Céleste

Un journal de Journal Intime.com

Archive du journal au 14/01/2017.

Sommaire

De profundis clamavi

17 mars 2013 à 3h07

"J'implore ta pitié, Toi, l'unique que j'aime, Du fond du gouffre obscur où mon coeur est tombé. C'est un univers morne à l'horizon plombé, Où nagent dans la nuit l'horreur et le blasphème;"

Et qu'ai-je crié?

Cher journal,

Peut-être devrais-je ajouter, cher journal numéro tant. Tu n'es, en effet, pas le premier malheureux tissu électronique à tomber entre mes mains. Ils furent au bas mot une dizaine. Tous commencés, tous inachevés. Voici un des traits de caractère qui me déplaît le plus chez moi: cette attitude négligente, désinvolte vis-à-vis des choses qui me concernent et qui sont susceptibles de m'apporter quelque chose, de me faire du bien. Comme si je refusais d'avancer.

Et qu'ai-je crié?

J'ai décidé, il est vrai, de donner à chaque "écrit", un intitulé qui serait le plus fidèlement possible, un reflet de l'état d'esprit dans lequel je viens me jeter dans le fleuve de mon âme. Ce sera plus organisé ainsi, puisque le but de cette entreprise est de tenter une approche de la chose la plus floue et la plus insaisissable de l'univers, autant y mettre de l'ordre dès le début.

Et qu'ai-je crié?

En l'occurrence, Baudelaire m'est apparu tout indiqué. Pour que je revienne écrire ici, alors que tant de mes projets de journaux ont été avortés, il faut que mon mal être ait été encore plus insupportable, et le chancre qui infecte mon cœur encore plus purulent que de coutume.

Il faut que je me rende à l'évidence: je souffre, constamment. Je suis mal dans ma peau. Je suis troublée, angoissée, j'étouffe, je fais des crises, je suis insensée, hystérique. Je ne suis absolument pas stable psychologiquement. Si je ne devais garder qu'un trait de caractère, je crois que le terme "angoissée" serait parfait. Voilà, ça c'est ma grande spécialité, prendre trop à cœur ce qui ne le mérite pas, et m'en rendre malade. Et bien souvent, pour pas grand chose, ce qui me met après coup dans un état d'esprit encore plus amer (si bien sûr, c'est possible).

Et qu'ai-je crié?

Le plus paradoxal dans cette histoire, c'est que, comme tant d'autres choses, cet aspect là de ma personnalité est des plus secrets. Si, si. Comment est-ce possible, journal, me demandes-tu? Comment peut-on rater cette jeune fille qui pourtant porte tant de mal-être dans ses yeux, qui pleure la nuit, et dont le cœur n'est plus qu'une plaine desséchée où souffle un vent glacial?
C'est de ma faute. Et certainement est-ce de la leur aussi. Je ne vais pas jouer les Caliméros, je n'en ai pas les moyens.

Actuellement, je bénéficie de tout ce qui est matériellement nécessaire pour être heureux. J'ai un foyer, équipé des technologies de pointe modernes que comme tout Français moyen nous avons. J'ai les moyens de partir en vacances, de sortir à ma guise, d'une manière générale de me déplacer comme je veux. Je fais des études aussi, dans une filière qui fait l'admiration de beaucoup, et où je ne m'en sors pas trop mal. J'ai une famille, des parents qui, je crois, ont beaucoup d'affection pour moi. Toute une fratrie aussi d'ailleurs, qui éprouve les mêmes sentiments. Des amis, plus ou moins proches, en nombre suffisant pour que je puisse avoir le luxe d'en rapprocher certains comme d'en répudier d'autres.

Au regard de ces faits journal, tu te dis "Elle a tout ce qu'elle veux, de quoi, de quel malaise peut-elle se plaindre?"

Et qu'ai-je crié?

Sur ce point, je suis d'accord avec toi. Pas plus tard qu'aujourd'hui, j'étais sur le site de Médecins Sans Frontières, que je soutiens du mieux que je peux, avec les dons que mes parents m'autorisent à faire, et j'ai encore eu l'occasion d'observer ce que signifiait le désespoir et la détresse humaine à grande échelle (les photos de la Syrie abondent en ce moment, et certaines pourraient paraître particulièrement poignantes). Je sais que je ne devrais pas me plaindre. Que je ne dois pas me plaindre.

Et pourtant, journal, malgré ce faste apparent, malgré cette apparence de bonheur, comédie humaine que je suis obligée de jouer tous les jours, j'éprouve une détresse infinie, l'impression d'être plongée au fond d'une abîme, loin, très loin de la lumière.

ET QU'AI-JE CRIE?

Du fond de l'abîme, j'ai demandé au ciel:Qui suis-je?

J'ai interrogé les étoiles: Que fais-je?

J'ai harangué les nuages: Où vais-je?

J'ai apostrophé le temps: Quel est le but de mon existence?

Pourquoi vivre si l'on est condamné à mourir? Dieu existe-t-il? Et le Diable? Y-a-t-il quelque chose qui justifie la Vie? Une raison de vivre propre à chaque être humain? Le monde existe-t-il? Est-ce un rêve? Si tel est le cas, quel est son but? Quel est mon but? Pourquoi vivre, accomplir, sentir, si la finalité est la même pour tous? On dit que la mort donne un sens à la vie, dans ce cas quel est-il? Y a-t-il un plan? Un schéma type? Une ligne de conduite précise à suivre, un itinéraire pour chacun? Le même pour tous?

