J'ai perdu un proche fin janvier. Un suicide. J'ai découvert le corps.
Dit ainsi, cela parait un peu cru. C'est pourtant fidèle à la réalité.
Presque deux mois après, quel constat?
J'ai lâché mon boulot sur un coup de tête, avec fracas, en claquant la porte. Je n'ai aucun regret. Je n'y étais pas pas respectée, la besogne était inintéressante et ennuyeuse au possible et je devais supplier mes supérieurs pour avoir mon salaire.
Après avoir découvert le corps, je n'ai plus eu le courage de supporter cette ambiance désastreuse. Et c'est plutôt une bonne chose.
Je vais devoir trouver un autre moyen de financer ma vie d'artiste.
J'ai quitté mon "mec". Il n'était pas vraiment mon mec. Il est musicien, plutôt médiatisé. Nous l'appellerons Guy. Nous étions follement amoureux il y a quelques mois de cela... Mais... Je me suis lassé de sa notoriété. J'avais l'impression qu'il appartenait à tout le monde plus qu'à moi. Ce qui m'a vexé, alors que je n'avais pas même l'intention qu'il m'appartienne. J'avais le sentiment d'avoir trouvé en lui une âme sœur, une inspiration, il disait voir en moi une muse. J'étais heureuse. Puis il n'a parlé plus que de promo, d'interview, nommant les animateurs télé par leur prénom, jalousant secrètement ceux qui occupent le devant de la scène... Je l'ai trouvé si superficiel. C'est arrivé sans prévenir, je crois que c'était le 12 ou le 13 décembre. Celui que je voyais comme pur, généreux, créatif, m'est apparu superficiel et intéressé... calculateur.
Si ses fans le connaissaient vraiment, je ne pense pas qu'ils l'aimeraient toujours autant.
Après avoir découvert le corps, je n'ai plus eu le courage de supporter cette distance que j'avais instauré entre nous.
Bye bye Guy. Un jour j'aurai peut être le courage de te dire que je te quitte.
Après avoir découvert le corps, j'ai eu peur de ressembler à toutes ces femmes terrassées par la souffrance du deuil, fantomatiques, le regard évasif. Je me suis occupé de moi. Loisirs, décoration, vêtements, soins cosmétiques, massages, coiffure... Faire l'effort de se tenir droite quand la douleur agrippe les tripes. Avoir le regard taquin et le sourire aux lèvres même lorsque le crâne abrite une tempête dévastatrice...
Mon petit frère est mort. Mais je suis vivante.
J'ai l'impression de prendre un nouveau départ.