Mémoires

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Archive du journal au 11/10/2018.

Sommaire

Ce sera notre secret.

11 février 2016 à 13h08

Ça a commencé en 2001. Je ne saurai dire quel mois, quelle saison, ou quel jour. Mais je sais que j’avais dix ans. Cet âge où on est encore innocent. Où on ne pense pas encore à comment on va s’habiller, pour être belle, ou pour plaire à un garçon. A cet âge où les garçons sont juste chiant ou avec qui on joue à se rouler dans la boue, afin d’être le plus sale possible pour faire crier notre mère. C’est à cet âge que je jouais encore au playmobil avec ma petite sœur et au lego avec mes frères. Je ne savais pas quelle étude je ferai, si je me marierai ou si j’aurai des enfants un jour.
Dans cette innocence comment interpréter les paroles d’une personne qui vient dans la nuit vous réveiller.

« Il ne faut rien dire. Ce sera notre secret. »

Un secret qui a enlevé une innocence. A cet âge, on ne peut pas savoir exactement ce qui se passe, mais surtout pourquoi ça se passe. C’est vrai, cette question perdure, comment une personne en qui on fait entièrement confiance a pu faire ça ?
Même si on ne se rend pas compte de l’ampleur des choses, sans en avoir parlé ou entendu parler, on se renferme sur soi-même, et on attend que les choses se passent. On attend que le jour suivant arrive pour recommencer une routine. Essayer de sourire, de s’amuser, et surtout ne pas laisser paraître cette fatigue qui augmente alors qu’un enfant doit avoir la joie de vivre, jusqu’à ce que la puberté se montre.

Et les garçons ?

11 février 2016 à 18h58

Les premières tâches rouges, qui font normalement pleurer les filles, furent ma délivrance.
Parler fût surement la chose la plus compliquée pour moi. Je crois n’avoir jamais autant pleuré mais quand on avoue enfin cette chose, le sentiment d’un poids immense, qui nous étouffait, semble partir. A l’instant même où on prononce le mot « souffrance », cette dernière semble s’atténuer. Parfois, il m’arrive de regretter, autant d’en avoir parlé à ma mère et ma sœur ainée, que de ne pas l’avoir dit plus tôt. Peut-être que tout ceci n’aurait pas eu lieu si j’en avais parlé. Malgré tout, je garde parfois à l’idée que c’est de ma faute. Etrange idée, quand on sait qu’à dix ans, tout ce que je voulais c’était la maison en lego qui apparaissait dans le catalogue de jouets.
Quel ne fût pas ma honte quand ma mère a compris qui était le fautif. Le pouvoir de l’âge sur une enfant. Et je dois encore garder le secret, comme une honte inavouable.

Ma famille est grande. Nous sommes bien nombreux. Je me le redis sans cesse que certains étaient en trop, mais cela je le garde bien à moi. Ça parait immoral de le penser. Ma vie a continué normalement, bouleversé juste par l’annonce d’un frère homosexuel, mais rapidement remis à l’ordre. Enfin pour ma part.
C’est à mes quinze ans que je commence à rencontrer des gens sur internet. Et voilà que je tombe sur une fille. Avec elle, tout est si facile, je peux tout lui dire, tout lui raconter, rire, pleurer, chanter… La joie de la retrouver malgré l’unique vision d’une image mobile sur un écran. C’est ainsi qu’un premier « je t’aime » apparait. A ce moment, on croit vivre un amour unique, incroyable. Mais qu’hélas on ne peut pas partager car c’est mal.
Je pensais pouvoir écrire ce que je voulais sur mon journal, sans avoir de soucis, sans me soucier que ma mère le découvre. Sans compter sur cet après-midi où j’ai compris qu’une chose dégoûtante le resterait. Sans me poser de question, j’avais suivit ma mère pour l’aider à retaper un lit. Et là…
« Tu me dégoutes. », « tu veux faire comme ton frère », « n’ose même pas toucher ta petite sœur », « ne me regarde même plus ! », « tu es répugnante ! ».
Je retiens uniquement ça à ce jour. Ces pauvres phrases qui sont bien suffisantes. Quel ne fut pas mon désarroi ? A cette époque, je n’avais pas compris que ce n’était pas de l’amour que j’éprouvais pour cette fille, mais une amitié sincère. Car l’homme me répugnait, me dégoutait. Rien qu’à l’idée qu’un homme puisse me toucher me donnait envie de pleurer, crier, hurler, vomir..., alors que je me sentais sereine et comprise avec une fille.
Chose que ma mère aurait pu comprendre à ce moment. Car elle savait tout du secret, elle le savait et le sait encore. Son regard remplit de dégout sur moi, jamais ne partira de mon esprit. Je me demande pourquoi elle ne m’a pas parlé, pourquoi elle n’a pas essayé de comprendre ? Pourquoi m’a-t-elle lancé tout ça au visage, alors qu’elle aurait pu m’épauler ?
Je me sentais seule enfant, et je me suis sentie seule adolescente.