Qui suis-je?

Je mène une vie tellement contradictoire, avec si peu de repères, que je me suis perdue.

Qui suis-je?

Cette question tourne en boucle dans ma tête, elle m'assaille dans les moments les plus noirs, aux heures les plus sombres et les plus froides de la nuit, elle me guette dans l'ombre et se jette sur moi en furie. Elle me fruste, journal, vois donc: je n'ai pas la réponse.

Qui suis-je, où vais-je, que fais-je?

Je suis une personne tellement contradictoire. Le rôle que je joue le jour est semblable au soleil. Extérieurement, je suis le bonheur incarné. Un véritable feu follet, bout-en-train. Mais ce n'est qu'un rôle. Un jeu. Une illusion. Un mensonge. Chaque moment de solitude me le démontre. Chaque fois que je me retrouve face à moi-même me démonte.

Parce que malgré tout ce que je possède, malgré tout ce que je sais, malgré toutes les options que j'ai, tous les choix possibles, tout ce que l'on peut désirer et que j'ai, je ne suis pas heureuse.

Comment "je" pourrais être heureux, si "je" ne suis pas bien définie?

Qui suis-je?

Cette question me harcèle. Elle me torture. Plus le temps passe, plus j'ai l'impression de me réduire à une carapace automatisée. J'ai peur, journal, j'ai peur car je me perd. Tout ce qui est relatif à ma personnalité me semble brouillon.

Cette question prouve un grave trouble, une grave méconnaissance de ma personnalité.
Elle me dérange, parce qu'elle a des incidences sur mon quotidien. Pas encore suffisamment pour que j'en ai des ennuis, pas suffisamment pour bouleverser ma vie.

Et c'est bien ce qui me dérange. C'est un nœud. Elle me bloque. Je me sens cadenassé. J'ai l'impression, du haut de mes jeunes vingt ans, de ne pas avoir vécu, parce que cette question m'a toujours accompagné. Vis-je pour moi ou pour les autres?

J'ai le sentiment que si je réussi à répondre à cette question, où ne serait-ce qu'à approcher la vérité, qu'à dénouer mon esprit, je pourrais enfin avancer sereinement, renouer avec la paix intérieure.

Car je le répète, je suis affreusement torturée. Si tu savais, Ô, journal! toutes ces nuits que je ne compte plus, aux heures les plus sombres, aux heures des ombres, les torrents de larmes que j'ai versé. Si tu savais, à quel point à l'intérieur, je me sens froide et vide. A quel point je souffre. Comme je doute et désespère.

Pourquoi ne vais-je pas me confier à mes amis, me demandes-tu, puisque j'en ai?

C'est vrai, j'ai des amis. Et ce sont des personnes extraordinaires, je ne vais pas le nier. Je me refuse à déformer quelle que vérité que ce soit ici. Ils sont mes amis. Mais ils sont humains. Et le propre de l'être humain, c'est tout de même d'être doté d'un certain égo.
Et cet égo pousse fatalement l'homme à parler de lui, encore, sans cesse, et toujours. En général je ne parle pas de mes problèmes tout simplement parce que les gens sont trop accaparés par les leurs pour savoir écouter ceux des autres. Oh, bien sûr, ils m'écouteraient si j'abordais le sujet spontanément. Mais les choses sont tels que plus le temps passe, plus je deviens renfermé. Je ne dirais rien, sauf si on me le demande.

Je me suis même surprise, parfois, à attendre la question. Ce fameux "Et toi?", qui en général, suit un déballage plus ou moins conséquent de problèmes pour la personne concernée.

Eh bien le problème de ce fameux "Et toi?", c'est qu'il est une formule conventionnelle, qui appelle à une réponse conventionnelle. Réfléchis, journal. Quand une personne a un problème, elle va suivre les conventions et se contenter des formulations polies prévus à cet effet. Il est très très mal vu d'enchaîner à cette question par un problème personnel. Parce que la personne en face, même inconsciemment, se frustre, parce que son intérêt à elle est de revenir le plus rapidement possible à l'épanchement de ses soucis. Plus vite la conversation se recentrera sur elle, plus elle en sera heureuse. Plus elle vous estimera, aussi, alors qu'au final, à part écouter on ne fait pas grand chose.

Avoir une grande oreille est peut-être une qualité, je n'en sais rien. Mais quand les choses ne sont pas réciproques, crois-moi, ça n'aide pas à aller mieux.

Quand au final, on a l'occasion d'y aller franchement et de parler de soi, il est déjà trop tard. Les choses se sont soit accumulés trop rapidement, soit résolues trop rapidement pour que l'on saisisse l'occasion d'en parler. J'ai du mal avec les gens qui arrivent après l'heure convenable. Quand l'heure est passée, j'estime qu'il est trop tard pour revenir dessus, le temps suit son cours, et c'est comme ça.

Plus j'écris, plus je me rend compte que le travail à opérer sur ma personne, va être titanesque. Je te préviens, journal, qu'ici je ne compte pas parler de ma vie de tous les jours, des petits incidents insignifiants qui l'affectent. Je veux me concentrer sur ma psyché, sur mon âme, mes sentiments, je veux tenter de m'atteindre le plus possible. Comme je te le disais plus haut, j'ai vraiment besoin d'y voir plus clair dans ma personnalité. Et puisque personne ne peut m'y aider, je vais y aller moi-même. Un voyage intérieur que je vais entamer seule.

