Sur Le Feu

Un journal de Journal Intime.com

Archive du journal au 12/09/2022.

Sommaire

Cinq ans plus tard

4 août 2020 à 13h59

J'étais sur JI en 2015. A l'époque, je suivais une thérapie à la suite d'un choc émotionnel. J'étais au fond du trou, au pied du mur d'une impasse sombre et j'avais besoin d'aide pour retrouver mon chemin. Ecrire sur JI m'a aidé dans mon travail d'acceptation et du traitement de la dépression. Pouvoir écrire est la première étape qui me permet de gérer et d'analyser mes émotions, toujours exacerbées, puis de prendre du recul sur certaines situations.

Mon psychologue avait accès à mon journal et j'étais rassurée de savoir qu'il me lisait. Il m'arrive encore d'avoir des accès dépressifs mais je n'ai plus personne pour me suivre et me guider. Il a été muté et je n'ai pas retrouvé la même qualité d'accompagnement avec la personne qui le remplaçait. Passé le sentiment d'abandon, j'ai pris cette nouvelle comme un présage positif : il était temps d'essayer d'apprendre à voler de mes propres ailes... Ma vie retrouvait un fragile (très fragile) équilibre. J'ai fermé mon journal avec son départ.

Cinq ans plus tard, me voici de retour. Je ne sais pas comment je vais. Tout n'est pas parfait (même très loin de là) mais mes prises de conscience sont réelles et constructives. Je pourrais écrire à quel point j'ai changé, en mieux et en mal, physiquement et moralement. Je pourrais décrire ce que j'ai réussi à accomplir (parce que, oui, il m'arrive aussi des trucs super chouettes), ce que j'ai réussi à traverser ces dernières années mais cela ne servirait pas à grand chose. Tout d'abord parce que je commence tout juste à me connaitre et à réaliser mon parcours. Ensuite parce que ça serait maladroit et réducteur de me résumer en un claquement de doigt en ignorant tous les efforts et l'énergie qu'il me faut déployer au quotidien pour avancer pas à pas et garder la foi en ma vie.

Contrôle technique

5 août 2020 à 17h14

Hier soir, le responsable du garage où j'ai laissé ma voiture pour son contrôle technique m'a appelé. Il était catastrophé de la note et des commentaires que j'ai laissés suite à l'intervention effectuée sur mon véhicule. En même temps, mon évaluation n'est que le reflet de mon expérience. Entre le temps d'immobilisation d'une semaine (au lieu de 48 heures), la menace de me voir le contrôle refusé si je n'acceptais pas deux travaux "majeurs" et la facture finale gonflée d'un tiers (sans notification préalable), j'avais quelques arguments de mon côté.

Malheureusement, mon évaluation tache leur belle vitrine et il faut y remédier. Tout commercial qu'il est, il a admis qu'il y avait eu de l'abus et un grave défaut de communication. Il m'a proposé toutes sortes de ristournes et promotions en contrepartie d'une note plus élogieuse... En outre, on me demande de mentir contre avantages.

Je ne sais pas comment les gens qui n'ont pas de revenus fixes (et substantiels) font pour entretenir leur véhicule. J'ai tout de même laissé l'équivalent d'un salaire net et, sans être matérialiste, c'est douloureux de gagner sa vie pour ce genre de dépense. Du coup, je songe à revendre. Je n'ai pas l'impression de faire un sacrifice à ma liberté. L'estimation est plutôt encourageante.

La seule chose qui me chagrine vraiment, c'est d'avoir appris que l'employé qui a suivi mon dossier s'est fait licencier pour faute. Que cette note ait pu faire basculer le destin d'une personne me met très mal à l'aise. Je suppose que c'est une volonté du responsable de me faire culpabiliser (sinon pourquoi m'en parler ?). Il parait que je ne suis pas la seule pigeonne qui s'est faite avoir... Quelque chose me dit que ça n'a rien d'une attaque personnelle. Les objectifs post-crise sont si irréalisables que certains se sentent obligés de magouiller pour ne pas perdre leur emploi... Et puis, c'est plus simple de profiter d'une occasion litigieuse pour faire passer un licenciement abusif.

Tout mon entourage s'est accordé à me dire que je m'étais fait arnaquer, que "si j'avais su...". J'aurais pu leur dire : "Quoi ? Vous m'auriez aidé peut-être ?". C'est tellement facile à dire après coup quand on n'a personne à qui demander conseil sans craindre (à juste titre) d'être jugée sur le moment. A les entendre, ils auraient tous fait autrement et mieux que moi. Une femme, seule, dans un garage... Quelle idée !

Participation

7 août 2020 à 17h53

J'ai reçu une alerte de versement de la participation de l'an passé de mon ancien employeur. J'avoue que j'ai si bien tourné la page que je n'y pensais plus. La somme n'est pas aussi coquette que les années précédentes (en même temps, quand je suis partie, les résultats étaient au plus bas) mais cette arrivée d'argent est la bienvenue ! Elle va me permettre d'éponger l'hémorragie du garage et de mettre un peu de côté. D'autant plus que j'arrive sur la dernière partie de ma mission d'intérim et que mon avenir professionnel reste incertain.

A la fin de mon dernier contrat, je m'étais dit que je n'étais pas prête à reprendre à durée indéterminée tout de suite. Je savais que je trouverais rapidement et j'ai eu raison de croire. Je voulais travailler mais avec assez de souplesse pour me protéger sans être au chômage. Peu de gens comprennent ce souhait et le but de ma démarche mais je m'en fous. Le CDI n'est pas (ou n'est plus) une sécurité, encore moins une garantie. J'avais besoin de me panser, de souffler, de me relever sans me bousculer. Je n'avais pas envie de m'investir et m'installer dans un poste pour retomber aussi sec dans les vices d'une vie professionnelle dans laquelle je me suis progressivement noyée pendant 4 ans.

J'ai plusieurs métiers et ça m'aidera toujours, quoi que je fasse, quoi que je devienne. Mais si je devais écouter mon coeur, si je devais m'orienter à nouveau -- comme en troisième mais avec l'expérience du monde du travail en plus et sans l'influence toxique d'autrui -- qu'est-ce que je choisirai pour moi, rien que pour moi ? Je n'ai pas encore trouvé de réponse mais j'ai la certitude que quand je l'aurai, tout deviendra limpide et évident. Et j'aurai la force pour porter cette ambition.

Il y a bien un semblant de piste en interne mais plus le temps passe et plus je la sens refroidir. Ou peut-être est-ce la période creuse estivale qui marquent davantage ce manque d'actions ? J'en ai entendu parlé au hasard d'une pause déjeuner. Mes collègues ont évoqué le besoin d'une personne supplémentaire dans leur équipe qui correspond sensiblement à mon profil. Je me suis permise de me manifester et elles m'ont dit que je n'avais pas besoin de "candidater" car elles avaient déjà pensé à moi (je me suis sentie tellement valorisée à ce moment-là). Le seul hic est que la priorité est donnée au recrutement interne et au reclassement. Lors d'un autre déjeuner en tête-à-tête, ma manager a eu écho de mes motivations (mes autres collègues lui ont parlé de moi) et m'a assuré que dès qu'un poste s'ouvrirait en externe, elle penserait à moi. Je sais aussi que, sans me faire de faux espoir, elle ne voulait pas me démotiver pour le reste de la mission en cours. Rien n'est joué, rien n'est perdu ! Patience...

Ma mission se passe très bien. Elle a d'ailleurs grandement contribué à faire le deuil de mon ancien travail et à retrouver une routine saine, bien que chronophage. Je me sens très reconnaissante d'avoir eu cette opportunité avant la crise sanitaire. Ce n'est pas un emploi intéressant : il n'y a pas de challenges, de perspectives mais c'était ce qu'il me fallait pour me remettre d'aplomb et reprendre confiance. Et puis je n'ai pas à me plaindre : les taches ne sont pas ingrates (les cadres dont je m'occupe sont des petits choux à la crème) et je ne me suis jamais aussi bien intégrée à une équipe. Les retours qui me sont faits sont positifs et je crois que les gens apprécient ma dynamique de travail. Certains m'ont même fait savoir qu'ils préféraient travailler avec moi qu'avec la personne que je remplace. Je ne sais pas si ils parlent de caractère ou de méthodologie. Je ne veux pas le savoir. C'est agréable à entendre mais je ne tiens pas à être comparée à l'incomparable (surtout que je n'ai vu cette collaboratrice qu'à ma journée d'intégration et que ce n'est pas très juste pour elle). Je suis assez occupée à être moi.

Carte d'anniversaire

10 août 2020 à 18h48

Mon père est passé à la maison. Il voulait venir la semaine dernière mais je n'étais pas chez moi. Il m'a donné une enveloppe avec une très jolie carte (genre aquarelle) et de l'argent dedans pour mon anniversaire. Je ne comprends pas pourquoi il persiste à vouloir faire un geste (même impersonnel) alors qu'aucun de nous ne trouve de sens (ni sa place) à ce genre d'évènement. Lui qui m'a identifiée "d'erreur" et qui a jugé qu'atteindre la majorité m'ôtait le statut d'enfant, pourquoi continuer à honorer un jour qu'il regrette ?

Et puis il a tellement besoin de cet argent. Il a besoin d'apprendre à se faire plaisir plutôt que de vivre dans une frustration perpétuelle et me la cracher occasionnellement, gratuitement, violemment au visage. A choisir, j'aurais aimé qu'il garde son argent et qu'il m'écrive quelque chose dans sa carte. La signer à minima... Je sais que ce sont des mots que je ne lirai et n'entendrai jamais.

Sans être parfaite, la relation que j'ai avec mes parents s'est apaisée avec les années mais je n'arrive pas à me percevoir ni à me sentir comme l'enfant de l'un d'entre eux. Le souvenir de cet attachement me manque. J'ai fini par admettre que cette partie de ma vie est révolue. Je préfère ce manque d'affiliation aux conflits qui m'ont fait grandir trop vite.

Aujourd'hui, je me sens souvent confuse quand quelqu'un est un peu maternel ou protecteur avec moi. De même, je ne sais pas très bien comment réagir et devient très maladroite quand quelqu'un s'approche de moi ou devient tactile. Ça m'étonnera toujours qu'on puisse faire un peu attention à moi ou me traiter avec un égard, un regard particulier.

Un jour, peut-être, je trouverai cet équilibre en devenant la mère qui sommeille en moi. Donner la vie, donner l'amour en fondant ma propre famille. C'est mon plus grand rêve. Je ne l'ai jamais dit à personne.

Cannabidiol

12 août 2020 à 19h25

Une étude française va prochainement s'intéresser sur les effets du CBD pour soulager les douleurs liées à l'endométriose. La gestion de la douleur est une chose, la guérison une autre, et ce n'est clairement pas à l'ordre du jour en France. Il faudrait que cette maladie soit médicalement mortelle (et rentable) pour que les recherches se penchent vraiment dessus. Je dis bien "médicalement" car je reste persuadée que des femmes se sont déjà tuées pour ne plus souffrir d'un corps qu'elle n'arrive plus à comprendre ni à supporter. Sans oublier le mental mutilé par le combat médical, les jugements extérieurs, l'handicap invisible qu'on essaie d'adapter aux aléas du quotidien... L'endométriose est un miroir terrible. D'ailleurs, sans les témoignages médiatiques de personnages publiques, cette maladie serait toujours dans l'ombre...

J'ai répondu à une enquête sur l'utilisation du CBD. Je n'ai pas été d'une grande utilité car j'en n'ai jamais consommé. Ma mère s'est proposée de m'en rapporter d'Espagne où sa consommation a été légalisée. L'Espagne, pays merveilleux où tout ce qui a attrait à la gynécologie semble plus en avance (ou juste moins restrictif ?) qu'en France.

Pour le moment, je suis assez sceptique. Je n'arrive pas à dissocier la molécule du cannabis tel que je l'ai toujours connu. Ça sonne trop comme une drogue dans ma tête. Mon corps a déjà expérimenté assez de traitements (qui sont une drogue aussi d'une certaine façon). Je ne sais jamais comment il peut réagir à la nouveauté et je ne lui fais pas encore assez confiance pour essayer.

Le 9 juin dernier, j'ai pris la décision d'arrêter de prendre le Lutényl. Je suivais ce traitement depuis un peu plus d'un an. J'avais beaucoup souffert en 2019. A tel point que je ne trouvais plus le repos ni aucune parade pour ne plus y penser. Le traitement que je prenais à l'époque montrait ses limites et ne semblait plus avoir d'effet (avec le recul, mon corps en avait peut-être assez ?). Le Lutényl a été salvateur... au début.

Ma gynécologue m'avait prévenu que ce médicament pouvait entrainer le développement de méningiome et que je devrais être surveillée à titre préventif. Je ne comprends pas comment un médicament peut circuler librement pour soulager une maladie en risquant d'en provoquer d'autres -- et pas des moindres ! Le VIDAL y a ajouté le cancer du sein... J'ai su que mon instinct avait eu raison quand, une semaine après ma décision, l'ANSM a publié une nouvelle alerte...

Des effets secondaires ont commencé à se manifester après 6 mois (environ) de prise en continu. Comme mon corps a été mis au repos forcé (pour ne pas dire ménopausé), j'ai pris un peu de poids mais rien d'alarmant. Puis j'ai commencé à avoir fréquemment des migraines (de 3/4 jours), des syndromes prémenstruels (sans jamais avoir mes règles), des vomissements et le retour des crises... Les examens n'ont rien révélé d'inquiétant (et heureusement !) mais plus le temps passait, plus je souffrais d'autres maux et moins je me sentais... femme. Alors j'ai tout arrêté.

Ma nouvelle gynécologue (celle qui me suivait avant a quitté l'hôpital) m'a prescrit un nouveau traitement. Celui-ci serait tout aussi efficace que le Lutényl mais sans les effets secondaires et les dangers qu'il représente. Une seule question me brulait les lèvres : pourquoi ne me l'a-t-on pas donné tout de suite plutôt que de me faire prendre des risques inutiles ? Cette expérience vient s'ajouter à toutes les maltraitances ordinaires dans mon parcours médical... Et ça me met tellement, tellement en colère.

L'ordonnance est aimantée sur le frigo. Je ne suis toujours pas passée à la pharmacie. J'ai même oublié le nom de ce produit miracle. Je crois que je suis arrivée à un stade d'épuisement médicamenteux. En arrêtant le Lutényl, j'ai choisi d'entreprendre une toute nouvelle relation avec mon corps. Je ne veux plus le saturer de médicaments. Je veux le découvrir autrement que par la douleur, l'écouter dans ses besoins et ses alertes les plus primaires. Je veux surtout créer un lien qui n'a jamais existé auparavant avec son langage. C'est pour cela que je commence à prendre soin de moi et prête attention à mes émotions qui, en vérité, ont toujours été à l'origine de toutes les ficelles de mon organisme. En complément de la pratique du sport, je reprends aussi le contrôle de mon alimentation et je m'essaie à une médecine alternative plus douce quand j'ai mal.

J'ai fait une crise (une "petite" sur l'échelle de Richter) et, quelques jours plus tard, j'ai eu mes règles naturellement pour la première fois depuis plus de 10 ans. C'était court et timide en juillet ; puis rouge et abondant (et un peu en avance) en août mais, tout ce qui compte -- tout ce qui compte -- c'est que mon corps l'a fait ! Il lui faudra sans doute un peu de temps pour retrouver un cycle. J'en ai pleuré de joie tellement j'étais heureuse de retrouver cette sensation, cette lourdeur dans le bas ventre qui fait de moi une femme à part entière, une femme en mesure de procréer malgré l'adénomyose. C'est magique !

Fin de la journée

18 août 2020 à 20h58

Comme d'habitude, je me suis réveillée quelques minutes avant l'alarme. Je n'ai jamais eu de problème pour me sortir du lit mais, avec les années, j'ai remarqué que j'accueillais mieux ma journée quand je me laissais quelques minutes pour émerger. Même processus pour le coucher. Je ne me plonge pas dans un bouquin ou dans le sommeil tout de suite. J'ai besoin de temps pour digérer tout ce qu'il s'est passé dans ma journée...

Et là, à l'heure à laquelle j'écris ces lignes, j'essaie péniblement de lâcher prise. Il faut que j'écrive tout ça.

Tout a commencé ce matin. A peine les yeux ouverts, j'avais une lourdeur inexplicable (et pourtant intuitivement familière) dans ma poitrine. Plus les minutes passaient, plus le poids se faisait sentir. J'en ai même versé quelques larmes en faisant la vaisselle du petit-déjeuner. Je me suis sentie pathétique de pleurer sans savoir explicitement pourquoi. J'avais beau prendre de grandes inspirations, prendre l'air sur le balcon, ce... quelque chose... me prenait de la gorge au plexus.

Je savais que, dans des dispositions pareilles, il aurait été plus sage que je reste travailler de chez moi. Mais j'avais peur qu'on me reproche cette prise de liberté, qu'on me fasse des remarques désobligeantes... Alors je me suis forcée et je suis partie. Sur la route (que je connais par coeur et sur laquelle rien de spécial ne peut arriver), je cherchais à accrocher mon regard quelque part...

Je suis arrivée au travail bouleversée, agacée et j'ai mis plus de temps qu'à l'accoutumée pour mettre mon masque (professionnel en plus du médical) -- lisse, souriant et accessible. J'espérais qu'il n'y aurait pas encore trop de monde cette semaine pour pouvoir avoir une excuse de rentrer à l'heure du déjeuner.

J'ai eu une échappée de quelques minutes en discutant de choses et d'autres avec les collègues de retour de vacances (nous étions 5 aujourd'hui) mais, dès qu'elles se sont tues, tout m'est revenu dans la poire. Je me sentais tellement mal, tellement obsédée par cet appel intérieur qui m'écrasait. J'ai gardé mes distances toute la matinée. Je ne me suis pas mêlée au café du matin ni au déjeuner dans le parc... J'ai replié bagage et, sans mot dire, je suis rentrée travailler à la maison. Tant pis pour l'image.

J'ai cru que j'allais imploser. Je n'arrivais plus à respirer sans ressentir une oppression insupportable. Je cherchais ma respiration. Quand j'ai réussi à me recentrer en me répétant à voix haute "tout va bien", "prends ton temps", "ça va aller", cette énergie est redescendue tout droit dans mon bas ventre avant de me faire sursauter en allant se loger dans mon sein droit. Je suis tout de même allée vérifier si je n'avais pas de nouveau mes règles mais rien à signaler. Je n'ai jamais eu mal aux seins, même pendant ma croissance. Cela ne ressemblait ni à une contraction d'adénomyose ni à de l'angoisse ni à quoique ce soit que j'ai pu expérimenté par le passé. Je ne sais pas ce que c'est.

J'ai tenté de reprendre le contrôle toute l'après-midi, à essayer de me rassurer. Après les techniques de respiration, j'ai essayé de penser à des choses qui me font plaisir (ou sont positives) : comment je vais occuper mon prochain week-end, mes projets de voyage (toutes les options que j'ai prises et celles qui sont en train de se former)... Dans un passage à vide, je finis généralement par trouver une issue dans une fissure qui vient à moi à un moment de la journée et je me concentre dessus ; je m'y refuge en attendant que passe la pluie. Mais là, j'ai juste l'impression de m'être consumée par les deux bouts.

#CancelTaLife

21 août 2020 à 21h06

Je terminais mon dernier écrit en évoquant des pensées positives et des projets qui me feraient plaisir pour me sortir d'un état d'anxiété foudroyant. Je commençais à m'en remettre gentiment avec mes techniques "infaillibles" et voilà qu'en regardant le site de l'ambassade de ma prochaine destination (histoire de surveiller l'évolution de la Covid), je reçois en simultané deux alertes consécutives de la compagnie aérienne : un vol est annulé et l'autre a changé de jour et d'horaire. Bim!

C'est l'ironie de la vie qui me répond, qui ne me laisse pas une chance de me projeter et le droit d'attendre (et d'atteindre) ma première pause depuis 2019. J'avais besoin de cette impatience pour me garder motiver jusqu'à la fin de ma mission ! Et oublier la fatigue et l'ennui aussi.

J'ai fait une demande de remboursement pour les billets. En plus, l'employeur d'une des copines avec qui je devais partir a changé d'avis et lui refuse finalement ses congés... Sympa. On attend la réponse de l'organisateur du circuit pour savoir si le voyage est maintenu ou non avec les filles. De toute façon, je ne peux pas réinvestir dans de nouveaux vols tant que je n'ai pas été remboursée des premiers.

Cherry on the top, j'ai reçu un email de l'école de photographie à laquelle je me suis inscrite : le stage de ce week-end est annulé. Mais ça, c'est cadeau.

Rouge

26 août 2020 à 15h37

Troisième don du sang de l'année. Je ne suis pas peu fière. Cette expérience me fait du bien et m'aide à me sentir utile, à faire quelque chose d'utile. Et puis il semblerait que j'ai un taux de plaquettes exceptionnel qui rend service alors je continue. Le centre est tout près de la maison et j'ai toujours été super bien reçue. Cette fois-ci, j'ai demandé à changer de bras et ma veine (qui se trouve sous un tatouage) a roulé au moment de la pose de l'aiguille. Je ne savais même pas qu'une veine pouvait se faire la malle. Et me faire mal ! L'infirmière a finalement réussi à la retrouver en la cherchant du bout du cathéter... Ouch!

Je suis ensuite allée me prendre un déjeuner à emporter. J'avais l'impression que ça faisait des mois que je n'avais pas mangé de viande rouge. Plus le temps passe et moins ça m'inspire, même quand je vais au restaurant. Je préfère les viandes maigres ou les plats végétariens. Ils sont plus digestes et faciles à cuisiner.

En ce moment, l'alimentation est un sujet très sensible. Cela fait quelques semaines que mon corps continue de me surprendre en manifestant des réactions que je n'avais jamais ressenties auparavant. Par exemple, il m'arrive d'être affamée mais d'être totalement rassasiée (et parfois dégoûtée/écoeurée) au bout de quelques bouchées. De même, certains produits qu'il m'arrivait de consommer sans difficulté me sont visuellement insupportables... mais pas tout le temps (insupportable, je confirme). Pour éviter de faire trop de gâchis (je me déteste de jeter de la nourriture, vraiment), j'ai réduit mes quantités mais je n'arrive toujours pas à finir mes assiettes. Je fais attention car cette situation perdure et je ne voudrais pas dériver vers des troubles de l'alimentation. Mes repas restent équilibrés et je me sens en accord avec mon métabolisme. C'est le plus important. La fatigue que je ressens est plus liée à l'ennui de mes journées...

Puisque je me suis lancée dans la grande opération de m'approprier ma féminité et d'être à l'écoute de mon corps, je m'interroge beaucoup sur l'acceptation de mes désirs et comment apprendre à devenir intime avec moi-même. Je connais si peu mon corps dans ce qu'il peut me procurer de bon (côté douleurs et maltraitances, j'ai fait le tour je pense). Je suis passée par une enseigne spécialisée qu'une YouTubeuse "grande taille" recommandait pour me commander de la lingerie de qualité. J'ai noté quelques marques reconnues pour la longévité de leur pièce. Je n'ai pas à me plaindre de mes choix habituels mais j'avais envie de sortir du standard, de me sentir jolie... en secret. Comme cela représente un budget, j'ai attendu les dernières offres des soldes pour me lancer et me faire plaisir. Je n'ai gardé que ceux dans lesquels je me sens à l'aise. A défaut de me trouver vraiment jolie dedans (ça viendra peut-être un jour), les modèles sont raffinés et très sensuels. Ils donnent envie d'être portés...

Ce que je ne peux pas trop faire en ce moment car mon cycle menstruel a déboulé hier matin, avec quatre jours d'avance, sans signe annonciateur (donc pas envie de flinguer mes beaux brésiliens sur ce malentendu). Tout se passe à peu près bien : je n'ai fait aucune crise d'adénomyose et la gêne utérine reste tolérable (même si c'est ce qui m'a réveillé ce matin). Quand j'ai mes règles, je me sens -- je me dis -- que c'est le signe manifeste que je suis une femme en bonne santé. Et ça me remplit de joie. Je crois qu'après des années de souffrance, je serai toujours étonnée de me découvrir un semblant de normalité.

Wakanda Forever

29 août 2020 à 16h57

La première chose que j'ai lu en me réveillant était l'annonce de la disparition de Chadwick Boseman, foudroyé par un cancer à 43 ans. Fait chier.

J'y ai beaucoup pensé en courant ce matin. Ça m'a fait flipper, je crois. Quel regard porte-t-on sur la vie (et la mort par extension) quand la fin devient programmée et que l'on fait tout -- tout ce qui parait juste et humainement possible -- pour rester ? D'ailleurs, est-ce qu'on mène ce combat pour soi ou pour les autres ? Ou un peu des deux ? Est-ce que l'on est si sage de remettre toutes ces choses à plus tard ?

43 ans. C'est l'âge que j'aurai dans 10 ans "si". Moi qui rentrais vide et déjà torturée dans la vingtaine sans penser passer la trentaine. Quand je me retourne, il y a si peu d'accomplis. Et devant... Juste un peu plus de paix.

Je dois continuer à fournir les efforts qu'il faut pour habiller de couleur ce néant. Cela ne peut pas ne pas marcher. Cette nouvelle m'a troublé, vraiment.

"Vivre et bientôt mourir / Ne m'était pas apparu / Comme évident, cousu, / Passer inaperçue / Est insurmontable..."

Mission d'avenir

30 août 2020 à 13h39

Nous avons reçu l'annonce que l'organisation du temps de travail mise en place depuis mars est prolongée jusqu'à fin septembre. La probabilité de finir ma mission sur ce mode est quasi-sûre. C'est très bien : le temps et l'ennui ne passeront que plus vite ! Et en route pour la prochaine aventure et étape de vie... Enfin, après quelques jours de vacances.

J'ai appris que la personne que je remplace reviendra une semaine plus tôt que prévu. Cela ne change en rien la date de fin de mon contrat (du moins, aux dernières nouvelles). La manager qui me l'a annoncée m'a de nouveau encensé en remettant en avant à quel point je faisais l'unanimité au sein des équipes et qu'elle étudierait la possibilité de me faire rester (ou revenir).

C'est étrange car la seule piste pour laquelle j'avais eu écho s'est justement éteinte en réunion. Ils ont décidé de confier leur besoin de personnel supplémentaire à une alternante déjà en poste jusqu'au mois de décembre... Face à ce retournement de situation, les flatteries et les carottes n'ont plus vraiment le même goût. Ce n'est pas comme si je comptais vraiment dessus mais ça souligne bien la dissonance entre les paroles et les actes.

Si mon profil est réellement apprécié, peut-être que j'aurai des nouvelles l'année prochaine. En supposant que la situation économique ouvre quelques portes aux recrutements, ça m'aidera bien dans mes prises de référence.

Loin d'être sans ressources, j'ai demandé un entretien avec ma conseillère Pôle Emploi et commencé à étudier des pistes pour suivre une formation à l'issue de mon intérim. Depuis le succès de ma VAE en 2019, j'ai très envie d'aller plus loin et de décrocher un nouveau diplôme. J'ai pris contact auprès de deux centres de formation pour collecter les modalités d'éligibilité entre Pôle Emploi et mon projet professionnel. Et j'ai un troisième rendez-vous la semaine prochaine. Sans l'approbation de ma conseillère, mon dossier n'ira pas plus loin.

