Je somnolorêvais. Le téléphone vibre, comme une mouche cramée sous l’oreiller. Dans les vapes profondes, la lumière bleutée de l’engin m’éblouie : numéro non-enregistré. Les ondes téléphoniques et mon petit doigt me disent que c’est Louis. Le fond de mes amygdales est collé par la fatigue, ça se sent ; je m’éclaircie la voix, avant de répondre : « _Allô ? »
C’est lui. Soudain, je suis contente qu’il me passe un petit coup de fil, il a vu mon S.M.S. de « bonne nuit » je me dis, et il projette de me raconter une histoire pour que je roupille bien, « fais de beaux rêves », le tout bouclé en trente secondes pour me laisser dormir et retourner à sa soirée, qu’il est chouette mon mec. Non, non, c’est une erreur ! Tu t’es fourvoyée sévère ma grande. La durée et la qualité de mon sommeil le préoccupent comme le dernier de ses poils de culs ; le soir dernier par exemple, il m’a réveillée quatre fois en rentrant de soirée, dont une fois pour me demander ce que j’avais mangé si c’était bon et s’il en restait, une autre fois pour s’excuser de m’avoir réveillée –le lendemain, c’est-à-dire quatre heures plus tard en fait, j’avais un partiel ; ce pourquoi je n’étais pas sortie, contrairement à Môsieur. Peu importe, nous vivons ensemble, et c’est ce que l’on appelle la « couplabitation ». Et justement, cette semaine, je pars à la campagne seule pour réviser. Je cherche à le joindre cette après-midi pour savoir s’il a pensé à virer le loyer à l’agence –vu qu’il y a le pont-, pas de réponses. Un mail de sa part, pour corriger un texte qu’il a à rendre. Aussitôt lu aussitôt corrigé aussitôt envoyé. J’en profite pour réitérer la question du loyer en P.S. La réponse tient en trois mots mais ne répond pas à ma question et ne concerne pas le post-scriptum. : « merci ma puce ». Puis ce soir, le pompon ! Lorsque je dors sans lui, j’ai cette (mauvaise) habitude de lui envoyer un message pouvant relever du « Je t’aime, fais de beaux rêves », « Amuse toi bien, bonne soirée.», « Il faut ouvrir les messages pour les lire, et non regarder le texte défilé », ou « Prout ça pue sous ma couette ! ». Envoyer un sms à Louis, c’est envoyer une bouteille à la mer, il ne les lit jamais.
La parenthèse sur le mauvais traitement qu’il m’inflige est loin d’être terminée puisqu’il m’a (encore) réveillée en m’appelant (pour une fois) pour me demander quelque chose (comme toujours quand il appelle) : Il était en ville, avait croisé des amies à moi et devait partir probablement avec elles à la fermeture du bar pour une soirée ; avec ses potes, il les avait perdu et me demandait leur numéro. Un service banal en soi, mais ça m'a tellement donnée envie de hurler qu'il ne pense pas une seule seconde à moi, son bout de copine avec qui il vit; si ce n'est pour commencer son appel par: "_ Ça ne va pas te plaire, mais j'aurai besoin de..." Alors le petit doigt bien sûr, m’l’avait pas dit que c’était une mauvaise idée de décrocher, m'lavait pas dit qu'il aurait pas lu mon message d'amour.
J'ai perdu le sommeil, je suis contrariée, de mauvaise humeur. C'est sûr, je vais le bouder,le Louis, jusqu’à ce que l’envie me passe