Intus et in cute,

Profondément et sous la peau.

"Je", me voilà.

Insomnia

18 mars 2013 à 1h11

Mais, au milieu des nuits, s'éveiller ! quel mystère ! Songer, sinistre et seul, quand tout dort sur la terre !

Cher journal,

J'ai bien failli craquer. En quelque sorte, j'ai craqué. Je me suis dis que finalement, tout cela n'en valait peut-être pas la peine. Me sonder pour tenter de dénouer les nœuds, tout simplement pour me faire du bien, je me suis dis que ça n'en valait pas la peine.

Que je n'en valais pas la peine.

Et sur le fond, à quoi bon? Est-ce qu'une telle mesure pourra me permettre de repousser la mort? D'y voir vraiment plus clair? Est-ce que venir écrire ce qui me meurtri me permettra de dormir à nouveau le soir? De chasser les sombres songes qui m'assaillent en ces heures d'ombre?

C'est une chose vraiment curieuse que l'enveloppe corporelle. Pour ma part, j'ai tendance à oublier la quasi totalité de la journée que j'ai un corps. Vraiment. Pourtant, quiconque me verrait à table, avec mon comportement quasi-boulimique, mettrait en doute cette affirmation.

C'est vrai, j’éprouve un besoin compulsif de manger. Je mange, me gave de sucre, de choses malsaines toute la journée. Tout ce qui est susceptible de me procurer une courte sensation, fantôme d'une saveur en bouche, est prétexte à tablée. Et pourtant, journal, tu ne dirais pas. En me voyant, tu n'y croirais pas. Pour commencer, mon corps, encore jeune, me maintient une très belle ligne. Ensuite, et je dirait même, surtout, personne ne voit jamais manger dans ces moments. C'est l'une de mes névroses les mieux cachées, je l'avoue. Parfois, des invités interrogent ma mère sur ma silhouette, et elle leur répond que je ne suis pas une grande mangeuse. Oh, oui, c'est vrai. Pas devant vous.

Je parlais de névrose, car à mes yeux c'en est une. Techniquement, je n'ai pas besoin de manger beaucoup pour me remplir l'estomac et avoir de l’énergie. En l’occurrence, tout est psychologique. J'ai l'impression que quelque chose me manque quand je ne mange pas. Une désagréable sensation de vide. Tu parles de manque affectif, journal? Voilà qui est fort probable. Je m'en accommode comme je peux.

J'ai tenté de corriger ces mauvaises habitudes, en focalisant par exemple mes pulsions sur quelque chose qui ne me ferait pas courir de risque. Le chewing-gum, les boissons chaudes à bases d'eau et de plantes. Mais rien n'y a fait.

La conséquence, c'est que je suis dans une situation dans laquelle je maltraite mon corps. Encore, sans cesse, toujours, et ce presque inconsciemment. Du temps où je faisais du sport déjà, j'avais appris à ignorer la douleur. Mais dans l'effort physique, cela est différent. Il s'agit de pallier que l'on franchit pour pourvoir accéder à un autre stade de liberté. Résister à la douleur que me cause mon corps maltraité en l'état ne relève pas du dépassement de soi.

C'est du masochisme. Ou du jeanfoutisme. Je préfère encore croire que c'est de la lâcheté.

Je ne sais pas si je dois attribuer ça à mon tempérament plutôt rêveur. Je suis une personne très détachée de la réalité, la tête dans les nuages ou dans les étoiles, selon les circonstances. Au moment même où je t'écris tout petit, je suis d'ailleurs entrée dans une sphère intellectuelle qui me fait tout oublier autour de moi, ainsi qu'en moi. En à peine quelques minutes, et pendant à peine quelques minutes, j'ai oublié que mon bras gauche me lançait, crispé depuis une mauvaise chute cette semaine, que m jambe droit s'était endormie, et que mon estomac était douloureux.

Chaque retour à ma réalité matérielle est douloureux. Si je quitte mon domaine intellectuel, je retourne vers un "monde" où je serais dans un état lamentable. Je vais avoir froid, ou faim. Je serais fatiguée, irritée. Je me retrouverais au milieu de ces personnes que je déteste, mais que je dois supporter malgré tout, malgré moi. Une douleur dans une articulation, un sentiment qui refait surface. Être soumis aux affres de son corps est une chose terrible.

L'enveloppe charnelle est une prison.

Je suis révoltée contre cette réalité. Elle me fait souffrir. Mon corps me fait souffrir. Alors, je l'ai délaissé, et je n'en ai plus pris soin.

Pourtant, journal, comme ce retour te le montre, je suis là pour changer, non? Il doit bien y avoir une solution pour faire en sorte que le corps et l'esprit forment ce duo harmonieux qu'ils sont sensés être? Un compromis existe-t-il? Puis-je mettre l'un au service de l'autre? Comment?

La ligne de conduite à adopter.

Voilà encore un problème, et de taille. Quelle est la ligne de conduite à adopter? A qui dois-je me fier? A mes parents? A un Dieu? A un quelconque écrit? A une idéologie? Une doctrine philosophique? Dois-je rechercher les réponses moi-même, au risque de me tromper et de tomber? Les chutes nous apprennent à nous relever pourtant...