Tout ça pour arriver aux quinze ans de ma petite sœur. La petite dernière. Celle qu’on chérit encore plus car on sait ce qui l’attend. Après avoir été une enfant tantôt joyeuse tantôt boudeuse, elle est devenue une adolescente qui veut à tout prix se distinguer. Ne surtout pas entrer dans le moule. Etre différente. Je trouve ça bien et courageux, car elle a un sacré caractère. Je la considère encore comme le petit bébé, je l’appelle même « mon petit bébé ».
Il parait que des parents éduquent différemment chaque enfant, même si ils ne le veulent pas ou ne le font pas délibérément. C’est ce que je me dis quand ma petite sœur a avoué son penchant bisexuel. Quelle drôle de famille tout de même. Un fils gay, une fille bisexuelle, et moi qui ait eu un passage compliqué.
Mais pourquoi ma mère n’a-t-elle pas dit la même chose à ma petite sœur ? Pourquoi l’a-t-elle accepté si facilement ? Pourquoi elle et pas moi ? Ai-je droit d’être jalouse pour ça ? De lui en vouloir ? Est-ce que ma mère s’est rendu compte de ses paroles envers moi ? Le regrette-t-elle ? Si c’est le cas pourquoi ne s’est-elle jamais excusée ?
Je me rends juste un peu plus compte qu’à cause du secret, je suis devenue la tache noire de la famille. Si je n'étais pas là, il n’y aurait plus besoin de le cacher, ce secret n’existerait plus. Mais à qui dois-je mon existence ?

L'amour au détour d'un couloir.

12 février 2016 à 12h34

Ecrire mon passé, pour la première fois, m'a fait du bien. Pouvoir dire exactement ce qu'on pense sans avoir de répercutions est libérateur. J'aurai voulu trouver ce site bien avant mais il faut profiter du présent. En lisant d'autres journaux, je comprend enfin que beaucoup de personnes ont une histoire commune ou non. La diversité de ce qu'on peut lire est tout de même incroyable. Mais je n'ai pas beaucoup lu d'histoire drôle.

Pour ma part, je me demande pourquoi à vingt quatre ans, je dois encore demander l'autorisation à ma mère pour aller chez mon copain. Cela est vraiment étrange. Hier au soir, quand j'ai voulu demander son accord pour y passer le week-end, j'ai ressenti un stress immense. Comme lorsqu'on demande à treize ans d'aller dormir chez une copine. En fait, je ne pense pas avoir peur qu'elle me dise non mais plutôt qu'elle me reproche de l'abandonner. Ce qu'elle a fait en ajoutant "Tu n'as qu'à aller vivre là bas aussi !".
Et c'est avec soumission que je n'ai rien dit et laissé passer. Pourquoi je ne dis rien au fait ? Pourquoi je n'ose jamais me mettre face à elle et lui dire que je fais ce que je veux ? Surement parce que jamais je n'oserai lui parler ainsi, même si j'en ai envie. Je la préserve surement trop. Et je lui trouve l'excuse de la perte de deux de ses fils. Je ne veux pas lui ajouter mon absence. Je me sentirai fautive qu'elle se sente seule malgré la présence de mes deux sœurs à ses côtés.

Mais, ce matin, elle m'a demandé quel horaire je faisais à mon travail. Chose bien étrange alors que d'habitude elle ne semble pas s'y intéresser. Et chose encore plus incroyable, elle m'a dit que je pouvais rester dormir chez mon copain car "ça te fera moins de trajets à faire, et il y a beaucoup de touristes qui arrivent et on est en alerte neige."
Tout ça sans aucun reproche. Mon plus grand étonnant. Que ce passe-t-il ? Comprend-t-elle que je risque de partir bientôt ? Que l'histoire avec mon copain n'est pas juste une amourette de passage ?