J'hésite encore entre la poursuite dans un domaine que je connais un peu (qui n'est pas venu à moi par hasard) et une vraie reconversion. Dans les deux cas, je sais que mon implication finit toujours par payer. Tellement de choses m'inspirent et peuvent aboutir à des réalisations professionnelles et personnelles. Je me concentre surtout sur ce qui me stimule intellectuellement, ce qui apporterait du sens à mon quotidien. D'ailleurs, c'est si simple d'écrire une lettre de motivation quand on ressent un réel intérêt pour un domaine.

Sois celle que tu attends

5 septembre 2020 à 16h52

Mon frère est passé à la maison. Il est en stage près de chez moi. On ne se voit pas souvent mais juste ce qu'il faut pour apprécier ces moments. Après avoir été une mère de substitution pendant toute son (et mon) enfance, j'apprécie enfin ma place de soeur à ses côtés. Nous parlons de nos vies, de nos proches -- communs ou non. Nous avons toujours été complices et pudiques. C'est probablement la seule relation à peu près saine que j'ai dans mon environnement familial alors je tiens à ce qu'on le reste aussi longtemps que possible. Je lui ai proposé que l'on se fasse une sortie sur Paris avant la fin du mois, juste après un de mes cours photo.

J'ai modifié les dates de stage que j'avais pour basculer sur une formation complète de 6 mois avec, à la fin, la possibilité d'exposer pour la première fois avec le groupe d'amateurs que je vais intégrer. C'est un peu intimidant, un peu excitant. La photographie est un loisir et un moyen d'expression que je pratique depuis une quinzaine d'années. J'avais envie d'ajouter à ce plaisir des connaissances techniques que je ne pourrai comprendre qu'avec la théorie et l'encadrement d'un professionnel. Je suis sûre que le résultat gagnera en qualité. Je commence la semaine prochaine, en soirée ou le samedi. J'espère que tout se passera bien, que le groupe sera sympa et le formateur pédagogue.

Quelques nouvelles aussi du côté des formations professionnelles. Je suis sur liste d'attente pour deux des formations que j'avais visées. Elles sont certifiantes (Bac +3) et seraient financées à 100% par Pôle Emploi. Les places sont très demandées et limitées. J'espère qu'une enveloppe se débloquera bientôt et que l'on me donnera ma chance sur une des deux. J'ai aussi eu un entretien pour une formation orientée reconversion. Le programme est très intéressant et se rapproche de ce que j'aurais voulu faire si on m'avait laissé choisir mes études. La certification est reconnue par l'Etat mais ce n'est pas un "vrai" diplôme à proprement parler. Il y a une grosse machine commerciale derrière. Je n'ai pas encore pris de décision ferme. J'ai juste envie d'avancer, de faire quelque chose de bien et d'important. Affaires à suivre...

Je suis super fière d'avoir réussi à me lever plus tôt pour aller faire du sport presque tous les matins et être prête à bosser à 9h. Sauf mardi où je travaillais sur site (et que les gens ont été bizarres parce que j'avais natté mes cheveux...) et jeudi pour cause d'insomnie (mon voisin m'a réveillé à 3h du matin...). En tous les cas, faire du sport en début de journée me donne la pêche ! Je me sens en pleine forme.

J'ai aussi fini le second tome de la saga de Christelle Dabos. Gros coup de coeur. J'adore lire et être emportée dans une fiction. Ça me rappelle l'effervescence lorsque j'attendais la sortie d'un Harry Potter. Tant de moments d'évasion, de nuits blanches... Ça m'avait manqué.

Does it ring a bell?

9 septembre 2020 à 21h41

Je suis tombée sur le chemin en allant à la salle de sport. Il y avait un nid de poule sur le parking et, en voulant éviter des bris de verre, je me suis pris le pied dedans. Tout va si vite dans ces moments. Je me suis étalée comme une crêpe. Ma cheville droite s'est tordue ; mon genou gauche s'est déchiré (mais je ne l'ai découvert que plusieurs heures plus tard). C'est le troisième choc important sur cette cheville alors j'ai tout de suite su que c'était grave.

D'abord la douleur qui traverse les membres comme un écho, et puis cette alerte irrépressible et urgente qu'envoie l'organisme pour tomber dans les pommes. Si d'aventure il m'arrivait d'avoir la certitude qu'on pourrait venir me chercher et s'occuper de moi, je m'autoriserais à m'abandonner au bord de la route sans demander mon reste. Mais ce n'est pas le cas. Et puis, je voulais me sauver. Je crois. Je me suis relevée et j'ai fait demi-tour comme si de rien était, le sac de sport à l'épaule et la démarche d'une écorchée. Pendant les minutes et les pas qui ont suivis, je n'ai qu'un souvenir sourd. J'avais mal, très mal. J'entendais l'eau faire des clapotis dans ma gourde. Et c'était tout.

Mon corps s'est réveillé quand je me suis assise sur le canapé. Ma cheville avait fait pousser une bosse de la taille d'une pêche sur le côté. Mon jogging avait un petit trou au genou. J'ai appelé mon père (qui habite à côté de chez moi) pour savoir si il était disponible pour m'accompagner aux urgences. Il était en chemin vers la gare pour aller travailler. En outre, il était certainement à quelques mètres de là quand je suis tombée. Je me suis sentie plus blessée par le fait qu'il ne veuille pas rebrousser chemin que par le fruit qui sortait de mon pied... Il a eu cette remarque : "Tu tombes souvent quand même." Non seulement il ne m'a pas aidé mais il sous-entendait presque que je l'avais fait exprès... Il m'a dit d'appeler le 115 et bon courage.

Le 115 m'a dit d'appeler le 15. Le 15, d'appeler SOS Médecins. SOS Médecins, de rappeler à 13:00 car ils ne desservaient pas ma ville et n'avaient personne à m'envoyer. Oui, oui, d'accord.

Je suis allée m'allonger sur le lit. J'étais en nage. Depuis quand j'étais en nage ? J'ai pris une photo de mes pieds et je l'ai envoyé à mon frère : "Does it ring a bell?". Et c'est lui, à l'autre bout de la région parisienne, qui a paniqué pour moi et s'est démené pour s'organiser, avec l'aide de sa copine, pour venir me chercher et m'emmener à l'hôpital. Il a apporté ma première paire de béquilles qui date du collège. La boucle bouclée. Il a placé un masque sur mon nez en sortant de la voiture, et j'ai senti ses longs doigts enrouler les élastiques derrière mes oreilles.

Dans la salle d'attente des urgences, j'ai essayé de me rassembler. Je me suis souvenue que ma première pensée a été pour mon hoodie. J'avais peur de l'avoir déchiré dans ma chute. Ça me parait tellement absurde maintenant. Et puis une petite dame est arrivée avec son fils et son mari pour un AVC. Je crois que c'est à ce moment-là que j'ai commencé à refaire surface. En me sentant petite, toute petite, avec mes membres en feu et en vie.

Je me souviens de l'expression des yeux de l'infirmière quand je lui ai dit que je ne me sentais pas bien. Elle m'a donné deux cachets de je ne sais quoi, avec un arrière-goût de citron, quand je lui ai répondu par la négative que je n'avais rien pris pour me soulager jusque-là. Elle m'a installé sur un fauteuil roulant. J'ai roulé des kilomètres et des kilomètres. On m'a garé dans un couloir, près d'une civière où une dame délirait. La radiologue s'est explosée la tête contre la machine en se relevant trop vite. Et le médecin me tutoyait en regardant la mémoire de ma cheville brisée, encore... J'ai enlevé mon jogging pour la pose du plâtre. Sous le petit trou du genou se cachait une plaie vive et suintante de peau et de sang... Quelqu'un m'a dit que j'étais gentille et a glissé dans mon dossier médical un certificat pour l'école et un arrêt de travail, dans le doute. Où que j'aille, les gens n'arrivent pas à me donner un âge ni à s'approcher de mes origines. Je me demande à quoi je ressemble.

L'hôpital nous a rappelé à mi-chemin du retour pour nous demander de revenir. Faux départ. Ils m'ont laissé partir en oubliant de m'administrer ma première injection d'anticoagulant. L'aide-soignante m'a montré comment m'y prendre pour le faire moi-même à la maison...

Mon frère et sa copine se sont occupés des médicaments et ont mangé des kebabs. Mon frère a fait du café et s'est étonné que je n'ai ni machine à capsules, ni micro-ondes à la maison. Avant de partir, il m'a dit qu'il viendrait me voir en semaine pour m'aider. Ça m'a fait du bien qu'il ait fait tout ce qu'il ait pu pour moi. Mon père est passé. Ma mère est passée.

Je n'ai pas encore pleuré.

Béquilles

12 septembre 2020 à 18h20

Mon frère avait insisté pour que je parte vivre chez ma mère quelque temps. J'avais insisté pour ne pas y aller. Je n'avais pas envie de renoncer à toute mon indépendance, à me plier aux règles d'un toit où je ne me sens pas très à l'aise. D'autant plus que je me sentais forte et capable de me gérer. Je n'avais pas envie d'être infantilisée ni d'être assistée. J'ai réorganisé mes affaires et mon temps. J'avoue que je me surprends moi-même (et je soupçonne mon entourage de l'être aussi). Je savais que je m'adaptais à tout mais je sous-estimais la vitesse à laquelle j'ai réinventé mes repères sans dénaturer mon environnement intime.

Et je sais que je ne suis pas seule -- ce qui change beaucoup la donne. C'est un sentiment assez étranger que j'apprécie. Mon frère s'est encore occupé de moi en venant me rendre visite après son stage. Le simple fait de faire le trajet pour me tenir compagnie une heure ou deux, plier et ranger le linge n'importe comment, discuter de ses journées (et piller mes placards)...

Ma mère est également venue déjeuner et passée un après-midi avec moi. Elle m'a apporté des petites courses d'appoint. Mon père et mon frère l'ont rejoint en fin de journée. On a pris un goûter tous ensemble. Il est rarissime de voir mes parents dans la même pièce. J'ai aimé ce sentiment d'être réunis (ça m'inspire des voeux de famille et me rappelle qu'il n'y a pas que mon pied qui est cassé). Il n'y a jamais personne chez moi quand tout va bien.

Le temps d'une piqûre, l'infirmière s'est jointe à nous. J'ai bien tenté de me faire mes injections quotidiennes toute seule mais je m'y prends comme un pied et je me fais mal. J'ai la chance d'être tombée sur deux infirmières aussi rapides qu'efficaces donc autant laisser les professionnelles faire. Chacun son métier !

Côté travail, ma mission se poursuit 100% à distance. J'ai donné le choix à mon employeur potentiel de me laisser travailler de la maison ou d'accepter un arrêt de travail d'un mois. J'aurais pu choisir d'être arrêtée mais j'ai autant besoin d'occuper mon temps qu'eux d'avoir quelqu'un. Etant donné que je remplace deux collaboratrices temps plein, les journées sont très chargées et je n'ai pas le temps de ruminer. Et mon salaire ne sera pas impacté. La fin approche à grands pas.

Ma chef m'a proposé de me payer le taxi pour venir au séminaire que j'ai organisé la semaine prochaine. La logistique d'une journée pareille (béquilles, masque, mobilité limitée et grosse chaleur) ne m'enchante pas du tout. J'ai poliment décliné.

J'ai enfin eu un retour de la part d'un des organismes de formation que j'avais sollicités par Pôle Emploi. Une campagne d'inscription vient de s'ouvrir. Je vais aller aussi loin que possible dans les étapes de sélection et saisir ma chance si je peux en avoir une. Les places sont limitées alors je ne me fais pas trop d'illusions. Ou plutôt, je reste réaliste. Le principal, c'est de passer à l'action pour ne pas avoir de regret. Et puis, ça mobilise mon esprit sur un objectif à atteindre.

J'ai réussi à reporter mon stage de photographie à l'année prochaine sans frais. J'étais tellement enthousiaste à l'idée de mettre un peu de nouveauté dans ma vie... Ce n'est que partie remise, heureusement. Comme cette soif de dépaysement et de voyages... Par contre, je crois que les places pour l'exposition que je devais aller voir avec mon frère sont fichues.

Roses

19 septembre 2020 à 19h12

Cette semaine n'a pas été facile ni de tout repos. J'ai eu des moments down, surtout en début de semaine où mon corps s'est une fois de plus opposé à la nourriture de la façon la plus violente qui soit. Je crois que je suis passée maître dans l'art de vomir en équilibre sur un pied... C'était abominable et trop pour moi. Je me suis sentie épuisée physiquement et nerveusement. La charge de travail de la rentrée est très dense et j'étais moins imperméable aux excentricités de certaines demandes. Et puis ce manque de mobilité et d'autonomie sous mon propre toit m'agace profondément. Mes astuces et aménagements sont efficaces mais tellement compliqués.

Le coup de grâce est arrivé à pas de velours pour la fin de semaine...

Ma mère m'a envoyé un message pour m'informer qu'elle partait une semaine avec son mari pour visiter un appartement à quelques kilomètres de Perpignan en perspective de leur retraite. Ce déplacement n'était pas du tout prévu dans leur agenda et s'est décidé sur un coup de tête en une après-midi. J'avais assimilé qu'ils arrivent tous les deux à un âge où l'envie de tirer sa révérence (de gré ou de force) est légitime mais je ne m'étais jamais figurée qu'elle bazarderait tout et envisagerait de mettre autant de distance entre nous (= ses enfants)... J'ai d'autant plus de mal à m'y faire après avoir découvert que ce déménagement l'entrainerait à quelques kilomètres de Perpignan, certes, mais bel et bien hors de France...

Je suppose que, à défaut d'avoir été préparée, je dois maintenant laisser l'idée faire son chemin et, qu'en temps et en heure, je m'y ferai...

Cette décision m'a ramené aux arguments qu'elle m'avait dit quand elle a abandonné le navire pour aller vivre avec mon beau-père. Bien de l'eau a coulé sous les ponts depuis. Elle nous a demandé pardon et on a pardonné. J'ai juste l'impression de revivre un peu ce schéma. Aucune excuse ni regard en arrière pour nous. Elle ne pensait qu'à son confort. Je crois que la pilule aurait été plus facile à digérer si j'avais été convaincue qu'elle partait par amour -- parce que c'est à mes yeux la seule raison pour laquelle j'imagine que l'on peut tout faire, y compris devenir fou. Si elle m'avait dit qu'elle était amoureuse et que son bonheur dépendait de ce choix, j'aurais immédiatement compris. Mais non. Elle partait parce qu'elle avait trouvé une poule aux oeufs d'or qui lui assurait qu'elle ne manquerait plus jamais de rien, que ses caprices les plus inutiles seraient assouvis. Je lui en ai voulu de ne pas avoir hésité un seul instant entre le ventre et le code d'une carte gold. Son côté vénal la perdra. Et puis, plus tard, j'ai aussi eu de la peine pour lui, qui se fait aimer pour ce qu'il a et non pour qui il est.

Ce tourbillon d'émotions cumulées n'est sans doute pas étranger à l'insomnie de la nuit qui a suivie et qui m'a laissée sur le carreau pour toute la journée qui m'attendait, sans pitié... J'espérais avoir un peu de repos en fin de journée mais mon père est venu me voir. Ma mère et mon frère ont également fait tout le trajet pour passer quelques minutes alors que je leur avais dit de ne pas se forcer si ils n'en avaient pas envie ou qu'ils se sentaient fatigués. Même si j'apprécie avoir un peu de compagnie, j'aurais préféré qu'ils ne choisissent pas tous le même jour. L'appartement devient vite étroit et, très vite, je me sens envahie, comme plus tout à fait chez moi. Et puis, pour être honnête, ils ne m'aident pas du tout. Ils déplacent librement mes aménagements sans les remettre à leur place. Ils s'assoient et discutent en jetant des coups d'oeil à leurs téléphones. Ma mère voulait faire à manger à mon frère (merci pour les autres) mais c'est ravisé quand je lui ai dit qu'elle devrait faire la vaisselle correctement. La dernière fois, elle a cuisiné mais a laissé derrière elle la vaisselle poisseuse...

Côté travail, j'ai eu la confirmation que mon contrat serait bien prolongé jusqu'à la mi-octobre. Ça me fait tout drôle de me dire qu'il me reste moins d'un mois à travailler pour eux. Et d'un autre côté, je pense avoir fait le tour de ce que je pouvais apprendre sur ce poste et qu'il est temps de passer à autre chose.

Dans le même temps, j'ai eu un échange intéressant avec une de mes collègues -- celle qui serait directement impliquée dans le supposé besoin de recrutement. J'ai déjà évoqué ici les éventuelles possibilités d'ouverture de poste auprès de l'employeur "client" pour lequel je suis missionnée en ce moment. Les choses semblent continuer à se passer - positivement - en coulisses. Je ne sais pas si on peut dire qu'elles progressent pour autant car, en dehors des compliments (toujours agréables à entendre), aucune action concrète ne vient à moi.

Du coup, je me dis que je ne peux pas vraiment compter dessus et que j'ai raison de prospecter pour améliorer mon avenir. Dans l'absolu, je préfère avoir à faire un choix que de ne rien avoir du tout.

J'ai complété toutes les étapes pour déposer officiellement ma candidature à la formation financée par Pôle Emploi. La décision définitive se passera dans les jours prochains devant un conseil pédagogique qui arbitra sur mon profil. Si ça ne marche pas, je commencerai à écumer les offres d'emploi dès que je retrouve mon pied. Et, qui sait, peut-être que moi aussi l'étranger m'appellera ?

Soupe aux cheveux

22 septembre 2020 à 20h27

L'appel qui fait semblant de prendre des nouvelles pour demander quelque chose ou jeter une bombe. Je commence à bien les connaitre et je ne suis pas sûre d'aimer ça. Allo, oui, je viens d'avoir la validation du budget donc je vous prolonge sur une nouvelle mission de 6 mois sans carence parce que vous allez passer sur un autre poste. On revient vers vous pour les détails. Mais si vous voulez prendre une semaine entre les deux, vous pouvez. A bientôt, au revoir.

L'appel a duré moins de 3 minutes. Je n'ai pas pu poser de questions. Je ne sais pas pour quelle fiche de poste je dois être prolongée, ni les conditions qui l'englobent. Je ne sais rien. Je n'ai pas eu mon mot à dire. Je n'ai pas pu donner mon avis. J'écoutais cette femme déballer ce qu'elle voulait faire de ma vie pour les prochains mois comme si je n'étais pas tout à fait là, comme si ce n'était pas à moi de décider, comme si je ne pouvais pas refuser.

J'ai attendu une proposition et j'ai pourtant détesté qu'on me la fasse. Je suis très choquée par ce manque total de considération et la brutalité de l'approche qui ressemble plus à un ordre qu'à une opportunité. J'aurais voulu qu'on prenne le temps d'en échanger, qu'on affiche nos visions et qu'on formule explicitement nos possibilités. Je réalise que même la durée de repos que l'on m'accorde entre les deux est déjà arrêtée. Mes derniers congés remontent à mai 2019 et je comptais bien souffler un bon mois (voire même partir en vacances). Je suis vraiment fatiguée et j'ai besoin de me reposer. Pour couronner le tout, elle l'a annoncé en réunion d'équipe comme pour me bloquer dans l'engagement. Je n'ai pas parlé de mon dossier de formation en cours d'étude. On ne m'en a pas laissé le temps...

Mon frère est passé après le travail. Notre mère lui a prêté une de ses voitures pour qu'il fasse le trajet jusqu'à son lieu de stage. Il a mis à peine 25 minutes au lieu de 1h30 (quand il prend les transports en commun). Il n'est pas resté longtemps. Il était fatigué de sa journée alors il s'est fait un café. Il m'a dit qu'il trouvait que j'avais été dure avec notre mère, que je ne l'avais pas assez calculé et que, le peu de fois où je lui avais adressé la parole, c'était pour la casser.

Je n'ai pas aimé entendre ça. Tout d'abord parce qu'il a totalement extrapolé mes propos. Il les a endurcis dans le ton et dans les mots. Ça me faisait clairement passer pour un bourreau qui avait pris notre mère pour cible.

J'ai voulu en parler à ma mère pour savoir si tout ce qui m'était rapporté était vrai. Elle a fait l'étonnée alors que je sais au fond de moi qu'elle a envoyé tous les signaux à mon frère pour qu'il m'en parle à la première occasion. Elle savait qu'en passant par lui, je finirais inévitablement par culpabiliser, par m'approprier l'attitude qu'on me reproche. Pourtant, je sais très bien ce que j'ai dit et ce que mon frère a rajouté. Même si je conçois que les remarques que j'ai faites ne sont pas positives à entendre, elles restent vraies : oui, tu parles très, très fort alors que je suis à un mètre de toi ; oui, les semelles de tes chaussures ne sentent pas bon ; oui, la vaisselle de la dernière fois n'a servi à rien. Oui, j'ai dit tout ça. Et alors ?

Dans son message de réponse, elle m'avait dit qu'elle s'était sentie comme un cheveu sur la soupe. D'abord par mes remarques et ensuite parce que j'ai plus échangé avec mon père qu'avec elle... Je ne suis pas une grande bavarde et j'ai développé une sorte de réserve avec les liens familiaux. Je crois que j'ai le droit de profiter du peu d'intérêt que l'on peut me porter quand l'instant se présente. D'habitude, ils n'ont d'yeux que pour mon frère. L'étudiant brillant. La réussite après le brouillon. Ils l'admirent tellement, le préfèrent tellement que je finis inexorablement sur la touche et rabaissée. Oui, j'ai eu un peu d'attention et ça m'a fait du bien. Et alors ?

Mes nuits sont peuplées de rêves étranges. Je crois que c'est la seconde fois en moins d'une semaine que je suis enceinte. La première fois, je perdais les eaux en soirée. Je portais une tenue que je n'oserai jamais porter dans la vraie vie. Cette nuit, mon enfant avait une peau fine et rosée comme du papier au soleil. C'était une fille. Elle était minuscule, enveloppée dans une serviette de bain. Je lui ai donné le sein. Il y avait un bijou. Un pendentif. Ovale comme un camé, plat comme une lame et sertis de perles de culture. Et d'autres rêves. Tellement d'autres.

Quelqu'un a volé mon colis livré en boites aux lettres. Un de mes directeurs a décidé de changer de poste et de service sur une envie de pisser. L'infirmière a repiqué dans un bleu. J'ai souillé ma culotte de sang au réveil. Le lait a débordé de la casserole. Je fais des origamis avec les serviettes hygiéniques (que ma mère à acheter) tellement elles sont petites. J'ai nettoyé la gazière, la salle de bain et mes cheveux. Et j’ai une putain d’araignée dans ma chambre.

Automne

1 octobre 2020 à 20h17

L'automne est arrivé à une vitesse... Encore trop tôt pour mettre le chauffage. J'ai l'impression que l'humidité s'infiltre jusque dans mes draps. J'ai froid. Tout le temps. Le jour, la nuit. Je dors avec un pull et des chaussettes. Je m'emmitoufle dans une grosse écharpe la journée. C'est ma façon de trouver confort et réconfort. C'est mon côté félin. Quand quelque chose me manque, quand le puzzle est incomplet et que je me creuse, je vais le chercher dans les objets et, plus généralement, les vêtements.

Si tout va bien, on m'enlève le plâtre la semaine prochaine. Je compte les jours qui passent par le nombre de piqûres qu'il me reste à faire. C'est mon calendrier de l'Avent : tout juste une boite pleine. Il faut encore que la radio de contrôle soit concluante. Et j'aurai sans doute des séances de rééducation. J'ai hâte de passer à autre chose. Le confinement était déjà assez difficile sans que j'ai besoin d'être prisonnière de mon propre corps. J'ai besoin de retrouver ma mobilité et choisir ce que je fais de mes journées. J'ai envie de refaire du sport, de pouvoir danser.

Je vais surmonter cet épisode. Je vais me relever et je pourrai être fière de moi en me disant que je m'en suis plutôt bien sortie. Je réussis à me laver (ce que je redoutais le plus) de la tête aux pieds (enfin juste un). Je me fais des repas équilibrés (que j'arrive à manger ces jours-ci). La vaisselle est propre. J'étends, je plie et je range le linge. J'ai même mis un peu de maquillage et passé l'aspirateur toute seule aujourd'hui. J'ai des petites baisses de régime mais elles me rappellent que je suis humaine et que ce n'est pas synonyme de laisser aller.

Ma mère m'a envoyé un message pour me dire qu'elle était bien rentrée d'Espagne. Contrairement à ce qu'elle m'avait dit, elle ne m'a donné aucune nouvelle en dehors d'une photo de la plage. Comme couru d'avance, l'appartement qu'ils ont visité leur plait. Les locataires actuels doivent informer le propriétaire qu'ils quitteront les lieux d'ici la fin de l'année et faire leur recommandation. Elle a cru bon d'ajouter qu'il y avait des lits jumeaux (le rêve) pour moi et mon frère au cas où nous leur rendions visite. J'ai souri. Jaune. Déjà parce qu'on n'a plus 4 ans et, de l'autre, parce que cela n'arrivera pas tout de suite pour ma part.

Je ne dis pas que cela n'arrivera jamais mais si nous devons accepter sa décision -- qui est celle de partir, de mettre tant de distance entre nous -- elle doit aussi se faire à l'idée que ce n'est pas nécessairement la première destination à laquelle on pensera pour nos vacances. Je sais déjà que je vivrai mieux la séparation qu'elle et qu'elle s'en plaindra tôt ou tard, comme le font aujourd'hui mes grands-parents à grand renfort de chantage affectif (toujours à la limite de l'insulte). On n'a pas le droit de s'éloigner (surtout avec des arguments bidons tels que "La vie est moins chère là-bas : on va au resto pour moins de 15 € par personne. Déménageons !") pour ensuite exiger des autres, de façon implicite ou perverse, de venir.

J'ai eu l'occasion de poser les questions que j'avais sur la "proposition" de poste que l'on m'a faite. Sans surprise, la personne que j'ai eu au téléphone n'avait aucune information à me communiquer. Cela ne dérange personne de ne pas avoir de fiche de poste, de ne pas avoir de dates, de ne pas connaitre le salaire. C'est assez incroyable de croire que les choses sont acquises au point de ne pas verrouiller les bases. Je ne m'engagerai pas sans un minimum de confirmations.

Je voulais aussi qu'ils prennent note de mes conditions. Tout le monde a pris un mois ou plus de congé et ils ne comprennent pas pourquoi je demande trois semaines. On m'a dit : "On est partis sur deux semaines maximum. Tu sais, si ce n'était pas urgent, on ne passerait pas par de l'intérim." J'ai fait les huit mois de mission initiale et cumuler deux postes (au lieu d'un) pour le même salaire et sans m'arrêter. Si je dois repartir pour six, il me faut impérativement une pause. J'ai besoin d'une coupure, de me ressourcer. J'entends parler de ce besoin depuis le mois de juin donc soit on n'a pas la même définition d'une urgence ; soit qu'on me transmette urgemment les conditions de travail qui vont avec. Ou qu'on s'adresse à quelqu'un d'autre de moins exigeant.

