cimetière pour la mise en terre. Je ne me souviens plus tellement de ce moment là, j'avais le cerveau engourdi. Je me souviens seulement que le curé a fait une prière, qu'on a mis des fleurs et une poignée de terre sur sa tombe. Ensuite on est parti à la salle communautaire pour le diner et rencontrer les gens qui étaient venus à ses funérailles.

Nous étions samedi et je repartais pour le chantier le mardi suivant, la mort dans l'âme encore une fois. J'avais tellement mal. J'avais envie de lui parler, de la tenir dans mes bras, lui raconter ce qui m'arrivait, mais elle ne serait plus jamais là pour ça. Les premiers jours au chantier ont été très difficile. Je n'avais pas du tout la tête au travail, je me couchais tôt, je pleurais beaucoup. J'étais une montagne russe d'émotions, un moment je riais et la seconde d'après j'avais les yeux plein d'eau parce que je venais de penser à elle...

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31 août 2008 à 13h07

Trois jours après mon arrivée au chantier, j'ai reçu un appel de ma cousine. Mon grand-père venait d'entrer à l'hôpital et il n'allait pas très bien. J'ai convenu avec S que si son état de détériorait, de m'appeler pour m'aviser, que je prendrais le premier avion disponible pour aller le voir.

J'avais travaillé sur photo de mon grand-père dans photoshop quelques semaines avant parce que j'avais trouvé une belle photo de lui où il était très bien posé et où il souriait. Le mardi midi, je suis allé chercher mon portable à ma chambre parce que voulais terminer ce que j'avais commencé. Quand j'ai eu terminé, j'ai fermé mon portable et quelques minutes plus tard, le téléphone a sonné. Mon grand-père venait se s'éteindre...

Il a décidé de nous quitter au moment même où je travaillais sur sa photo. Je me sentais vraiment bizarre, comme si j'avais eu un présentiment et qu'il fallait que je termine ça maintenant. Au départ, je voulais faire une surprise à ses enfants en leur offrant une belle photo de leur père mais mon grand-père m'a prise au dépourvu. La photo allait finalement servir à autre chose...

J'ai fait faire des photos pour tous les enfants et les petits-enfants de mon grand-père et des membres de la famille proche et j'ai fait faire un 11" x 17" pour mettre au salon funéraire.

Ma cousine m'a rappelé un peu plus tard dans la journée pour me dire ce qui allait se passer. Comme mon grand-père était déjà parti, j'allais partir le jour avant les funérailles pour ne pas manquer trop de temps au travail. Mon grand-père allait être exposé vendredi et samedi, j'ai donc pris un billet d'avion pour jeudi soir revenir auprès de ma famille.

J'ai appelé Y pour lui demander d'aller récupérer les photos et acheter un beau cadre pour mettre la photo de mon grand-père. Je me sentais un peu mal de demander à Y de me rendre un service pour "mon autre famille" mais je savais qu'il me comprenait et qu'il était touché par mon deuil. J'ai avisé ma cousine qu'elle pourrait passer chercher les photos chez Y avant de se rendre chez mes grands-parents. Mes oncles et mes tantes étaient tous là et S leur a remis ce que j'avais fait faire et tout le monde s'est mis à pleurer, la photo lui ressemblait énormément...

Quand je suis arrivée à l'aéroport, Y est venu me chercher. On est ensuite aller chez lui et quand je suis rentrée dans la maison, le vide que C avait fait dans la maison me frappait en plein visage. Je venais de perdre 2 semaines auparavant une des personnes qui comptaient le plus pour moi et mon grand-père nous avait quitté à son tour...

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1 septembre 2008 à 15h44

Temps réel


J'ai fait la rencontre d'une personne très spéciale cette fin de semaine. Il y a des gens qui par des actes ou des paroles vont détruire la vie d'une personne. Mais il y a aussi des gens qui sans le savoir, font tout le contraire...

Le genre de rencontre non prévue et qui fait toute une différence dans une vie. Je ne sais pas si j'aurai la chance de le revoir un jour mais si oui, je me fais la promesse de lui expliquer tout le bien qu'il m'a fait et tout ça, sans le savoir... Tout ça juste en étant lui même.