En général, les gens ont été élevés par quelqu'un, ou en suivant la ligne de quelque chose. Ce qui leur permet d'agir de façon constante, en accord avec le mode de vie qu'ils ont choisis.

Dans mon cas, c'est différent. Je suis une autodidacte en la matière. Mes parents m'ont délaissées. Qui, quoi, comment, c'est l'histoire d'une vie et elle n'est de toute façon pas importante, les faits sont là. Et je n'ai pas eu de grand-parent ou de parrain charismatique, qui aurait compté plus que tout pour moi, pour me doter des armes nécessaires pour affronter le monde, et me donner l'amour et la confiance dont j'aurais eu, dont j'ai tant besoin.

Mon modus operandi consiste donc à agir en fonction de mes intérêts. Pas toujours. Malgré moi, encore une fois, je suis un incurable cœur tendre. Tiens, voilà encore quelque chose qui en étonnerait plus d'un, de savoir à quel point je suis une personne sensible et fragile. Personne ni croirait. Quoi, Céleste? Impossible! Tellement auguste et forte, qui pourrait y croire?

(NB: Céleste n'est pas mon vrai prénom, journal. Puisqu'il faut se choisir une identité spirituelle, considère que c'est le nom que je donne à mon âme. Pas à mon alter ego, à mon âme.)

Je cherche toujours cette ligne spirituelle, ce faisceau dans la nuit du Haut Monde, phare des âmes égarées.

J'ai pensé à la religion. Mais, et j'y reviendrais dans une autre analyse, mon essai en la matière ne fut pas concluant.

J'ai cherché des réponses dans des textes philosophiques. Je crois que cela mériterait également une analyse. Je ne voudrais pas gâcher ma réflexion en avançant trop vite.

Demander conseil à quelqu'un...je n'ai personne. Comme je te l'ai expliqué, je ne suis pas une personne malheureuse et esseulée, au contraire. Mais quand bien même je suis considérée comme une amie par toute une foule de personnes extraordinaires, aucune ne parvient plus à me toucher.

Mais c'est une autre histoire, un autre écrit.

Je crois que mes forces me quittent peu à peu. Cela me fait toujours du bien de me vider l'esprit. Pourquoi nous protégeons nous toujours de ce qui nous fait du bien?

Personnes charnelles et tellement stupides que nous sommes.

Humains.

C'est peut-être ma première vraie leçon.

Bonne nuit

Céphalée

24 mars 2013 à 13h37

Holidays, oh holidays, de l´avion, l´ombre prend la mer, la mer comme une préface, avant le désert. Que la mer est basse. Holidays.Holidays, oh holidays, tant de ciel et tant de nuages, tu ne sais pas à ton âge, toi que la vie lasse

Cher journal,

J'ai un mal de crâne épouvantable. Que je soigne comme je le peux, comme tu le constates certainement, en écoutant les vocalises de Polnareff sur "Holidays". Cette chanson, je ne l'ai plus écoutée depuis 10 ans. Quelle erreur, c'est une merveille, un bijoux, apaisante, mélancolique.

Les origines de mon mal de crâne, dis-tu? Je me soupçonne d'avoir trop dormi. Encore.
J'ai ce problème, en effet. Je refuse d'aller me coucher, pourtant je sais que j'ai besoin de dormir énormément pour être, même pas en forme, mais de bonne humeur. Etrange, hhm?

Mais je ne peux pas me résoudre à dormir, journal, te rends-tu compte? La nuit m'appelle! C'est la seule période de la journée où tout est calme, tranquille, silencieux, endormi, frais. Je trouve l'ambiance particulièrement propice à la vie, étrangement. A la vie artistique à plus forte raison.

Je n'aime pas le soleil. Je m'en cache, je me réfugie à l'ombre dès qu'il pointe le bout de son nez. Je me sens à découvert quand le soleil est là, non protégée. Tandis que la nuit est parfaite. L'éclairage n'y est pas trop fort, rien d'autre que la lune et les étoiles comme guide. Et la couleur du ciel la nuit, journal, oh! Les douces nuits d'été, fraîches sans être froides, as-tu déjà contemplé le ciel d'une de ces nuits? Il est resplendissant. Toutes les constellations sont sorties, des étoiles à pertes de vue qui me forcent à rester le nez collé vers le ciel. Et je me donne le tournis à tenter de toutes les avoirs dans mon champs de vision.

Être allongé à terre un soir d'été, contempler les étoiles, et ne penser à rien d'autre. Le bonheur.

Et la couleur du ciel? Un vrai bleu de nuit, à la limite entre le bleu marine et le noir d'encre. Je met très difficilement des mots sur ces choses là, journal: tu devras t'y rendre et constater par toi-même.

Tu vois, journal, cette vision idyllique a un peu atténué mon mal de tête. Ou du moins, elle me l'a fait oublier quelques temps. Quelles sont les origines de ce mal de tête, donc?

Je l'attribuerai principalement à un mauvais rythme de sommeil, donc. Hier, levée tôt. Sieste toute l'après-midi. Couchée à quatre heures du mat'. Mouais, y'a mieux comme rythme. En semaine, je n'en parle pas. Je dors cinq heures par nuit, mais c'est rarement par choix. Encore que ça ne soit pas pour les mêmes raisons, c'est le boom universitaire passager du moment, celui qui précède toujours la période des examens, où, paradoxalement, tout est beaucoup plus calme.

