23 ans!
C’est mon âge depuis quelques heures. Si mes souvenirs sont bons depuis 6h de temps. Je n’aime pas cet âge, ou du moins je ne suis pas prête à le porter. Il y a cinq ans, j’avais un plan, vague, mais un plan quand même. J’étais censée être en train de terminer ma maîtrise. J’aurais été mince et élégante ou bien seulement élégante. Mes parents auraient été fiers de mon parcours, puisque j’aurais été dans une grande université, me préparant à effectuer ma spécialisation dans une université plus grande encore. Je ne rêvais pas spécifiquement à un homme mais c’était évident qu’il aurait été là. Après tout ne m’avait on pas dit de bien travailler à l’école et que le reste (amour, argent et bonheur) suivrait? On continue à me le dire d’ailleurs, c’est juste que je ne suis plus sure d’y croire. Tout ce que je sais aujourd’hui c’est que je n'ai ni succès, ni amour, ni argent et pas des masses de bonheur. Est-ce que les quatre sont indissociables? Mystère.
Bref, tout ça pour dire que je n’ai pas réalisé les objectifs que je m’étais plus ou moins fixée. Je me suis déçue et je ne sais pas trop comment me réconcilier avec moi-même. Ma vie craint. Je ne suis pas une junkie ou encore enceinte d’un quasi-inconnu (encore heureux), auquel cas ça craindrait pas, ce serait dramatique. Non dans mon cas, c’est le calme plat. En réalité par bien des côtés je suis chanceuse. Après tout, je suis en bonne santé, je suis (encore) jeune, j’ai une famille qui s’aime (malgré tout). Il se trouve simplement que je suis paumée. Je ne sais plus où j’en suis et j’ai l’impression que chaque jour est plus dur que le précédent. J’ai l’impression que je suis assise sur le banc de touche et que la partie se déroule sans moi. Sauf que dans mon cas je dormais et je me suis réveillée quand l’arbitre a sifflé la fin du troisième quart temps et je me rends compte alors que mon équipe est menée de très, très loin. En d’autres termes, je suis assise sur le siège passager et la voiture se dirige à toute vitesse vers un mur en béton armé. En d’autres termes, je suis paumée, perdue, je sais plus où j’en suis…. Je me sens très mal sur tellement de plans que ça ne servirait à rien de les énumérer. En fait la seule chose de bien dans mon assiette, c’est l’idée que ça aurait pu être encore pire. Mais comme consolation, ça aussi ça craint.
Tu sais, les jours où tu as peur de te réveiller parce que tu te demandes quelle merde la vie te réserve pour aujourd’hui? Imagine la même chose tous les jours de ta vie. Je ne dis pas que je suis la fille la plus malheureuse du monde, je suis bien consciente que ce n’est pas vrai, loin s’en faut et Dieu merci. Seulement, moi aussi, à ma propre échelle, je suis malheureuse.
Aujourd’hui je suis allée à la fac. J’attendais devant le bureau du prof qu’il puisse me recevoir. Des camarades à moi sont arrivés et je les ai salués en essayant même de sourire. Je souris tout le temps à ces gens et ils n’en ont rien à foutre, c’est comme si j’étais même pas là, comme si j’étais invisible. Ce matin, c’était pareil. J’ai puisé au fond de moi le courage de leur dire bonjour. Je leur ai dit « salut », avec un sourire. Ils ne m’ont pas répondu. Ils sont passés devant moi. Je me suis sentie moins qu'invisible. Ensuite je suis allée dans le bureau du prof et il m’a dit des choses pas très gentilles sur le travail que j’avais fourni. J’ai beau savoir que je les méritais, ça ne m’a pas empêché d’aller dans les toilettes à l’étage au dessous pour pleurer pendant vingt minutes. Je ne pleurais pas parce qu’il m’avait dit (sûrement à raison) que j’avais fait de la merde. Je pleurais sur le gâchis de ma vie. J’avais toutes les chances de mon côté. Je suis plutôt pas bête (enfin je crois, je ne suis plus vraiment sure), mes parents ont toujours sû répondre à mes questions et ils ont eu les moyens de m’envoyer dans une très bonne école. Je recevais assez d’argent pour ne pas avoir à travailler et juste me concentrer sur mes études. Et qu’est ce que j’ai fait de toutes ces bénédictions? Rien. Quatre ans plus tard, je suis une étudiante médiocre, à la limite du renvoi. Quatre ans et beaucoup d’argent plus tard. Je suis vraiment une merde. Je me demande si je pue. Après tout personne veut m’approcher, c’est peut être qu’ils le sentent. Je sais que j’exagère. J’ai quand même des amis… Je crois. Quelques uns. Je ne mettrais pas ma main à couper non plus.
Je partage un appart’ avec une fille depuis quelques mois. On s’est tout de suite bien entendues. Je me suis dit youpi, ce n’est donc pas forcément moi l’unique facteur commun à toutes les colocations ratées que j’ai eu jusqu’à présent. Sauf que de ce côté-là aussi c’est pourri. Elle est le reflet de ce que j’aurais dû être. Elle à un an de moins que moi et est en train de finir en beauté son cycle. Elle a un copain sérieux et plein d’amis et un bel avenir devant elle. Je me demande si elle voit à quel point je suis une ratée. Peut être qu’elle reste gentille avec moi parce qu’elle a pitié et surtout qu’elle sait que dans deux jours elle quitte la ville et on ne se reverra certainement pas. Ma vie est vraiment merdique. Ou bien elle (ma vie) a rien qui cloche c’est juste moi qui pue. Je sais pas. Peut être. Après tout j’avais tout pour moi et j’ai trouvé le moyen de tout gâcher.
La je me sens plus bas que terre et j’aimerais pouvoir en parler avec quelqu’un, un ami. Mais je ne peux pas parce qu’il est tôt. Et aussi parce que j’ai déjà grillé cette carte. Aujourd’hui, il ne me reste plus que moi… Et maman. Mais il est pas question bien sûr que je parle de tout ça avec maman. C’est le genre de truc qui te terrasse une mère.