Bonjour, bonsoir, bonne nuit.
Je ne sais plus qui je suis ni ou je vais. En fait, je suis si fatiguée que je me demande comment mes mains font pour tenir en suspension au-dessus du clavier, et pour ne pas s’écrabouiller comme deux misérables pierres jetées en un ricochet raté dans l’océan.
Comment dire ? Sinon que j’ai très peu dormi cette nuit. Ce à quoi on peut s’attendre, quand on fait une soirée Halloween. Ce n’est pas que les films me font peur, au contraire. J’ai été surprise de voir à quel point les effets spéciaux me font rire, et combien je raffole du suspense. Vraiment, je n’ai pas eu peur à la vue des films d’hier soir.
Heureusement, chers amis, que je me relis, parce-que j’oublie des mots dans mon récit, tant la fatigue me surplombe. Et il n’est que cinq heures de l’après-midi. Mais passons, sinon je ne viendrai jamais au fait.
Il y avait une personne de plus, hier soir. Voilà tout. Au moment où j’affiche publiquement sur ce journal que je suis seule, avec une soif de vie et de sentiments, voilà que quelqu’un surgit dans ma vie.
Mais je le connaissais déjà, ce type. Je l’avais longuement étudié, il y a un an. Lui aussi. Une connaissance de connaissance, il était. Il avait voulu me revoir. On avait conversé par sms.
Puis, j’avais menti. J’avais dit que j’étais occupée, finalement.
Pourquoi, avais-je peur ? N’étais-je pas prête ?
Je crois qu’à ce moment-là, je me voyais juste très mal me présenter à ce mi- inconnu, bien qu’on ait organisé de notre plein gré cette sortie.
Et hier soir, il était là. Il ne savait pas que je venais aussi. Il a été surpris, il était content.
Et changé.
Je sais que je suis du genre à hyperboler dans mes écrits, mais je ferai court. Comment parler d’une relation aussi intime ouvertement ? Je ne sais pas si je peux. Je ne suis pas fleur bleue, je ne suis pas à l’idolâtrer. Je n’aime pas ce type. Il me plait, oui, mais de là à lui donner son piédestal et sa couronne de lierre… Non merci.
Comment cela a commencé ?
Il fait un froid de canard, chez Manon. Autrement dit, on se les gèle. Sans rire, même un gars aussi costaud que D… (Ne cherchez pas, je ne donnerai pas son nom, parce-que c’est on ne peut plus inutile ici), avait froid. Couverture, deux petits canapés rapprochés, le noir de la salle et tout le monde presque endormi après ces trois films, un bras autour de mes épaules vite passé, mes pieds au chaud sous les siens….
Et l’heure d’aller se coucher. Cinq heures du matin, pour être précise. Il n’est pas fatigué. Mais tout le monde l’est. Dans cet état d’esprit, les paroles sont chères, messieurs dames. Et quand on répond « je ne suis pas fatiguée non plus », ça veut tout simplement dire : « moi aussi, je veux bien rester avec toi ».
Et la petite audacieuse au fond de moi s’est sentie si bien avec son bras autour de l’épaule qui la caressait doucement, que la voilà qui sort de sa coquille. Et quand vient le moment de se dire bonne nuit, de passer dans la chambre d’à côté que Manon lui laisse à disposition, à elle et à son amie A…, cette demoiselle éperdue reste avec D…
Et ils conversent. Une heure. Deux heures peut être.
Ils ne parlent pas d’amour, ni de conquêtes. Loin de là.
Ils parlent d’enfants, de vieillesse, de vie, de mort, de mariage, de frères, de sœurs, d’origines. Ils parlent de prénoms, de caractère, de famille. Ils parlent et ils refont le monde. Et petit à petit il la prend dans ses bras.
Et moi je lutte. Encore et encore. La créature qui est dans ma tête hurle ALERTE DANGER, les lampes clignotent des couleurs que je ne connais pas, et une autre voix me dit CHUT !
Cesse de te poser des questions. Essaie.
Elle me dit d’essayer. Elle me dit que rien n’est joué. Que rien n’est déclaré. Qu’il faut un début à tout, qu’il faut laisser une chance à ce pauvre garçon. Que peut-être il m’aime bien.
Et une troisième voix surgit. Elle me dit que je ne le connais pas, qu’il est peut-être immonde. Un goujat. Le genre de garçon qui vous fait croire et vous abandonne un beau matin.
Alors elle joue un jeu. Je joue ce jeu. Celui que je connais le mieux. Je me cache, et je me dévoile. Et je maîtrise en attendant. Je sais qu’il m’apprécie. Je ne veux pas l’embrasser. Juste des câlins. Ca me suffit, j’en ai besoin.
Est-ce qu’un simple ami ferait ça ?