Quand j'y pense, je me dis que j'ai eu de la chance de le rencontrer. Que d'ailleurs notre rencontre ressemble à celle d'un film à l'eau de rose (tout comme la suite.). Pour tout expliquer, le jour de mon anniversaire, il y a de ça quelques mois, je vaguais sur Facebook. M'ennuyant ferme jusqu'à tomber sur une photo qu'une amie avait posté avec un groupe d'amis. Un groupe d'ami qui comportait CE garçon. Celui que je croisais quelques fois dans les couloirs du boulot, avec qui j'échangeais de simple "bonjour" ou "bonne journée", grand, brun, souriant, tout ce que j'aime. Surement dans l’euphorie du moment, je l'ai ajouté avant de regretter fermement. Je me suis mise à paniquer en me disant que ce serait bien la honte si il refusait. Mais c'était fait, et je ne voulais pas retourner en arrière.
Alors qu'elle ne fut pas ma surprise quand il m'a abordé dans un couloir alors que je portais un plateau rempli de vaisselles. Dans ma stupeur, ma gêne et ma honte, au moment même où il m'a demandé en souriant "c'est bien toi qui m'a ajouté sur Facebook ?", j'ai rien trouvé de mieux que de lâcher le plateau et de laisser la vaisselle s'exploser sur le sol. Au moment où je virais rouge pivoine (brûlant même.) et que je regardais ma tenue couverte de chocolat et de café ressemblant à du vomit, il a rit avant de m'aider à nettoyer.

Et maintenant il me répète sans arrêt qu'un jour il racontera à nos enfants à quel point j'ai pu être maladroite.

A cet instant même où je m'apprête à éteindre mon ordinateur et à partir au travail, quoi de plus adorable que de recevoir "fais attention à toi sur la route, il neige beaucoup. Je t'aime."
Moi aussi.

Une tâche sombre.

16 février 2016 à 16h53

Je ne risque pas d'oublier ce week end. Sûrement un des mieux. Sans soucis.
Quatre jours complet à ne pas me demander ce que ma mère va me reprocher en rentrant. Quatre jours à vivre une vraie vie de couple. Comme si on vivait ensemble. C'était vraiment adorable. Sans oublier la saint valentin. Moment fort en émotion où on s'était promit de ne rien s'offrir mais qu'on a fini au resto à s'offrir un cadeau.
J'ai pu avoir la chance de me réveiller et de m'endormir à ses côtés, d'entendre ses petites déclarations, de les voir. De l'enlacer, de l'entendre rire, parler, sentir son parfum...C'était comme un rêve.
Mais ce rêve est vite retombé à l'instant où j'ai passé le pas de la porte. Quel accueil.... Je suis rentrée hier vers 15h. Après le travail. Fatigué, car malgré ces moments partagés avec mon copain, j'ai bossé tout le week end. Et pendant deux heures ma mère m'a rabâché : "je suis fatiguée moi ! Je me suis levé à 5h." Et moi ? Elle croit quoi ? Que je me lève à 9h pour finir mon boulot à midi ? Qu'en plus de ça, je n'ai pas une heure de route allé et autant pour le retour ? Que je suis pas fatigué d'avoir bossé comme une folle pendant quatre jours ? A courir après les médecins, répondre aux multiples questions de chacune famille ? Et à accompagner les patients ?
Mais à l'instant même où je le lui dis, enfin où je dis que moi aussi je me suis levé à 5h, elle ne répond rien, avant de se répéter une dizaine de minutes plus tard.
Tout le malheur, les pires collègues, la pire chef, la pire vie, les pires problèmes de santé....etc, semble n'arriver qu'à elle. Il est très difficile de parler à ma mère d'un sujet normal sans que ca ne parte sur une plainte. Les français sont râleur......Et c'est parfaitement bien représenter. Et comme une pauvre fille soumise, je reste là à l'écouter....

Heureusement qu'aujourd'hui, alors que je suis en repos, elle travaille. WOW. Enfin, je ne peux pas non plus trop exagérer....ma petite sœur a vécu quatre jours complet avec ma mère et notre sœur aîné, sans ma présence.
Et ce qu'elle m'a raconté semble plaisant. Interdiction de sortir seule, pendant que ma grande sœur se baladait. La joie. Puis de bonne réflexion. Elle m'a expliqué que pendant le dîner, alors qu'elles rigolaient, ma mère a reprit un air sérieux pour lui sortir au milieu de tout : "Tu ne me ramènes plus d'arabe cette fois."...Bam...Très agréable....

Aujourd'hui, j'étais seule avec ma petite sœur, on a pu sortir, rire, plaisanter, faire les folles, sans retenue. Enfin un peu quand même dans les lieux publiques... Heureusement qu'elle est là cette petite.