J'y reviendrai plus tard... mais je parie que C a quelque chose à voir avec tout ça, qu'elle l'a mis sur ma route volontairement.

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19 septembre 2008 à 8h24

Retour à mon grand-père... début mai.

2 mai, mon grand-père est exposé et toute la famille est là. J'appréhende un peu ce moment parce que ça fait maintenant plus d'un an que mes parents ne me parlent plus. Mon frère non plus, depuis 3 mois maintenant.

J'ai apporté avec moi les photos que j'avais fait faire pour tout le monde et je les ai distribué au salon. Je me suis approchée de mon frère, il a pris la photo sans me regarder, m'a dit merci et à continuer à jaser comme si je n'étais pas là. Je suis ensuite allée voir mon père pour lui remettre sa photo et j'ai eu à peu près le même accueil. De mon frère ça passait, mais de mon père, ça été comme un coup de poignard en plein ventre.

J'ai passé l'après-midi sans trop de problèmes, toutes mes cousins et cousines étaient là et on a parlé beaucoup, étant donné que je les vois pas très souvent avec mon boulot.

Pour souper, S avait fait préparer un repas pour tout le monde chez ma grand-mère. Tout le monde était attendu. Tout le monde est venu, sauf mes parents, mon frère et mon oncle et sa femme qui les ont accompagnés. Ma mère ne voulait pas me voir... Je n'en revenais tout simplement mais ça m'a un peu soulagé parce que pour une fois, ma famille pouvait constater par eux-même que ce n'était pas de ma faute et que ce n'était pas moi qui entretenait notre dispute, si on peut l'appeler comme ça.

Après le souper, on est tous retournés au salon funéraire. Au début ça allait plutôt bien mais plus la soirée avançait, plus je trouvais ça difficile. Je voyais mon père, je l'entendais parler et je n'arrivais pas à concevoir qu'il ne vienne pas me parler, qu'il ne me regarde pas. À un moment, j'ai craqué et je me suis mise à pleurer. Je n'étais plus capable d'arrêter. J'étais assise près de mon grand-père et tout le monde croyait que je pleurais à cause de lui...

Mon oncle R est venu me voir et m'a demandé ce que j'avais. Il a vite réalisé que ça n'avait rien à voir avec mon grand-père et que c'était mon père qui me virait à l'envers comme ça. Il m'a dit trouver ça injuste et qu'il était un peu fâché de la réaction de mon père, que mon grand-père n'aurait jamais été d'accord avec ça. Il m'a demandé si je voulais qu'il lui parle mais j'ai refusé, je ne voulais pas que mon père recommence à me parler parce qu'on lui avait demandé, je voulais que ça vienne de lui.

Un peu après, je suis sortie dehors, je n'arrivais pas à arrêter de pleurer. J'étais complètement anéantie. Mon père... celui que j'ai toujours adoré et considéré comme mon vrai père, malgré tout... me faire ignorer de la sorte était plus dur que tout. J'aurais voulu mourir. Je ne comprenais tout simplement pas. Je ne demandais pas la lune, seulement un regard, qu'il vienne me voir et me dise qu'il comprenait la peine que j'avais suite à la perte de mon grand-père. Mais je n'ai eu droit qu'à de l'indifférence... J'aurais voulu mourir plutôt que d'endurer tout ça.

Le lendemain matin, on est retourné au salon funéraire et c'était encore la même chose. Mon père était là mais n'est pas venu me parler. Ma grand-mère n'acceptait pas ce que mon père me faisait subir et elle est venu me serrer dans ses bras pour me dire qu'elle était désolée. Ma cousine est venue me parler en me disant que ça avait jasé fort chez ma grand-mère la veille et qu'ils avaient l'intention de parler à mon père une fois que tout serait terminé. Mais je préférais que personne ne se mêle de rien.

