Des souvenirs qui font, font...

Un journal de Journal Intime.com

Archive du journal au 27/12/2014.

Sommaire

C'est tout nouveau...

1 novembre 2007 à 15h33

En cherchant sur le net, je me suis retrouvée ici.
Partager est important, mais en même temps si difficile.

Des mots pour sortir des maux enfouis que d'autres mots font ressurgir. Une envie d'hurler ce mal intérieur que je croyais évaporé dans l'air!

Hum! Quelle idiotie que de penser que tout s'était envolé... Alors que les cauchemars nocturnes me renvoient sans cesse à ces instants.

Tout nouveau que de laisser quelques mots couler de ce clavier, avec cette envie de ne pas les effacer.

Coup de massue.

1 novembre 2007 à 15h41

Tout d'un coup je me retrouve dans les sous-sol.

Je ne comprends rien. Que se passe-t-il?

J'ai été emmenée, juste pour quelques questions et je me retrouve dans cette cellule grise, sale, puante. Du vomis par terre, des traces de merde sur les murs.

On me propose quelque chose à manger. C'est dégueulasse.

Je ne comprends pas. On m'avait dit...

Le procureur a décidé de prolonger ma garde à vue. Ah! Je suis en garde à vue? Pourquoi? Qu'est-ce qui s'est passé?

Je crois que j'ai été transférée à l'hotel de police. Je ne sais plus en fait.

Quel jour sommes-nous?

Le procureur a décidé une comparution immédiate. On m'améne là-bas, à Montluc. Nous étions dimanche, le dimanche de la fête des mères...

Je ne comprends rien, mais rien.

L'arrivée

1 novembre 2007 à 19h54

Que dire?

On vous transfert...

On ne vous dit rien. Juste... et encore je n'en suis plus certaine!

Menottes aux mains.

Je suis montée dans les camion de transfert, comme un robot, non, un zombie!

Je ne peux que deviner les lumières. Nous longeons la voie de chemin de fer. Puis, arrêt en attendant que le portail s'ouvre.

La conduite est séche, comme si... Bien oui, je ne suis plus qu'un morceau de viande transportée là-bas.

Je descends et me retrouve dans une petite cour. Je ne sais pas, je...
Un petit bureau dans lequel il y a un homme pour recevoir le colis apporté : un gradé.

Je ne sais plus ce qui se passe exactement à ce moment.

Un couloir, une grille qu'un gardien ouvre. Je passe cette grille qui se referme derrière moi. Je ne m'appartiens plus du tout.

Je traverse une petite cour, encore, escortée par le gardien.

Une surveillante vient ouvrir une nouvelle porte. Petit sas. Le gardien reste dehors, la porte se referme, une autre s'ouvre. Quelques marches pour accéder à une sorte de hall au carreaux vieillis et usés par les pas des prisonnieres.

On me fait entrer dans une petite cellute. Je dois me déshabiller pour la fouille. Tout enlever. Intimité violée.

En plus je pue. 48 heures de garde à vue. 48 heures dans une chaleur à crever. 48 heures sans pouvoir me passer un peu d'eau sur le visage. 48 heures sans pouvoir boire ou presque!

Je suis affectée à une cellule. On m'a donné un matelas, une housse, des draps. Une assiette, un verre, un bol, des couverts. Une serviette de toilette, et un necessaire de toilette!!!
J'ai le droit à une douche.

Ca fait du bien cette eau qui coule sur moi. Je pleure sous la douche, comme ça, personne ne verra.

Qu'est-ce qu'il m'arrive?

L'arrivée, la suite...

3 novembre 2007 à 23h06

Je ne sais pas où je me suis arrêtée hier dans mon écriture.

Oui, je pleure sous la douche.

Les mots ont du mal à sortir, car les larmes envahissent à nouveau mes yeux.

Je n'ai toujours pas compris pourquoi je suis là. Pourtant c'est lui qui m'a plaquée contre le mur essayant de m'éclater la tête contre ce mur. Je dois que ça ne soit pas arrivé à l'intervention de mon avocat et des policiers de garde au tribunal!

