Ongles rongés et doigts qui tapent

Un journal de Journal Intime.com

Archive du journal au 11/10/2018.

Sommaire

Retour: fait de revenir à son point de départ ou à son état précédent.

30 avril 2013 à 12h00

Je prends mon petit-déjeuner dans le noir, en mastiquant bruyamment; il n'y a que la lumière bleutée de l'ordinateur qui m'éclaire, des miettes de ma tartine tombent sur mon ventre et dans les draps: je suis en train d'en foutre partout. J'ai bien me goinfrer au lit, ça ramène de la bonne odeur de la cuisine: café, pain grillé, jus d'orange pressé; bien sûr l'inconvénient c'est qu'après il faut secouer les draps, et débarrasser le plateau qui m'a tout l'air d'être parti pour zoner des semaines sur ma table de nuit. Mais à vrai dire, je n'apprécie même pas mon petit-déjeuner, ce pain de mie c'est dégueulasse, j'ai l'impression de mâcher un bout d'éponge insipide et sec sur lequel j'aurai mis du Nutella; puis je trouve le Nutella trop gras et écœurant.

Il y a quatre ans j'écrivais ici, plusieurs fois par jour, le soir surtout, je m'appelais Nathalie -le journal de Madame N.-, j'habitais dans un 18m² et je n'arrivais pas à dormir. Puis j'ai arrêté, et aujourd'hui je suis revenue. Ma surface habitable a triplé, j'ai un vrai lit maintenant -pas un clic-clac tout pourri- et je dors bien; cette fois-ci je vais m'appeler Louise, c'est bien Louise, ça me plaît.

Tâche de nicotine

30 avril 2013 à 15h10

Mon cœur se gonfle, et s’emballe : poum poum poum poumpoum poumpoumpoum, rythme effréné et répétitif de l’angoisse grandissante. Je fume une énième cigarette, dont je n’ai probablement pas envie, mes poumons sont asphyxiés ; la fumée s’engouffre et me brûle l’œsophage au passage. Il y a cette tache jaunâtre entre mon index et mon majeur, elle se développe sournoisement, se nourrie d’incertitudes et de doutes qui m’assaillent du matin au soir ; cette vicieuse est logée au niveau des ongles, mes ongles rongés, décharnés, ouverts à vif, ça me fait mal de pianoter sur le clavier. J’ai écrit onychopahgie au lieu d’onychophagie : erreur. Le double café que j’ai commandé au troquet m’écœure, il me donne la nausée et me broie cruellement le ventre, nouvelle erreur. Le temps est bien moche ici, gris comme une lessive de blanc qui a mal tourné : une simple goutte d’encre noire dans un verre d’eau qui se dilue lentement et l’assombrie. L’humidité poisse et colle à la peau, comme la mauvaise odeur des vêtements sales que je porte.

Bateau ivre

5 mai 2013 à 23h17

Mon bateau ivre tangue. Le plafond tourbillonne, la poignée de la porte n’est pas droite, le couloir, la lumière : tout, et surtout moi. Le mal de mer, la nausée monte et je vomis à flot dans la cuvette, sacrée tempête. « Clac ! », c’est la porte d’entrée. Je tire la chasse d’eau. Le trentenaire espagnol qui sert de mec à la voisine fait claquer ses mocassins sur le carrelage. Il parle, il parle, il parle, c’est un véritable moulin à paroles, il me saoule de paroles. C’est à côté que la fête se passe, oui merci j’avais compris -et elle est terminée pour moi la fête chez les voisins. Gênée qu’il me voit en sous-vêtements, je tente de lui expliquer que je pue le vomis ; et que maintenant je vais dormir. Je traverse la cuisine rapidement, mal à l’aise d'être à moitié à poil, il continue à me raconter je ne sais quoi. Je m’effondre dans mon lit ; du pas de la porte il parle, encore et encore. Je lutte pour répondre mollement à ce qu’il dit par politesse. « Clac ! », c’est encore la porte d’entrée : il est parti, bon débarras. Enfin seule, j’en profite pour dégager mes sous-vêtements, parce que je dors toujours nue. Je gigote pour trouver la bonne position et commence à m’assoupir. « Clac ! », pareil, c’est la porte d’entrée. Claquement de mocassin, c’est encore lui, je l’entends me parler dans le couloir et décide de faire semblant de dormir pour éviter qu’il me tienne de nouveau la jambe. Il arrive jusqu'à la porte de ma chambre, reste silencieux, et soudain il soulève ma couette, ça me découvre le dos et les fesses; et il regarde. Paniquée, je ne sais pas quoi faire. « Clac ! », c’est encore la porte d’entrée. Un chouinement de basket, celui de Louis: la couette retombe sur mes fesses, ouf! Louis demande au voisin si je vais bien, il lui répond que oui, et ensemble ils repartent à côté.