J'ai aussi évoqué l'autre possibilité. Celle de ne pas continuer et de me lancer dans une formation, sous réserve qu'elle soit validée. Je voulais être honnête avec eux, jouer cartes sur table. Et leur faire comprendre que, si je ne suis pas indispensable, le monde continue aussi de tourner sans eux. Je n'appartiens à personne. La réponse ne devrait plus tarder.

J'ai reçu la confirmation du report d'un voyage que je devais faire cet été à la fin d'année prochaine. J'ai aussi pris une place de concert en excursion pour un autre voyage au printemps. Il peut se passer tellement de choses d'ici là ! D'une certaine façon, cela veut peut-être dire qu'il faut penser à vivre au présent. C'est plus fort que moi, j'ai besoin d'avoir des projets pour avoir envie de vivre.

Liberté

11 octobre 2020 à 18h32

Maman m'a poussé sur un fauteuil roulant pour m'éviter une nouvelle chute en béquilles sur le sol lustré de l'hôpital. J'avais l'impression d'être de nouveau sa petite fille en poussette. Je me suis plongée dans un souvenir d'enfance où nous chantions en allant (ou en revenant) des courses. La Shoop Shoop Song. Maman prenait de l'élan et sprintait en ligne droite. On riait comme des folles, cheveux au vent. Et à la pente, je levais les bras et elle lâchait la poussette qui partait à toute vitesse. C'était grisant.

Je suis libre, tellement libre depuis que l'on m'a enlevé le plâtre ! J'ai beaucoup de mal à marcher. J'ai fait ma première sortie dehors seule depuis plus d'un mois. Il faisait beau alors j'ai voulu prendre l'air. Conduire m'est très pénible et sollicite le mauvais pied. J'ai une chaussette de contention qui m'aide à gérer la sensibilité de ma cheville et la douleur qui s'élance à chaque pas. Je m'applique au maximum à la maison en attendant mes premières séances de kinésithérapie.

Ce matin, j'ai pris une éternité dans la salle de bain à prendre soin de moi. Tous les muscles de ma jambe plâtrée ont fondu comme neige au soleil. Ce n'est pas très agréable de la toucher (ma peau pèle jusqu'au genou) tandis que l'autre contraste, bien ronde et tonique. J'ai aussi fait le grand ménage : le sol, les bois, les draps... Ils en avaient grand besoin. Mon esprit aussi. Et je suis en train de construire plusieurs projets qui ont muris pendant ma période convalescence. Ça prend forme...

J'ai reçu l'appel de "ma chef" en fin de semaine. Des collègues et la personne que je remplaçais (de retour) se sont chargées de lui rappeler que ma mission arrivait à son terme, que je n'avais toujours aucune confirmation et d'autres plans à l'horizon. Si ils ne l'avaient pas fait, je ne l'aurais pas fait. Epuisée, je n'avais plus envie de relancer. J'avais fini par lâcher prise et me dire qu'on savait où me trouver. Non seulement je me suis sentie navrée qu'elle n'ait pas su y penser par elle-même mais, encore une fois, sa brutalité m'a laissé sans voix. L'appel a duré moins de deux minutes et était direct : "J'entends des choses se dire... Qu'est-ce que vous attendez de moi exactement ?". Sans voix, vraiment.

J'ai débité mon flot de questions d'une traite de peur qu'elle raccroche sans prendre le temps d'écouter ce que j'avais à dire. Elle m'a répondu que personne n'avait réellement l'intention de me tenir au courant (pour quoi faire), que trois semaines de congé faisaient un peu beaucoup mais qu'elle comprenait mon besoin -- surtout avec "mon histoire de pied" -- et qu'elle revenait vers moi avant la fin de la journée avec une proposition. Et, sans surprise, je n'avais rien reçu à la fin de la journée.

J'ai découvert la fiche de poste en me connectant le lendemain matin. Envoyée la veille en soirée. Et rien. Pas de motivation, ni d'enthousiasme particulier. Pour être honnête, seul le salaire en valait la peine et a retenu mon attention car le contenu ressemble à une liste de problèmes dont personne ne veut plus s'occuper. Je n'ai pas envie d'être bien payée pour être malheureuse. Je n'arrive pas à déterminer si la mission n'est vraiment pas intéressante ou si c'est toute cette attente, tout ce mépris, qui ont totalement flingué ma curiosité. Les deux cumulés sans doute. Enfin, trois.

Quelques jours avant cet épisode, j'ai reçu une excellente nouvelle de la part de l'école : mon dossier a été accepté !! Un grand OUI !! J'ai dû m'y prendre à deux fois en lisant le mail de réponse. Puis j'ai senti l'adrénaline monter, monter, monter...

J'ai aussi eu deux autres appels spontanés d'agences d'intérim pour de nouvelles missions. Rien d'intéressant en soi mais ça m'a fait beaucoup de bien de sentir que les portes ne sont pas fermées. Ça m'a fait prendre conscience qu'il y aurait sans doute d'autres missions mais peut-être pas d'autres occasions d'avoir une formation financée, d'aller décrocher un nouveau diplôme, ni d'intégrer une école de commerce.

Ce diplôme, je le visais déjà en 2019. Juste après ma VAE, je m'étais inscrite à des cours du soir pour poursuivre sur ma lancée dans ce domaine que j'ai appris sur le tas. Mais l'impossible charge de travail et les soucis au sein de l'entreprise pour laquelle je travaillais m'ont vidé de toute énergie jusqu'à la fin... Ce n'était pas le moment, tout simplement.

La vie m'ouvre les bras sur cette deuxième chance et je ne peux pas l'ignorer. Je me dis que je dois la saisir pour ne pas avoir de regret et, surtout, pour m'écouter. Je me dois d'essayer, de faire quelque chose pour moi, pour mon avenir, de tout mettre en oeuvre pour atteindre mon but. OK, le salaire ne sera pas aussi confortable pendant quelques mois mais mon quotidien aura du sens. S'éduquer et apprendre, c'est s'élever en travaillant sur soi, pour soi. Cette chance n'est pas donnée à tout le monde. Ça me parait encore plus évident maintenant que je l'écris ! Ça me fait peur. Dites-moi que je peux y arriver. Non, dites-moi que je vais y arriver.

J'ai pris la peine d'informer ma famille de mon dilemme et de mon inclinaison. Tous se sont mis à ma place (alors que je ne demandais rien) et auraient choisi de continuer en mission d'intérim. L'emploi et l'argent d'abord, évidemment. Je comprends, j'y ai pensé. J'ai décidé de suivre mon coeur même si c'est la seule chose qui me suit et me soutient dans ce défi. Si j'y arrive, non seulement je pourrais prétendre à des postes intéressants et des salaires équivalents mais je pourrais aussi mieux me réaliser dans mon travail, me développer personnellement et aider des gens.

Au cours des deux dernières nuits, j'ai rêvé d'un homme que j'ai déjà vu mais que je ne connais pas. Impossible de remettre les contextes. Le premier souvenir que j'en ai, c'est son corps sec de trois-quart. Il portait une tenue décontractée que l'on met quand on reste à la maison. Joyeux, il parlait à des personnes sans identité qui se trouvaient là et est allé s'asseoir à côté d'une silhouette aux traits épais sur un canapé blanc. On aurait dit un dessin au fusain. Il a posé la main sur son sein droit. Il portait un porte-bébé et a replacé un de ses petits pieds fragiles au moment de s'asseoir. Et cette nuit, j'ai vu, le temps d'un flash, son visage, très net, posé à côté du mien comme si il se reposait à côté de moi. Il me souriait.

Peau de départ

21 octobre 2020 à 21h17

Je n'arrive pas à croire que je n'ai plus à me connecter ou à aller travailler le matin. Ça y est, l'aventure est terminée. La page est tournée.

Je suis en "vacances" ou, plus officiellement, au chômage. Cela fait des années que cela ne m'était pas arrivée et, c'est difficile à croire, mais la discipline de l'emploi me manque déjà. Je n'arrive pas à décrocher du rythme. Tout mon corps me crie de me reposer ; ma tête me hurle de rester dans l'action. Je me réveille toujours à la même heure. Je regarde la chaise vide où étaient posées mes affaires et, là, je me rappelle que je n'ai plus rien à faire que de m'occuper de moi. J'attends que le téléphone sonne, je regarde mes emails plusieurs fois par heure avec fébrilité... Et la fatigue revient au galop, frappante de vérité : je ne sais plus comment me rendre indispensable.

Bon sang, où est le bouton "off" sur cette machine ?

Ma dernière journée s'est très bien passée. J'ai laissé l'heure de pointe filer pour m'éviter les bouchons sur l'autoroute. Je craignais beaucoup la durée du trajet et d'avoir à jouer des pédales. Je suis arrivée en fin de matinée. J'ai pris tout mon temps pour rejoindre les bureaux et, finalement, même avec toute la lenteur exaspérante dont j'ai été capable et les grimaces arrachées par une cheville trop sollicitée, je ne regrette pas d'y être allée.

Il n'y avait pas beaucoup de monde mais ceux que j'appréciais étaient là et c'est tout ce qui compte. Alors que certains m'ont adressé leurs meilleurs voeux par téléphone ou par message -- ce qui était déjà assez émouvant à distance -- certains m'ont dit qu'ils étaient venus sur site spécialement pour moi. J'ai trouvé ça complètement dingue qu'on puisse faire le déplacement et prendre les risques que l'on connait tous juste pour me dire au revoir. A moi. Rien que de l'écrire, ça me remet les larmes aux yeux.

Nous sommes allés déjeuner dehors pour la première et dernière fois. Dans un restaurant à proximité que j'avais l'habitude de réserver car apprécié des hauts patrons (le genre de bistrot un peu huppé où on mange une salade pour 25 €). Je m'étais naïvement imaginée que le cadre et les plats y étaient raffinés mais j'ai été très déçue par la qualité de la nourriture et du service. Ce qui ne nous a pas empêché de trinquer (ah si, les bulles étaient chouettes) et de passer un bon moment ensemble !

J'ai été très gâtée et remerciée de bien des façons. Des anecdotes, des empreintes inattendues et hyper touchantes que j'ai laissées, bien malgré moi, dans la mémoire collective des équipes. Et puis une carte très colorée ("qui me ressemble", selon la collègue qui l'a choisie) et des petits mots pleins de dédicaces de ceux qui n'ont pas pu se joindre à nous. Je n'aurais pas pu rêver de meilleures références pour ma prochaine expérience !

Je suis rentrée chez moi, émue et pleine d'un sentiment d'abondance, de sérénité. C'était immense et confortable. Je me suis laissée habiter par ces émotions. J'étais heureuse de me dire que j'avais passé une excellente journée. Ça arrive parfois.

Rafraîchissement

27 octobre 2020 à 19h54

L'école m'a fait parvenir mes identifiants. Je suis officiellement étudiante ! J'ai pris un rendez-vous pédagogique avec mon professeur principal. Aucun rendez-vous n'était disponible avant un mois. Il ne faudrait pas que je rencontre de difficultés d'ici-là car ça me parait loin. C'est tout nouveau pour moi alors j'espère que je m'en sortirai. Ce format de cours me permet d'être vraiment autonome et d'organiser ma vie personnelle en parallèle. Cela tombe plutôt bien pour gérer les séances de kinésithérapie.

Conduire n'est pas fun. Je suis obligée de tenir le poids de ma jambe sous le genou quand les feux rouge trainent en longueur. Ma cheville ne tient pas longtemps et souffre à chaque aspérité, chaque irrégularité du sol. J'ai laissé les béquilles dans le coffre de la voiture. Ça fait plaisir de ne plus les avoir dans mon paysage du matin au soir ! C'est une vraie satisfaction de voir les progrès entre les rendez-vous même si ils peuvent paraitre insignifiants. Je m'exerce aussi à la maison et dès que j'en ai l'occasion.

Mes règles sont arrivées avec quasiment une semaine de retard. J'ai eu peur. Peur de retomber dans mon vieil historique et ne plus les avoir pendant 6 mois sans comprendre ce qu'il se passe. Au début du cycle, le sang était noir, très épais et incroyablement malodorant. Je me demande si l'arrêt des injections préventives (pour éviter une phlébite) et la mauvaise circulation sanguine de ma jambe y sont pour quelque chose.

Dès que la confiance d'être sur mes deux jambes sera revenue et les douleurs disparues, je pourrais reprendre une activité physique régulière. Je songe aussi très sérieusement à prendre des cours de Pilates ou de yoga en début d'année prochaine. J'ai besoin de réaligner l'esprit au corps.

Je suis allée chez le coiffeur pour un "rafraîchissement". C'est la dernière fois que je vais là-bas (ou que j'utilise cette expression ailleurs que dans un bar). Non seulement parce que j'ai envie de laisser mes cheveux pousser mais, à chaque fois que j'y vais, le résultat prouve que personne n'a écouté ce que je voulais vraiment.

La semaine dernière, j'ai rêvé de mon voisin du dessous. Cet espèce de psychopathe qui harcèle tous les voisins à tour de rôle depuis des années. Il me met mal à l'aise et son instabilité me fait peur. Dans mon rêve, il n'avait rien du con qu'il est dans la vraie vie. Il était même assez vulnérable et cherchait à attirer l'attention autrement que par une crise aiguë de paranoïa. Je crois que mon inconscient a compris que ce type accumule plusieurs pathologies mentales avec lesquelles il protège son monde jusqu'à en être dangereux et détestable.

Et ce matin, je me suis réveillée avec la certitude que cet homme qui habite si souvent mes rêves ces temps-ci -- éveillés ou subconscients -- était dans une vidéo que j'étais en train de monter pour la mettre sur YouTube. C'est au moins la deuxième fois que je le retrouve via un réseau social dans mon inconscient. Je sais que j'ai fait d'autres rêves où il était également présent mais je suis incapable de m'en souvenir.

Lune bleue

1 novembre 2020 à 14h31

Le mois d'octobre est crucial dans ma vie. C'est une période que je redoute toujours un peu parce que je ne sais jamais à quoi m'attendre alors qu'elle marque systématiquement la fin ou le début d'un cycle. C'est un mois qui pince. D'ici le 31, je perds ou je gagne... Mais je crois que 2020 n'est finalement qu'un très, très long mois d'octobre. Qui pue du cul.

La décision du reconfinement ne change pas grand chose au rythme que j'avais jusqu'à présent. Après avoir vécu la première vague en télétravail, mon retour au grand air s'est rapidement soldé par un accident qui m'a obligé à m'autoconfiner pendant un long mois, plâtre au pied. Je n'ai eu que 3 semaines de liberté à boiter avant l'annonce de ce deuxième confinement. A quelque chose près, mon organisation reste inchangée.

J'ai réussi à avancer concrètement sur mes autres projets personnels. Cela faisait des mois que j'imaginais comment les développer sans trouver le bon moment pour faire le premier pas. De l'auto-sabotage en somme. Je n'arrivais pas à me dissocier du sens que je voulais apporter pour ne pas être qu'une répétition dans la masse. Et finalement, je me fiche pas mal d'avoir une valeur ajoutée ou non. Si la qualité dépendait du talent, il n'y aurait pas autant de comptes sur les réseaux sociaux. Ce n'est pas comme si je m'attendais à en vivre. Je me lance et je verrai bien !

Je me sens soulagée d'avoir réussi à dépasser ce stade de blocage, où les idées sont là mais ne se réalisent pas. C'est la même oppression interne que l'état amoureux que l'on tait (pour d'obscures raisons) et je déteste ça. Mes premières vidéos sont en cours de publication et je travaille à l'ancienne (avec de belles ratures et des mots impossibles à relire sur papier) pour la rédaction de l'édito d'un blog.

Ces projets me donnent l'impression d'avancer quelque part. Certes, il s'agit plus de développement personnel mais c'est ce dont j'ai besoin en ce moment. J'apprends énormément de choses par mes propres moyens et cela rééquilibre avec la déception de ces premiers jours de formation.

Je ne regrette absolument pas mon choix entre la prolongation de mission (qui ne m'intéressait pas) et cette opportunité de reprendre mes études. J'ai choisi avec mon coeur et, ça, ça ne peut pas être une erreur. Par contre, j'ai le sentiment d'avoir été trompée par le système et d'être retombée dans de vieux schémas de bizutage et autres discriminations de base. J'ai réussi à m'en sortir et je me suis jurée que cela ne ferait plus partie de ma vie.

Tous les étudiants de ma "promotion", toutes spécialités confondues, s'accordent sur les mêmes aberrations. J'ai fait une liste et j'ai appelé Pôle Emploi pour les alerter. Pour faire très court, les étudiants "demandeurs d'emploi" n'ont pas les mêmes outils (pour ne pas dire "avantages") que les autres et, sans cette égalité (même hors confinement), nous sommes tous voués à l'échec à cause de cette étiquette. A titre personnel, je l'ai appris en m'égarant de topic en topic sur le forum digital du campus, par une capture d'écran repostée d'un compte Instagram. Puis mes craintes ont été confirmées lors de ma première classe virtuelle. J'attends un retour de ma conseillère pour être fixée sur la suite.

Hier marquait les 4 ans de la disparition de ma première chienne. Mon voisin du dessus en a une (un vrai nounours derrière une mâchoire énorme) qu'il laisse souvent toute seule quand il vaque à ses affaires. Il m'arrive d'avoir les larmes aux yeux rien qu'en entendant le bruit de ses griffes galoper sur le sol et d'attendre, presque malgré moi, de voir apparaître la bouille de ma petite poule... Elle avait 17 ans et autant d'amour pour nous.

Et Nana, elle a décidé de partir le 26 octobre 2012. Plus de 8 ans que personne ne m'aime comme toi. La vie est trop dure.

Holbox

11 novembre 2020 à 17h09

A l'heure où j'écris, je devrais être sur une plage d'Holbox avec de nouvelles copines. Je réalise tout juste ce que me coûte d'avoir renoncé à ce voyage et aux synchronicités que je manque pour la troisième fois de l'année. Et cette fois, ça ne passe pas. C'est violent comme je me déteste, comme j'ai envie de me jeter contre les murs.

Une part de moi s'en veut énormément d'avoir dû annuler ce voyage que j'attendais. Parce que je rêve d'aller visiter les sites archéologiques mexicains. Je rêve de vacances lointaines et ensoleillées. Je rêve de dormir à moitié nue et de me réveiller avec des odeurs de sable chaud au son des vagues. Je rêve de soirées dansantes, suaves et exotiques.

Mais voilà, les billets d'avion ont été annulés en août et je n'ai toujours pas été remboursée (sinon j'aurais peut-être envisagé d'en reprendre). J'ai bien récupéré mais ma cheville ne me permet pas encore de faire d'activités sportives soutenues. J'aurais été frustrée de vivre ce voyage qu'à demi, de regarder les autres en profiter à fond et de boiter derrière, de ne rien partager de l'expérience. Je dis ça mais je ne sais même pas si le départ a bien eu lieu avec le reconfinement et les tests à passer...

Mon égo est tellement blessé que j'en oublie presque tous les risques qu'un tel voyage aurait représenté pour moi, mes proches et toutes les personnes que j'aurais côtoyées et exposées.

C'est comme si je n'étais pas là où je suis censée être. Tout en sachant que si les choses se passent ainsi, avec autant de facteurs annonciateurs, c'est qu'il devait forcément en être ainsi. Je le sais bien. Je suis à la limite de me convaincre que ma chute avait bien verrouillé le fait que je ne partirai pas. Nulle part. Mais c'est insupportable et je m'impatiente. C'est comme rouler sur la départementale qui longe l'autoroute sans trouver l'échangeur pour s'y insérer et rouler à 130 une bonne fois pour toute. Je rêve de réaliser et vivre mes rêves. J'en ai marre que ça n'arrive qu'aux autres.

Cela fait plusieurs jours que je voulais écrire pour poser les choses, les laisser quelque part pour me libérer de ce poids, de cette culpabilité. Je me suis laissée submergée par différentes émotions. Elles ont fini par prendre le dessus sur le mental. Je suffoque. Dans ces moments-là, je suis tellement désorientée que je ne sais plus du tout où j'en suis...

Ça fait deux jours que je n'arrive pas à faire taire cette petite voix intérieure, côté obscur de la force, qui me répète que je ne suis qu'une merde. Une merde qui, depuis des mois, fait du mieux qu'elle peut pour faire les choses bien (pour moi et pour les autres) et qui, par maladresse ou stupidité, s'égare dans ses choix. Est-ce que je suis en train de rouler à côté de ma vie ?

Chiquilá

12 novembre 2020 à 17h51

Ecrire tout ce que j'avais sur le coeur hier m'a fait beaucoup de bien. Je suis encore en train de digérer les faits. Je travaille à la prise de recul et au lâcher-prise qui doivent aller avec. A quoi bon brûler mon énergie pour des choses que je ne peux pas contrôler ?

Ce n'est pas juste le voyage. Le Mexique ne va pas disparaitre de la carte demain. Je pourrai y aller quand tout ira mieux si l'opportunité se présente. C'est, entre autre, cette histoire de synchronicité (impliquant une personne en particulier) qui m'a achevée et frustrée. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter une pareille claque ? Je ne le saurai sans doute jamais mais c'est comme ça. Fais-toi une raison et avance.

C'était l'apogée, le point culminant d'une parenthèse de déceptions à la chaine. Je dis bien "parenthèse" car je suis déterminée à archiver ces moments.

Tout d'abord, il y a la formation que j'avais commencé et que j'ai arrêté. Il m'a fallu moins de 24 heures pour m'apercevoir que plusieurs choses n'allaient pas. Je ne vais pas refaire une plaidoirie par écrit ici mais, au bout d'une semaine, j'avais assez d'éléments pour faire une lettre de dix pages et dénoncer les différences de traitements entre les étudiants "normaux" et ceux financés par Pôle Emploi. Le plus gros critère étant que les échéances imposées par l'école (inflexible malgré la situation) ne permettent tout simplement pas d'obtenir le diplôme. J'ai retourné le problème dans tous les sens et c'est la seule issue possible pour tous les concernés.

Je ne me vois pas m'investir et m'impliquer dans un cursus tout en sachant que, quoique je fasse, quelles que soient les notes obtenues, je n'aurai pas de certification à la fin. Alors que c'est la raison pour laquelle je me suis lancée. D'ailleurs, qui serait motivé de s'entendre confirmer que tous ces efforts ne serviraient à rien ? Il est évident que l'école a signé ce partenariat dans l'unique but de récupérer les subventions de l'Etat. Et c'est dégeulasse.

Cela a pris quelques jours mais j'ai finalement eu un retour de ma conseillère Pôle Emploi. L'attente a été anxiogène. J'ai eu son approbation pour mettre un terme à cette formation sans impact sur mes indemnités. Je suis tellement déçue d'avoir à renoncer une nouvelle fois à ce diplôme. Je pensais que cette fois-ci serait la bonne...

De retour à la case départ. Je me suis remise en recherche active d'emploi. Je ne m'attends pas à avoir de réponse tant que le télétravail est privilégié mais je resterai peut-être dans les pipes des recruteurs pour la reprise. Ceux qui déclinent mes candidatures sont réactifs et c'est tant mieux. J'aime être fixée et savoir à quoi m'en tenir. Pour oublier l'amertume, je me dis que ça a parfois du bon de repartir de zéro et que, encore une fois, si les choses se sont passées ainsi, c'est qu'il ne devait pas en être autrement.

Et puis, je ne dois pas être complètement injuste. Tout ne va pas si mal.

J'ai reçu mes documents de fin de mission et le versement de mon solde de tout compte. Je ne m'attendais pas à un tel montant. J'ai mis la majorité de côté et je me suis fait plaisir. J'en avais besoin.

Mes séances de kinésithérapie se passent très, très bien. Ce matin, le médecin me disait que peu de patients font autant de progrès d'une fois sur l'autre. J'ai commencé à me demander si elle le disait à tout le monde pour motiver ces clients. Et puis je me suis dit de me la fermer. A quoi ça me sert de penser ça ? Elle te dit que ce que tu fais est bien. Voilà. Ce que tu fais est bien. Point. Accepte-le et continue sur ta lancée !

Elle m'a fait faire du trampoline. Ça me paraissait complètement irréel d'être là à faire des bonds comme un petit pois. J'ai la trouille de tomber, de me refaire mal. Je devais être en primaire la dernière fois que j'en ai fait. Plus exactement dans un de ces châteaux gonflables qui rendent les gosses hystériques.

Enfin, j'ai fait mon dernier don du sang de l'année (je ne pourrai plus en faire avant avril 2021) et mon premier don de plaquettes. Je devais déjà en faire un la dernière fois mais les stocks étaient déjà pleins. On m'avait recommandé de prendre rendez-vous plus tôt dans la journée et d'être stratégique en venant aux alentours d'un jour férié. Alors j'y suis allée la bouche en coeur et toujours heureuse de me sentir concrètement utile pour mon prochain. Sauf que j'ai fait un malaise à moins de dix minutes de la fin et que les infirmières se sont moquées gentiment de moi.

Il n'y avait rien de vraiment méchant et, oui, elles traversent leur propre période de merde et ont besoin de décompresser. Ma vision devenait floue et je commençais à me sentir partir alors j'ai demandé à avoir un peu de sucre. Au lieu de ça, l'infirmière est allée chercher la consoeur qui s'était occupée de moi. Je me suis retrouvée toute seule dans la salle de prélèvement et j'ai eu peur que personne ne revienne...

Elles sont revenues à deux, m'ont allongé et m'ont mouillé le visage avec un brumisateur en disant : "Adieu le make-up !" en riant. Je me sentais faible dans mon corps à moitié évanoui (ma tension avait en fait brusquement chuté), faible de ne pas avoir pu aller au bout du don (surtout si près de la fin), et dévalorisée physiquement. Gratuitement. Le plus ironique, c'est que je m'efforce de me mettre un peu de maquillage de temps en temps, même quand je ne sors pas. Pas parce que je me crois jolie avec ou sans mais pour prendre soin de moi et ne pas me laisser aller.

Ça ne change rien au fait que j'ai sans doute pu aider quelqu'un hier, aujourd'hui ou demain...

Je suis rentrée chez moi et j'ai embrayé sur Holbox. C'était trop pour moi.

Craving for

6 décembre 2020 à 14h17

Je me sens très seule. C'est un sentiment qui ne me dérange pas d'habitude. Je vis plutôt bien la solitude de manière générale. Mais là, je me sens isolée, détachée du monde... Depuis mon dernier écrit, il ne s'est pas passé grand chose et, si j'ai ressenti le besoin d'écrire, il s'est dispersé dans les appels infiniment petits du quotidien. Bout à bout, ça fait mes journées. Je m'effrite un peu. Ça finira par passer.

J'ai l'impression d'être dans une étrange phase de transition où j'ai besoin et envie de tout sans arriver à trouver de quoi satisfaire mon corps et mon esprit. Quelque chose, à l'intérieur de moi, est en train de mourir de faim et d'impatience. En anglais, on dit "craving for". Je trouve que les expressions anglaises illustrent parfois mieux les sentiments qu'en français.