Oui mais... C'est moi qui suis là, enfermée dans ce vieux bâtiment d'une autre époque, d'un autre siècle!

L'eau arrête de couler. Je sens bon, enfin. J'ai récupéré une chemise de nuit. Ben oui, je n'ai aucun vêtement.

Je suis reconduite dans la cellule. La porte se referme, les verrous tournent. J'ai mal.

Mes nouvelles compagnes essaient de se montrer gentilles. Bon, ça me rassure un peu par rapport à cette image de bêtes sauvages qu'on nous met dans la tête.

9m². Nous sommes quatre. Je dois dormir par terre. Au fond de cette cellule au plafond si haut. En bas, loin de la lumière et de l'air.

J'ai été jetée dans cette cellule, sans aucune explication. Je ne connais rien au fonctionnement de cet endroit si fermé.

J'ai mal. Je ne comprends pas... Je ne dois pas faire voir.

DÉROULEMENT D’UNE JOURNÉE TYPE EN MAISON D’ARRÊT

3 novembre 2007 à 23h21

7 heures


Dans toutes les maisons d’arrêt le rituel est le même. C’est l’heure légale du réveil, samedi dimanche et fête comprises.
Lorsque la porte s’ouvre pour le non moins traditionnel (mais pas toujours dit) "bonjour". Il faut, au moins exécuter un tressaillement visible (très important qu’il soit visible) afin d’éviter la première parole de la journée : "Bougez". C’est vrai j’oubliais, dès fois que dans la nuit nous ayons mis fin à nos jours…
Là, c’est fait, la réalité reprend ses droits, c’est la fin de nos rêves, de nos "évasions nocturnes"… Nous n’avons pas le droit d’oublier où nous sommes, du moins pas trop longtemps… Notre univers carcéral reprend son rythme pour une nouvelle journée.

7h30

Le bruit reprend pour la distribution du petit déjeuner…

Un charriot avec deux grosses gamelles contenant pour l’une un semblant de café…la chaleur, l’odeur, mais une nouvelle fois ce n’est qu’un rêve… pour l’autre gamelle c’est… un semblant de lait. Pourquoi ? c’est très simple, car dès que… l’ensemble de ces deux liquides arrivent en bouche, nous revenons très vite à la réalité. Une petite plaquette, cette fois, de vrai beurre, est également distribuée, quelques fois, un fruit est rajouté ou un laitage. Le dimanche, c’est le grand luxe à la place du café c’est un chocolat, mais identique à la remarque du café faite précédemment…

Par contre la semaine si un mouvement (rendez-vous à l’infirmerie, à l’éducateur, un parloir… etc…) est programmé le surveillant l’annonce ainsi que l’heure. Cela pour que nous soyons prêt et surtout pour que nous n’allions pas à l’atelier. Il faut que nous attendions en cellule. La sempiternelle attente qui représente 90% du temps chez le détenu, je crois même que l’on peut dire 100% du temps. Les prévenus attendent le bon vouloir des magistrats, une hypothétique remise en liberté, un jugement, un appel, tout est fait pour attendre, attente espoir, c’est cela qui permet de faire défiler les jours… de continuer à croire en la vie…

8 heures

Si aucun mouvement n’a été annoncé, programmé, c’est la sortie pour l’atelier. Si nous avons la chance d’être "classé" c’est le terme employé pour toutes personnes qui travaillent en prison. Le travail permet d’oublier un peu l’ enfermement, la journée passe plus vite. Le travail permet de gagner un peu d’argent… Cet argent permet de pouvoir "cantiner" (cantiner veut dire en langage clair acheter). Cantiner pour améliorer l’ordinaire, pour la télévision (55F par semaine) pour le tabac, la nourriture… Mais pour les cantines j’y reviendrai plus en détail.

Pour l’instant, je vais essayer de vous expliquer le travail carcéral.
Il y a plusieurs sortes de qualification en travail carcéral
- l’auxi c’est celui qui est classé au service général. Il y a ceux qui sont affectés à la cuisine, à la lingerie, et ceux qui sont en étage ; ces derniers sont affectés à la distribution des repas, l’entretien de leur étage de leur étage, le changement des draps, des serviettes, des torchons etc… je dirai des tâches ménagères.
- Le travail en atelier ce sont des concessionnaires qui emploient des détenus pour des sommes dérisoires… Les rémunérations sont de l’ordre de quatre fois moins chères q’à l’extérieur.