J'avoue que j'ai du mal à me comprendre à ce niveau là. Le matin, en me réveillant pour aller en cours, même si j'ai beaucoup dormi, je suis de mauvaise humeur. En rentrant le soir, je suis fatiguée. Je ne pense, la journée, qu'à retourner chez moi et à aller me rendormir. Sauf qu'une fois arrivée à la maison, je me maudit mille fois de ne pas être restée plus longtemps travailler à la bibliothèque. Tu sais à quel point je hais l'ambiance de cette maison, journal. Même maintenant, alors que tout est calme et la maison presque vide, je ne me sens absolument pas à l'aise. Il y a quelque chose de malsain, de pourri dans cette maison. Comme une vie de famille restée trop stagnante pendant des années, sans qu'il soit désormais possible de faire un retour en arrière. Mais j'y reviendrais un autre jour, dans un autre écrit. Pour l'heure, j'ai mal au crâne, et un sujet comme celui-ci ne ferais que rajouter à mon céphalée.

Je cherche donc mon rapport au foyer. Qu'est-ce que le foyer, ma vision de l'idéal, sa place dans mon imaginaire? Ai-je atteins une forme d'équilibre? Suis-je trop vieille pour rester chez papa-maman? Une fois partie, les choses iront-elles d'elles-mêmes comme je le souhaite si ardemment? Pourquoi une fois partie, je ressens le besoin urgent d'y revenir le plus vite possible? Est-ce de la culpabilité? De la lâcheté? Aurais-je si peur de l'Autre et du mon Extérieur?

Il est vrai qu'une fois rentrée, une fois mon armure de Chevalier retirée, il ne reste que moi sous la coquille: Céleste, et personne d'autre. Céleste, petite, minable, apeurée et esseulée, lâche et angoissée comme personne ne la connaît et ne la connaîtra vraisemblablement jamais.

Remarque: Céleste est un avatar que je me suis choisie, mais il ne me convient pas. C'est donc susceptible de changer à tout moment. Allez, allons essayer de vivre un peu, maintenant...

Ankaa

26 mars 2013 à 17h49

« Le feu qui semble éteint souvent dort sous la cendre. »

Cher journal,

Je me sens mal. Comme d'habitude...Journal, j'ai l'impression de ne rien faire correctement. Tous les engagements que je prend, ou que j'essaie de prendre, à longue ou courte durée, je n'arrive pas à les tenir. Du plus simple, au plus compliqué, en passant par le basique.

Ah non, tu ne me crois pas? Faut-il que je t'expose les multiples exemples qui te prouveront le contraire?
Alors laisse moi te parler de mon incapacité chronique à arrêter de me ronger les ongles, en bonne stressée que je suis. Je me les ronge parfois si fort que j'en ai mal après. Si je t'en parle maintenant, tu te doutes bien que ça n'est pas anodin: j'ai les doigts en feu au moment où je tape sur ces touches.

Pourtant, je n'en ai pas besoin. Je veux dire, mon cœur ne va pas cesser de battre si je n'ai pas ma dose de kératine quotidienne.

Pourquoi me mes-je dans des états pareils? La journée a pourtant été idyllique jusqu'à présent, alors pourquoi?

Et il y a aussi cette tendance, chez moi, si fortement marquée qu'elle en devient un trait de caractère, à fuir et repousser les échéances, jusqu'à ce que j'en sois personnellement menacée. Je n'exagère rien, Journal, d'ailleurs je vais te dire: c'est l'une des causes de mes ennuis.

Si je pars du principe que je fais ce que j'ai imaginé, au moment opportun, de façon telle que je l'ai prévue, alors il n'y aurait jamais de problème. Lire ceci, réviser cela, parler à, appeler tel. Je n'y arrive pas. Au moment d'y aller j'ai peur; Non, c'est faux, pardon.

Au moment d'agir, je n'ai pas peur, j'ai froid.

Névrose, psychose? Je ne sais pas, mais ça n'en est pas moins étrange. Au travail, Céleste. Froid. Allez, il faut aller les retrouver, maintenant Céleste. Froid.

Jusqu'à ce que ce froid mordant soit remplacé brusquement par un énervement extrême, allant jusqu'à me faire bouillir de rage envers moi-même pour ne pas avoir agit plus tôt.

On parle de procrastination, mais ça n'est pas ça pour moi. Il ne s'agit même pas de me dire "Je le ferais demain". Dans mon cas, c'est carrément un élément que je vais occulter de mon esprit. Oui, pouf! Comme ça, et ça a disparu. Ce n'est pas sain.

Je crois t'avoir déjà parlé de mon rapport à la réalité, toujours biaisé. J'ai l'impression constante d'être entre deux mondes. Entre la caverne, de Platon, le monde des ombres qui se reflètent des lumières extérieures, et dont je devine, et dont je sais pourtant qu'elles ne sont pas réelles et pas souhaitable. Pourtant je me laisse berner, pire, je m'entraîne volontairement vers elle. Et délaisse de plus en plus ce passage vers la lumière, vers la chaleur extérieure des hauteurs de l'esprit. Je crois que là, pour le coup, j'ai peur de ce que je pourrais trouver à la lumière.

Car vois-tu, je suis d'un tempérament passionné. Pas colérique: passionné. C'est pire, vu tout ce que ça entraîne.