Il m'arrive d'avoir envie de pleurer ce poids, juste là. Mais je n'arrive pas à pleurer franchement. Les larmes me viennent et perlent sans tomber. Une part de moi est convaincue qu'elles sont vaines et ne me mèneront nulle part, que les choses n'iront pas plus vite. Je crois que c'est plus de la frustration que de la tristesse. Tout me dit de continuer à croire que ce n'est que temporaire, que cette attente aura du sens quand je trouverai la nourriture qu'il me faut.

Tout arrive. Et j'ai le pressentiment que ça partira comme un bouchon de champagne !

Alors forcément, il ne se passe rien d'extraordinaire pour le moment. D'ailleurs, cette année gardera un goût global de naphtaline. Il faut dire qu'avec le second confinement, la marge de liberté était encore plus réduite qu'à l'habitude...

Je suis très active dans ma recherche d'emploi mais tout stagne. Une agence a envoyé mon profil à un client pas très loin de chez moi. Je suis allée dans une autre agence faire un CV vidéo. Plus pour le fun que par conviction. J'ai préféré le prendre comme un jeu que comme un enjeu. Je n'avais rien à perdre à essayer. J'avais envie de voir quelles sont ces nouvelles méthodes de recrutement. J'attends de voir ce que cela donne au montage.

Mon frère a fêté ses 24 ans. Il ne savait pas trop ce qu'il comptait faire jusqu'à la dernière minute. Comme d'habitude. Je lui avais dit que je ne serai pas présente dans tous les cas. Il était déçu mais a finalement décidé d'aller diner chez notre mère. Si j'en crois les photos qu'elle m'a envoyé, mon absence est passée crème. Les 20 kilomètres, le couvre-feu, le nombre de personnes réunies ? On m'a répondu : "On s'en fout !"

Je n'ai pas voulu y aller principalement pour ne pas exposer ni être exposée à un risque. J'ai eu la chance de ne pas tomber malade et j'aimerais finir l'année sans. J'avoue que j'ai la trouille de me faire arrêter à plus de 60 kilomètres de chez moi sans motif réel. Je n'ai pas envie de mentir et de gruger alors que c'est tout aussi facile de respecter la loi. Et de se respecter soi.

J'ai l'impression d'être la seule conne à respecter les restrictions du gouvernement... Je leur ai dit de ne pas chialer si on se retrouve à nouveau confiner au mois de mars à cause de leur connerie mais je n'aurais pas dû. C'est leurs vies, leurs choix.

Mon grand-père a fêté ses 86 ans. Je l'ai eu au téléphone. Entre deux radotages, il m'a sorti de nulle part : "Et sinon ça va, tu ne prends pas trop de poids ?". Comme si c'était un passe-temps (et tellement logique pour moi). Ma famille est tellement adorable. Le travail de sape ne souffre pas d'âge. Les gens savent parfaitement ce qu'ils font. Et puis, ce genre de propos venant de personnes qui ne bougent pas plus (voire moins) que moi...

C'est tellement ironique car cette remarque innocente arrive pile au moment où je me rachète des vêtements car je nage dans tout ce que j'ai ou dans les tailles que je prenais. Je ne sais pas si j'ai perdu du poids (peut-être un peu en arrêtant mon traitement) mais j'ai définitivement perdu en volume.

Mon voisin du dessous est revenu à la charge à deux reprises. Il est venu sonner et frapper à ma porte comme un malade en pleine nuit. Je me suis réveillée en sursaut les deux fois et j'étais tétanisée. Mon coeur battait à la chamade. J'étais terrifiée. Je ne réponds plus, je n'ouvre plus. Quelle femme vivant seule ouvrirait à un mec instable à plus de minuit ? Je l'ai entendu rentrer chez lui et claquer violemment sa porte.

J'ai pensé à quel point j'aurais aimé ne pas être seule, avoir quelqu'un pour me rassurer et me protéger à ce moment-là. Cette pensée m'a fait de la peine car j'en n'avais jamais eu besoin pour me défendre par moi-même. J'ai fini par me calmer et me rendormir mais j'ai fait beaucoup de cauchemars où l'on essayait de rentrer chez moi par effraction...

J'avais tellement peur qu'il m'attende dans la cage d'escaliers en sortant de chez moi le lendemain matin (chose qu'il a déjà faite par le passé) que j'ai gardé mon téléphone en main au cas où... Mais je refuse de renoncer à vivre ma vie parce qu'il me fait peur. D'autant plus que je n'ai vraiment rien fait de mal. Sur le chemin du retour de mon cours de Pilates, je suis tout de même passée au commissariat déposer une sixième main courante contre lui...

Et oui, j'ai officiellement repris une activité physique (alors, qui c'est qui ne bouge pas son cul ?) ! Comme je l'avais souhaité, j'ai attendu que ma cheville retrouve une bonne mobilité pour reprendre le sport. Pour le moment, la salle à laquelle je vais est encore fermée et mon prélèvement a été suspendu. Du coup, j'utilise cet argent pour refaire connaissance avec mon corps et l'écouter d'une nouvelle oreille. J'aime cette heure de renforcement musculaire et d'étirements. Le cours est dispensé par la kinésithérapeute et c'est vraiment génial car elle adapte les variantes des exercices selon l'historique de chaque élève. Le niveau reste le même mais sans prendre le risque de se (re)faire mal. J'ai un milliard de courbatures mais quelle satisfaction !

Je puise aussi de bonnes énergies dans la préparation de petits plats. Je ne sais pas d'où me vient cet intérêt soudain pour la cuisine alors que j'ai si peu d'appétit. Je suis allée faire le marché pour m'acheter des légumes et des fruits frais. Ça m'éclate de sentir tous ces arômes.

Je prends aussi beaucoup de plaisir dans l'écriture de billets pour mon blog. Je reprends le papier et la plume. Je n'avais plus fait ça depuis des années et j'aime toutes ces ratures, ces idées qui sautent et se formulent de page en page. J'aime ce côté brouillon illisible, de mots travaillés qui me donnent l'impression d'écrire les paroles d'une chanson. Et c'est un peu ça finalement : je porte ma voix. Et elle m'emmène forcément quelque part.

Grande conjonction

21 décembre 2020 à 16h49

Les choses sont en train de bouger de façon inattendue pour cette période de l'année où je m'attendais à un calme absolu...

Tout d'abord, dans mes recherches d'emploi. J'ai eu quelques entretiens la semaine dernière dont deux pour les postes que j'avais en top list. J'étais un peu nerveuse mais c'était un bon exercice de se retrouver à nouveau de l'autre côté de la table. Mes présentations sont fluides et l'appréhension s'estompe très vite quand le cadre se démystifie. J'ai une maitrise de moi que je n'avais pas avant qui fait que je me sens à l'aise juste comme il faut. La version de celle que je vends a rejoint celle que je suis. Je ne pensais pas que ça serait possible un jour. Je me sens plus affirmée et, surtout, quitte à perdre quelques points, je me fais respecter. Du coup, mes interlocuteurs sont moins tentés de jouer au ping-pong dans des failles (perverses) de leur invention.

Dans la culture française, un poste ne va pas au plus méritant, au plus adapté ou à celui qui est tout à fait capable de faire ses preuves. Il va à celui qui a un diplôme (avec un beau titre et une grande école) et au plus agile (comprendre "celui qui est le moins tombé dans les pièges").

Je suis très contente d'avoir passé ces entretiens. Ça m'a fait du bien de remettre le pied à l'étrier. J'attends les retours.

Les échanges se sont plutôt bien passés même si je n'ai pas pu m'empêcher de me faire quelques remarques d'observation du type : depuis quand on laisse les candidats attendre 15 minutes sous la pluie (mon badge d'accès n'avait pas été activé mais le gardien me jurait mordicus qu'il fonctionnait bien, soit) ? qui êtes-vous pour juger la durée et la fin d'une expérience sans avoir connaissance des contextes (et que le premier trentenaire qui n'a pas roulé sa bosse avant de vouloir se poser me jette la pierre) ? Les dés sont parfois jetés sans notre consentement et nous n'avons pas d'autres choix que de suivre les déviations si on ne veut pas crever sous les roues.

Du coup, je ponctue mes réponses en conséquence (et souvent avec dérision) : "Ah, il y a encore des collaborateurs qui font toute leur carrière du début à la fin chez vous ? Mais c'est for-mi-dable et ras-su-rant à savoir !". Donc je peux compter sur vous pour que la mission d'intérim que vous proposez (donc avec une fin de contrat qu'il faudra que je justifie dans une autre vie hein) se transforme en CDI ? Bien cordialement. Bisous-bisous.

Une autre épreuve que j'espère pouvoir surmonter bientôt : mon voisin. Cette semaine, il ne s'est pas contenté de sonner comme un dément à ma porte. Il avait déjà donné des coups (de poing ou de pied, je ne sais pas) mais il n'avait jamais tenté de rentrer chez moi avant. Mon coeur s'est arrêté quand j'ai entendu la poignée de porte s'enclencher et son poids pousser la porte. Mon sac, qui y était accroché, a glissé et est tombé par terre. J'avais l'impression d'être dans un film d'horreur. Je tremblais comme une feuille. Je ne veux même pas penser à ce qu'il se serait passé si je ne m'enfermais pas.

J'espère que j'aurai l'opportunité de déménager l'année prochaine. J'aime beaucoup mon petit studio mais cette situation a assez perduré. J'en ai assez de vivre dans l'angoisse permanente de sa folie. J'en ai assez d'appeler la police (soit il était parti, soit il n'a pas voulu ouvrir quand la police est venue cette fois-ci), assez d'avoir peur tout le temps, dedans, dehors... Ça suffit.

Quand il a sonné, je consultais des recettes de cuisine depuis mon canapé. Mon intérêt se développe timidement mais sûrement. Je me suis mise en tête de faire deux beaux desserts pour Noël. Je vais m'inspirer de la chaine de JustInCooking. J'espère que j'arriverai à quelque chose de goûteux et d'esthétique.

En faisant mes courses, j'avais l'impression que tout allait bien et que tout ira bien. Tout le monde a été si spontanément gentil avec moi. Du manutentionnaire qui est allé chercher de lui-même du sucre glace en réserve pour me l'apporter en rayon, à cette petite dame qui a ramassée ma liste/recette tombée à terre en s'exclamant : "Ouf, j'ai sauvé votre Réveillon !", à la caissière qui m'a encouragée dans mon "atelier patisserie" en me souhaitant de bonnes fêtes... J'ai ressenti un profond sentiment de gratitude d'être dans le ici et maintenant. J'espère que ma famille sera aussi enthousiaste et bienveillante que l'ont été ces parfaits inconnus.

Chocolat-orange

27 décembre 2020 à 13h24

Juste après avoir publié mon dernier écrit, mon voisin est revenu se défouler sur ma porte. J'ai appelé la police qui m'a très efficacement envoyé sur les roses (pour rester polie) : "Qu'est-ce qu'on peut y faire, nous ?" Je ne cautionne aucun acte de violence mais il ne faut pas s'étonner que certaines personnes en viennent à se faire justice elles-mêmes si les personnes qui sont censées nous aider et nous protéger nous laissent dans la détresse quand on les appelle. Je n'ai pas envie de comparer ma situation à une autre. J'ai passé ma vie à me comparer aux autres et à minimaliser mes épreuves. Je serai toujours "mineure" tant que je ne me retrouve pas avec un couteau dans le bide. Jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

Le policier que j'ai eu au téléphone m'a dit que je n'avais qu'à sortir de chez moi pour aller porter plainte au commissariat. J'en suis restée coi. Non seulement je n'ai pas eu l'aide escomptée mais le seul conseil que j'ai reçu était de sortir me jeter dans la gueule du loup. Ma voix tremblait tellement que j'étais sûre que ma peur était palpable à des kilomètres. C'est une aberration de me demander de sortir de chez moi alors qu'un fou furieux se tenait au mieux dans la cage d'escaliers, au pire derrière ma porte.

Je me sentais vraiment en danger alors j'ai repris contact avec les interlocuteurs de la cellule sécurité de mon ancien employeur "client". J'avais fait des signalements suite à de nombreuses récidives en mars. Je ne savais pas si ils accepteraient de s'occuper de moi malgré le fait que je ne sois plus collaboratrice. Ils ne m'ont pas tourné le dos et je me suis tout de suite sentie moins seule et désemparée. J'ai attendu le lendemain matin pouvoir redéposer une main courante au commissariat. L'attente fut longue mais j'ai eu la chance de tomber sur une policière plus à l'écoute que la personne que j'avais eu au téléphone. Elle a pris le temps de rédiger et a très bien résumé les faits.

Papiers en main, je suis allée à la mairie pour demander un rendez-vous avec une personne en charge de l'attribution des logements. L'idée d'aller pleurer dans les chaumières pour faire avancer les choses ne m'enchante pas mais puisqu'il faut en arriver là pour avoir gain de cause, allons-y. Si d'autres le font sans scrupule, je le ferai aussi. Ma demande de relogement est active depuis 3 ans et, malgré le nombre d'appartements vides et de mains courantes jointes à mon dossier, rien n'a bougé. Je ne sais pas si cela changera quelque chose mais je me dois d'essayer pour me sortir de là.

Si jamais il se passe quelque chose, ma seule consolation est de me dire que tout le monde était bel et bien au courant. Ça fait un peu maigre...

Je suis allée passer le Réveillon et Noël chez ma mère. Je n'avais pas envie de traverser ces moments seule dans mon appartement. C'était un peu une fuite. J'avais envie de me changer les idées, de voir un peu de monde, de ne pas calculer mes faits et gestes, et de me sentir en sécurité quelque part. J'ai réalisé que je n'avais vu personne de ma famille depuis mon déplâtrage (en octobre) et qu'ils ne m'avaient pas vraiment manqué.

Ces quelques jours n'ont pas été parfaits mais, contrairement à certaines années, je ne les ai pas subis alors je considère que tout s'est bien passé. Je crois que ça vient du fait que je suis restée très active et à distance respectueuse des attitudes blessantes.

Comme prévu, je me suis lancée le défi de faire mon premier dessert de Noël. Je suis restée traditionnelle en optant pour une buche chocolat-orange. Mon père est passé pendant que je préparais la génoise et il n'a pas pu s'empêcher de jouer les critiques. Lui qui dénigre ouvertement mes entreprises a trouvé que j'avais "du mérite" à faire la recette de A à Z (parce qu'il considère qu'on ne cuisine pas vraiment si, par exemple, on ne fait pas sa pâte soi-même). Il s'est empressé d'ajouter un : "Tu sais ce qui aurait été encore mieux ?" mais je ne lui ai pas laissé le loisir de finir sa phrase car je l'ai déstabilisé en lui répondant : "Oui, d'être assez bien pour toi."

Le silence qui a suivi était chargé d'un... je-ne-sais-quoi, du "plouf" du gars dont le piège est tombé à l'eau. Je lui ai laissé le dernier mot. Il m'a dit que j'avais un problème à anticiper ses paroles comme des "messages automatiques de méchanceté". Je n'aurais pas dit mieux moi-même (la preuve qu'il sait très bien ce qu'il fait puisqu'il met des mots dessus). Mon "problème" n'est pas/plus le mien mais le sien. Ces années d'emprise ont été très dures à dépasser mais j'imagine que c'est d'autant plus frustrant de voir une ancienne proie s'échapper pour de bon.

J'ai emporté tout mon petit bazar chez ma mère et j'ai fini la décoration sur place. J'étais tellement fière du résultat, surtout pour une première ! Non seulement c'était présentable mais tout le monde s'est régalé. Ça m'a fait tellement plaisir de les voir en faire une photo et se resservir. La ganache a eu tellement de succès que mon beau-père a demandé à garder le reste du Tupperware pour le finir à la cuillère. J'ai également passé beaucoup de temps en cuisine pour faire un maximum de fait-maison et rester loin des discussions.

J'ai beaucoup (beaucoup) bu. J'ai fumé en sortant le chien. C'est le seul moment où les larmes me sont montées. Ma chienne m'aime d'amour et elle me manque beaucoup. Des placébos bien agréables quand le vin est bon et qu'on n'est pas très à l'aise avec le monde. Je prévois d'y retourner quelques jours pour passer le Nouvel An. Je réfléchis à une autre patisserie pour conquérir les assiettes. Je m'amuse beaucoup à expérimenter en cuisine.

Mon père m'a offert un livre sur les huiles essentielles et mon frère, un micro-ondes en clin d'oeil à sa désolation face à l'absence de certains électroménagers chez moi. Il m'a donné un deck de cartes et a fait quelques démonstrations de magie pour épater la galerie avec talent. J'ai aussi eu du chocolat de la part de mes tantes. Les cadeaux sont ce qu'ils sont. Je n'ai plus envie de calculer ma valeur en fonction de ce que je reçois (même si j'avoue que je pensais que ma mère et son mari penseraient à moi). Je suis contente de ne pas avoir été oublié par ceux qui ont eu un geste et encore plus de ne pas avoir passé ma journée et ma nuit à pleurer sur des mots maladroits et des idéaux égarés.

Et quelque part, au fond de moi, je n'étais pas toujours là même en étant à côté d'eux. Je sentais la chaleur de ma chienne contre moi ou à mes pieds mais mon esprit était loin. Je m'imaginais un voyage ou le rêve d'un voyage... J'aime cet espace qui n'appartient à personne entre moi et les autres.

Ça va aller.

Être à moi

9 janvier 2021 à 15h36

J'ai commencé l'année avec l'émerveillement de la neige en ouvrant mes volets. Mes premiers mots de l'année ont été : "Oh la vache !" et j'ai eu envie que toute cette année soit faite de petits miracles à base de "Oh la vache !".

J'ai fait quelques photos et me suis retrouvée avec une palette graphique dans les mains. J'ai passé des heures à gribouiller. Ma mère a utilisé un de mes dessins en guise de carte de voeux pour ses contacts. Depuis combien de temps n'avais-je pas perdu la notion du temps qui passe par candeur, par plaisir ?

Si je n'avais pas si peur de me retrouver sans rien, sans la sécurité d'une zone de confort matériel qui rassure mon égo et acquitte les factures, je donnerais un coup de pied dans tout ça et prendrais un an rien qu'à moi. Un an pour le luxe de vivre, pour voyager, pour me confronter à l'inconnu de vrais changements, pour faire des projets personnels et créatifs. Vivre. Et exister.

J'y avais déjà pensé à la fin de mon dernier contrat mais suivre ce chemin n'est pas ce que j'attends ou ce qu'on attend de moi. J'attends de moi de pouvoir subvenir indépendamment à mes besoins. On attend de moi que je renvoie l'image d'une personne équilibrée, qui sait ce qu'elle veut et où elle va. La vérité, c'est ce que je suis en bordel car rien de ce que je parviens à concrétiser ne reflète un choix du coeur.

C'est très bien de concrétiser certaines choses mais je n'y trouve aucun sens. Même dans les entretiens que je décroche, même dans le poste qu'on m'a proposé et que j'ai décliné (c'est bien beau de faire des remarques incongrues en entrevue, de demander de justifier un parcours et d'exposer ses prétentions pour ne pas en tenir compte), je me cherche sans m'y trouver. Une part de mon avenir reste incertain et dans l'expectative de la réponse de tierces qui me diront où je dois aller et ce que je dois faire... Ça me trouble et m'empêche d'avancer. C'est comme si je me broyais entre des murs, de l'intérieur de moi. Sans être à moi.

Mais j'ai tout aussi peur de me confronter à la question suivante : de quoi ai-je vraiment besoin là, maintenant, à ce stade de ma vie ? Une part de moi est convaincue que respirer, lâcher-prise me ferait du bien. Je ne sais pas ce que j'attends mais ce n'est pas productif ni objectif. Une épiphanie ? Une énième claque dans la gueule ?

De quoi as-tu besoin ? Qu'est-ce que tu veux ?

Je vais prendre un calendrier, choisir une date raisonnable en marge des retours que j'attends et même une marge supplémentaire pour les retardataires. Mais passer cette échéance, c'est décidé, j'arrête de rêver ma vie. C'est déjà un début.

Il fait beau.

Blacklists

13 janvier 2021 à 21h29

Je ne suis qu'en milieu de semaine et je suis déjà rincée. Je vais juste poser ça là, et, quand il me prendra l'envie de me relire (ce qui m'arrive parfois mais je pense qu'on le fait tous un peu), je verrai peut-être les choses différemment... Qui sait, je serais peut-être même contente de me dire que je m'en suis sortie et relevée ?

Pour changer un peu, j'ai eu le droit à une nouvelle visite de mon voisin. J'ai immédiatement appelé la police qui a été réactive. Il a au moins le mérite d'être inventif car il s'est trouvé un nouveau jeu. Comme d'habitude, il s'est excité sur la sonnette et, pendant que j'appelais la police, la sonnerie restait en continu. J'étais persuadée qu'il était encore à ma porte en train d'appuyer pour me forcer à lui ouvrir. J'ai laissé sonner pendant 6/7 minutes avant d'arriver à approcher de la porte à pas de louve (j'avais tellement, tellement peur qu'il m'entende de derrière). Pour arrêter ce barouf, je n'ai pas eu d'autre choix que de couper l'électricité depuis le tableau de disjoncteurs (et même là, en écrivant ça, je suis consternée par ce qu'il faut faire pour avoir la paix). Mais en relevant la "languette", la sonnerie reprenait de plus belle...

Quand l'équipe de police est arrivée, ils ont constaté par eux-mêmes que ce malade avait pris le temps de crocheter l'interrupteur de ma sonnette avec un cure-dents pour qu'il reste appuyer.

J'ai complètement craqué. Pour la première fois, je me suis mise à pleurer. D'épuisement, d'impuissance. Ce mec n'est pas juste instable. Il est assez psychopathe pour préparer des stratèges à l'avance. J'étais incapable de parler alors je leur ai donné toutes les mains courantes pour qu'ils en prennent connaissance et ils ont compris. Ils sont descendus et ont frappé à sa porte avec tellement de force que d'autres voisins sont sortis sur le palier. Une voisine leur a dit qu'elle l'avait vu monter chez moi, faire ce qu'il a fait et redescendre vite fait sans repasser par chez lui.

C'est probablement de la paranoïa de ma part (je suis tellement angoissée que je ne suis plus vraiment rationnelle) mais je me suis demandée si prendre du plaisir à me terroriser par le harcèlement et l'intimidation ne lui suffisait plus. Comme je n'ouvre plus ma porte, que je ne cherche plus à lui faire entendre raison, je me suis dit que cela devait mettre un peu de piquant dans sa minable vie de me provoquer pour que j'appelle la police. C'est la deuxième fois qu'une équipe intervient et qu'il s'absente de son appartement dans la foulée juste à ce moment-là. Quand la voisine a dit qu'elle l'avait vu décamper, j'ai tout de suite pensé au syndrome des pyromanes qui ne peuvent pas s'empêcher de regarder à bonne distance et de s'applaudir en silence...

Je me suis écroulée quand la police est partie. Tout cet état nerveux et d'anxiété permanente me vide. J'avais besoin de pleurer pour relâcher tout ça. Mon voisin du dessus a tout entendu et est venu me voir. Un autre s'est greffé à la conversation sans que j'arrive à me souvenir d'où il est sorti. Ils voulaient savoir si j'allais bien et me dire que si je rencontrais des difficultés ou que je me sentais en danger, je pouvais les appeler ou monter chez eux. L'un d'entre eux m'a donné son numéro de téléphone et m'a laissé câliner son chien. Je lui ai demandé de dessouder les fils de ma sonnette. Je ne supporte plus son bruit strident. Comme il n'y a que lui qui l'utilise, ce n'est pas une perte.

J'ai refait des courriers au bailleur. Mon rendez-vous avec l'élu au logement de ma ville n'a rien donné. Il m'a simplement renvoyé vers l'assistance sociale et une permanence juridique. Il considère que le danger de ma situation n'est pas prioritaire sur les demandeurs qui n'ont pas du tout de logement. Et c'est vrai dans un sens. Je ne suis pas à la rue (j'aime même mon appartement) et je ne suis pas le problème. C'est pourtant bien à moi de partir puisque tout ce petit monde (qui se renvoie allègrement la patate chaude) plein de pouvoir a choisi de rester statique. Et c'est aussi faux car si je n'avais pas de logement, je ne subirais pas cet harcèlement.

Après être allée au commissariat, je me suis rendue en boutique opérateur pour souscrire à un nouveau forfait téléphone. Tout allait à peu près bien jusqu'à ce que le vendeur disparaisse en arrière-boutique pendant plusieurs minutes. Quand il est revenu, il m'a annoncé qu'il ne pouvait pas me créer une ligne (et que je ne pourrai le faire nulle part) car je suis blacklistée pour impayés chez un autre opérateur. Je suis tombée des nues car je n'ai pas changé de prestataire depuis 2015 et que j'ai toujours honoré mes factures.

J'ai tout de suite pensé à une usurpation d'identité et au montant inconnu dont on avait abusé à mon nom. Double angoisse, nouvelles paniques. Et tout au fond de moi, un écho très désagréable, comme un sentiment d'acharnement injustifiable.

Je me suis rendue chez l'opérateur concerné. J'ai pris connaissance des factures en question et, surtout, du nom accolé au mien : celui de mon premier beau-père. Je sais qu'il est en situation de précarité mais jamais, jamais je n'aurais pensé qu'il puisse faire une chose pareille ! J'ai tenté de l'appeler et, bien évidemment, il ne répondait pas. J'ai fait le tour du cercle familial. Ils ont bien reçu une lettre de mise en demeure d'un huissier mais n'ont pas jugé utile de me la transmettre lorsque nous nous sommes vus dernièrement. Ils ne m'en ont même pas parlé de vive voix. J'étais très, très en colère.

J'ai finalement appris que mon beau-père avait souscrit à une ligne en utilisant mon nom (sans mon consentement, de toute évidence) et a égaré le téléphone portable rattaché au numéro sans jamais faire le nécessaire pour suspendre/résilier la ligne. Comme son compte est à sec la plupart du temps, il y a eu des mois où les prélèvements automatiques ont été rejetés et c'est ce qui a généré des impayés... à mon nom. Car si il était l'utilisateur, il m'a désigné comme titulaire donc responsable. Je ne comprends pas comment il a pu me faire ça. Il a fait partie de ma vie pendant plus de 25 ans. Il a participé à mon éducation. J'avais une confiance aveugle en lui.

Heureusement, le montant n'était pas exorbitant et j'ai réglé la situation avec l'huissier en charge du dossier. Mon beau-père a dit à mon frère qu'il me ferait un chèque pour me rembourser. Mais je n'ai plus du tout confiance. Si jamais il tenait parole, il est fort probable que le chèque soit en bois alors je fais comme si je n'avais rien entendu. J'espère simplement que mon nom sera retiré des listes noires. Tant que ce n'est pas fait, je ne peux pas souscrire au moindre service sans fournir de caution... J'ai honte d'être fichée, d'avoir à assumer quelque chose que je n'ai pas fait.