Je reprendrai juste une citation faite par un détenu que Madame Anne-marie Marchetti s’est permise de reprendre dans son livre : "Pauvreté en prison. Editions Eres en 1997". "Infraction légale. Si un patron dehors donnait un tel salaire pour le même nombre d’heures de travail, il irait aux Prud’hommes ou en prison pour exploitation. Les prisonniers sont en prison parce qu’ils on violé la loi, et en prison on viole la loi et on les exploite, ce n’est peut-être pas le bon système pour donner envie de respecter la loi et ceux qui gardent les prisonniers".

Si j’ai voulu citer cette phrase, c’est tout simplement parce qu’elle est vraie et vérifiable. Dans les rapports du Sénat : "Prisons : une humiliation pour la république" nous pouvons lire "On cite avec horreur l’exemple de Fresnes où à une époque les détenus étaient payés pour découdre des étiquettes "made in Taiwan" et recoudre des étiquettes "made in France". Ce n’était pas très pédagogique.

Alors que penser lorsque l’on est témoin, acteur de ce genre d’emploi ? … Ou est la justice ? En qui croire ? Certainement pas en la justice. Surtout lorsque l’on pense que certains détenus sont là pour… contre façon.

Le retour des ateliers s’effectue vers 11h30. Pendant cette matinée "les inoccupés" ont droit à deux heures de promenade. Selon la maison d’arrêt, la taille de la cour de promenade varie.

11h30

Le retour en cellule signifie pour les plus chanceux, du courrier (cordon avec l’extérieur). Le courrier a été déposé par le surveillant dans la boite aux lettres. Boite aux lettres est un grand mot, très souvent elle est "fabriquée" avec une découpe dans une boite de lessive et collée à la porte de la cellule. Nous pouvons presque dire boite magique. En effet elle sert aussi pour les bons de cantine. Les bons de cantine sont ramassés le matin par l’auxi au moment du petit déjeuner.

Revenons donc sur les cantines. Il y a tellement de choses à en dire. Pour essayer d’être clair, je vais faire référence au guide du prisonnier qui est fait par l ’Observatoire International des Prisons.

Tout d’abord qu’est ce que la cantine ?
C’est la "boutique" de l’établissement pénitentiaire où le détenu peut acheter divers objets ou denrées dans la limite de ses moyens financiers (part disponible de son compte nominatif).
Cette possibilité de "cantiner" s’exerce sous le contrôle du chef d’établissement et dans les conditions prévues par le règlement intérieur qui fixe les jours, heures, modalités des commandes et des livraisons.

Comment sont fixés les prix des produits vendus en cantine ?
Les prix sont fixés périodiquement par le chef d’établissement sauf en ce qui concerne quelques produits comme le tabac, le pain et les journaux, ils tiennent compte des frais exposés par l’administration pour la manutention et la préparation.
Cette règlementation entraine d’importantes disparités dans les prix pratiques dans les établissements pénitentiaires. Les prix pratiqués en cantine sont donc très souvent supérieurs à ceux du marché.
Dans tous les cas, ils doivent être portés à la connaissance des détenus, c’est à dire indiqués sur les bons de commande.

13 heures

Changement de surveillant, nouvelle ouverte de porte, un nouveau bonjour.

13h15
C’est l’heure de la promenade, pour les travailleurs elle dure une heure.

14h15

Départ pour l’atelier et cela jusqu’à 17h30. Sauf le lundi et vendredi où l’on rentre à 16h30 pour cause de douche.

17h30

C’est le retour cellule, peut-être encore du courrier, l’arrivée de cantine.

La distribution du diner est effectuée entre 17h30 et 18h00
Le soir, il ne faut pas oublier de remplir les bons de cantine qui seront ramassés le lendemain.