Mais si, observe donc. La passion rassemble plusieurs notions. Celle dont je te parle est le feu intérieur qui couve chez les gens comme moi. Il suffit que je prenne goût à quelque chose, du plaisir dans une activité, de l'affection pour une personne, et cela déclenche les plus grandes des émeutes incendiaires dans mon esprit. C'est une véritable débâcle d'émotions: l'envie, l'adrénaline, la curiosité jusqu'à l'avidité, le dévouement jusqu'à la dévotion, la loyauté jusqu'à l'abnégation, l'amour jusqu'à l'aveuglement. Tu constateras que ces traits de caractères sont infiniment moins dangereux quand ils sont portés vers une chose matérielle, plutôt qu'une personne physique. J'en ai, maintes fois, fais la douloureuse expérience. Le problème avec un caractère comme le mien, c'est que l'on prend les choses trop à cœur. Ce qui ne manque pas de nous apporter des déceptions, parfois terribles. Eh oui, je suis comme tout le monde, je fais partie des gens blessés.

C'est d'ailleurs peut-être, tant que j'y pense, une blessure récente qui m'a "refroidie"? Penses-y, journal, quelle jeune personne brillante et solaire j'ai pu être jusqu'à il y a encore peu. C'est fou ce que le vie paraît facile, quand on a la personne qu'il faut à ses côtés. Quand le lien s'est brisé, quelque chose s'est aussi brisé en moi. Mon cœur était un brasier dévastateur. Puis il a été éteint, et ne reste plus que des cendres, froides cendres, mélancoliques.

Je ne désespère pas, cependant, journal. Après tout, je suis Céleste. Ma voûte abrite le Phénix. Je suis peut-être en quête d'une renaissance avant de chercher une raison de vivre. Je sens que le feu n'est pas totalement éteint. Il est étouffé sous la poussière, mais il n'a pas disparu. Comment le sais-je? Une fois sortie de la profonde dépression dans laquelle il m'a plongée (et dont personne n'a jamais rien su, note la maîtrise que j'ai de mes émotions en public), j'ai pu constater que cette passion, que je rapproche de la gamine enjouée que je fut autrefois, qu'une fois que j'avais atteins le plus bas niveau de tristesse, qu'il me restait quelque chose auquel me raccrocher. Je suis sûre de pouvoir raviver les braises.

Mais je suis également très lucide. Je n'y arriverais pas toute seule. Il y a encore quelques temps, je ne le comprenais pas. Je me demandais pourquoi je n'y arrivais pas, et c'est très limpide. Il me faut un soutien, une personne spéciale, complémentaire.

Là encore, je suis devenue après cet évènement, froide avec les gens autour de moi. Oh, non journal, pas dans ce sens là. D'une manière générale, je suis solaire. De bonne humeur ,agréable, spontanée. D'apparence. J'ai des amis formidables, mais pour qu'ils soient considérés comme tels, le processus a été long. Et il n'est pas encore complètement achevé, parce que j'ai toujours cette part de réserve, cet intimité que je ne lâche plus et qui distingue les relations que l'on a entre simples camarades et amis véritables.

Je n'arrive plus à m'ouvrir comme avant. Depuis que je me suis rendue compte que s'ouvrir signifiait également se rendre vulnérable, augmentait le risque de se blesser.

Pourtant c'est tellement merveilleux.

Pourtant c'est tellement douloureux.

Ais-je fais mon deuil de cette personne? Ais-je vraiment accepté de ne plus l'avoir dans ma vie? Ce lien qui nous unissait, l'ais-je complètement rompu? Les souvenirs sont inaltérables, je n'y peux rien. Je n'ai que de bons souvenirs avec lui. C'est ce qui rend la séparation encore plus intolérable, même si elle n'est qu'à moitié de mon propre fait. Non, je ne perd pas le Nord, en effet...

J'ai toujours froid. J'espère un jour, pour redevenir cette magnifique personne. Alors peut-être dans le ciel, y aura-t-il une nouvelle étoile sur le Phénix.

Ignis

17 mai 2013 à 16h51

Les idées que les ruines réveillent en moi sont grandes. Tout s’anéantit, tout périt, tout passe. Il n’y a que le monde qui reste. Il n’y a que le temps qui dure.

Cher Journal,

Cette citation, prélevée sur un texte de Diderot contemplant des ruines, m'a toujours à la fois horrifiée et fascinée.

N'est-elle pas atemporelle? Ne vois-tu pas les mots se détacher de la phrase un à un et s'élever, hauts dans le ciel? Le Temps est au-dessus de tout, il nous contemple, railleur, tout en tapotant contre les aiguilles de son horloge monstrueuse en un angoissant "Tic-Tac". Vu comme ça, on comprend aisément que Baudelaire l'ait pris en grippe.

Pour moi ces mots sont représentatif du monde des Hommes, où tout est condamné à devenir ruines et poussières, avant même d'avoir commencé. On ne se soustrait pas au joug du temps. Les choses matérielles se fissurent puis s'effritent.

De ce constat, pourquoi les gens s'évertuent-ils à rechercher la jeunesse éternelle à tout prix? Les opérations de chirurgies, les maquillages en trompe-l’œil coûteux, jusqu'à martyriser le corps pour qu'il retrouve la silhouette filiforme des enfants de 10 ans, dans une course effrénée pour remonter sans cesse le temps à l'envers. Ça ne sert à rien. Nous sommes tous des ruines en devenir, et quand le terme arrive, pour nous ou nos proches, ne dois pas nous empêcher d'avancer.