Cette histoire arrive pile au moment où je sors d'une bataille épisodique avec Pôle Emploi. Le versement de mes indemnités a été bloqué car le nécessaire avec l'organisme de formation n'avait pas été fait. J'ai dû aménager mon budget autrement pour ne pas être à découvert et il a fallu que je fasse des démarches de ce côté-ci également pour débloquer la situation.

J'ai l'impression de passer mon temps à demander de l'aide, à réclamer. C'est épuisant.

A la fin de cette journée, mon père est passé à la maison. Je me suis dit que quitte à m'achever, autant tout mettre sur le même fil. Fraîchement rentré de vacances, l'échange est resté très cordial. Puis j'ai commencé à avoir des contractions, crescendo, de plus en plus violentes. La première crise d'endométriose de l'année était imminente. Je l'ai alerté tout de suite. Il m'a demandé si je ne pouvais rien prendre pour me soulager (je ne sais pas si c'était pour ne plus me voir souffrir ou parce que mes grimaces l'importunaient) et par me suggérer à nouveau ce qui lui apparait comme la solution naturelle et évidente : l'hystérectomie.

Il y a presque un an jour pour jour qu'il m'en avait déjà parlé et je lui avais fait comprendre que 1) c'est un choix intime et personnel que je perçois toujours comme un sacrifice ; 2) est-ce bien le moment de mettre ce sujet sensible sur le tapis ? ; 3) cette "solution" de boucher incompétent ne guérit pas l'endométriose. Peu de personnes savent que l'endométriose est invasive et se déplace... Quoiqu'il en soit, les décisions liées à ma vie comme à ma santé n'appartiennent qu'à moi.

Le cocktail d'émotions fortes a été explosif. Mon corps m'a fait payer toutes ces contrariétés. Et puis, j'en n'ai parlé à personne mais j'ai eu quelques pertes de sang pendant 48 heures la semaine passée alors que je ne suis pas censée avoir mes règles tout de suite... Rien d'alarmant mais c'était très étrange.

L'agence d'intérim a fini par me rappeler. Un peu gênée, la personne en charge du suivi client/candidats m'a avoué que l'opérationnel qui devait me rencontrer pour un deuxième entretien (qui devait avoir lieu juste avant Noël) a changé la fiche de poste et recherche finalement un profil trilingue - que je ne suis pas. Ma candidature avait pourtant été validée et j'attendais un retour... Je peux comprendre que les besoins puissent se nuancer en cours de processus mais à ce point-là... Quelle perte de temps et d'énergie pour tous ! D'autant plus que j'avais bien insisté sur ce critère lors de mon premier entretien : bilingue, oui ; trilingue, non. On m'avait répondu : "Oh, ça, c'est cadeau et en aucun cas éliminatoire !"

Que cette attente inutile me serve de leçon ! Après une première relance, j'ai estimé plus sage de rester discrète et respecter une trêve sur la période des fêtes (et ça m'a fait sincèrement du bien de me consacrer à d'autres choses aussi). Et tout ça pour ça. Quatre semaines dans le vent, à me demander si oui ou non je pouvais faire des projets.

J'écrivais dans mon précédent billet que l'absence de réponse ferme m'empêchait d'avancer et m'entravait à un rythme décidé par d'autres... J'ai modifié mon planning et si je n'ai pas de retour avant telle date (et pas un jour de plus), rien à foutre, je bouge, je vis.

Et avec pour seconde destination, le Sud ! Mon frère m'a annoncé qu'il avait décroché une offre de stage de 6 mois en région méditerranéenne. Sa date de début est pour bientôt et, comme d'habitude, les opportunités suivent leur cours avec les bons coups de pouce. Au bon endroit, au bon moment. C'est l'histoire de sa vie aux frais de la princesse. Le versant de ma montagne.

A mi-chemin

31 janvier 2021 à 17h17

J'ai commencé un nouveau travail il y a deux semaines. J'étais contente de recevoir cette offre dans le contexte actuel. Le processus de recrutement a été très rapide et je savais que ça marcherait. Je suis soulagée d'avoir eu une opportunité au milieu de l'incertitude économique.

Je n'ai pas envie de m'attarder sur le fait que le poste ne m'intéresse pas plus que ça, que l'intégration est étrange. Pour une fois, je n'ai pas envie de me poser de question existentielle. Aucune envie de m'impliquer, de me dépasser. J'ai juste trouvé une façon comme une autre d'occuper mes journées en gagnant de l'argent. Je suis bien consciente de ma chance et du sens qu'une routine apporte à ma vie. N'est-ce pas ce que font la plupart des gens ?

Est-ce normal de s'en foutre autant ?

Je voudrais pouvoir être plus reconnaissante, me dire que je suis sur le bon chemin mais je sais que je ne suis pas mes ambitions profondes. Toujours faim, toujours soif. Je suis incomplète. Au fond de moi, j'espère que le coeur me rattrapera.

Je me suis laissée une année pour apporter des changements positifs dans ma vie. Un an pour trier, ranger, jeter ou détruire. Je suis déjà à la moitié de l'échéance que je m'étais plus ou moins fixée. J'attends trop de moi. Bien sûr, tous les chantiers ne peuvent pas se mettre en place en simultané et en un claquement de doigt. Je m'impatiente beaucoup mais ça avance.

Mes autres projets se limitent à la relance de ma demande de logement, préparer mes repas du lendemain et à soigner mes irruptions d'acné (le port du masque toute la journée ne me réussit pas) en rentrant le soir. J'ai commencé mes cours de photographie en alternance avec mes cours de Pilates. Je refais ma garde-robe. Tout est sage ; tout est plat, sans passion. Ce n'est rien.

Être à moi, cette fois

9 avril 2021 à 19h36

Je suis responsable. De mon inconstance ; de mon inconscience. Je suis responsable. De moi, d'assumer, d'essayer de faire ce qu'il faut pour arriver là où je veux être. Je suis responsable. De ces mois de silence criant de vérité ; de ma difficulté trouver les mots ; de ma quête de "Bonheur" irrationnelle ; de mes rêves intuitifs. Je suis responsable de prendre ce qu'il me reste de temps pour en réaliser un, peut-être deux. Avant de redevenir comme tout le monde et d'avoir de nouveau peur de ma vie, de celles des autres. Des autres tout court.

Je n'ai jamais eu cet espace, cette liberté. Je la prends, c'est tout. Je ne fuis pas ma vie. Je veux la vivre. Un peu. Je voulais un an et il m'a fallu huit mois pour me foutre un coup de pied au cul et me dire qu'il faut le faire au lieu de baigner dans un regret insipide qui me rend physiquement et mentalement malade.

Le sommeil qui déserte. Les migraines oculaires rendent la lumière du jour et les écrans insupportables. Et je vomis. J'ai jamais autant vomi. Ma peau est granuleuse puis lisse ; grasse puis sèche. Tout mon corps se contrarie et me jette hors de moi.

De court ou long courrier, à court ou à long terme, personne ne s'est soucié de savoir comment j'allais, si j'étais heureuse ou malheureuse ; si j'étais trouvée ou perdue. On me demande seulement si j'ai des pistes, si j'ai déjà trouvé autre chose... parce qu'il faut avoir quelque chose. Qu'importe mes états d'âme. Pour cotiser ma retraite, pour pouvoir acheter une maison et changer de voiture (ou juste en acheter une).

Je voudrais qu'ils arrêtent de me parler de ma vie comme d'un meuble à caser dans une pièce le plus longtemps possible ; comme si ils avaient un droit de regard, de direction et d'urgence dessus ; comme si leurs ambitions, leurs définitions et projections d'une vie réussie devaient être universelles (et donc normales, et donc enviables). C'est très bien de cotiser, d'acheter une maison et de changer de voiture (ou juste en acheter une).

Pourquoi est-il si inconcevable qu'on puisse avoir besoin d'un peu temps pour reprendre son souffle, s'aligner à ce qui se passe en soi avant d'arriver à se projeter ? Devant, derrière, sur les côtés. Partout, ailleurs.

C'est ma vie.

Ce dont j'ai besoin

12 avril 2021 à 16h56

Ce matin, le réveil n'a pas sonné et, pour la première fois depuis des mois (voire des années), je me suis fait la remarque sans culpabiliser de ne pas me lever. M'autoriser le repos, la tranquillité. La routine va prendre du temps à se déconstruire mais je me sens déjà mieux de ne pas avoir à guetter les mouvements qui annoncent la pause café pour avoir un prétexte de sortir m'aérer...

J'ai plutôt bien dormi et me suis réveillée tôt. Je suis retombée dans un demi-sommeil. J'ai fait des rêves et me suis souvenue d'anciens que j'avais oubliés (et que j'ai de nouveau oublié). Et j'ai eu envie de faire l'amour. Cela fait trois jours que je ressens des instincts primaires remontés de mon bas ventre vers le plexus comme un lierre grimpant. J'aime la sensation de ma peau qui glisse sur ma peau quand je me douche. Je ferme les yeux et je me laisse envahir par l'érotisme à l'odeur du savon.

J'essaie d'accueillir mon excitation autrement, de ne plus la refouler, de ne plus être triste (et parfois frustrée) de ne pas avoir de partenaire avec qui partager cette intimité. Je pourrais, bien sûr. C'est facile. Tellement facile que j'avais envisagé de séduire mon collègue pour satisfaire ce besoin. Je lui aurais volé sa tendresse, sa langue et ses coups de hanche avec la certitude de ne pas l'aimer, de l'utiliser. Alors que lui... Lui qui s'était déjà attaché à ma présence et qui se protège si mal de sa sensibilité... Ca aurait été cruel de ma part.

Quant au désir, c'est un acte inconnu et beaucoup trop fort que je veux réserver, préserver. Je me sens prête mais je préfère être frustrée que d'endommager mes standards et altérer mes valeurs personnelles.

J'ai passé le week-end à essayer d'évaluer ma propre toxicité par la pensée. Cette façon que j'ai de me traiter, de me maltraiter quand je ne corresponds à aucune case sociale, quand je veux répondre à une image de réussite projetée par des tierces et qui me conduit inexorablement à m'auto-saboter avec assiduité. Je crois que, ça y est, je commence à comprendre la leçon.

Et puis, un de mes voyages s'est confirmé hier soir et un autre vient de se confirmer au moment où j'écris ces lignes (je vais officiellement l'avoir cet orgasme) ! L'élan de joie -- de vraie joie -- qui s'en est suivi m'a confirmé que, même si toute cette quête personnelle temporaire est encore abstraite et que les questions restent nombreuses, je suis sur la bonne voie. Malgré la peur qui vient planter ses illusions ici et là. Je vais les dépasser. Je le sais.

J'aurais du mal à expliquer avec de simples mots cette certitude qui me crie de prendre ce temps pour moi, de prendre le temps de vivre et de méditer. La majorité des voyages auxquels je me suis inscrite ont tous un lien avec la spiritualité et la nature. Vers des lieux où le soleil brille, les fleurs poussent, la mer berce. Des randonnées, des repas sains, du yoga, de la méditation... et la fête !

Et c'est tout à fait, exactement, ce dont j'ai besoin.

Pendant que le sol sèche

18 avril 2021 à 15h13

Quand je travaille et que j'ai mon week-end, je ne suis jamais heureuse de sortir prendre l'air. En général, c'est toujours dans un but bien précis et souvent pour faire une course (ou pour aller à la salle de sport quand elle était ouverte). Je ne m'éloigne jamais bien loin. Non pas à cause du confinement mais simplement par confort personnel, par habitude.

Cela fait 6 ans que je vis dans cette ville et je n'étais jamais allée dans ces deux parcs situés à moins de 10 kilomètres de chez moi. Je marche pendant quelques heures. J'y vais souvent le matin, quand il fait frais et que les vacanciers forcés sont encore en train de dormir. J'y trouve le calme et la sérénité que je n'ai pas dans ma tête. J'ai beaucoup de chance : le temps se prête à la balade. Le soleil est doux. Ce qui me marque le plus, ce sont les sons de la forêt ; des sons que le quotidien m'avait faits oublier : le bruissement des feuilles, l'écoulement d'une réserve d'eau, les chants des oiseaux... Et puis je lève la tête, je vois un ciel bleu, des moineaux et parfois des faucons.

Je prends mon appareil photo quelques fois. Mes cours sont suspendus pour le moment mais, d'ici leur reprise, je ne veux pas perdre ce que j'ai appris. La seule façon de maintenir mon niveau, c'est de pratiquer. J'essaie de rester en manuel. Je pense aux thématiques de l'exposition et toutes les idées qui me viennent me parlent de nature. De même, la marche me permet de me remettre en forme. Tant pour ma santé mentale que pour me préparer aux activités sportives organisées dans mes prochains voyages. Mon souffle et ma cheville surtout. J'arrive à marcher entre 4 et 10 kilomètres par jour dans ces petits espaces.

Hier, mon père s'est joint à moi et nous avons entendu un pic noir à l'oeuvre. J'étais contente de lui faire découvrir l'endroit. Je ne sais plus à quand remonte notre dernière sortie à deux. Possiblement au restaurant pour mes 30 ans -- il y a presque quatre ans donc.

Je ne veux pas toujours sortir mais je refuse de subir la solitude. Rien ne prendra le pas sur mes résolutions. Je veux aller vers une autre vie, me poser les bonnes questions, tout remettre à plat. Je sais pertinemment que ce n'est pas en restant inactive et enfermée que mes reflexions pourront se construire ou que je pourrais, au sens propre comme au figuré, souffler. Alors je sors. Je vais à la rencontre de moi-même. Je vais creuser là où les terrains sont glissants, là où le danger se tapit. Il m'arrive parfois de pleurer en silence au milieu de cette nature et, ce n'est pas grave, je laisse couler. J'écoute mon intuition. Tout ira bien.

Sans le vouloir ni le chercher, j'ai passé un entretien. Une entreprise de ma ville a trouvé mon profil sur la toile et m'a contacté. C'est la deuxième fois que je suis "trouvée" par les réseaux sociaux. La première fois, c'était en 2016 et ça a été une expérience extraordinaire. J'avoue que c'est toujours hyper flatteur d'être appelée parce que l'on correspond à une offre à pourvoir. C'est d'ailleurs la raison principale pour laquelle je m'y suis rendue (et aussi parce que c'est à 5 minutes en voiture de chez moi). Je n'ai pas postulé alors je n'avais rien à perdre à m'y rendre. Par curiosité d'abord, et puis j'avais envie de me refaire la main dans un processus de recrutement.

J'ai d'abord échangé par téléphone et j'ai préféré annoncer la couleur tout de suite avec mon rétro-planning des prochains mois : j'ai des projets personnels qui me tiennent à coeur et sont prioritaires. J'ai été surprise d'entendre que ce n'était pas bloquant. On m'a dit : "Mais vous avez tout à fait le droit d'avoir une vie et des projets, aucun problème pour nous." Je pensais que la conversation tournerait court mais nous avons convenu de nous rencontrer en face-à-face. Le poste pourrait être intéressant. Il représenterait une belle évolution de carrière et un premier poste à responsabilités. Je n'attends rien de particulier mais affaire à suivre du coin de l'oeil.

J'ai eu mon frère au téléphone en début de semaine et ce n'était pas la grande forme. Il déprimait un peu, je crois. Il a été déclaré comme cas contact par son tuteur de stage et il a été renvoyé chez lui comme un malpropre. On lui a demandé de faire un test et de s'isoler quelques jours. Le test est revenu négatif mais les symptômes ont commencé à arriver entre temps... Il en a fait un second et, sans grande surprise, il est officiellement positif à la Covid. Nous sommes restés plus de 2h au téléphone. Il a perdu le goût et l'odorat. Sa fièvre était tombée. Il avait une meilleure voix et m'a parlé de ses investissements financiers auxquels je ne comprends rien. On s'est rappelé des souvenirs d'enfance... J'espère que je pourrai enfin aller le voir le mois prochain.

En carton

29 mai 2021 à 21h32

Mon frère me regardait avec des yeux comme des soucoupes pendant que je lui disais : "Wow, j'aime tellement le vent !". Sa sensation provoque une sorte de bien-être quasi instantané et me remplit d'extase. J'aime le vent. Le sentir passer dans mes cheveux, en faire ce qu'il veut, me rafraichir à m'en faire frissonner alors que le soleil cogne sur ma peau. Le Sud m'a laissé un joli bronzage, comme la promesse d'un été dont je vais savourer chaque minute.

Ce long week-end de retrouvailles, de balades, d'exaspération, de rires et de discussions m'a vraiment fait du bien. D'autant plus qu'il ne s'est jamais autant passé autant de choses depuis que j'ai quitté ma routine et décidé de prendre du temps pour moi. Et de bonnes choses avec ça !

Je suis allée voir mes grands-parents. Cela faisait plus d'un an et demi que je n'avais pas pu les voir. En temps normal, je note les petits changements dans leurs habitudes d'une fois sur l'autre. Ce n'est en général que des petits signes mais cette année et demie de séparation les a marqué plus que jamais. Ça a été un choc, surtout pour ma grand-mère. Ils ne s'activent plus comme avant et trouvent des excuses pour ne plus sortir. Les promenades d'autrefois sont raccourcies et pénibles à finir. Ils se cachent derrière ma présence pour faire un doigt d'honneur aux préconisations de leurs médecins et manger tous les interdits...

Je suis restée juste ce qu'il fallait avant de retomber dans leur classique lassitude et empressement de me voir repartir qui les rendent aigris et méchants. Je me suis autorisée une matinée seule en bord de mer, à faire des photos et à marcher sur la digue. J'avais besoin de ce moment à moi.

A mon retour, un heureux courrier m'attendait : un logement m'a été attribué d'office ! Mon contact du service client m'a avoué qu'elle craignait pour ma vie à force de voir mes courriers d'appel au secours passés chaque semaine... Et, très franchement, je pense que c'était la seule issue possible sans action de leur part.

Malgré les cartons qui s'empilent autour de moi, j'ai du mal à réaliser que this is it. La visite de l'appartement m'a laissé presque indifférente alors qu'il est très bien et que j'y serai mieux une fois installée. C'est plutôt que c'est allé si vite que je n'ai pas eu le temps de m'y projeter, de m'imaginer vivre dedans. J'attends ce moment depuis tellement d'années. Est-ce que ça y est, vraiment ? Je l'ai parfois écrit ici : l'angoisse des derniers mois a été très difficile à subir et à surmonter. J'ai encore peur parfois. C'est un soulagement de sortir définitivement de là. Mon voisin est de nouveau dans une phase "calme" et je ne serai plus là quand il fera une rechute. Je ne serai pas loin mais totalement hors de sa portée, totalement en sécurité, et peut-être heureuse. Plus jamais -- JAMAIS -- il me fera du mal.

Je pense que j'apprécierai ma chance et que je réaliserai pleinement ce qu'il se passe quand je verrai mes affaires partir dans le camion, que je regarderai cet intérieur totalement vide et que je remettrai mes jeux de clés. Je voudrais prévenir le.a prochain.e locataire et il se peut que je laisse un mot quelque part... mais je crois foncièrement que la vie m'appelle ailleurs. La seule chose dont je dois me préoccuper, c'est de me reconstruire.

Mon entourage a aussi accueilli la bonne nouvelle à l'exception de mon père. Cela ne devrait même plus me surprendre. Sa réticence au changement, son manque de confiance en lui qu'il projette salement sur moi. Il m'avait déjà servi son discours quand j'avais emménagé ici. Il espérait que répéter ses arguments et sa peur me ferait renoncer. Il reprend les mêmes (sauf celui "d'abandonner mon frère") et il recommence : est-ce que je suis assez responsable pour assumer le loyer ? Est-ce que ma sécurité est réellement prioritaire quand ma situation professionnelle est précaire ?

Mais je suis une lionne : je sais pour quoi je me bats. Je suis résiliante. Je ne baisse pas les bras. Je ne renonce pas.

Je pense avoir assez de recul sur mes expériences pour comprendre que je suis loin d'être immunisée contre les aléas de la vie. Certaines choses se passent bien (même très bien) ; d'autres se passent mal (même très mal). Mais je n'arrive pas à me convaincre (ni à être convaincue et c'est visiblement là le problème) que rester focalisée sur ce qui pourrait hypothétiquement mal se passer peut m'aider à avancer. Et cela vaut pour tous les domaines finalement. Personne ne sait vraiment ce qu'il va se passer. Personne n'est prêt pour ce qu'il va se passer. Je ne suis pas sûre qu'il existe de "bon moment" pour les changements. Alors autant faire son maximum pour vivre mieux quand les opportunités se présentent.

Je n'ai pas voulu rentrer dans son jeu d'emprise. Je ne lui ai jamais donné de raison de douter de ma capacité à me gérer et je n'ai rien à lui prouver. Je lui ai simplement dit qu'il pouvait soit choisir de me faire confiance et m'aider seulement si il le souhaitait vraiment ; soit de me laisser tranquille car je peux gérer la situation seule. Dans les deux cas, je suis d'accord.

Il m'a répondu que "comme d'habitude", je me méprenais et que, puisque c'était comme ça, il n'en parlerait plus. Dans la foulée, il s'est désisté sans motif alors qu'il s'était engagé à visiter l'appartement avec moi et n'a plus donné signe de vie depuis. Et c'est à moi qu'il vient faire des leçons de maturité... Fut un temps où je me serais mise en colère à m'en rendre malade. Aujourd'hui, je suis déçue mais je n'ai plus l'énergie pour ces conneries.

Je peux compter sur moi et c'est encore ce que je connais de plus fiable. Et peut-être même de plus fort.

Poncha

16 juin 2021 à 21h00

Je viens de passer une semaine avec de parfaits inconnus et je suis contente d'avoir relevé le défi.

Ma batterie sociale a été mise à l'épreuve et s'est souvent retrouvée à plat (ou si près de l'être). Je me suis même demandée (surtout au début) si j'arriverais à passer la semaine... J'avais parfois l'impression d'être de nouveau dans l'ombre de mon adolescence. Cette mixture inconfortable d'incompréhension et de déphasage entre ces autres si extravertis et bruyants et mon profil calme et réservé. Et plus le cercle était grand, plus je me sentais de trop ou à la traine...

J'ai fini par réussir à trouver mon rythme. Sans être asociale, j'ai besoin d'avoir des moments pour moi et tout va beaucoup mieux quand je respecte cette part de moi, que je lui donne ce qu'elle veut. J'avais cette exigence ridicule envers moi-même qui me mettait une pression superflue alors qu'on sort tous d'une situation compliquée. Les traits relationnels se sont exacerbés : on a tous envie de vivre tellement fort et on ne sait plus vraiment comment faire... J'ai le droit de prendre mon temps pour ça aussi.

C'était une joie île. Le guide nous a emmené chaque jour dans des décors différents, lui donnant un caractère unique. J'ai atterri sur un des aéroports les plus dangereux du monde après une escale prolongée, pris des petits-déjeuners de championne sur une terrasse ensoleillée dès les premières heures du matin. J'ai tournoyé sur des routes étroites et pentues à m'en donner la nausée, fait un cours de yoga entre une levada, un chat et des lézards. J'ai gouté des mets locaux (le Picado et le pain à la patate douce sont juste délicieusement conviviaux), entre pique-niques et petits restaurants typiques. J'ai pris le soleil dans la piscine. J'ai randonné sur des falaises, en forêt et sur un volcan au-dessus des nuages. Je me suis blessée à la cheville. Encore (mais rien de grave heureusement). J'ai fait une séance grisante de shopping de fifille et même entr'aperçu le Président sur un malentendu... J'ai passé des soirées de la vieille ville à la marina, de la Poncha à la Nikita en passant par la Piña colada (et une piquante Margarita à la fraise) qui m'ont désinhibées juste ce qu'il fallait pour sortir la tête de ma coquille et trouver une raison de me coucher à pas d'heure...

Je ne me suis pas reposée. Je n'ai pas souvent été sobre mais j'étais joyeuse ; j'ai parlé ; j'ai ri. J'ai même eu l'impression de vivre ce que j'aurais dû expérimenter avec ma génération il y a des années. Et une fois que j'y suis (parce que la dualité est bien ancrée avant), ça me plait. C'est quand les journées ont commencé à passer vite que j'ai compris que j'avais réussi mon pari et fait un grand pas en avant.

J'apprends à rencontrer des gens sans en attendre autre chose que l'instant présent. J'apprends à voyager autrement dans des endroits auxquels je n'aurais jamais pensé ou dans lesquels je ne pourrais pas aller si j'étais seule.

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Avant cette pause exotique tant attendue, j'ai rencontré une femme qui m'a parlé dans le langage qui m'appelle si fort depuis quelques mois. C'était très étrange la facilité de notre échange, ce clic évident. J'ai eu une pensée suspendue lorsqu'elle m'a parlé de ses projets et de la voie qu'elle a choisi (ou de la voie qui la choisie ?). Je me suis dit que je ne pouvais pas l'avoir rencontré pour rien et surtout pas par hasard.

Strawberry SuperMoon

29 juin 2021 à 17h08

Je n'ai jamais été aussi exténuée de ma vie. Pourtant, j'ai eu mon lot d'épisodes de baisse de régime mais je crois ne jamais avoir été aussi fatiguée dans la durée. J'ai l'impression que je serais capable de m'endormir n'importe où et n'importe quand. Je suppose qu'un matin, je me réveillerai et je serai à nouveau en pleine forme. Il en va de même pour l'appétit. Je pourrais manger un éléphant que j'aurais à nouveau faim dans une heure... Tant de changements, d'amorces de nouveaux départs !

Mon père est vraiment une créature étrange et imprévisible. Après un énième comportement inexplicable, il a pris mon déménagement très au sérieux. Il a été d'une bienveillance et d'une générosité que je ne lui connaissais pas. La petite voix au fond de moi s'est dit qu'il savait qu'il n'avait pas été correct et que tout cet investissement inattendu demandait pardon. Il a fait son maximum. Et même plus. Et même trop.

Du jour où les déménageurs ont tout emporté jusqu'aujourd'hui, il a vraiment mis les mains dans le cambouis et s'est même montré protecteur. Nous avons déjeuné ensemble à l'extérieur à plusieurs reprises. Cela ne nous était pas arrivé depuis mes 30 ans...

J'ai réalisé que je l'appelais "Papa" comme j'appelais "Maman". C'est-à-dire comme quand j'étais petite, comme si c'était là leur prénom et non la place qu'ils occupent dans ma vie. Soit parce qu'ils ne peuvent ou ne veulent pas de cette place et, pour la première fois, je me suis sentie totalement en paix avec le fait qu'il n'y ait plus de dissonance dans l'attachement de ces termes.

Quant à l'appartement, il l'a visité en y déposant les cartons et semble conquis. Il a eu un coup de coeur pour ce qu'il a décidé d'appeler "le cellier". Une phrase m'a marqué en particulier. Il a dit : "Cet appartement est magique." Et il l'est parce que je le suis et il me tient à coeur d'y répandre ma magie. Bien sûr, son côté rationnel a tenté de reprendre le dessus et, à sa seule tentative, je lui ai demandé d'avoir confiance et de ne pas tout gâcher avec de nouvelles maladresses. Il s'y est tenu et j'ai apprécié cet effort.