Nous sommes ensuite parti à l'église et j'ai lu la lettre que j'avais écrit pour mon grand-père le lendemain de son décès. Mon oncle R l'avait lu à mon arrivée et m'a demandé de la lire à l'avant parce que ça représentait bien mon grand-père. J'ai accepté sa demande et je suis allée lire mon texte. J'avais pratiqué plusieurs fois et chaque fois, j'étais incapable de me rendre jusqu'à la fin, je partais à pleurer avant d'avoir terminé. Mais cette fois-ci, j'ai été capable de la lire en entier, sans pleurer. J'ai fait le vide et j'étais complètement dans ma bulle, je ne voyais personne et je n'entendais personne non plus.

Quand j'ai terminé ma lecture, tout le monde s'est mis à applaudir et je suis sortie de ma bulle aussitôt. Je suis retournée m'asseoir à ma place et ma tante m'a sauté au cou en pleurant et en me disant merci pour ce que j'avais écrit. Je ne me souviens pas de grand chose par la suite, j'étais une fois de plus dans ma bulle à gérer ce qui venait de se produire.

Après la messe, on est allé au cimetière. Je me suis approché du cercueil de mon grand-père, j'ai mis une fleur sur le dessus, une poignée de terre et je me suis éloignée. Je voyais mon père près de mon grand-père et j'avais l'estomac à l'envers. Je n'arrivais pas à croire que mon grand-père nous avait quitté et que mon père ne daigne pas me regarder. Combien de temps tout ça allait encore durer ?

J'étais un peu en retrait, avec ma tante, ma cousine et mon oncle quand j'ai vu mon père venir vers moi. Je me suis tassée parce que je croyais qu'il allait voir quelqu'un derrière moi mais il s'est arrêté à ma hauteur. Mon coeur s'est arrêté de battre, je n'avais aucune idée de ce qu'il allait me dire. Il avait les yeux plein d'eau et m'a simplement dit "Merci pour ta lettre à pépère à l'église". J'ai figé, je ne savais plus quoi faire. J'avais le coeur au bord des lèvres, les yeux plein d'eau et j'ai juste répondu "de rien". Mon père s'est penché et m'a serré dans ses bras...

Pendant un moment, la terre s'est arrêté de tourner. Je pleurais à chaudes larmes et je serrais mon père dans mes bras à en avoir mal. On est resté comme ça un bon moment, à pleurer et se serrer dans nos bras et mon père m'a demandé pardon. J'ai pris son visage dans mes mains et je lui ai dit de ne plus jamais me faire ça, que c'était trop dur à supporter. Ma tante est venue nous serrer dans ses bras en pleurant et à dit à mon père que c'était le plus beau cadeau qu'il ne pouvait pas faire et que mon grand-père était sûrement fier de lui en ce moment. Et mon oncle R est venu lui aussi nous serrer dans ses bras. Il a regardé mon père et lui a dit "Si tu savais depuis combien longtemps elle attend ça ta fille, et combien elle en avait besoin surtout".

J'attendais ce moment là depuis trop longtemps, je n'ai pas de mot pour décrire comment je me sentais à ce moment là. Mon père était revenu vers moi... mon père m'avait serré dans ses bras, m'a dit qu'il m'aimait.

Et tout d'un coup, une autre giffle... mon père qui me demande de m'excuser auprès de ma mère ! J'étais estomaquée... comment pouvait-il me demander de m'excuser pour quelque chose dont je n'avais pas à m'excuser ?! J'ai répondu "Non, je ne peux pas" et il m'a demandé de le faire pour lui. Mais même pour lui, je ne pouvais pas alors je lui ai simplement dit "Dad, tu ne peux pas me demander ça, je n'ai rien à me reprocher, je n'ai rien fait de mal" et il m'a répondu que c'était correct. Je crois bien qu'il a réalisé des choses et qu'il a compris mon point de vue. Il m'a serré dans ses bras à nouveau en me disant qu'il m'adorait et que ça n'arriverait plus jamais.

J'étais la fille la plus heureuse au monde... malgré tout ce qui m'était arrivé dans les derniers jours. Mon père était revenu dans ma vie...