Contrariété nocturne

8 mai 2013 à 2h49

Je somnolorêvais. Le téléphone vibre, comme une mouche cramée sous l’oreiller. Dans les vapes profondes, la lumière bleutée de l’engin m’éblouie : numéro non-enregistré. Les ondes téléphoniques et mon petit doigt me disent que c’est Louis. Le fond de mes amygdales est collé par la fatigue, ça se sent ; je m’éclaircie la voix, avant de répondre : « _Allô ? »

C’est lui. Soudain, je suis contente qu’il me passe un petit coup de fil, il a vu mon S.M.S. de « bonne nuit » je me dis, et il projette de me raconter une histoire pour que je roupille bien, « fais de beaux rêves », le tout bouclé en trente secondes pour me laisser dormir et retourner à sa soirée, qu’il est chouette mon mec. Non, non, c’est une erreur ! Tu t’es fourvoyée sévère ma grande. La durée et la qualité de mon sommeil le préoccupent comme le dernier de ses poils de culs ; le soir dernier par exemple, il m’a réveillée quatre fois en rentrant de soirée, dont une fois pour me demander ce que j’avais mangé si c’était bon et s’il en restait, une autre fois pour s’excuser de m’avoir réveillée –le lendemain, c’est-à-dire quatre heures plus tard en fait, j’avais un partiel ; ce pourquoi je n’étais pas sortie, contrairement à Môsieur. Peu importe, nous vivons ensemble, et c’est ce que l’on appelle la « couplabitation ». Et justement, cette semaine, je pars à la campagne seule pour réviser. Je cherche à le joindre cette après-midi pour savoir s’il a pensé à virer le loyer à l’agence –vu qu’il y a le pont-, pas de réponses. Un mail de sa part, pour corriger un texte qu’il a à rendre. Aussitôt lu aussitôt corrigé aussitôt envoyé. J’en profite pour réitérer la question du loyer en P.S. La réponse tient en trois mots mais ne répond pas à ma question et ne concerne pas le post-scriptum. : « merci ma puce ». Puis ce soir, le pompon ! Lorsque je dors sans lui, j’ai cette (mauvaise) habitude de lui envoyer un message pouvant relever du « Je t’aime, fais de beaux rêves », « Amuse toi bien, bonne soirée.», « Il faut ouvrir les messages pour les lire, et non regarder le texte défilé », ou « Prout ça pue sous ma couette ! ». Envoyer un sms à Louis, c’est envoyer une bouteille à la mer, il ne les lit jamais.

La parenthèse sur le mauvais traitement qu’il m’inflige est loin d’être terminée puisqu’il m’a (encore) réveillée en m’appelant (pour une fois) pour me demander quelque chose (comme toujours quand il appelle) : Il était en ville, avait croisé des amies à moi et devait partir probablement avec elles à la fermeture du bar pour une soirée ; avec ses potes, il les avait perdu et me demandait leur numéro. Un service banal en soi, mais ça m'a tellement donnée envie de hurler qu'il ne pense pas une seule seconde à moi, son bout de copine avec qui il vit; si ce n'est pour commencer son appel par: "_ Ça ne va pas te plaire, mais j'aurai besoin de..." Alors le petit doigt bien sûr, m’l’avait pas dit que c’était une mauvaise idée de décrocher, m'lavait pas dit qu'il aurait pas lu mon message d'amour.

J'ai perdu le sommeil, je suis contrariée, de mauvaise humeur. C'est sûr, je vais le bouder,le Louis, jusqu’à ce que l’envie me passe