On ne peut pas inverser la courbe du temps. Le tas de gravats qui jonchent les collines Grecques ne redeviendra pas le splendide temple qu'il était autrefois, aucune tricherie, aucune technologie, aucun miracle ne le permettra.

Nous sommes physiquement limités. Faibles de constitutions parmi les animaux dominants, notre supériorité est issue de notre intelligence. Celle-ci nous permet de communiquer, de créer, d'édifier, d'imaginer, de penser. Seules les idées sont éternelles, inextinguibles. Elles se transmettent de génération en génération, symbole d'une volonté qui se perpétue.

Le sentiment que je ressens à la lecture d'une œuvre, ou lors d'une performance de dessin, secoue mon âme au plus profond de ses fondations. Je me sens renaître. Je me sens vivre. Et quand j'écris, mes veines sont en feu, mon sang en ébullition réchauffe mon âme.

Journal, quand j'écris, quand je dessine, quand je rêve, quand j’apprends et pense, je n'ai plus froid. Je n'ai plus peur. Je n'ai plus de limites, l’aliénation tombe.

J'ai compris pourquoi depuis quelques deux années je me sentais si mal. Je ne suis pas à ma place dans l'activité qui est la mienne aujourd'hui. Je me suis enfermée dans un carcan qui ne me correspondait pas, tout en pensant le contraire, comme si l'avis des gens autour de moi était la vérité. Quelle, mais quelle erreur! Moi qui me targuait d'avoir un sens de l'observation aigu et un jugement clair, j'ai faillit. J'ai oublié. J'ai oublié Socrate, Platon, Aristote, Arendt. J'ai délaissé Montaigne, Rousseau, Staël. J'ai tourné le dos à Nietzsche. J'ai piétiné les Stoïciens. Je me suis reniée. Je suis tombée très bas.

Essayer de plaire aux autres n'était pas une démarche logique et raisonnable de ma peur. Je pensais que mes malheurs venaient du fait que je sortais trop souvent des sentiers battus, que je n'étais pas conforme à ce qu'on attendait de moi. Par dessus tout, je me suis convaincue que la vie était rectiligne, et que les journées devaient suivre un schéma plat et monotones. Se ressembler les unes après les autres. Et le changement, les imprévus, l’inattendu me frustraient Journal, tu ne sais pas à quel point. Je me suis rendue malheureuse toute seule, ruminant contre mon entourage ma situation. Me dérobant à mes responsabilité, n'assumant que de façade.

Quelle personne froide, morne, lâche, infecte et sans convictions suis-je devenue?

Depuis quand ais-je peur de tordre la réalité pour la soumettre à ma volonté au nom de mes convictions? Quand ai-je commencé à chercher la facilité et l'absence de souffrances?

Je me suis enfoncée loin, dans mon illusion, Journal. Je suis stupide. Mais, aujourd'hui, j'y vois un peu plus clair. Et je vais tâcher de l'être moins.

A commencer par tout remettre en question. Je ne prône pas la révolution brutale, rassure-toi. Le changement pour le changement, dans un but revendicatif, sauvagement mené, sans maîtrise ni juste milieu n'apportera rien de bon. Je progresserais doucement. Avec patience. Beaucoup de patience.

Je laisse ces ruines néfastes, témoins de ma déchéance, dernière moi. Allons, plutôt que de me regarder de travers, aiguise ma plume, et envolons nous à la recherche d'une plus grande Aventure.

Je me sens légère, un peu plus Céleste, aujourd'hui.

Mens sana in corpore sano

16 juin 2013 à 0h46

Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre.

Cher Journal,

Cette semaine, j'ai décidé de reprendre enfin le sport. Bon, d'accord, j'aurais été obligée à un moment ou à un autre de m'y remettre de toute façon, vu que cet été ne va pas être de tout repos, autant mettre toutes les chances de son côté dès le départ et être au meilleur de sa forme.

Aussi loin que je me souvienne, mes parents ont toujours insisté pour que je pratique un sport. Ça a commencé avec la gymnastique, toute petite...puis ce fut le tennis, le tennis de table, le volley-ball, les arts martiaux, etc. Seuls ces derniers d'ailleurs ont retenus mon attention, et des années durant ma salle de sport, avec mes camarades et mes entraineurs, sont devenus des lieux d'habitude, des lieux de refuge.

C'est avec le recul que je suis capable de dire cela. Je dois avouer qu'il a fallut plus d'une fois me forcer à aller au sport. Cela agaçait souvent mes parents d'ailleurs, je n'ai jamais compris pourquoi. Quoique, j'étais une enfant, et tu sais très bien que les enfants détestent être forcés à faire quelque chose, surtout s'ils ne comprennent pas. Au fond, je suis restée ce genre d'enfant.

Les arts martiaux ont l'avantage énorme de muscler le corps sans trop le baraquer. On est à la recherche de l'harmonie, de la souplesse, de l'entente entre le corps et l'esprit, de l'humilité et du respect envers autrui. La fréquence des entraînements et le niveau étaient très élevés, autant dire qu'on n'avait pas le droit à l'erreur. Mais nous étions également des sportifs très soudés. Cela me fait des souvenirs merveilleux. Encore une fois, au moment où j'écris ces lignes, je me sens stupide de ne pas y avoir (re) pensé plus tôt.