Je suis incapable de me faire un simple ami. Il faut que je vous en parle. A moins qu’il ne soit gai, et je parle sérieusement, mes relations avec les hommes finissent par un type incapable de placer deux phrases et timide à souhait, je lui plais, il ne me plait pas, et je brise contact. C’est ainsi que ça se passe, chez moi, avec les garçons.
Mais lui… il est précautionneux. Tout est dit. Mais implicitement. Et on se comprend.
Je suis perdue entre deux axes. J’aime ses caresses mais et si ce n’était que pour ce qu’elles sont : des caresses ? Et lui, au fond ? Comment puis-je passer la nuit avec lui, que j’ai vu simplement deux fois ? Est-ce que je me sentirais coupable ?
- Mais tu es une fille, ma pauvre, arrête de te poser autant de questions. Arrête de faire ta nunuche et vis ta vie !
Un vrai duel, je vous disais. Je lui dis que je me sens fatiguée. Je ne le quitte pas. On s’est mis au chaud sous les draps entre temps. Rien de très entreprenant, juste des câlins. En réalité, je ne veux pas partir.
Je lui dis que je fatigue.
On se tait.
Mais je réalise soudain que je ne pourrais jamais dormir ainsi, aussi agréable soit ce moment.
Je ne sais même pas ce que j’ai décidé, finalement. Dans ma tête, un écho se fait, qui répète : et après ?
Pendant la nuit, je réalise également que je me suis enfin endormie, jusqu’à ce qu’il me réveille par des chatouilles. Et comme toujours, une partie de moi qui ne dort pas et est parfaitement réveillée, comprend tout, elle qui est sur le qui-vive. Elle me dit ses peurs et ses colères, elle me dit qu’elle veut, qu’elle ne veut pas, je suis dans un trou sans fin mais je ne veux pas y croire. Je suis au-dessus du gouffre et je le réalise. Je suis aux antipodes d’un monde nouveau, je suis séparée en deux, sur le paradigme de la relation amoureuse.
Il ne peut plus dormir vers huit heures. Nous qui avons fermé les yeux vers six. Entre jeu de séduction et parfaite honnêteté, il en vient une fameuse question :
- Tu restes avec moi pour toujours ?
Aucune réponse. Un cri meurtri au fond de moi. C’est elle. Elle. C’est moi. C’est nous. C’est une part du phénix qui hurle. Est-ce de la fureur, du bonheur, de la tristesse ?
Moi, je pencherais pour la peur.
Il réitère sa question. Et je le laisse en suspens. Il me dit que ça veut dire que je réfléchis. Je me dis que je vais le briser.
JE VEUX LUI HURLER QUE JE SUIS DANGEREUSE !
Tout ce que je trouve à dire, c’est que je suis une « grande indécise de la vie ».
Je ne sais pas si j’ai fini par prendre une décision. Je suis réellement incapable de choisir, dans la vie. Voyez, je suis du genre à passer une heure dans une boutique souvenir pour repartir les mains vide. Ne riez pas, je l’ai déjà fait.
Je crois que j’ai pris ma décision au moment où je l’ai embrassé.
Alors que je m’étais juré que non.
Clichés, quand ils nous tiennent. Je pensais que l’embrasser dès la première soirée serait…. Trop facile. Mais il en mourrait d’envie.
Je ne peux pas dire que mon cœur à fait un bond de dix kilomètres, que mon ventre a laissé s’envoler une nuée de papillons, que j’en étais tremblante et chancelante, parce-que ça n’était pas le cas.
Non. Pas tant que ça, à ce moment-là.
Je me suis demandé si je n’étais pas folle. Je me suis demandé si je m’étais trompée. Je me suis sentie coupable. Mais j’ai senti quelque chose… Après. Quand il m’a laissé son numéro. Quand il m’a fait un clin d’œil au milieu de tous mes amis qui m’accompagnaient à la porte pour me dire au revoir.
Ce clin d’œil qui dit que seul lui et moi savons. Qui me supplie de lui envoyer un message dans la journée. Mon ventre s’est serré à la porte de la chambre, quelques minutes avant que je ne récupère mes affaires, quand a réclamé mes lèvres, et que j’ai ri parce-qu’il faisait deux têtes de plus que moi.
A ce moment-là, oui, j’ai vraiment apprécié les choses. Et je me suis dit à nouveau :
Essaie.
Et la voix au fond de moi s’est tue.
Dans la journée, je n’ai même pas pu travailler. Primo, je suis certaine que j’ai très peu dormi. Et deuxio, la voix qui s’était tue, elle me criait de lui écrire. Mais là n’est pas la pire des choses.
C’est qu’après coup, une pensée m’est venue en tête.
C’est que je n’ai même pas eu le courage de l’insulter, comme prévu.
Mais je pense avoir du temps devant moi.
Et du moins je l’espère.
Parce-que mon pouce vient d’appuyer sur envoyer.
Et que le SMS est parti.