Lorsque l'idée d'écrire un journal m'effleura l'esprit, je la réfutai tout d'abord. Coucher sur papier les maux qui m'étreignaient alors m'apparaissait comme absurde et douloureux. Quel avantage en aurais je tiré? Car là demeure le problème de notre siècle ... Nous recherchons l'avantage, le profit ... Nous nous rassurons, cajolant un but qui donne sens à toute entreprise. Ecrire ... Mais pourquoi faire?
A cette question, chaque plume a sa réponse, et je ne m'attarderai pas sur quelques hypothèses hasardeuses.
Oui, je me contenterai de vous décrire un manque -car c'est bien pour cela que j'écris- que je ne peut nommer au travers de quelques phrases maladroites. Un étau incolore -à moins qu'il ne soit multicolore-, insipide et circonstancié qui m'étreint chaque minute un peu plus, me bouffe les entrailles de ses crocs acérés, insatiable monstre de ma création.
Il m'accompagne chaque heure que je vis, à l'ombre de mes sourires, tapis dans mes yeux baignés de larmes. Il exhibe mes imperfections, se meurt à chaque éclat de joie. Il titube tout comme moi, en équilibre sur un câble de verre qui menace de céder à tout instant, mais qui pourtant ne cède pas.
Il se nomme l'ennui, espoir, illusion, désillusion, cauchemar, évasion, rêve, croyance, peur, solitude, sentiment, mensonge, vérité, rationalité ... Il n'a pas de nom ... Du moins, je ne le connais pas.
Il fait partie de moi. C'est lui qui me porte sur ses guiboles frêles. Il me fait tomber dans la boue marécageuse de mes emmerdements. Il me serre les chevilles, m'empêchant de prendre mon envol. Il m'aime et me déteste. C'est réciproque d'ailleurs. Peut être ...
Est ce moi, ce monstre aux multiples faces?