Et puis, il y a eu un jour, une blessure. Deux, trois...innombrables, mais bon ça fait partie du jeu. A la énième, la sentence est sans appel: plus de sport jusqu'à nouvel ordre.

Alors j'ai arrêté. Jusqu'à la faculté, je suis devenue complètement sédentaire, ce qui a toujours été impensable pour une boule de feu comme moi. Je n'ai pas fait un seul sport de tout le lycée. Pire, je suis devenue paresseuse. Adolescence et transformations morphologiques accompagnant, ma silhouette ne s'est pas arrangée. Je n'ai jamais eu à souffrir de surpoids, j'ai toujours (difficilement) su m'imposer une limite.

Puis, à la fac', c'est autre chose. Ce n'est plus le lycée qui est situé au coin de la rue, il faut se déplacer, s'organiser. J'ai effectué beaucoup de marche pendant cette période, mon corps a peu à peu recommencé à se sculpter. C'était étonnant pour moi de constater que malgré le temps qui passe, la masse de muscle un jour acquise restait toujours sous la chair, comme une base solide n'attendant que la première occasion pour se manifester.

Mais je n'ai pas su en profiter. Je dois avouer que je mène un niveau de vie assez pitoyable. Je me répète, je le sais. Mais je ne prend pas assez soin de mon corps. J'ai été très ma éduquée, de ce point de vue là, et je n'ai même pas fait en sorte de m'éduquer moi-même. Ce sont de bonnes habitudes qu'il faut prendre, or je n'en ai pas été capable. Crises de boulimie, addiction au sucre, blocage psychologique pour tout ce qui se ramène au sport...

Oui, Journal, tu comprends parfaitement: tout est dans la tête. j'ai longtemps cru que les choses étaient ainsi parce que j'y étais obligée. Que je ne pouvais pas changerl e cours des choses. Que personne ne me laisserait le faire.

Pourtant avec un peu d'audace, de courage et d’honnêteté c'est devenu très facile.

La sincèrité envers soi-même est ce qu'il y a de plus important. Savoir analyser son comportement, reconnaître ses erreurs, apprendre à abandonner l'orgueil, jeter la fierté trop souvent stupide...

Quand j'ai recommencé à courir, je me suis également rendue compte d'une chose: lorsque le corps est en activité, l'esprit reprend contact avec. Tu le sais bien, mon monde est constitué à 96% de matière cérébrale. Je n'ai jamais laissé que très peu de place à mon corps pour s'exprimer. Cela s'est manifesté de diverses façon, de la négligence vestimentaire jusqu'à l'ignorance délibérée de la douleur... J'ai reconnecté ces deux parties de moi, et je me suis retrouvée dans le monde. C'est une sensation à la fois effrayante et merveilleuse.

Effrayante, parce que tout m'est apparu soudainement si clair et si vrai que j'en ai souffert. J'ai redécouvert la misérabiliste de la condition humaine. Corps faible, vie courte, insuffisance mentale, rejet de la réalité. Mes défauts m'ont claqués leurs quatre vérités en pleine face.

Mais ce fut également une espérance merveilleuse, parce que chaque dépassement physique entreprit est un pas de plus vers la guérison. Aller plus loin, faire l'effort, se fixer des objectifs, les réaliser. Au fond, une séance de sport physique et une séance de sport cérébral sont calqués sur le même schéma. Le sport corporel m'est apparu comme une possible transposition des problèmes d'ordre intellectuels que je rencontrais. Mais en même temps ils me sont apparus plus concret, plus réels car directement en contact avec le monde physique. En les déplaçant dans une sphère intellectuelle, je me suis rendue compte que les schémas étaient les mêmes. Alors si mon corps est capable de progresser, pourquoi pas mon âme?

L'harmonie entre les deux doit devenir complète pour monter vers le bien être. J'ai l'impression de tirer mon âme vers le haut.

Bien sûr, il y a encore énormément de progrès à faire. Arrêter le sport pendant si longtemps et le reprendre si brusquement...Récupérer mon niveau a un prix.

Et l'air de rien, même une simple course à pied demande de l'organisation. Une bonne alimentation, pour ne pas être gêné pendant l'effort parce qu'on aurait trop mangé (erreur faite pendant ma première séance. J'ai littéralement compris ce que voulait dire l'expression "avoir l'estomac au bord des lèvres"). Des cheveux attachés afin qu'ils ne perturbent pas le mouvement du reste du corps, qu'ils ne se glissent pas devant les yeux ou viennent chatouiller le visage. Être bien hydraté. A mon grand étonnement, je me suis rendue compte que se laver les dents avant de partir n'était pas des plus malins non plus: cela laisse la bouche sèche et pâteuse, déconseillé lorsque l'on s'en va sans sa bouteille d'eau.

Des progrès dans la pratique de la course elle-même doivent être faits. La gestion du rythme de la course, notamment sa progression, qui doit aller crescendo pour un maximum de performance, et non pas aller de mal en pis. Le contrôle du souffle, très importants si on ne veux pas s'arrêter tous les cinquante mètres. Et la liste est très longue, si longue...Mais qu'importe. Je veux m'en souvenir, sinon je vais oublier que je peux encore apprendre.

Je veux également me souvenir du sentiment de félicité, de fierté, éprouvé à chaque fois qu'un objectif est atteint. L'association du corps et de l'esprit, c'est une victoire contre soi-même.

C'est donc la plus belle, assurément.