Il m'écoute me projeter dans ce nouveau chez-moi et m'aide à concrétiser mes aménagements. Je n'avais pas eu beaucoup de temps pour apprécier l'espace et m'imaginer vivre ici à ma première visite. Maintenant que j'y suis, c'est évident. Les formes et les couleurs m'envahissent. Les cartons resteront là où ils sont le temps qu'il faudra. Je ne suis plus pressée. J'ai le minimum vital à portée de main. Ma priorité était d'être en sécurité. Et bientôt, avec la force du temps, je suis sûre que ce sentiment grandira et reprendra sa place. Je construis de nouveaux repères.

La semaine de transition a été très mouvementée. J'ai jonglé entre les deux appartements. Rendre l'un familier et habitable ; rendre l'autre tout court. Je suis arrivée un peu plus tôt que l'heure convenue pour l'état des lieux de sortie. J'avais besoin de dire au revoir à cet endroit qui a été mon premier appartement, mon premier chez-moi, ma première maison. Je l'ai remercié de m'avoir abrité et protégé pendant toutes ces années. Et j'ai prié.

J'ai rendu les clés et suis partie sans me retourner.

J'ai du mal à croire que tout cette période douloureuse de ma vie est finie. Ça me fait tellement du bien de me le dire et d'épurer progressivement toute cette place pour accueillir de nouvelles choses bonnes pour moi. Après toutes ces nuits d'angoisse et d'insomnie et de ces journées où je peinais à manger et à garder de la nourriture en moi, peut-être que mon corps se libère enfin de ces états qui ne lui étaient pas naturels...

J'arrive dans la dernière ligne droite de ma formation de photographie. Les choses sont un peu décousues avec tous les réaménagements qu'il a fallu faire mais j'espère que nous arriverons à maintenir l'exposition pour la rentrée. Et si ce n'est pas possible, je serais contente d'être allée au bout de ce projet personnel. Je crois avoir atteint mon objectif premier : m'être nourrie intellectuellement et améliorée techniquement dans un domaine que j'aime et qui m'habite. Je vois les différences bien nettes entre l'avant et l'après. J'en saurai davantage dans les prochains jours avant de repartir pour une petite semaine de randonnée...

1850

17 juillet 2021 à 22h39

J'ai pris mon courage à deux mains et j'ai déballé mes premiers rouleaux de papier peint. J'en n'avais jamais posé avant alors j'ai suivi un tutoriel sur YouTube. Et franchement, heureusement que ce genre de vidéo existe pour les novices comme moi. Que ça soit en cuisine ou en bricolage, je leur dois une partie de mes petites victoires (et sans doute des heures en moins de galère) ! Le voilà posé bien proprement sur tout un mur du salon. Je rentre et ce nouveau décor, que j'ai imaginé pendant tant d'années, rentre dans mon champ de vision. Ça me fait sourire. J'ai hâte de voir le résultat avec les bibliothèques et les livres.

Il y a quelques jours, j'ai découvert la montagne aussi. Quelle beauté. Je ne sais pas pourquoi les gens sont surpris quand je leur dis que je n'avais jamais mis les pieds dans une station de ski. Je n'ai d'ailleurs jamais fait de ski. Vu l'état de mes chevilles, ce n'est peut-être pas une mauvaise chose. Ça ne m'attire simplement pas. Dans la famille, on s'oriente davantage naturellement vers les destinations en bord de mer, qu'il y fasse chaud ou non. La montagne, c'était neuf et majestueux mais je ne suis pas sûre de vouloir y retourner. Les randonnées étaient plus difficiles que prévues et les méthodes des encadrants du séjour m'ont laissé perplexe. J'ai adoré y aller en voiture et je ne changerai pour rien au monde les moments passés avec notre groupe de copines. Je me suis rarement autant sentie à ma place en étant totalement moi-même et en confiance.

Cette aventure exceptionnelle m'a rapproché d'une fille en particulier. Il s'est passé quelque chose de très fort pendant ces quelques jours. Une sorte de belle énergie dans sa vision de la vie, d'accueillir les choses sans les juger, de les apprécier, de prendre soin d'elle et de prendre soin des autres. Ses petites attentions m'ont beaucoup touché et m'ont fait chaud au coeur. J'ai l'impression que cela faisait des années lumière qu'on n'avait pas été si gentil avec moi sans attendre quelque chose en retour. J'espère la revoir et peut-être voyager avec elle.

Elle m'a recommandé quelques livres et des comptes à suivre par centre d'intérêt. Grâce à elle, je suis rentrée en contact avec deux jeunes femmes qui ont mis l'endométriose au coeur de leurs métiers et qui vivent avec la maladie (et non contre elle). L'occasion m'est donnée de les rencontrer à la rentrée... Et ainsi se tisse l'ère d'une vie sociale en voie d'expansion. Que j'appréhende et que je savoure en même temps.

Les détails de l'exposition ont été arrangés. En arrivant plus tôt à un de mes cours, j'ai rencontré la directrice artistique qui en gère l'organisation. J'étais un peu intimidée par l'importance de son statut de décisionnaire mais je me suis lancée dans la discussion. Nous avons regardé les photos que j'avais pré-sélectionnées dans l'idée d'en choisir deux. L'idée d'un débat s'est très vite dissipé quand elle m'a dit que toutes mes photos -- à l'exception d'une réalisée au cours d'un exercice où la mise au point n'est pas parfaitement juste -- étaient bonnes. Puis elle s'est penchée sur celles que j'avais secrètement positionnées en favorites pour l'exposition et les a validées. Quel bonheur et soulagement ! Je vais essayer de passer au studio la semaine prochaine pour voir le rendu avec celui de mes camarades. Notre travail y sera exposé jusqu'à la mi-septembre.

En soute

22 juillet 2021 à 21h01

Je suis à la veille d'un départ que je crois important pour moi. Et je suis angoissée, mentalement agitée, comme si mon corps avait compris que quelque chose de plus grand que moi et d'incontrôlable est en train de se préparer. Je veux l'écrire ici car j'ai besoin de déposer ce "poids" quelque part et je n'arrive pas à me diriger vers mon journal papier. Bordeldebordel.

Mais je ne renoncerai pas. Je ne renonce plus à la vie.

Mon égo a peur que cela arrive (et ne pas savoir quoi faire de bien). J'ai peur que cela n'arrive pas (et ne pas savoir quoi faire de plus). Et si je me trompais ? Et si j'avais raison ? Et si il n'y avait rien à chercher, rien à trouver ? Et si tout commençait là-bas ?

Je ne suis pas faite pour être dans l'entre-deux. Les dernières semaines m'avaient donné un tempo effréné. J'ai l'impression que c'était un avant-goût...

Il se peut que je revienne sans histoire à raconter. Quoiqu'il arrive, je ne devrai pas m'en vouloir d'y avoir cru, d'avoir cru. Je ne devrai pas m'en vouloir de m'être trompée. Je prie pour que ma foi en ressorte intacte. Pour le moment, j'essaie d'apaiser mes doutes sur ces incertitudes (écrire me fait déjà du bien) pour partir le coeur léger, prêt à accueillir ce qu'il y a à vivre.

La valise est ouverte sur le lit. Je ne sais pas si elle respecte le poids autorisé. Je ne sais pas pourquoi je l'ai rempli comme si je partais pour toujours alors que je m'absente que quelques jours. J'ai laissé faire...

Mon ancien collègue est revenu à la charge pour m'annoncer qu'il partageait son bureau avec de nouvelles têtes, que ma présence féminine manquait et finir sur une proposition de restaurant dès qu'il sera vacciné. Le fait que j'entende parler de ce restaurant depuis le mois d'avril m'a lassé. Je n'ai plus la patience pour ce genre de connerie. Et puis, c'est comme si il appartenait à une autre partie de ma vie, à quelque chose qui n'a plus sa place dans mon présent et qui n'en a pas dans mon futur.

Mon père est passé pour avancer sur le chantier qu'il a commencé dans mon salon. Cela fait plus d'un mois maintenant et je vis encore dans les cartons. Je ne peux pas m'installer tant qu'il n'a pas fini ce qu'il a commencé. J'étais très enthousiaste et reconnaissante de ce qu'il a fait pour moi au moment du déménagement et maintenant, j'ai l'impression de comprendre ce qui se trame. En laissant le salon en vrac, en gardant avec lui le matériel qui me permettrait d'avancer seule, en espaçant ses visites, il me rend dépendante de lui et je déteste ça.

J'ai réussi à finaliser le papier peint du salon et je suis bien avancée sur celui de la chambre. Il me reste le mur de la cuisine à faire. En regardant mon travail, il a reconnu que j'avais bon goût et envisage même de "prendre mes idées" pour chez lui. J'ai toujours été douée pour décorer les pièces et aménager les espaces. Cela serait d'ailleurs mon métier si il ne s'y était pas opposé. Mais, pour la juste mesure, il n'a pas pu s'empêcher d'équilibrer la donne en faisant des petites remarques qui commencent toutes par : "Je ne juge pas hein..." et "Je ne veux pas t'influencer hein..." Pourquoi les gens annoncent-ils toujours par la négative ce qu'ils sont précisément sur le point de faire ? Il s'est étonné que je sois capable de poser le papier peint droit, répète que mes outils sont nuls... Il a complètement oublié qu'il était chez moi.

Last call

11 août 2021 à 21h48

Je suis revenue.

Je n'ai pas l'histoire que j'ai secrètement nourrie à raconter... J'essaie de ne pas m'en vouloir mais... à quoi bon. J'suis qu'une conne !! Je crois à mes histoires comme une enfant. Je me berce de mes propres conneries et, évidemment, je me sens blessée de ne pas voir mes idéaux se réaliser. Si on peut parler d'idéal... Fuck this shit!

La seule chose qui résonne encore très fort en moi est ce départ presque manqué d'une île à l'autre. Si je ne m'étais pas levée pour vérifier, l'avion serait parti sans nous. Nos bagages auraient été débarqués. Indépendamment des attentes ou croyances que j'avais avant mon départ, de la compagnie mitigée de la première semaine écoulée, de l'experience unique de cette retraite, je n'aurais pas cherché à être ailleurs. D'une façon ou d'une autre, je serais restée. J'aurais modifié mon voyage et aurais renoncé à ma seconde destination. Ma pote serait partie mais je ne l'aurais pas suivi.

J'ai eu un authentique coup de coeur pour cet endroit et y retourner est une pensée constante, presque obsessionnelle depuis que j'en suis partie. Je n'arrive pas à me l'expliquer...

Nous aurions dû rester. J'en suis convaincue.

Une hôtesse furieuse nous attendait à la porte d'embarquement. Arrivées avec 3 heures d'avance pour finalement être en retard, quelle ironie... Nous aurions pu nous épargner la course sur le tarmac, de passer devant tous les regards haineux des passagers. J'étais désolée et honteuse. Moi qui suis toujours si ponctuelle, qui fait toujours tout bien comme il faut... C'est la deuxième fois de ma vie que je perds la notion du temps et suis arrachée à un lieu où je me sens appartenir.

Je n'ai pas aimé le second groupe de voyage (dont plus de la moitié était d'une superficialité affligeante) et je n'ai pas accroché avec ce que j'ai vu du pays. Ce n'était pas intéressant. La nourriture était insipide. Dans mon indifférence, j'ai oublié (voire jeté ?) les cadeaux que j'avais achetés chez un artisan bijoutier. J'ai même oublié la bague que l'on m'a offerte à mon anniversaire sur le rebord du lavabo. Cette négligence me chiffonne car c'était une gentille attention. Je n'ai plus aucun doute sur le fait que je n'étais pas amenée à avoir le moindre souvenir.

Et puis, j'ai commencé à avoir mal au ventre dès le moment où nous nous sommes envolées. Au départ, je pensais que mes règles y étaient pour quelque chose. J'ai même craint de faire une crise d'adénomyose. Mon cycle a pris fin mais ces maux ne m'ont pas quitté depuis, même en rentrant chez moi... J'avais prévu une extension pour finir la semaine sur place mais j'ai finalement préféré annuler l'hôtel et avancer mon retour. Ma pote m'en a un peu voulu de ne pas rester (elle n'était pas seule heureusement) mais elle a aussi remarqué que je n'étais pas là, avec elles, pendant ces quelques jours. Elle ne m'en a pas reparlé mais je crois qu'elle savait où j'étais. Où j'étais restée.

J'ai tout de même apprécié notre journée à la plage. La première où nous nous sommes autorisées à dire merde au poulailler, à prendre une journée sans activité, sans parasite. On a loué des chaises longues et un parasol. Je me suis achetée un paréo pour la forme et j'ai enfilé un des bikinis neufs que je n'osais pas porter. J'ai réussi à appréhender ma peur de la mer et à m'immerger timidement jusqu'aux épaules. J'envie tellement les gens qui y plongent sans crainte et avec délectation.

Sahasrara

16 août 2021 à 21h06

J'essaie de retrouver la forme, de stimuler ma santé physique et mentale. Je vais à la salle de sport presque tous les matins et je cours. Je me bats de l'intérieur jusqu'à l'épuisement. Je vois mon rythme cardiaque s'envoler. Mes genoux me font mal. Le sel de ma transpiration m'aveugle. C'est comme si je criais en silence. De loin, on dirait juste une grosse qui se dépasse. Normal.

Je m'enferme quelques minutes dans la salle. Je fais du power yoga en repensant à tout ce que j'ai appris lors de ma retraite, en repensant au soleil brulant, à la lune derrière les tentures du matin et pleine sur l'océan de minuit... Je jurerais que je respire différemment depuis. Et j'ai juré de continuer à pratiquer jusqu'à ce que ces enchainements se teintent de fluidité et de grâce. Je veux maîtriser. Je peux le faire.

L'autre jour, j'ai craqué. J'ai explosé en larmes à la dernière salutation et j'ai eu tout le mal du monde à me reprendre. Mes chevilles se dérobaient sous un poids qui n'était pas le mien. Et le Ciel, que je touchais de tout mon être, que je buvais par tous mes chakras, m'a pété à la gueule. Une seconde d'inattention et le verre se fêle.

Mon père est passé à la maison et a ouvert de grands yeux sur mon avancée dans l'aménagement de l'appartement. Il n'arrive pas à se détacher de son idée que, puisque je ne sais pas faire de trou dans les murs (et quels murs !), je ne sais rien faire. Je ne sais pas tout faire mais je suis tout à fait apte à apprendre. Je suis même de nature très volontaire et persévérante mais je dois être la seule à le savoir.

Les rideaux sont raccourcis et posés dans chaque pièce. Tout ce que j'ai imaginé pendant des années se concrétise dans la décoration de ma nouvelle maison. Je m'investis beaucoup et, si j'ai la satisfaction de me trouver douée dans cette discipline, je n'ai pas la certitude de le faire pour les bonnes raisons. Des raisons saines. Les cartons se vident progressivement. J'ai tellement peur de ce que je vais devenir lorsqu'ils seront vides et que je n'aurais plus matière à me concentrer dessus...

Me perdre dans mes pensées, c'est me perdre dans des illusions. Je n'arrive pas à me pardonner alors je blinde mes journées pour ne pas avoir à culpabiliser d'être cette créature utopiste que je trouve de plus en plus stupide. Les rêves et leur magie ne sont peut-être que pour les autres. Je me fais pitié de croire que les miens peuvent se réaliser. Plus j'y crois et plus ils semblent s'éloigner du possible. Est-ce que je rêve mal ou est-ce plus grave ?

J'ai fait un cauchemar où mon ancien voisin m'avait retrouvé et venait me terroriser...

Ma mère m'a appelé. Elle devient tellement hypocondriaque qu'elle passe le plus clair de son temps à se plaindre de pathologies dans des cabinets de spécialistes qui lui font passer des batteries d'examens inutiles et se remplissent les poches au passage. Evidemment, les résultats ne révèlent rien si ce n'est une sédentarité accentuée. Elle s'ennuie. A ce rythme-là, elle finira par tomber réellement malade et plus personne ne la croira...

Et quand, enfin, elle finit de parler d'elle, elle prend de mes nouvelles. Je ne sais pas pourquoi je suis allée lui dire que j'irai consulter à mon tour à la rentrée car les plaques d'eczéma qui récidivent exclusivement sur mon sein droit depuis mars ne sont peut-être pas de l'eczéma mais pourraient être la maladie de Paget. Les traitements cutanés ne sont pas efficaces. Je ne panique pas mais j'aimerais être fixée. Mon dernier traitement contre l'adénomyose pouvait provoquer des méningiomes ou le cancer du sein donc le risque zéro n'est pas écarté. C'est d'ailleurs parce que ce traitement impliquaient trop de risques que j'ai tout arrêté. Il y a eu un silence et puis elle m'a assassiné d'un lasse : "Rien ne sert de paniquer avant d'avoir vu un médecin !". Elle qui détient le record d'arrêts de travail bidons et creuse à elle seule un canyon à la sécurité sociale... Je me suis sentie jugée de toute sa mauvaise foi. J'ai préféré ne rien lui dire de mon petit passage à vide...

Je lui avais proposé de venir à la soirée de clôture de mon exposition. Tout comme mon frère (qui a la bonne excuse d'être encore dans le Sud), elle m'avait dit qu'elle ne serait pas disponible car elle voulait voyager. Comme si elle ne pouvait pas y jeter un oeil avant. Maintenant qu'elle a la confirmation que les frontières resteront fermées, elle se rappelle vaguement de ma proposition. Je lui avais indiqué les dates et transmis toutes les coordonnées. Elle n'a rien conservé.

Mes photos sont bien en évidence aux studios et y resteront tout l'été. C'est un accomplissement personnel qui me fait chaud au coeur. C'est une belle expérience dans mon parcours. Je n'ai pas besoin qu'elles soient vues par des gens qui en ont rien à foutre.

Elle m'a aussi demandé si j'avais "fini de bouger". Je lui ai répondu : "Pour le moment." Je n'ai pas la force mentale de tout lui dire ni de lui mentir. Je reste floue puisque, de toute façon, elle néglige et oublie tout ce qui ne la concerne pas. Je n'ai pas envie de mêler qui que ce soit de la vie que je mène ici à mes projets...

Ma peau se plaisait aussi là-bas. J'ai bronzé jusqu'à retrouver la couleur avec laquelle je suis née... Cette île m'a rendu ma première identité.

Ne le dis à personne

19 août 2021 à 18h02

Il parait que toutes les guérisons de l'âme sont précédées de phase d'inconfort pour pouvoir aller de l'avant. Je crois que je suis vraiment dans cette période. Parce que je n'ai aucune raison tangible de me sentir aussi "basse" depuis mon retour sur le continent.

Tantôt je suis pleine d'optimisme, de foi et de gratitude ; tantôt je suis rongée par les doutes et les remises en question. Ces changements d'humeur sont très pénibles mais je sais que ça ne durera pas. Au fond de moi, je sais que tout ira bien. C'est juste une période de tests (pas forcément mauvais, juste déstabilisants) à passer pour m'emmener vers le prochain chapitre de ma vie. Et en attendant d'en découvrir les premières pages, je fais mon maximum pour me préserver et éloigner le bouton "auto-destruction" loin de moi.

Alors je lis et j'écris. Je n'ai pas envie d'en parler mais l'écrire, oui. Cette petite action, cette façon de me "parler à moi-même" m'ancre vers la suite. Ça me rassure de ne pas être figée au point d'être bloquée.

J'ai franchi le pas pour retourner sur l'Île. Seule. J'avais hésité à l'écrire franchement dans mon dernier écrit mais à quoi bon. Personne n'est au courant de ce projet et je n'ai pas l'intention d'en parler à qui que ce soit de vive voix. Ni maintenant ni jamais.

A défaut d'y rester, y retourner rapidement était une évidence. J'ai compris le message. J'y serai bien retournée plus tôt si les prix d'hébergement en pleine saison n'étaient pas aussi chers et exclusivement en hôtel. Avec le recul, je ne sais pas combien de temps j'aurais pu tenir sur place avant d'être dans le rouge... Rentrer à la maison était le meilleur moyen d'y réfléchir et de m'organiser. Ma décision était prise le soir même de mon retour en France mais j'avais besoin de perspective pour avancer et planifier un nouveau voyage "hors budget".

J'ai repensé à cette destination de 2019 où je m'étais également sentie arrachée. Le contraste était moins prononcé qu'aujourd'hui. Je n'ai pas eu ce sentiment d'appartenance indéfectible que j'ai aujourd'hui mais j'y pense encore souvent avec beaucoup de nostalgie. C'est un inachevé que je devrais tôt ou tard terminer. Je me suis renseignée mais les frontières restent fermées...

Mon premier voyage sur l'Île a été organisé par une agence spécialisée. Cette fois-ci, je ne rejoins pas de groupe d'inconnus. Enfin, je me comprends car les choses ne se passent déjà pas comme prévues...

Mon calendrier s'est basé sur mes quelques engagements et la disponibilité des vols en corrélation avec celui des deux locations que j'avais repérées. Mes billets réservés, j'ai choisi un petit appartement dans un endroit calme et un peu isolé. Je n'avais pas envie d'hôtel ni d'endroit trop animé. Je veux me sentir en sécurité, près de la nature et parfaitement libre. Les prix sont un peu moins violents sur la fin de l'été et sur des vols en semaine moins influents. Pour les mêmes conséquences financières, je peux rester m'imprégner plus longtemps. C'est comme une deuxième retraite en solitaire.

Et puis, le lendemain, nous avons reçu un message sur le groupe encore actif de la prestataire qui assurait les cours de yoga. Un petit rappel où elle nous demandait de ne pas l'oublier et de laisser un avis sur notre expérience. Je me suis égarée sur son site personnel pour retrouver le lien et, de fil en aiguille, j'ai découvert qu'elle encadrait une autre retraite indépendante exactement entre la fin des engagements qui me retiennent en France et mon premier jour de location sur l'Île... C'était tellement bizarre et, en même temps, une très belle invitation.

Mes pas m'ont conduit à vérifier si il restait de la place et la suite s'est enchainée. J'ai confirmé ma participation, modifié mes vols et ma location (pour compenser la durée et le coût) sans le moindre obstacle ni concession supplémentaire.

Donc, d'une certaine façon, je vais tout de même rejoindre un groupe pour quelques jours. Apparement, je suis la seule française du lot. J'espère que mon niveau d'anglais sera suffisant pour me faire comprendre. Cette fois-ci, en dehors des heures de pratique, je serai totalement indépendante.

Vraiment, tout ira bien.

Le dernier carton de déménagement a trouvé le chemin des bacs de recyclage. J'ai fait un tri énorme dans les documents que j'ai rangés. J'ai eu si peu de temps entre le moment où on m'a annoncé que l'on m'attribuait un nouvel appartement et le déménagement que j'ai tout empaqueté sans chercher à épurer. J'avais le temps de bien faire alors j'ai fait une pile de papiers à détruire... Et le passé appartient au passé.

Peu avant de me réveiller, j'ai rêvé être à la caisse d'un supermarché. Indécise, je demandais à essayer plusieurs articles alors que je savais que je n'avais pas l'intention d'acheter quoique ce soit. A côté de moi, s'entassaient en désordre tous les articles que je ne voulais pas puis tous ceux que les autres clients abandonnaient. A la caisse, une femme s'est collée à moi pour me parler dans une langue étrangère. Je lui ai dit que je ne la comprenais pas. Elle m'a poussé vers l'avant avec son caddie. J'ai manqué de tomber à la renverse et elle n'arrêtait pas de me dire à quelques centimètres de mon visage d'un air très agressif : "Que dira-t-on quand on apprendra que tu n'es pas rentrée au pays ? Qu'est-ce que l'on pensera de toi hein ?"

Caramel

30 août 2021 à 13h52

Ma deuxième chienne s'en est allée hier soir. 14 ans, mon p'tit chat.

Mon frère a appelé et, dans sa voix, je savais déjà et je ne voulais pas. Il n'a rien dit quand il est venu me chercher au garage.

C'est quand il a mis la clé dans la serrure et que je ne t'ai pas entendu aboyer que j'ai compris. Je n'ai pas roulé assez vite pour arriver avant que tu t'éteignes. Au fond de moi, je sais que tu attendais qu'il rentre du Sud pour partir dans ses bras, brave fille. Être son ombre une dernière fois.

J'ai un énorme trou dans ma poitrine. Des larmes de sauvage par vagues. Des yeux brûlés. Un cauchemar de toi ce matin, prenant appui sur le mur côté fenêtres, à renifler l'air du dehors qui dégage les longs poils de tes yeux. Tes yeux curieux, rieurs, pleins de malice. Et puis tu prends de l'élan et tu sautes. Tu t'envoles. Du haut de la tour, je vois ton corps tout en bas, sur le flanc dans l'herbe tendre. Tu dors les yeux ouverts. Tes yeux comme deux billes noires, et fixes, et vides, qui ne regardent rien et qu'on ne peut pas fermer. L'immobilité ne te ressemble pas. Ton absence laisse une solitude si froide.

Je veux ta joie de vivre et cette façon de t'essouffler parce qu'on est tous là, dans la même pièce ou à faire bouger anormalement les portes et que tu veux tous nous aimer tout feu tout flamme très vite et en même temps. En vérité, je n'ai pas compris comment tu as pu vieillir en ayant autant le diable au corps. Je veux ta tête sur mes pieds et une de tes longues pattes d'araignée sur la cuisse voisine. On ne part pas. On ne bouge pas sans que tu saches où et pour quoi faire de mieux. Je veux tes courses folles, tes poils Polnareff, tes cambrures de félin et tes balles de tennis quand tu veux jouer à 3 heures du matin. Et ton amour fidèle et fort.

Je t'ai vu arriver au monde, ma p'tite. Tu tenais dans le creux de ma main, Chouchou. Je crois que tu as eu une belle vie mais tu vas me manquer. Terriblement. J'aurais voulu être une meilleure compagne. Là, j'ai besoin de laisser libre cours à mon chagrin mais je ne suis pas inquiète. Tu es partie quand tu l'as décidé, en bonne santé et sans souffrir. Tu n'avais juste plus de vie comme on n'a plus de pile. Alors repose-toi. Et mon coeur sait où tu es même si, vue d'ici, ça me parait loin.

J'apprends à vivre et à aimer comme toi et après, promis, j'apporte les croquettes et on r'met ça. Embrasse ta mère pour moi.

Je t'aime.

Nous partons tous

5 septembre 2021 à 20h46

C'est tout de même étrange de lire et commenter un article de blog parlant de la mort du chien de l'administratrice le matin même et d'être confrontée à cette situation quelques heures plus tard... J'aimerais avoir ce genre de bande-annonce pour des évènements heureux.

Le chagrin provoqué par le décès de ma chienne m'a poussé à faire des recherches sur l'organisation de mes propres obsèques. Je ne sais plus comment je me suis engagée dans cette voie un peu glauque mais j'avais besoin de savoir combien je pourrais coûter aux gens qui resteront et passeront derrière moi. Je ne veux pas être un poids dans la vie et je ne veux pas l'être après. Alors quand cela arrivera, je veux disparaitre pour de bon. Je veux être réduite en poussière. Et je vais m'en assurer.