A partir de 18 heures, les portes sont fermées jusqu’au lendemain 7 heures.

http://prison.eu.org/article.php3?id_article=14

J'ai mis cet "emploi de la journée". Cela correspond à ce que j'ai vécu. L'enfermement durant toute une journée. Ne rien avoir à faire. Ne même pas pouvoir tourner en rond tellement c'est petit.
Cette porte, si lourde à voir.
Le bruit des clés quand les surveillantes marchent.
6h, c'est la relève. La nouvelle vient regarder à l'œilleton.

Je n'arrive pas...

7 novembre 2007 à 22h53

A écrire la suite!

Une succession d'images pourtant devant mes yeux... de jours, comme de nuit!

Des courriers à faire pour me faire rembourser de cet abus. Ça remue, ça brasse. Mais impossible d'exprimer.

Aussi le fait d'avoir été rembarrée plusieurs fois parce que j'avais osé dire que je souffrais. Ma souffrance doit être mise de côté? Pourquoi la mienne et pas celle d'autres personnes?

Dois-je une fois de plus me taire? Le bâillon doit-il être mon seul compagnon?

Nouvelle.

8 novembre 2007 à 23h30

Ça pue la clope. 9m² enfumés... Et en bas, aucune aération. Ça pue!

Les filles m'expliquent un peu le fonctionnement.

Là-bas, tu apprends sur le tas! C'est : démerde toi ou crève! Presque ça! En tout cas, tu as intérêt à te mettre vite au parfum... D'un autre côté, c'est vite fait de se mettre au jus... Voir la journée-type!!!

7 heures du mat' : "Bonjour! Tiens, vous êtes nouvelle vous?" Madame Sandrine vient de faire son tour du matin...

Une journée!

18 novembre 2007 à 22h30

Il faut bouger à 7 heures du matin.

Douche 3 fois par semaine, et ce malgré la canicule.

Sinon, pour la toilette, soit au lavabo, au nez des autres filles. Bassine pour la toilette intime posée sur la cuvette des WC. Pour les WC, deux planches autour pour donner une impression d'intimité!

7 heures du mat', ramassage des poubelles et distribution de l'eau chaude pour le café soluble auquel nous avons droit.

Il faut se préparer au cas où... Où quoi!

Dans la matinée, c'est le "sondage". Les surveillantes viennent taper sur les barreaux afin de s'assurer qu'ils tiennent toujours bon!

Tiens, je ne sais plus à quelle heure on nous apporte le reps: ça doit être vers midi!

Promenade, une heure à tourner en rond dans une petite cour. Il y a eu au début la distribution du courrier.

La lecture de ces lettres, déjà ouvertes, déjà lues, est le seul lien restant avec l'extérieur qui est devenu une autre réalité. Non, même plus une réalité : un mythe!

Le papier, et un crayon nous aide à ne pas oublier qu'il y a autre chose que ces quatre murs.

Boite aux lettres improvisée : une boite en carton qui tient comme elle peut sur un de ces murs. Lettres qui seront elles aussi lues avant de rejoindre l'extérieur.

La journée... Bien longue si on ne fait pas d'activités, si...

Dormir, c'est tout ce qu'il reste à faire! Mais comment faire quand on est quatre en cellule et que le matelas se retrouve au milieu, non sur le seul espace où on marche???

La chaise est la solution, tête posée sur la table. Des rêves... Plutôt des cauchemars!

Et après...

10 décembre 2007 à 10h50

J'ai été incarcérée trois mois, pour une relaxe au bout.

C'était il y a deux ans. J'en souffre encore beaucoup aujourd'hui.

Juste dire que la présence pendant est importante, mais elle l'aitout autant quand on sort.

Quand je suis sortie... Je n'avais plus personne. Aujourd'hui j'erre sans cesse dans la solitude.
Aujourd'hui j'aurais besoin de ne pas être seule... Et pourtant, tous ceux qui étaient là pendant ont estimé que je n'avais plus besoin d'être entourée maintenant que je suis dehors.

Dedans, on n'est pas seule réellement. Dehors, si.

La solitude me pèse fort, fort. Çà fait mal. La prison est aussi dehors.