Mon sac sur mon épaule, j’embrasse une dernière fois ma famille, et je monte dans le car.
Je le parcoure rapidement des yeux à la recherche des filles. Les sièges sont par deux, Agathe et Marie se sont mises à côté, mais elles m’ont gardées le siège derrière elles.
Je m’assois et allume mon MP3. « My Happy Ending », d’Avril Lavigne, démarre. Le car s’ébranle, et démarre. Un dernier signe de la main à ma famille, puis ils disparaissent de mon champ de vision.
Les filles me parlent à travers le siège, mais je décroche vite.
Je suis contente d’aller en Allemagne. Super excité, et tout, faut pas croire. Mais, je ne sais pas, de le savoir dans le même car que moi…Ca me démoralise.
Les premières heures passent, et peu à peu, la lumière décline. Les nuages deviennent d’un rose soutenu, le bleu du ciel s’assombrit, la lune commence à se dessiner.
Je laisse ma tête tomber lourdement sur le carreau froid, et augmente le volume de mon MP3.
Pensées moroses, chansons moroses…
Une nouvelle chanson démarre : «Serre-moi », de Tryo.
Des flash-back de lui et moi me revienne.
Nous deux, assis sur un banc au fond de la cour. Il m’avait fait écouter cette chanson. Personne ne pourra jamais imaginer combien cette chanson a pu compter pour moi.
Sans que je puisse les contrôler, des larmes silencieuses commencent à rouler sur mes joues. Il y a des jours, comme ça, ou je me hais de l’avoir quittée…Maintenant, il est avec elle. Je ne peux m’empêcher de me dire que cette idiote ne le mérite pas. Pourtant, je sais bien que je ne le méritais pas non plus…
Ca va faire un an qu’il me fait la gueule. On s’est réconcilié…En théorie. On s’est même reparlée, pendant quelques jours. Mais ca n’a pas durée. Maintenant, on s’ignore. Je sais que je devrais m’y faire. Que c’est la vie, que je ne peux rien y faire. Mais, je ne peux pas. C’est trop pour moi, je ne peux pas.
- Je ne peux pas…
J’ai murmuré ces derniers mots, entre mes larmes. Heureusement, personne ne fait attention à moi…
- Tu ne peux pas quoi, me murmure une voix.
Je sursaute, et me retourne, pour voir qui à parler. Et là, comme dans un rêve…c’est lui.
- Tu ne peux pas quoi ? me répète-t-il doucement.
Je le fixe dans les yeux. Ils n’ont pas changé. Doré, perçant, comme s’ils essayaient de lire dans mes pensées.
- Je ne peux pas me faire au fait qu’on est plus rien l’un pour l’autre, répondit-je, m’étonnant moi-même. Je ne peux pas me dire que tu me déteste, et qu’on ne partage plus rien. Je ne peux pas me faire à l’idée que maintenant, tu es avec elle, alors qu’encore l’année dernière, elle…
Ma voix se brise, mes larmes redoublent. Je détourne la tête, par pudeur peut être.
Il me prend la main, et me force tendrement à le regarder.
- Manon…
Nos yeux se rencontrent, et je m’accroche au sien comme à une bouée de sauvetage, comme si ma vie en dépendait.
Nos visages ses rapproche, lentement, surement, mais trop lentement à mon gout quand même.
A bout de nerf, je parcoure les quelques millimètres qui nous séparent, et l’embrasse avec désespoir.
D’abord, il ne fait rien, puis, à ma grande joie, il répond à mon baiser. J’entoure son coup de mes bras, le serrant contre moi avec avidité, comme si je voulais le retenir de partir.
Un toussotement se fait entendre, et nous nous séparons, gênée.
C’est Agathe, elle sourit jusqu’aux oreilles, comme Marie d’ailleurs. Elle me fait un signe du pouce et elles se retournent.
Il y eu un silence gênée. Enfin, il parle
- On fait un pendu ?
J’hoche la tête en souriant.
Premier mot, le sien : Je trouve assez facilement : Allemagne.
Deuxième mot, le mien : Pendu ! Kaninchen.
- Eh ! C’est de la triche ! proteste-t-il en rigolant. On n’avait jamais dit qu’on pouvait prendre des mots en Allemand !
- On n’avait jamais dit qu’on ne pouvait pas non plus ! je rétorque en lui tirant la langue.
Il me tire la langue à son tour, avant de susurrer :
- A moi ! Tu vas voir ça…
Troisième mot : A un trait prés, pendu, je dois bien l’avouer. Aufgaben.
- Ah ah, tu fais moins le malin maintenant que j’ai trouvé ! dis-je en rigolant.
Au même moment, la professeur passe, et jette un coup d’œil à notre feuille.
- C’est très bien ! s’exclame-t-elle. Vous vous mettez bien dans l’esprit d’apprentissage !
Quand elle part, ont se regarde, et on éclate de rire.
- Bon, dit-il en reprenant son souffle. A toi.
Je réfléchis un instant.
-Euh…I ? propose-t-il.
Je note.
- « C » et « H » ?
Je note.
-« L », « O », « A » et « E » ?
Je note deux barres de pendu. Il ne reste plus que quelque lettre, et…Mon mot est parfaitement compréhensible.
ICH-LIE**-*ICH
Il fixe la feuille, et la prof crie :
- On éteint ! Sinon, demain, vous serez mort !
Je range précipitamment les feuilles, rallume mon MP3, et colle ma tête contre la vitre. Maintenant, il fait nuit noir, mais on voit la pluie tomber. Les goutes se collent à la vitre, se sépare, puis se rejoigne, et finissent écrasé contre le rebord…J’en étais sur, j’aurai jamais du écrire ça. Mais qu’est-ce qu’il m’a pris ?!
Il me tapote l’épaule.
- Qu’est-ce qu’il y a ? je demande en me sentant devenir pivoine.
- Tu peux me filer une oreillette ? demande-t-il en désignant mon MP3.
J’esquisse un petit sourire et lui en tend une. Il faut qu’on se rapproche, parce que le fil est trop court.
Mes yeux commence à devenir lourd, mais je n’arrive pas à m’endormir, je suis dans une mauvaise position.
Enfin, dans un élan de courage, je calle mes fesses le plus possible du côté de la vitre, et pose ma tête sur son épaule. Je ne bouge pas, m’attendant à ce qu’il me repousse. Mais il n’en fait rien, au contraire, il passe sa main derrière moi et m’enlace, tête contre tête. Il approche son autre main, mais hésite. Je la lui saisis, et caresse sa paume en dessinant des rond avec mon pouce.
Je ferme les yeux, m’abandonnant à cette étreinte. Son odeur est toujours la même, un mélange de sa lessive et de son shampoing, plus quelque chose d’autre qui la rend incomparable. Mon dieu, qu’est-ce que je l’aime, cette odeur ! Je soupire d’aise, oubliant que dans quelques jours, il sera de nouveau à elle, qu’il niera tout ce qui est entrain de se passé, et qu’il m’ignorera encore…Tout ce qui compte, c’est à quel point je suis bien, là, dans ses bras…
Il m’embrasse les cheveux, avant de murmurer :
- Ich Liebe Dich…