La bougie que j'ai allumé pour ma prière du soir et pour elle est restée allumée (ou s'est ravivée) toute la nuit. Je suis sûre et certaine de l'avoir soufflé avant de me coucher. Il s'est passé d'autres choses aussi, de tout aussi surprenant voire surnaturel...

C'est tellement paradoxal comme cette confrontation à la mort décuple aussi mon envie de vivre et de créer...

Tous mes proches s'apprêtent à quitter leurs nids en même temps que moi. Et je les aurais tous vu avant de partir. Mon père va rendre visite à ses parents. Ma mère et son mari vont dans leur maison en Espagne. Mon frère prend quelques jours de vacances avec sa copine. Il a glissé au déjeuner que ce voyage ne pouvait se faire que sous le prétexte de l'organisation de leur futur mariage...

J'ai encore un peu de mal à me faire à cette idée, à ces mots dans sa bouche. Les réflexions que je me fais se balancent entre mes idées autour de la précision que j'ai de cet engagement et le fait qu'il continue à mieux construire sa vie que moi... Moi qui n'ai jamais su aimer correctement ; moi qui n'ai jamais été aimée.

On dira ce que l'on voudra mais nous partons tous chercher, explorer quelque chose que nous n'avons pas ici...

Brave

14 septembre 2021 à 14h39

J'y suis. Et j'y suis bien. Il fait une chaleur torride dans cet appartement alors je profite du vent chaud de la campagne au dehors. La chienne des propriétaires est allongée sur le côté et me jette des regards langoureux pour de nouvelles caresses. Mon linge sèche sur la terrasse. Les poules sont au potager. Je respire l'Île.

Au volant de ma voiture de location, je me suis fait la remarque à quel point les choses s'étaient parfaitement synchronisées pour me permettre de vivre cette expérience dans de bonnes conditions. Je me sens en paix, comme si le temps n'existait pas. Ou du moins, comme si il ne rentrait plus en compte dans cette parenthèse de ma vie - si il s'agit bien d'une parenthèse.

Je veux vivre et habiter ce calme intérieur jusqu'à la fin de tout. Je n'ai aucune habitude ici. Je ne connais personne et ne parle pas un mot de la langue. Bien sûr, ça s'apprend et je ne suis pas plus seule ici que je le suis en France. Je n'ai même pas peur de conduire (une voiture et des routes qui ne me sont pas familières). Je ne suis pas sur le qui-vive. J'accueille la vie dans une douceur que je ne connaissais pas... Le pourquoi ici et pas ailleurs reste entier.

La première courte partie de mon séjour s'est achevée. Quelques jours de retraite à pratiquer du yoga matin et soir dans un sublime cocon, entre pins et terre de sienne. La majorité des participantes venait d'Angleterre et d'Ecosse. Nos échanges ont parfois atteint un niveau très instructif voire réparateur. Leur regard d'inconnues plein de bon sens et de bienveillance sur mon parcours a été comme un baume. L'une d'entre elle m'a dit que j'étais courageuse et je ne comprenais pas ce qu'elle voulait dire. On n'avait jamais dit ça de moi et je ne pense pas l'être (du moins, pas dans le sens que je donne à ce mot). Elle m'a expliqué et cela a fait immerger de nouvelles perspectives depuis ce que j'ai pu raconter. Parce que je me sentais assez bien pour m'ouvrir. Pas dans le sens "épanchée" mais je me suis racontée très simplement.

Je réalise à quel point je suis loin d'être la fille difficile à vivre que mes parents ont pu décrire autour d'eux. Je cohabite très bien quand les limites de chacun sont respectées. Je réalise que je suis acceptable et peut-être même aimable. En tous les cas, je me suis sentie acceptée et aimée par ces mots et l'énergie de cette terre. Je réalise qu'en sachant être et faire seule ; être et faire pour moi, je suis apte à connaître l'amour et à partager ma vie. En France ou ailleurs. Surtout ailleurs et ici.

Il y avait une autre française dans le groupe. Elle n'était jamais bien loin de moi. Je ne ressentais aucune affinité pour elle mais elle avait besoin de moi pour se sentir intégrée dans une langue qu'elle ne maitrise pas. Je n'ai pas à donner d'avis sur ce qu'elle traverse en ce moment. Ça lui appartient et j'espère qu'elle trouvera en elle les ressources dont elle a besoin pour faire ce qu'elle estime avoir à faire.

Allongées sur nos transats avant de la déposer à l'aéroport, je l'ai longuement écouté juger les quelques expériences que j'ai partagées au sein du groupe. Selon elle, je devrais me méfier de ma "gentillesse". C'est en étant ce que je suis que je me retrouve trompée et désabusée par les autres. Elle a illustré ses propos en reprenant ma lointaine dernière expérience amoureuse en exemple (alors qu'elle n'arrive pas à statuer sur la sienne). Elle a jugé mon hygiène de vie et mon mode de consommation tout en désaccordant son discours en avouant qu'elle aimerait être "plus comme moi". J'émets la probabilité qu'elle s'est honorée la gloire de m'inculquer ce qui est "bien" de ce qui n'est "pas bien".

Je réalise à quel point je n'ai plus la volonté de me battre contre les idées reçues des experts du dimanche. Je réalise qu'on peut être amateur de yoga, d'huiles essentielles et d'un tas d'autres choses, et avoir l'ouverture d'esprit d'un petit pois. Je réalise que la gentillesse est importante et bienfaisante. Je réalise que je ne m'arrêterai jamais de l'être tant que cela aura du sens pour moi. Je réalise qu'on ne l'a pas si souvent été à mon égard et que ce n'est pas grave puisque je sais. Je réalise que je dois apprendre à l'être davantage avec moi-même.

J'ai retrouvé "ma" prof de yoga rencontrée lors de mon premier séjour. J'aime cette femme. Ma régularité dans ma pratique d'une activité physique m'a permis d'arriver à faire des postures que je n'arrivais pas (ou pas très bien) avant. Ma peur d'avoir "la tête en bas" s'estompe peu à peu. J'espère que j'aurai passé ce cap quand nous nous reverrons. Parce que nous nous reverrons. Je ne sais pas quand ni comment mais c'est une certitude. Je lui ai offert un livre de l'auteure dont nous avions discuté avant de nous quitter. C'était très important pour moi de le lui donner en main propre. Je crois que ça lui a vraiment fait plaisir. J'ai aussi eu quelques cours avec une autre prof. Sa façon dynamique et détaillée d'aborder la conscience du corps est très complémentaire à ma recherche de bien-être à travers cette discipline.

Mon frère a passé sa soutenance de fin d'études. Je suis très fière de lui et de sa réussite. J'ai profité de l'avoir au téléphone pour lui dire que je n'étais pas à la maison. Il m'a dit répondu : "Mais qu'est-ce que tu es allée foutre sur l'Île ?!"

Je n'en suis pas sûre moi-même alors, dans le doute, je suis mon coeur.

Slow Life

17 septembre 2021 à 21h30

Je voulais écrire tous les jours. Je pensais aussi que je ferais des photos à tout va. J'ai cru que j'y arriverais mais je suis trop occupée à vivre, à habiter l'instant... Et je n'ai pas réellement besoin de témoin écrit ou photographié pour m'en souvenir. Je n'ai pas peur d'oublier. J'ai peur de passer à côté de quelque chose rien qu'en clignant des yeux ou en éternuant. J'ai l'impression de faire attention à chaque détail, comme si chaque seconde pouvait être la dernière ou le début de quelque chose qu'il ne faudrait manquer sous aucun prétexte. Il y a de l'extraordinaire là-dedans. C'est assez étrange tout ce qui me traverse.

Contrairement à mes précédents voyages en solitaire, je ne ressens pas le besoin de trop charger mes journées ni de sortir tous les soirs. Je prends le temps de récupérer, d'observer, de marcher, d'écouter, de lire, de prier. Souvent à haute voix. Je ne programme rien, ou presque. Je vais au fil de l'eau, à l'instinct. Je n'écris et photographie que quand je sens l'inspiration et l'envie de cristalliser les choses. D'ailleurs, mon regard qui s'imprime est très différent de ce que j'ai pu faire jusqu'à présent. Plus contrasté, indompté. Je ne connaissais pas cette dimension de moi qui prend de l'élan...

Quand je sors, j'avale des kilomètres. Les noms des villes s'entourent sur la carte. J'adore rouler dans la campagne, me perdre à demi. J'aime revenir sur mes pas sans m'en rendre compte ou par un autre itinéraire. J'aime tout cet ensemble pêle-mêle, la profondeur des paysages où il ne manque rien : la montagne, la forêt et la mer. Parfois les trois en même temps. Imparfaits et dépouillés. Les terrains sont immenses. Les demeures respectent parfaitement l'intimité de chacun. Certaines ont des noms charmants et bohèmes qui donnent envie de frapper à la porte. Je ne parle pas la langue mais il me semble que je la comprends un peu plus à force de l'entendre autour de moi. Les gens d'ici sourient presque tout le temps... et ils me regardent avec curiosité.

Je n'y vois ni méchanceté ni jugement. Juste beaucoup d'intrigue car je suis seule. Je suis seule et, sans chercher volontairement à l'être (ou à ne pas l'être), je le vis très bien. La plupart des gens sont en famille, entre amis ou en couple. Et si je le sais, c'est parce que je les regarde en retour. Me poser sur les plages, randonner sur les falaises, réserver une table... Ça serait triste d'attendre d'être accompagnée pour vivre ces expériences. Autant, c'est chouette à partager ; autant, j'aime cette totale indépendance. Je ne rejette aucune option. Je peux et veux vivre les deux.

Je me suis offert mon premier petit déjeuner dans une boulangerie traditionnelle française et j'y ai acheté un peu de ravitaillement pour le lendemain. J'ai toujours eu beaucoup de mal à me faire aux cuisines locales et, où que j'aille, les basiques des assiettes françaises me manquent très vite. Je corresponds plutôt bien au stéréotype baguette/fromage/vin. Il ne me manque plus que le béret pour faire bonne mesure !

Je dois aussi écrire que je me suis lancée à la mer seule pour la première fois de ma vie. Je crois avoir déjà écrit quelque part que l'océan me fascine autant qu'il me terrifie. Et si ce n'était pas assez explicite, ça l'est à présent. J'ai toujours envié les gens qui font quelques pas dans l'eau et qui disparaissent dans un plongeon pour ressortir des mètres plus loin comme des cormorans. J'envie leur assurance et leur enthousiasme. Je sais à peine nager et la mer m'impressionnera sans doute toujours beaucoup quelle que soit son humeur. Je crois que je me souviendrai longtemps du moment où je me suis avancée vers elle. Pas rassurée mais déterminée. C'est fou ce que l'on peut arriver à faire quand on laisse derrière soi les vieilles pressions ("Allez, viens, elle est bonne ! Olala mais t'as peur de quoi ?!") et le regard des autres. Je suis assez fière de moi. En bikini et dans l'eau. J'y suis retournée une seconde fois et j'ai réessayé aujourd'hui mais elle était trop froide. J'aimerais nager nue avant la fin de mon séjour. Je m'en fais une idée libératrice.

Lors de mon dernier écrit, je me suis rappelée bien plus tard que j'avais omis d'écrire quelque chose au sujet de mon sommeil ici. Les premiers jours ont été marqués par des cauchemars saisissants. Celui dont je me souviens le mieux est celui où un bourreau s'approchait de moi avec une torche et mettait le feu à mes cheveux. Toute ma tête brûlait vive. Le reste de mon corps était indemne. Et sans transition aucune, j'ai aussi eu un rêve sans consistance d'un acteur britannique assez populaire outre-atlantique. Je ne l'ai pas rencontré mais j'ai appris qu'il était sur l'Île à mon réveil... Et puis il y a ces nombres, ces chants et ce nom qui n'ont cessé de revenir. Je ne sais jamais si c'est pour me bénir ou me hanter. Ni même si ces messages sont bien pour moi. Peut-être que comprendre ne me regarde pas.

Je suis mon coeur.

Zaphir

25 septembre 2021 à 21h51

Sans surprise, j'ai envie de repartir. Déjà. Et il est certain que je repartirai. Je repartirai bientôt, quand je me sentirai appelée. L'Île me manque et me manquera beaucoup mais je ne suis pas triste d'être rentrée. J'ai même l'impression d'apprécier davantage ce que j'ai maintenant que je suis apaisée après le bouleversement de mon premier voyage. Je ne peux pas être triste. Je me sens présente et calme. Ça me fait du bien. Cette Île existe et je ressens tellement de gratitude de l'avoir découverte au bon moment dans ma vie. C'est une chance d'avoir pu y retourner si vite, si bien.

Un matin, je me suis réveillée avec l'envie de prendre de large et de traverser le petit bout de mer qui me séparait de l'autre particule de l'Île. Je m'étais longtemps dit que je n'irai pas cette fois-ci. Ce n'était pas prévu dans mon budget et je n'avais pas envie d'être mêlée aux couples et aux familles. J'ai sauté du lit, acheté les premiers billets en ligne et me suis rendue au port dans la foulée. Pas lavée, pas caféinée, avec un peu de n'importe quoi dans le coffre pour assurer la journée. J'ai envoyé un message à mon frère pour lui faire part de cette impulsivité, si loin du mode d'organisation qui nous a sauvé mille fois la vie et qui est mon mode d'emploi.

J'ai fait une sacrée manoeuvre dans le ferry pour caser la voiture et je suis restée sur le pont pour la traversée. D'abord parce que la vue était superbe et ensuite parce que j'évitais le mal de mer. Peut-être qu'un jour, je prendrai ma propre voiture et traverserai tous les pays jusqu'au port pour rejoindre l'Île...

J'ai poussé aux quatre coins, avec une jolie randonnée dans un paysage quasiment désertique. J'ai levé mes bras au vent. Quand le ciel est dégagé, on perçoit d'autres continents à l'horizon. C'est drôle car l'Île est située exactement entre là où j'ai vu le jour et l'île de mes ancêtres. Le juste milieu. La mer est plus agitée, plus translucide. Les lézards sont d'un vert éclatant. Les plantes grimpent vers le soleil et meurent du soleil...

Le retour sur les ombres de la ville s'illuminant à la tombée de la nuit était magnifique. Il faisait frais, presque froid mais j'étais grisée.

Je suis passée entre les gouttes des derniers jours. La pluie a fait retomber le sable et les poussières. La chaleur était moins suffocante. Je me suis fait faire trois nouveaux tatouages par une jeune artiste, soeur de la cuisinière que j'ai rencontrée lors de mon premier voyage. J'ai été submergée d'émotions en voyant le résultat final. J'ai rapporté d'autres souvenirs auxquels je n'avais pas pensé la première fois : quelques produits locaux pour les moments où le manque se fera plus intense et remuer mes sens pour mes séances de méditation. Je veux pouvoir repartir là-bas rien qu'en fermant les yeux.

J'ai découvert quelques trésors dans une petite boutique au nom énigmatique et évocateur d'un village que j'ai pris en affection. J'y ai trouvé ce que je cherchais depuis mon arrivée (et que ni la ville, ni Internet ne proposent) : un livre de photographie et d'Histoire qui raconte l'Île. C'est un livre d'occasion, un peu usé et tout à fait fascinant. Il était en vrac sur les marches au milieu d'autres bouquins en tous genres. Il m'attendait sagement.

Je suis repartie de nuit, sous un restant de pleine lune et d'orage. Dans l'avion, j'ai suivi les éclairs des yeux jusqu'à ce qu'ils disparaissent de mon champ de vision... C'était magique. Là-haut, j'ai eu une pensée hyper-solaire pour les gens que j'ai retrouvés et rencontrés. Des filles de la retraite jusqu'à cette famille qui faisait des signes au-dessus de l'autoroute auxquels j'ai répondu. Sans se connaître, on s'est tous salué et souri. Et puis et surtout ma prof de yoga dont l'infinie sagesse et douceur m'accompagnent encore aujourd'hui. Une des filles m'avait dit : "Tu l'aimes beaucoup, n'est-ce pas ? Mais est-ce que tu lui as dit à quel point ?" Non. Bien sûr que non. Mais je suis convaincue qu'elle le sait. Elle a dû ressentir quelque chose car elle m'a envoyé un message au moment où j'atterrissais...

Avant de retourner sur l'Île, j'ai lu un livre que ma colocataire de chambre avait trouvé dans la maison. Je n'en connaissais pas le titre mais elle m'avait épelé le nom de l'auteure et je savais que je reconnaîtrais le livre à la singularité de son format et de sa couverture. Quand je suis allée l'acheter, il était là, en évidence au sommet du rayon alors qu'il est sorti en 2008 et n'a plus rien d'une nouveauté. J'ai juste eu à tendre le bras et à rester scotchée devant son titre. Ce titre qui est également celui de l'album qui chante et mesure l'essence même mon cheminement. C'était troublant. Et aussi pour son emblème dont la lettre est celle du prénom de cet homme...

Cet homme qui s'éveille lentement quelque part et qui est déjà passé par là. Cet homme dont l'approche m'a été annoncée au moment où je m'apprêtais à quitter l'Île alors que tout m'appelait à rester la première fois... Cette fois-ci, je savais qu'il n'était pas là et qu'il ne serait pas là. Ce n'était pas pour cette fois-ci. Et je savais au fond de moi où il était affairé sur Terre. Ce voyage, je l'ai fait pour moi, pour être sûre de ce que j'avais ressenti la première fois. J'avais besoin d'avoir une confirmation que cet endroit n'était pas une lubie de vacances ou une destination passagère. L'ancre et les dés y sont jetés.

Pendant ce voyage en solitaire, j'ai entamé une nouvelle lecture qui a été recommandée par ma pote de fortune de voyage à notre prof de yoga lors de notre première escapade. Elle avait partagé la référence sur notre groupe de discussion et j'ai acheté tous ces livres en même temps. Je viens de l'achever. L'histoire est magnifique et j'ai très vite compris pourquoi elle le lui avait conseillé.

Et puis, page 440, son prénom sort de nulle part, avec cette orthographe si spéciale que je n'avais jamais entendu ou vu auparavant. Avant de savoir. Parmi tous les prénoms qui existent, il fallait que cela soit le sien. Il réapparait de temps en temps au fil des pages et, de la même façon qu'il revenait inexplicablement dans la bouche d'une de mes camarades, c'est toujours le même choc... Je me dis qu'avec son prénom, il pourrait facilement passer pour un gars de la région.

L'enfant de cette histoire s'appelle comme mon frère. Le fil maternel omniprésent m'a renvoyé à mes propres doutes et incertitudes sur la réalisation de ce rêve gigantesque qui est le mien. J'ai déjà imaginé un nombre incalculable de fois avoir un enfant. J'ai toujours idéalisé les grandes discussions autour du choix du prénom. A une époque, j'avais une liste de mes prénoms préférés et j'ai réalisé que le premier prénom pour un petit garçon était un petit bout du sien (et qu'il était écrit en majuscule sur un panneau publicitaire dans l'allée où je vivais). Le choix pour une petite fille est plus compliqué. Parce que je suis une fille et que j'ai dû changer de prénom pour être "validée" socialement. Il y en a un qui revient assez souvent et que j'aime beaucoup mais celui de ma prof de yoga résonne énormément depuis que je l'ai rencontré. Il est tout aussi rare. Il a quelque chose de secret, de précieux.

Et page 770, elle est là. Secrète et précieuse. J'ai lui ai envoyé un message pour lui montrer en lui indiquant que si elle ne se décidait pas à l'acheter, je serai obligée de lui apporter la prochaine fois. Et pour la juste mesure, le personnage principal tombe enceinte et lui donne son prénom. Si un jour j'ai une petite fille, je crois que je l'appellerais comme elle.

Ce livre reporte à un autre que j'avais failli acheter avant de partir. J'ai jeté mon dévolu sur un autre du même auteur mais j'ai fini par l'acheter aujourd'hui puisqu'il semblerait qu'ils se parlent entre eux et qu'ils soient tous porteurs de messages... J'ai compris plusieurs choses. Limpides.

J'ai commencé à envoyer ma candidature à quelques offres. Je me sens enfin prête à reprendre une activité professionnelle. J'espère trouver un poste et une entreprise qui feront sens mais je me sens moins exigeante qu'avant. J'ai besoin de retrouver la zone de confort d'un salaire plein. J'ai besoin de cet argent pour construire le prochain chapitre de ma vie. Maintenant que j'y vois plus clair, que j'ai un but et ce sentiment unique d'appartenance à une terre, je suis motivée à fournir les efforts nécessaires pour la revoir et tenter d'y faire des projets sur du moyen et long terme.

J'ai toujours voulu avoir une famille et faire partie d'une famille. Je veux ma famille. Je commence par les racines. J'ai cette chance inouïe de savoir d'où je veux venir.

J'ai acheté des roses.

Un château en Espagne

11 octobre 2021 à 20h28

Je suis allée chez mon père pour la première fois de ma vie. Nous vivons à quelques mètres l'un de l'autre depuis 7 ans mais il ne m'avait jamais invité.

Il y a quelques années, j'avais été très blessée lorsque mes grands-parents m'avaient révélé qu'il ne m'avait jamais proposé de passer chez lui par crainte que j'empiète sur son intimité. Comme si je lui avais donné la moindre raison de penser ça. Puis il m'avait avoué un peu plus tard qu'il considérerait ma présence chez lui comme une intrusion. Je n'ai pas compris pourquoi il était si dur et j'en avais souffert.

Je ne m'introduis pas chez les gens. D'une part, je n'ai aucune raison d'être chez lui (ou chez qui que ce soit d'autre d'ailleurs) puisque j'ai mon chez-moi et que je vis en toute autonomie. D'une autre, je n'ai pas à être traitée comme une pestiférée (par lui ou qui que ce soit d'autre d'ailleurs). Alors pendant toutes ces années, je n'ai pas eu l'ambition d'y aller mais j'ai cultivé cette idée de ne pas être la bienvenue dans son sanctuaire.

Et puis nous l'avons rencontré sur le trajet vers le restaurant où mon frère moi avions décidé de déjeuner l'autre jour. Je l'ai reconnu de loin avec son petit sac. On s'est arrêté sur le bas côté et, comme il se rendait aussi au centre commercial, nous l'avons emmené avec nous. Il n'a pas souhaité se joindre au repas mais il est resté prendre le café.

Comme à chaque fois que mon frère est présent, j'ai très vite été éclipsée. Évidemment, toute son attention s'est portée sur "celui qui a réussi". Une pluie de questions sur une vie pleine de promesses. Une vie qu'il n'a pas mis au monde, qu'il envie peut-être, qu'il admire sans aucun doute. Il ne se rend même pas compte qu'il lui propose de l'eau, la petite gourmandise qui accompagne le café, etc. sans jamais m'adresser la pareille. Je ne me demande plus pourquoi je suis traitée différemment. J'ai en pleinement conscience et je sais que je ne peux rien y changer.

Cela m'a demandé des années et une force dont je ne me croyais pas capable mais j'ai fini par reprendre le pouvoir sur ce conflit interne et externe. Il a duré trop longtemps. C'est du passé et je n'y reviendrai pas. A quoi bon ? Je m'y perdrais à nouveau. Je me contente d'essuyer l'impolitesse et de me protéger.

J'ai réglé la note. Il était contrarié que j'ai payé son café alors, avant de nous quitter, il a lancé une invitation à déjeuner pour un autre jour. Je savais qu'il le faisait parce qu'il se sentait redevable. Je n'étais initialement pas prévue dans son programme. Il voulait déjeuner en tête-à-tête avec mon frère. Nous avons accepté.

Il nous a demandé de passer le chercher à midi. Arrivés en bas de chez lui, j'ai laissé mon frère l'appeler pour le prévenir que nous l'attendions. Ni lui ni moi n'avons osé sonner à l'interphone de peur de se faire jeter. Nous sommes restés bouche bée en entendant : "Vous voulez monter un instant ?"

Il habite au dernier étage. La cage d'escalier en tomette est étroite. Et son appartement l'est aussi. Le premier mot qui m'est venu pour qualifier son lieu de vie est "rudimentaire". Rudimentaire et impersonnel. Un papier-peint passé, qui ne renvoie aucune lumière. Un salon en longueur où les meubles sont noirs et n'ont aucune identité. Pas une poussière, pas une égratignure. Les fenêtres sont coupées en leur centre par un rideau. Le balcon est recouvert d'une bâche et donne sur un joli coin de forêt. Un écureuil faisait ses provisions pour l'hiver et cela enchantait mon père. Des petits papillons, probablement collés par l'ancien locataire, sur un placard qui doit être une penderie. Une salle de bain dénudée où trône une chaine pliante. La cuisine où des tomates retournées séchaient sur le haut du frigo. L'électroménager a jauni et aurait besoin d'être rénové.

L'appartement est vieillot et d'une propreté irréprochable. Cette visite a été courte mais elle est imprimée dans ma mémoire. J'en ai parlé à mon frère une fois que nous nous sommes retrouvés seuls chez moi. J'ai tout scanné sans rien toucher. J'étais heureuse de poser mes yeux sur ses livres et sur sa guitare. Il a aussi gardé la lampe jaune que nous avions choisi quand j'étais enfant. Ce sont les seules marques de sa présence dans cet appartement.

Ce n'est pas d'être chez lui ni la simplicité de son mobilier qui m'a bouleversé. C'est le manque de vie général de cet environnement, stérile et anonyme. J'ai toujours eu une vision solaire du toit que l'on a au-dessus de la tête. Comme un cocon, un refuge synonyme de sérénité et de chaleur où on s'entoure de ce qui nous tient à coeur ou nous rassure. Un endroit paisible où l'on peut se délester d'une carapace après une journée difficile pour se retrouver, se nourrir ; un endroit pour avoir des envies, des rêves à projeter et à concrétiser. Et il fait tellement froid dans cette maison. J'y ai senti l'hiver et la mort.

J'ai apporté tellement de moi, tellement de soin dans mon nouvel appartement que j'ai eu l'impression de lui exposer une opulence orgueilleuse qui fait contraste à son cadre de vie. J'ai fini par avoir de la peine pour lui et honte de moi, de mes possessions et de mon bien-être. En fait, ce n'est pas de l'opulence car je n'ai rien de luxueux et je ne me vante de rien. Je n'arrive pas à trouver le bon mot. Mon appartement est plus grand et je l'ai rendu vivant en y déversant ce qui m'anime. C'est ce qui fait que je m'y sens bien. Et je crois que c'est un lieu agréable à vivre.

J'ai pensé à tout ce qu'il nous offre. J'étais très mal à l'aise du confort matériel qu'il nous donne au détriment du sien. Il le fait de lui-même, nous ne demandons rien. Il a les moyens d'améliorer certains aspects de sa vie et il choisit chaque jour de ne rien en faire. Est-ce par punition d'une vie qu'il subit, d'une société qui le largue ? Est-ce qu'il attend réellement son heure pour partir sans aucune attache, sans rien pour rappeler sa personnalité ou son passage ? Je n'ai jamais saisi la complexité de son caractère : impénétrable, pessimiste au point d'en être parfois cruel mais d'une générosité sans nom. Je ne comprends pas pourquoi il se sacrifie au lieu de vivre.

Si mon frère n'avait pas été là, je n'aurais rien découvert de tout ceci. Je n'aurais pas eu ces prises de conscience non plus. J'apprécie encore plus ce que j'ai et la chance que j'ai d'avoir ce que j'ai. Et il n'y a rien à comprendre. Même si il n'y a rien de mal à souhaiter que mon père ne manque de rien, je ne peux pas comparer nos choix ni les opportunités qui ont contribuées à nos vies. Cela n'aurait pas de sens. Nous assumons chacun notre part de ce que nous avons et de ce que nous n'avons pas - que nous puissions l'avoir ou non. J'accepte mes ressentis de culpabilité. Je crois qu'ils sont assez naturels (et même partagés par mon frère) mais je n'ai rien à changer. Ça ne m'appartient pas. Ça ne m'appartiendra plus jamais.

* NB : En fait, j'avais bien acheté le livre évoqué dans mon dernier billet avant de partir sur l'Île. Je l'ai acheté sans savoir que la lecture entamée là-bas y ferait référence tout du long. J'ai oublié qu'il m'attendait à la maison. Du coup, je l'ai en deux exemplaires. J'ai commencé à le lire après avoir fait une pause avec un contenu un peu différent (et décevant). *

Mektoub

8 novembre 2021 à 20h27

Je ne compte plus toutes les fois où je me suis dit : "Il faudrait écrire tout ça." pour finalement continuer ma vie sans prendre le temps de me poser, de me connecter et de me lancer. Il n'y a rien d'important mais j'ai besoin de consigner ces bribes de vie quelque part. Du coup, mon écrit sera un espèce de bric-à-brac de petites choses décousues.

Je suis allée chez mes grands-parents. Je crois que je n'y suis jamais autant allée à reculons. J'y suis allée pour remplir une sorte de devoir. J'y suis allée par obligation et culpabilité. Cet état d'esprit montre à quel point il me reste encore du chemin à faire avant d'être quelqu'un de bien. Ils en jouent beaucoup aussi. Les sorties se limitent de plus en plus. Ils regardent le ciel et commentent la météo toute la journée. J'ai l'impression qu'ils me cachent certains maux mais je les vois décliner à petit feu quand ils pensent que je ne les regarde pas. La cohabitation est difficile et devient invivable au bout d'une petite semaine. Leur pessimisme m'étouffe. Ils ne supportent pas mon assertivité, mes besoins de silence et de solitude...

Je suis sortie de table une fois. Papi insistait pour me faire parler de mes derniers entretiens et le sujet m'angoissait terriblement. J'ai répondu à toutes ses questions en lui demandant de clore le sujet à deux ou trois reprises. En parler me nouait profondément et je me sentais extrêmement vulnérable. Sauf que mes alertes ont comme attisé sa curiosité et je me suis sentie déborder hors de mon périmètre de sécurité. Je me suis levée et suis sortie pour ne pas hurler. J'ai laissé couler des larmes de rage. C'était très dur et j'étais soulagée de rentrer chez moi, d'enlever ce masque.

J'ai profité d'être chez eux pour remonter sur une balance. Cela faisait plusieurs mois que je ne m'étais pas pesée. Je n'en ressens pas vraiment le besoin mais je suis toujours curieuse de voir où mon corps en est. Je le vois se transformer semaine après semaine, sans comprendre comment cela est possible. J'essaie d'évoluer avec lui mais il change si vite que je n'ai pas le temps de m'habituer - physiquement et mentalement - à cette métamorphose. Je le vis comme un choc. Je ne cherche pas à le contrôler. Je veux lui donner ce qu'il me réclame, ce dont il a besoin. C'est ce qui me parait le plus juste à faire. J'essaie d'être plus gentille avec lui aussi mais ce n'est pas toujours évident. Mon corps a changé, pas moi. Pas dans ce sens.

J'ai donc officiellement perdu plus de 30 kilos. J'ai recalculé mon IMC, histoire de voir si la "normalité" se rapproche. Et puis, j'ai haussé les épaules en regardant ces jauges de couleur. Quelle connerie. J'ai toujours beaucoup de mal à me regarder nue dans un miroir. Je trouve mes tatouages beaux. Et puis quand je m'habille, je vois mes vêtements flotter autour de moi comme des peaux d'éléphant.

Alors j'ai attendu l'offre d'un emploi pour les mettre en vente et en racheter à ma nouvelle taille. Je passe du 50/52 au 42/44. Pour la première fois de ma vie, je rentre dans des boutiques de mode et laisse les vendeuses jouer à la poupée.

Je n'ai pas très envie de parler de ce nouvel emploi. Comme la majorité des opportunités qui se sont présentées ces dernières semaines, il est venu à moi sans que je postule et n'a rien d'enviable au premier abord. Le processus de recrutement est le plus abstrait et atypique que j'ai eu de ma vie. Ma part de rationalité reproche (et se reproche) ce manque de convention ; et l'autre sait qu'elle doit le faire et y aller sans peur et sans se poser de question. Je sais pourquoi et pour quoi. Ce n'est que temporaire et, qui sait, je vais peut-être m'y plaire.

DD s'est arrangée pour partir en vacances depuis la région parisienne. Je suis allée la récupérer à la gare et nous avons passé le reste de la journée à parler spiritualité. C'est la première fois qu'une amie restait dormir à la maison et que quelqu'un partageait mon lit. C'était grisant de pouvoir échanger librement autour de nos expériences et de nos croyances respectives, sans jugement.

Et comme le hasard n'existe pas, elle est en train de lire le livre dont je lui ai parlé (celui de mes précédents écrits). Je lui ai offert le double de l'exemplaire du second livre que j'avais. Parce que ces livres se parlent, j'espère qu'elle y trouvera à son tour des réponses ou l'inspiration vers d'autres ressources pour continuer à paver son chemin. Elle a été mon amie spirituelle lors de ma dernière méditation.

Ghostbuster

3 décembre 2021 à 21h47

Les dernières semaines sont passées crescendo. Je m'accroche aux quelques instants où je me sens bien et centrée. J'ai l'impression qu'ils se raréfient, de les avoir volé à une partie de moi qui essaie de s'échapper et que je peine parfois à comprendre. Mais ce n'est qu'une impression. Ils sont là, tous les jours et plusieurs fois par jour, bien alignés et en accord avec ce que je suis et veux être.

Je médite et prie énormément. Je me réveille le matin avec le sourire aux lèvres parce que je crois sincèrement au potentiel de chaque journée. Mes premiers mots s'envolent. Mes orteils s'ancrent dans le parquet. Je me lève. Heureuse d'être vivante, d'avoir traversé la nuit et d'être quelques heures plus près de mes rêves. Ça y est. Je manque parfois de recul et de discernement mais oui, j'avance. Ce n'est pas un chemin aisé et droit mais c'est le bon. Il y a tellement de signes pour moi.

Depuis que j'ai commencé cette mission, je revois des fantômes. De toutes formes et de tous horizons. Curieux mélanges des personnalités et traits de caractère de TOUS ce.ux que j'ai déjà croisés depuis le début de ma carrière et qui sont sortis de ma vie pour le mieux. Je me souviens. Des flashbacks me reviennent et testent une nouvelle fois mon endurance. Des bouts d'histoire déjà vécus et vite reconnus. Il se peut que j'ai appris mes leçons. Et bien cette fois-ci. J'arrive à repasser mes lignes sans les annonces de cette colère destructrice que je forçais dans un mouchoir de poche de tolérance et qui finissait par craquer dans tout mon ventre.

Est-ce que c'est ça "faire la paix" ?

Ce chapitre se clôt pour toujours et me permettra d'avancer vers de nouveaux engagements. Je suis prête.

Je me sens encore en quête mais je ne suis pas sûre qu'il soit nécessaire d'avoir toujours toutes les réponses pour continuer à agir. Je ne peux pas m'empêcher de me voir comme une sorte d'architecte, artisan de tout un avenir à créer et à construire. C'est une telle chance de savoir où je veux aller et là où je ne retournerai plus. J'ai été très inquiète ces derniers temps mais ce qui n'a pas encore de sens finira par en avoir. J'ai confiance.

Ma mère est revenue de voyage. Elle m'écrivait avec insistance quand elle était au pays. Je me sentais un peu coupable de ne rien avoir à lui dire ; un peu coupable de ne pas ressentir de manque, de ne pas chercher son contact. Je lui ai balancé des banalités pour colmater le blanc.

Mon frère est allé la chercher à l'aéroport pour dépanner son mari. Le moteur de leur voiture a lâché sur la route alors qu'il rentrait d'Espagne, à 400 kilomètres de là. Il semblerait que mon frère ait roulé de nuit pour aller le récupérer et revenir à temps pour aller chercher la daronne. Mon frère était déjà brillant mais il est devenu un héros. Je n'ai plus reçu de message depuis.

D'ailleurs, le héros prendra un an de plus dans quelques jours. Je vais me lancer dans une nouvelle recette. Je vais lui préparer un joli gâteau. J'espère que ça lui fera plaisir.

Une secrétaire d'un hôpital parisien s'est moquée de moi au téléphone aujourd'hui. Ce n'est pas la première fois que des maltraitances arrivent. Je ne saurais dire si c'est par usure au bout de ces 21 ans de maladie chronique ou plus simplement l'épuisement de ces journées d'orage. Toujours est-il que je lui ai répondu comme j'aurais voulu répondre depuis le début. Pas pour la remettre à sa place ni pour me justifier. Juste pour qualifier des bons mots son indécence et son manque de savoir-être. Tout comme elle, j'ai des droits et celui d'être respectée et traitée avec dignité en fait partie. Que je sois patiente ou non finalement. Autant je comprends que les conditions de travail en milieu hospitalier soient difficiles ; autant je n'ai pas à être humiliée.

Est-ce que seulement ils se rendent compte de ce qu'ils renvoient de leurs métiers et de leurs êtres ?

Trianon

7 décembre 2021 à 21h53

C'est la première fois que j'ai revu ma mère depuis son voyage. Je l'ai trouvé distante. Méchante. Elle ne s'est pas du tout occupée de nous mais elle parlait volontiers à sa soeur et ma cousine.

Elle a pris le temps de faire la cuisine. Je lui reconnais cet effort pour lequel elle ne prend aucun plaisir et n'a aucun talent. D'ailleurs, sa soeur ne s'est pas gênée pour le lui faire savoir et lui dire que "ça se voyait depuis le début que son plat était raté". Cette remarque, gratuite et sans tact, était cruelle. Je ne sais pas quelles étaient les intentions de ma tante mais ses paroles m'ont coûté cher. Ma mère n'a pas tardé à s'en prendre à moi.

Ma mère sait que je suis sensible à ses critiques sur mon physique. Elle me gratifie toujours d'une ou deux paroles bien senties qui me donnent envie de me cacher, de disparaître. Ma mère aime mes imperfections parce qu'elles lui font oublier les siennes. Mes problèmes d'acné ne sont pas totalement résolus et ont laissé des traces sur certaines zones de mon visage. Ce n'est pas très joli mais j'essaie de les estomper avec un peu de maquillage quand je suis en public. La recouvrance reste superficielle et elle s'est empressée de scruter mon visage pour cibler les cicatrices d'anciens boutons.

Après avoir rempli le lave-vaisselle, je voulais me laver les mains et je lui ai demandé pardon pour qu'elle se pousse de devant l'évier. Elle était penchée sur le téléphone portable de ma cousine qui lui lisait un SMS. Elles étaient absorbées et ne m'ont pas entendu répéter. Alors je me suis penchée en avant pour avoir accès au point d'eau. Je n'ai pas fait attention et je me suis violemment cognée la tempe contre l'angle de la hotte. La douleur a été si vive que j'en ai eu les larmes aux yeux. Je me suis attrapée la tête sous le choc. Et elles n'ont pas bougé. Elles continuaient de parler entre elles comme si rien ne s'était pas passé. Ma cousine a fini par lever les yeux et me poser la question la plus stupide au monde : "Tu t'es fait mal ?"

Sa question m'a mise en colère et j'ai senti la douleur se décupler. J'étais furieuse. J'ai quitté la cuisine en jetant le torchon et suis allée dans la salle de bain pour me mettre un peu d'eau froide. J'ai ravalé mes larmes : à quoi bon ? Je serai toujours le brouillon, la transparente. C'était la journée de mon frère. Tout le monde était là. Je n'avais pas envie d'être responsable d'un scandale. Ni plus envie de rien. J'ai senti une bosse sous mes doigts un peu plus tard...

Il y a aussi eu ce moment où elle m'a aspergé de sauce alors que je l'aidais à servir le déjeuner autour de la table... Cette indifférence profonde pour la pâtisserie d'anniversaire de mon frère que j'ai passée la veille à préparer (délicieuse et vite expédiée) et pour les derniers évènements de ma vie pour lesquels elle n'a pas cherché à prendre la moindre nouvelle. Des petits gestes subtils empreints de vengeance alors que je n'avais rien fait. A part être là. J'étais contente de rentrer chez moi.

J'ai passé une seconde soirée avec mes collègues. Cette fois-ci, nous avons débarqué chez une d'entre elles, les bras chargés de bouteilles en tous genres. Je suis partie un peu avant minuit. Beurrée. Les pas lourds d'alcools dans le sang, la tête pleine de bruits, la batterie sociale à plat. J'avais honte. Un immense sourire hypocrite sur mes lèvres pour me protéger, des actions, des vérités - des infractions que je m'inflige pour apparaître "normale" et "valide".

Je n'aime pas ce que je suis quand je suis avec eux. Ils sont si méchants les uns envers les autres. Comment est-ce possible d'être aussi méchant ? Et qu'est-ce que je fous là ? Je ne suis pas naturelle quand je ne me sens pas en confiance. J'améliore ou m'invente un passé sentimental. Je mens pour "être comme les autres" et acceptée dans ce clan. Ne pas être publiquement cette vierge tardive et célibataire qui ne fait rien pour changer ou modifier ses standards, qui ne sait pas aimer assez bien pour envisager d'être aimée. Je me déteste quand je mens et plus encore quand je me mens. Et je ne devrais pas me faire du mal comme ça.

J'ai si bien donné le change qu'ils m'ont ajouté à leur groupe de discussion privé. Une cour de récréation.

Des fantômes disais-je. L'histoire se répète. Je l'ai dit. Je le sais.
Je veux qu'on me sorte de cette expérience. Elle peut prendre fin. Je veux être et me réaliser à ma place.

Un signe que j'attendais depuis septembre est apparu un matin sur mon écran. J'en ai eu beaucoup, beaucoup d'autres mais celui-ci était nourri d'attente.

En revenant de mon dernier voyage, je m'étais dit qu'il faudrait un jour que je traverse le continent en voiture pour prendre le bateau. Je me suis imaginée partir au début de l'été et faire plusieurs escales dans des endroits paumés avant d'arriver sur l'Île. Je me voyais y poser mes bagages pour la haute saison et revenir vers la rentrée par une boucle gigantesque qui me ferait passer par au moins deux villes qui m'intriguent... Je prenais le temps de m'arrêter un jour ou une semaine selon l'humeur. Est-ce que je finissais par rentrer chez moi ?

Et puis en découvrant ce signe, je me suis soudainement rappelée des mots entendus de "ma" prof de yoga qui me disaient : "Avant d'envisager de t'installer ici, tu devrais aussi voir l'Île l'hiver. C'est très différent l'hiver.". Et enfin trois mots qui ont résonnés une seule fois dans ma tête.

J'ai proposé à DD de venir passer le Nouvel An sur l'Île avec moi.

Petit paradis

16 décembre 2021 à 16h42

Tellement hâte de rendre mon tablier, de tourner cette page de conclusion à d'anciens schémas finis et usés. Du déjà-vu d'un bout à l'autre. Et je me sens à la fois tellement fatiguée d'être cette imposteur et soulagée d'arriver, toute solide et parfaitement entière, à une vraie fin. J'ai relevé le défi. J'ai passé les tests. Je n'ai pas envie d'épiloguer sur ces épisodes de bizutage et autres joyeusetés. J'ai juste besoin de passer à autre chose ! La ligne d'arrivée est toute proche, à portée de pieds...

DD a répondu. Les dates sont légèrement différentes que celles que j'avais imaginées (mais ça m'apprendra à m'imaginer trop de choses). Concrètement, je suis flexible et mon temps s'y prête. Je ne pensais pas qu'elle puisse avoir autant d'engouement pour une proposition aussi spontanée. Je l'avais plutôt envisagé en été, plutôt en solo. Après tout, nous nous connaissons que très peu mais elle a sauté à pieds joints dedans. Alors on y va !

Tout s'est fait très vite. J'ai géré la logistique (elle déteste ça). Je ferai une escale chez elle le premier soir et nous partirons tôt le lendemain matin pour faire le reste de la route jusqu'au port... On passera une nuit à bord du ferry et on arrivera sur l'Île au petit matin. Avec un peu de chance, je n'aurai pas le mal de mer et nous verrons le soleil se lever depuis le pont. Je nous ai trouvé un cocon qui me rappelle ma première expérience sur l'Île. En regardant les photos, elle l'a qualifié de "petit paradis"...

Elle m'a aussi dit qu'il était important pour elle de danser au Nouvel An. Je lui ai proposé deux soirées dont une connaissance sur place (un peu sortie d'un chapeau) m'a parlé et, sans même regarder le programme, j'ai tout de suite su où nous devions réserver... Quatre signes que je n'ai pas pu ignorer. Voire cinq si je compte l'achat compulsif de cette petite robe il y a quelques mois. J'avais hésité et puis je me suis dit : "Non, tu ne pourras jamais la porter pour aller travailler mais tu la porteras à un Nouvel An ou quelque chose dans ce goût-là."

Je dois écrire que je suis très intimidée à l'idée de faire cette sortie et d'aller danser le soir parmi la foule. Je n'ai jamais fêté le Nouvel An autrement qu'autour d'une table d'un ennui mortel avec la famille. Je ne suis jamais allée dans une boite de nuit. J'en n'ai jamais eu l'occasion. DD est beaucoup plus extravertie que moi et, sans elle à mes côtés, je ne me dirigerai pas vers cette première expérience...

Elle ne restera que quelques jours. J'y resterai une bonne semaine. Je suis partagée entre plein d'émotions. L'excitation de revenir, la joie des retrouvailles avec cette terre promise et pouvoir la partager avec une des plus belles rencontres de l'année. Mais aussi la peur qu'elle regrette ce voyage, qu'elle se lasse ou se fatigue de ma compagnie. Qu'elle ne reconnaisse pas autant que moi ce que l'Île a à offrir, qu'elle ne le voit tout simplement pas, qu'elle soit déçue ou ne s'y sente pas à sa place.

Et si l'Île, si différente soit-elle, ne me plaisait pas autant en hiver ?

C'est la première fois de ma vie que je ne prévois pas de date de retour. Quatre options se présentent à moi mais, à ce jour, je suis incapable de choisir. En temps et en heure, je sais que je ferai ce qui me semble le plus juste. Et puis c'est peut-être pour le mieux de ne pas avoir totalement le contrôle de ce projet. Ça laisse de la place à la créativité de la vie...

Rien que d'écrire tout ça, je sens mon coeur qui bat et un sourire aux lèvres... J'ai l'impression d'être appelée à rentrer chez moi. Il y a une hâte réservée et sûre. Et puis, c'est aussi très symbolique de commencer cette année autrement, tout spécialement là-bas.

J'ai profité du Black Friday pour m'inscrire sur Babbel et apprendre les rudiments de la langue. C'est tout rouillé mais il faut bien commencer quelque part.

Je suis allée faire du sport ce matin avant de télétravailler. La petite marmotte en moi serait bien restée au lit mais je savais que je ne regretterais pas de me secouer un peu. Autant je fais sans doute trop de sport pendant les périodes creuses où je laisse peu ou prou de répit à mon corps pour se régénérer d'une séance sur l'autre (et encore plus quand une part de moi est en souffrance), autant il faut que je réussisse à trouver un équilibre pour maintenir une activité physique régulière quand je travaille. J'adore y aller très tôt le matin. Ça me met dans une forme olympique pour toute la journée !

Shanti

21 décembre 2021 à 18h19

J'ai fait ma troisième dose de rappel. J'ai le haut du bras un peu endolori mais je suis contente d'avoir réglé cette formalité. Plus la journée passe, plus je me sens un peu patraque. Ma gorge picote. J'espère que je ne suis pas en train de tomber malade car j'ai prévu de cuisiner plein de bonnes choses pour Noël et je compte honorer mes ambitions ! La cuisine sera ma soupape cette année encore. Je me lance dans de nouvelles recettes dont une adaptation de mon cru. J'aimerais retrouver mon carnet de notes de cuisine. Il regorge de classiques améliorés, dont j'ai perdu la trace depuis l'emménagement. Ces pages pleines de farine et de jaunes d'oeuf séchés me manquent...

Il y avait un monde fou au centre commercial. Tous très affairés, très stressés. Je voulais m'acheter une paire de chaussures d'hiver mais ça peut attendre. D'autant plus que mes finances ne sont pas extraordinaires et que je préfère rationaliser pour ne manquer de rien quand j'en aurai besoin. J'ai acheté de quoi me nourrir pour les quelques jours qu'il me reste avant de prendre la route... J'ai aussi commencé à stocker des provisions sèches dans la voiture. Autant de choses que je n'aurai pas à racheter sur place.

Ma prof de yoga nous a envoyé une méditation à faire aujourd'hui à une heure bien spécifique. Mais ma méditation de ce matin m'a conduite vers d'autres réflexions très profondes.

Tout d'abord, le fait que cette méditation écrite par un de ses amis ne résonnait pas pleinement avec mes valeurs. Il y a une ligne bien spécifique que j'ai relue plusieurs fois et à laquelle je n'adhère pas du tout. Je ne peux pas la prononcer et je refuse tout simplement d'énoncer des intentions ou des prières qui ne sont pas les miennes.

Je viens également de me dire (et je n'y avais pas pensé avant maintenant) que je ne médite pas sur horaire. A mon sens, une méditation n'est pas un rendez-vous. Enfin, si, c'est un rendez-vous mais un rendez-vous avec soi-même et son libre-arbitre avant tout. Il faut se sentir disponible pour l'être vraiment.

Et ce matin, disais-je, j'étais totalement disponible pour regarder le soleil se réveiller et prier en regardant la perfection du ciel se coudre de blanc par le sillage des avions. Je n'avais pas prévu de méditer mais j'étais bien. Cela fait plusieurs jours que je ressens le besoin de pleurer et j'y suis parvenue en mettant enfin des mots sur la fin d'un chapitre important, décisif.

Je me suis fait la remarque que si je regrette mes deux tentatives de suicide dans la faiblesse et la dureté de ces actes contre-nature sont et représentent, je ne regrette pas d'avoir côtoyé l'envie de mourir car elle est très humaine. Humaine et vulnérable.

"L'Homme est seul à croire que la mort est sa liberté."

Je ne regrette pas d'avoir survécu. Je me suis beaucoup fatiguée à me débattre avec ce qu'on essayait de me faire comprendre, de me mettre dans les mains. Sans cela, sans cette conscience-là, je n'aurais pas découvert ces autres dimensions de la Vie qui me mettent en curiosité et en appétit de la vivre. Pas pour me racheter de mes mauvaises actions ou de mes regrets - ce qui est fait est fait - mais parce qu'il m'a fallu habiter l'envie de mourir pendant un temps, la traverser entièrement pour trouver la Vie. Je demande le Pardon car je veux être digne de ses cadeaux. Parce que malgré tous mes vices, elle m'en fait quotidiennement.

Je n'ai pas fait un bilan de cette année - qui est pourtant une des plus riches et transformatrices de ma vie. Mon cheminement remonte bien plus haut, bien plus tôt. Je ne peux pas vraiment le dater car je me suis rendue compte en tenant un "cahier des signes" (qui se remplit à une vitesse folle) qu'il est bien antérieur à 2013. Je peux simplement constater l'ampleur et l'accélération de cet éveil dans le temps, et surtout depuis début 2020. Je ne suis pas prête à partager publiquement toutes les choses incroyables et irrationnelles qui font ce que ma Vie est devenue, est et est en train de devenir. Tout est si dense, si intense. Tout est en marche depuis si longtemps. Et je ne peux rien y faire ni refermer cette porte qui ne demandait qu'à être ouverte depuis tant d'années.

C'est à tout ce travail que je veux rendre hommage, que je veux honorer.

Comme un long accouchement douloureux et libérateur, je reviens au monde. 2022 est mon année.

2022

11 septembre 2022 à 20h30

Mon premier écrit de l'année.

*Bulle* est devenue *Hestia*.

L'Île est (toujours) Ibiza.

J'ai tant à écrire mais, maintenant que je suis devant cette page presque blanche, est-ce que j'ai vraiment envie de me rappeler et de "revivre" certains épisodes ?

Quelques mots avant les détails.

Le Nouvel An à Ibiza. L'indescriptible bonheur de Respirer à nouveau. Je suis chez moi. Le soulagement en déposant DD à l'aéroport et d'être enfin seule. Avoir la place et le temps de partir en quête de mes propres secrets. Ibiza en hiver est une raison de vivre incroyable. J'y retournerai toute ma vie. Des heures de méditation et de lecture. Inspirantes. Prolonger ma location. Mon intuition me guide à Majorque... Une chambre avec vue. Les amandiers en fleurs. Des petits coeurs de couleur en céramique. Les livres de la villa. Les citronniers et les oranges dans le jardin. Un homme nu sur la plage.

Suivre les signes et les écrire tous les jours. Pour être sûre que ce que je vis est bien réel. Les accueillir avec soin, certitude et gratitude. Sept carnets pleins jusqu'aux couvertures. Recevoir la magie de ce surnom. Je me fous de l'irrationnel. Je vis une expérience spirituelle unique qui ne s'arrêtera plus jamais ! Quel voyage exceptionnel.

Traversée en ferry jusqu'à Barcelone. Retour sur le continent. Route de nuit sous la pleine lune. Quelques jours dans cette location vide. Explorer la région. Être un Petit Poucet de l'Univers. Longer la mer tous les jours. Aimer la mer. Dans une presque folie. Et sentir, un soir, qu'il est l'heure de rentrer... après un mois. Comme tout est parfait.

Offre d'emploi dès mon retour. Les dates se dessinent sans effort : visite chez mes grands-parents, une formation Reïki (premier degré fou, fou, fou), le mariage de mon frère, mon anniversaire et l'été à Ibiza... Antidote.

Un, deux, trois mois... Rupture de période d'essai à l'initiative de l'employeur. Des mots durs. Très durs. Inappropriés. Deux semaines interminables à encaisser les mensonges, l'hypocrisie et le mépris de cet environnement. Friable, fatiguée, malade... et pauvre.

Vendre des vêtements et des livres pour remplir le frigo. Ne pas renoncer au seul projet qui fait sens, qui me tient débout. Chasseurs de tête. Nouveau contrat de travail en moins d'une semaine. Une semaine d'instabilité écrasante. Confiance et amour-propre en confettis. Période d'essai validée le soir où je reprends la route vers le Sud...

Renaissance.